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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/669/2021

ATAS/277/2022 du 24.03.2022 ( LAA ) , REJETE

Recours TF déposé le 18.05.2022, rendu le 11.01.2023, REJETE, 8C_286/2022
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/669/2021 ATAS/277/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 24 mars 2022

3ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié au PETIT-LANCY, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Dalmat PIRA

 

 

 

recourant

contre

CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS - SUVA, sise Fluhmattstrasse 1, LUCERNE

 

 

 

intimée

 


 

 

EN FAIT

 

A. a. La société à responsabilité limitée B______ (ci-après la société), active dans les constructions métalliques, dont Monsieur B______ était l’associé gérant, a été inscrite au registre du commerce le 19 octobre 2018.

b. Dès cette date, la société a été affiliée auprès de la CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS (ci-après la SUVA) pour la couverture des accidents et des maladies professionnelles.

c. La société ayant annoncé la cessation de ses activités au 31 décembre 2019 à la SUVA, celle-ci lui a confirmé la résiliation de l’assurance à cette date par courrier du 7 janvier 2020.

B. a. Monsieur A______ (ci-après l’intéressé), né en 1986, a été hospitalisé au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) le 12 mars 2020, à la suite d’un accident ayant entraîné plusieurs fractures du rachis et du poignet. Le 23 mars 2020, il a été transféré aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), où il a séjourné jusqu’au 1er mai 2020.

b. Le 16 mars 2020, les pouvoirs de M. C______ ont été radiés et Monsieur D______ est devenu l’associé-gérant de la société.

c. A la même date, la société, par M. D______, a adressé à la SUVA une déclaration de sinistre selon laquelle l’intéressé, employé depuis le 9 mars 2020, était tombé d’une échelle le 12 mars 2020.

d. Par courriel du 17 mars 2020, M. D______ a adressé à la SUVA le courriel suivant :

« J’ai repris la société environ y’a 10 jour le registre du commerce va le publier j’ai repris l’activité dès la signature au notaire D______ 25/04/93 La date du sinistre a été fais le 16mars 2020 Et l’accident le 12/03/20 Merci » (sic).

e. Par courriers des 19 et 25 mars 2020, la SUVA a invité la société à lui faire parvenir certains documents en vue de déterminer son obligation de prester, en lui rappelant son obligation de collaborer et les conséquences d’un défaut de collaboration. Elle a notamment requis des preuves concernant les contrats confiés à la société et ses moyens d’exploitation, des informations concernant le personnel, des extraits de ses comptes bancaires et postaux, des documents comptables, ainsi que les attestations d'annonce et d'affiliation auprès des assurances. Elle a également requis le détail des heures travaillées par l’intéressé et des copies de sa fiche de salaire pour mars 2020 et de son contrat.

f. La SUVA a relancé la société par courriers du 21 avril et du 26 mai 2020, ainsi que par courriel du 24 avril 2020.

g. Le 4 juin 2020, la société a adressé à la SUVA :

-          le décompte de salaire de l’intéressé pour mars 2020, mentionnant un salaire brut de CHF 3'536.- pour 136 heures de travail, dont étaient notamment soustraites les cotisations à l’AVS, à la prévoyance professionnelle et à l’assurance-accidents ;

-          le contrat de travail imprimé entre la société et l’intéressé, portant la date du 9 mars 2020, cette mention étant corrigée à la main, stipulant un salaire horaire de CHF 26.-, auquel s’ajoutaient 8.33% pour le 13ème salaire et une indemnité de vacances de 10.64% ;

-          un formulaire mentionnant que l’intéressé avait accompli pour la société huit heures de travail par jour les 9, 10 et 11 mars 2020 et deux heures trente le 12 mars 2020.

h. Le 15 juin 2020, la SUVA a requis de la société un extrait du compte duquel le salaire de l’intéressé avait été versé et des copies des polices de prévoyance professionnelle et d’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie. Elle a adressé une copie de ce courrier à l’intéressé.

i. Selon l’extrait de compte individuel AVS que la SUVA s’est procuré le 30 juin 2020, l’intéressé a uniquement réalisé un revenu soumis à cotisation pour l’entreprise E______ de 2009 à 2018.

j. Par courrier du 6 juillet 2020, la SUVA a indiqué à l’intéressé qu’elle avait requis en vain certains documents de la société. Elle lui a rappelé son obligation de collaborer et lui a imparti un délai au 27 juillet 2020 pour lui remettre les pièces demandées. A défaut, elle statuerait en l’état du dossier.

k. Le 27 juillet 2020, la société a précisé à la SUVA qu’elle n’avait pas eu le temps d’annoncer l’intéressé à la caisse de pension, à l’AVS et à l’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie, car son accident était survenu trois jours après le début du travail.

l. Le 30 juillet 2020, la SUVA a demandé à la société de s’expliquer sur les déductions sociales opérées selon la fiche de salaire de mars 2020, dès lors que l’intéressé n’avait pas été annoncé aux assurances, et sur les 136 heures mentionnées sur le bulletin de salaire, alors que la société rapportait 26 heures 30 accomplies avant l’événement seulement. Elle lui a également demandé pourquoi les indemnités pour vacances et 13ème salaire prévues dans le contrat de travail n’apparaissaient pas sur la fiche de salaire de mars 2020, et l’a invitée à fournir un extrait du compte duquel le salaire avait été versé. L’intéressé a reçu copie de ce courrier.

m. Lors d’un entretien téléphonique du 31 juillet 2020, l’intéressé a communiqué son changement d’adresse à la SUVA. Il était désormais domicilié rue J______ 18, à Genève.

n. Le 31 août 2020, la SUVA a reçu de la société un document au contenu suivant : « Par la présente nous attestons que nous avons payé en main propre monsieur A______ ayant travaillé deux jours le reste et une erreur de notre part » (sic).

o. Par décision du 28 septembre 2020 notifiée à l’intéressé, la SUVA a retenu que malgré les demandes et délais accordés, elle n’avait reçu aucun document prouvant son activité pour la société au moment de l’accident. Le contrat de travail et la fiche de salaire ne concordaient pas. Partant, elle ne pouvait servir de prestations. De plus, il apparaissait que la société n’était pas assurée auprès d’elle.

p. L’intéressé s’est opposé à cette décision le 27 octobre 2020. Il a notamment exposé que son employeur lui avait versé en main propre un montant net de CHF 624.- à titre de salaire.

q. Le 2 décembre 2020, la société a été dissoute par décision du président du Tribunal d’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois.

r. Par décision du 21 janvier 2021, la SUVA a écarté l’opposition de l’intéressé. Elle a répété que l’existence de rapports de travail avec la société n’était pas établie, et a ajouté que l’intéressé avait fautivement failli à son obligation de collaborer.

C. a. L’intéressé a interjeté recours contre la décision de la SUVA par écriture du 22 février 2021. Il conclut, sous suite de dépens, à ce que l’intimée soit condamnée à prendre en charge les frais médicaux consécutifs à son accident et à lui verser des indemnités journalières dès le 15 mars 2020.

 

Il allègue notamment avoir reçu pour mars 2020 un salaire brut de CHF 742.40, correspondant à un montant net de CHF 696.20. Ce montant lui a été versé par M. F______, gérant de l’entreprise G______, laquelle avait « sous-mandaté » la société.

b. L’intimée a conclu au rejet du recours.

c. Dans sa réplique du 8 avril 2021, le recourant a persisté dans ses conclusions.

d. Le 6 mai 2021, la Cour de céans a entendu les parties, ainsi que MM. H______ et F______.

M. H______ a déclaré être arrivé sur les lieux de l’accident pour parler de problèmes privés à M. F______. Il ne connaissait pas M. D______. Il avait amené l’intéressé à l’hôpital, mais il ne le connaissait pas.

M. F______ a indiqué avoir « trouvé le chantier » et l’avoir « donné » à M. D______, qui y a envoyé le recourant et deux autres personnes. Le témoin y a travaillé « à titre privé ». Il y était présent avec le recourant lors de l’accident et l’a accompagné à l’hôpital avec M. H______. Par la suite, le témoin a remis au recourant, qui se trouvait alors à l’hôpital, son salaire, accompagné d’une quittance signée, que M. D______ lui avait confiés à cet effet.

A l’issue de l’audience, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives, l’intimée soulignant que, dès lors que la société ne lui était plus affiliée au moment des faits, la caisse supplétive devrait prendre en charge le cas si la réalité du travail devait être admise.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La modification du 21 juin 2019 de la LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Elle est ainsi applicable, dès lors que le recours a été interjeté postérieurement à cette date (art. 82a LPGA a contrario).

3.             Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56ss LPGA).

4.             Le litige porte sur le droit du recourant à des prestations de l’intimée pour les suites de son accident, plus précisément sur le point de savoir s’il était assujetti à l’assurance-accidents lorsqu’est survenu l’accident du 12 mars 2020.

On précisera que la société n’existe plus, si bien que la question d’un appel en cause n’a pas à être examinée.

5.              

5.1 Aux termes de l’art. 1a LAA, sont assurés à titre obligatoire conformément à la présente loi: les travailleurs occupés en Suisse, y compris les travailleurs à domicile, les apprentis, les stagiaires, les volontaires ainsi que les personnes travaillant dans des écoles de métiers ou des ateliers protégés (let. a); les personnes qui remplissent les conditions visées à l’art. 8 de la loi sur l’assurance-chômage ou qui perçoivent des indemnités en vertu de l’art. 29 LACI (personnes au chômage) (let. b) (al. 1). Le Conseil fédéral peut étendre l’assurance obligatoire aux personnes dont la situation est analogue à celle qui résulterait d’un contrat de travail. Il peut exempter de l’assurance obligatoire certaines personnes, notamment les membres de la famille du chef de l’entreprise qui collaborent à celle-ci, les personnes occupées de manière irrégulière ainsi que les personnes bénéficiaires de privilèges, d’immunités et de facilités visées à l’art. 2 al. 2 de la loi sur l’Etat hôte (al. 2).

5.2 L’assujettissement à l’assurance-accidents n’implique pas un horaire minimal de travail ou le versement d’un salaire minimum. Il ne dépend pas d’une décision d’affiliation, de la conclusion d’un contrat d’assurance ou encore d’une déclaration de l’employeur. Peu importe au demeurant que les primes d’assurance aient ou non été payées (Jean-Maurice FRESARD / Margit MOSER-SZELESS, L’assurance-accidents obligatoire in  Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 3ème éd., Bâle 2016, n. 7 p. 900). Dans l'assurance-accidents, le gain peut aussi bien provenir d'une activité licite que d'une occupation illicite, en particulier d'un « travail au noir » (arrêt du Tribunal fédéral 8C_676/2007 du 11 mars 2008 consid. 3.3.4, cf. sur ce point ATF 121 V 321 à propos d'un ouvrier agricole étranger sans permis de travail).

5.3 Selon la jurisprudence, est réputé travailleur au sens de l'art. 1a al. 1 LAA celui qui, dans un but lucratif ou de formation et sans devoir supporter de risque économique propre, exécute durablement ou provisoirement un travail pour un employeur, auquel il est plus ou moins subordonné. Sont ainsi visées avant tout les personnes au bénéfice d'un contrat de travail au sens des art. 319 ss du code des obligations (CO – RS 220) ou qui sont soumises à des rapports de service de droit public. Cependant, l'existence d'un contrat de travail ne constitue pas une condition pour la reconnaissance de la qualité de travailleur au sens de l'art. 1a al. 1 LAA. En l'absence d'un contrat de travail ou de rapports de service de droit public, la qualité de travailleur doit être déterminée à la lumière de l'ensemble des circonstances économiques du cas d'espèce. Dans cette appréciation, il convient de ne pas perdre de vue que l’assurance-accidents, dans la perspective d'une couverture la plus globale possible, inclut également des personnes qui, en l'absence de rémunération, ne peuvent pas être qualifiées de travailleurs, tels que les volontaires ou les stagiaires. La notion de travailleur au sens de l'art. 1a LAA est par conséquent plus large que celle que l'on rencontre en droit du travail (arrêt du Tribunal fédéral 8C_324/2018 du 4 décembre 2018 consid. 4.2 et les références). En revanche, de simples coups de main ne suffisent pas pour créer une relation de travail. Il en va de même lorsque, par pure complaisance, une personne exerce pour une autre des activités durant une période limitée, et ce quand bien même elle serait indemnisée sous une forme ou une autre (arrêt du Tribunal fédéral 8C_393/2011 du 13 février 2012 consid. 3). La qualité de travailleur a ainsi été niée à un homme qui se rendait fréquemment dans un bar, sans horaires ni contrainte, où il était parfois sollicité pour rendre des services (rangements ou commissions) par le gérant, qui le remerciait sous forme de consommations ou de petites sommes. Le Tribunal fédéral a retenu que rien ne permettait de considérer que ces services avaient été rendus autrement qu’à bien plaire, qu’ils ne répondaient pas à des obligations convenues ou consenties, qu’ils étaient fournis sans qu’existe un lien de subordination et qu’ils ne devaient pas donner droit à une rémunération ou des prestations en nature (RAMA 2001 n° U 418 p. 100 consid. 2b).

6.             Il incombe à celui qui réclame des prestations de l'assurance-accidents de rendre plausible que les éléments d'un accident sont réunis. S'il ne satisfait pas à cette exigence, en donnant des indications incomplètes, imprécises ou contradictoires, qui ne rendent pas vraisemblable l'existence d'un accident, l'assurance n'est pas tenue de prendre en charge le cas (arrêt du Tribunal fédéral 8C_832/2017 du 13 février 2018 consid. 3.2). 

En droit des assurances sociales, la règle dite des déclarations de la première heure est généralement applicable. Selon cette règle, en présence de deux versions différentes et contradictoires d'un fait, la préférence doit être accordée à celle que l'assuré a donnée alors qu'il en ignorait peut-être les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être consciemment ou non le fruit de réflexions ultérieures (arrêt du Tribunal fédéral 8C_399/2014 du 22 mai 2015 consid. 4.2).

7.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante (ATF 126 V 353 consid. 5b). Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible (arrêt du Tribunal fédéral 8C_115/2012 du 14 janvier 2013 consid. 4.2). Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le tribunal doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables. Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le tribunal devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral 9C_189/2015 du 11 septembre 2015 consid. 5.1 et les références).

Dans des cas portant sur l’existence de rapports de travail ouvrant le droit à des prestations de l’assurance-accidents, le Tribunal fédéral a notamment confirmé que l’activité de la personne intéressée sur un chantier ne pouvait suffire à établir l’existence d’un rapport de travail avec l’entreprise affiliée à la SUVA, au vu des autres contradictions (arrêt du Tribunal fédéral 8C_309/2019 du 2 septembre 2019 consid. 3.2 et 3.3.3). Il a en outre considéré qu’au vu des nombreuses contradictions et discordances dans les pièces, notamment en lien avec le montant et le paiement du salaire, l’existence d’un rapport de travail n’était pas démontrée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_790/2018 du 8 mai 2019 consid. 3.3). Il a aussi retenu qu’il était conforme au droit de nier un rapport de travail en cas de nombreuses discordances, notamment entre le salaire et la rémunération contractuellement prévue, et en l’absence de documents bancaires démontrant le versement dudit salaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_769/2016 du 19 décembre 2016 consid. 5.1).

8.             En l’espèce, l’intimée a retenu que l’existence d’un rapport de travail entre la société et le recourant n’avait pas été établie à satisfaction de droit.

8.1 A la demande de l’intimée, la société lui a remis un contrat de travail cosigné par le recourant, dont la date a fait l’objet d’une correction manuelle. S’agissant du salaire, le recourant a, dans un premier temps, affirmé qu’un montant de CHF 624.- lui aurait été versé, ainsi que cela ressort de son opposition. Or, comme le relève l’intimée, ce montant ne correspond pas au salaire dû selon le contrat, censé s’élever à CHF 826.80 pour 26.5 heures de travail, compte tenu du 13ème salaire et de l’indemnité pour vacances. Il diverge également du salaire brut de CHF 3'536.- indiqué dans le décompte de mars 2020, transmis par la société à l’intimée en juin 2020. Par la suite, dans son écriture de recours, le recourant a articulé un nouveau montant à titre de salaire net, soit CHF 696.20. A l’appui de cette allégation, il a produit un nouveau décompte indiquant un salaire brut de CHF 742.40 pour 24 heures de travail, incluant l’indemnité de vacances et le 13ème salaire, et un salaire net de CHF 696.20 après déductions pour l’AVS et l’assurance-chômage. Ce décompte, établi à l’entête de la société et signé par M. D______, était adressé au recourant à la rue J______ 18. Il portait les mentions « traitement : 23.11.2020 » et « paiement en espèces ». On peut également relever, s’agissant de la durée du travail prétendument accompli, que le formulaire remis à l’intimée par la société signalait 26 heures 30, en contradiction avec les 136 heures mentionnées dans un des décomptes de salaire pour mars 2020, les 24 heures alléguées dans un autre des décomptes et les deux jours de travail évoqués dans l’attestation de la société du 31 août 2020.

8.2 La correction de la date du contrat, quant à laquelle, ni la société, ni le recourant n’ont fourni d’explications, soulève des doutes sur l’authenticité de ce document.

Ce point n’est cependant pas à lui seul décisif, a fortiori dès lors que le contrat individuel de travail n'est, sauf disposition contraire de la loi, soumis à aucune forme spéciale (art. 320 al. 1 CO) et qu’un accord verbal est en principe suffisant pour conclure un tel contrat. Cependant, les nombreuses variations sur le montant du salaire et les discordances entre les décomptes produits suscitent également de très sérieuses interrogations quant à la réalité d’une rémunération, que les précisions du recourant et de la société ne suffisent pas à dissiper. L’intéressé a en effet initialement exposé dans son opposition que la rétribution inférieure à celle convenue s’expliquait par le fait que le paiement du 13ème salaire et des vacances pouvait être différé. Il a ensuite justifié la différence entre le montant versé et le salaire contractuel par le prélèvement de cotisations sociales, alors même que la société a admis ne pas avoir procédé aux annonces aux différentes assurances. L’extrait du compte individuel AVS du recourant révèle en outre qu’il n’a pas réalisé de revenu soumis à cotisation après 2018. Quant à l’erreur évoquée par la société dans son attestation du 31 août 2021, elle ne constitue à l’évidence pas une explication. Les versions contradictoires sur les modalités de versement du salaire renforcent encore les doutes sur la réalité de ce paiement. En effet, tant la société que le recourant ont dans un premier temps évoqué une remise du salaire en main propre, ce qui suggère par définition un versement direct, sans intermédiaire. Le recourant a cependant affirmé par la suite que ce paiement s’était fait par le truchement de M. F______. De plus, ce témoin a allégué avoir remis l’argent au recourant à l’hôpital après l’accident. Or, l’intéressé a été hospitalisé pendant le premier pic de la pandémie de coronavirus, lors duquel les visites aux malades étaient interdites pour éviter la propagation de la maladie. En outre, le décompte de salaire correspondant au prétendu paiement par M. F______ porte l’adresse du recourant à la rue J______ 18. Or, il ressort du dossier de l’intimée que le recourant a déménagé à cette adresse le 31 juillet 2020, bien après être sorti de l’hôpital. Il paraît ainsi matériellement impossible que le décompte ait été établi durant l’hospitalisation du recourant, puisqu’il mentionne une adresse à laquelle il n’habitait pas encore.

Enfin, on peut se demander si la mention « traitement 23.11.2020 » correspond à la date de rédaction dudit décompte, auquel cas cela signifierait que ce document a été créé – pour les besoins de la cause – après l’hospitalisation du recourant, et invaliderait ainsi la version selon laquelle la rémunération lui aurait été versée alors qu’il se trouvait à l’hôpital.

8.3 Par surabondance, on relèvera encore les éléments suivants, qui contribuent à faire douter de la réalité des rapports de travail entre le recourant et la société.

En ce qui concerne la chronologie des événements, on note que M. D______ n’a officiellement repris la société, inactive depuis le 31 décembre 2019, que le 16 mars 2020, soit après l’accident allégué. Ses démarches auprès de l’intimée sont également postérieures à l’accident.

La société n’a jamais procédé aux annonces aux assurances sociales, ni à l’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie ou à la prévoyance professionnelle. Le fait que l’accident serait survenu quelques jours après le début de l’activité du recourant ne suffit pas à l’expliquer, puisque la société aurait à tout le moins dû conclure ces polices d’assurance ou procéder aux annonces pour les deux autres employés à son service selon les déclarations de M. F______. De plus, la société n’a pas déféré à la requête de l’intimée et n’a fourni aucun contrat d’entreprise. Il n’est ainsi pas établi qu’elle ait déployé une quelconque activité commerciale.

Par ailleurs, l’avis d’entrée établi par le CHUV le 17 mars 2020 et la facture des HUG du 22 juin 2020 mentionnent comme employeur du recourant la société à responsabilité limitée I______, sise à Bellevue – cette information n’ayant pu être donnée que par le recourant ou M. F______. Or, selon l’extrait du registre du commerce de cette société, désormais dissoute, M. D______ en était à l’époque l’associé gérant unique.

Par ailleurs, le rôle de M. F______ suscite également des doutes sur l’existence d’une relation de travail entre le recourant et la société. En effet, dans la mesure où M. F______ n’aurait aucun lien contractuel avec le recourant selon leurs déclarations, il est pour le moins insolite qu’il se soit chargé de lui remettre son salaire. De plus, on comprend mal pour quels motifs M. F______, qui serait gérant de sa propre société selon le recourant, aurait décidé de ne pas accepter le chantier sur lequel serait survenu l’accident du 12 mars 2020, mais de le « donner » à la société, tout en y travaillant.

Au vu de ces éléments, même s’il fallait considérer comme un fait avéré que l’accident subi par le recourant est un accident de travail, survenu sur un chantier – ce qui n’est corroboré à ce stade que par les allégations du recourant et de la société et des déclarations de M. F______, dont la crédibilité est sujette à caution au vu des éléments qui précèdent –, cela ne suffirait pas à établir que c’est pour la société que le recourant travaillait lors de sa survenance. Or, c’est uniquement l’existence de ce rapport de travail qui doit être examinée ici. La présente procédure ne saurait être étendue à la question de savoir si le recourant peut prétendre des prestations pour accident à un autre titre que celui d’employé de la société, par exemple en tant qu’employé d’une autre entreprise (cf. dans des situations analogues arrêts du Tribunal fédéral 8C_790/2018 du 8 mai 2019 consid. 3.3, 3.4 et 4.3 et 8C_752/2009 du 7 janvier 2010 consid. 4).

8.4 En définitive, au vu des nombreuses et inconciliables contradictions dans les déclarations tant du recourant que de la société, des divergences entre les pièces produites et en l’absence de tout autre élément permettant d’accréditer l’hypothèse d’une relation de travail entre ces parties, c’est à juste titre que l’intimée a retenu que cette condition du droit aux prestations pour accident n’était pas démontrée au degré de la vraisemblance prépondérante.

Sa décision doit ainsi être confirmée.

9.             Le recours est rejeté.

Le recourant, qui succombe, n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).


 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La Présidente

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le