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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3915/2021

ATAS/240/2022 du 15.03.2022 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3915/2021 ATAS/240/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 15 mars 2022

15ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à LES AVANCHETS

 

 

recourante

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE, sise rue de Montbrillant 40, GENÈVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée ou la recourante) a sollicité le versement d'indemnités de chômage de la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse ou l'intimée) dès le 1er octobre 2020. Un délai-cadre d'indemnisation a été fixé jusqu'au 31 décembre 2022.

b. Le 23 août 2021, la caisse a reçu de l'assurée un formulaire d'indications pour la personnes assurée (ci-après : IPA) relatif au mois d'avril 2021.

c. Par décision du 25 août 2021, la caisse a refusé d'indemniser l'assurée pour le mois d'avril 2021, au motif que cette dernière avait remis son formulaire IPA plus de trois mois après la période de contrôle à laquelle il se rapportait.

d. Le 22 septembre 2021, l'assurée s'est opposée à cette décision, en expliquant qu'après son inscription au chômage le 1er octobre 2020, elle avait fait parvenir, par pli recommandé du 11 février 2021, à la caisse de nombreux documents que cette dernière lui avait demandés, y compris les IPA des mois de décembre 2020 et de janvier 2021. Elle avait ensuite adressé les IPA de février et mars 2021 à la caisse par courrier du 7 avril 2021. Depuis cette date, elle n'avait plus envoyé d'IPA jusqu'en août 2021. Elle avait débuté une mesure proposée par le chômage le 19 avril 2021, sous forme de cours d'allemand en ligne. La mesure avait nécessité en sus des cours, quatre heures de travail à la maison. En raison de troubles psychiques, elle n'avait plus pu gérer ses affaires administratives, à l'exception des activités en ligne, jusqu'en août 2021. Elle n'avait ainsi pas honoré les factures de son psychiatre jusqu'au 21 septembre 2021 et n'avait pas établi sa déclaration d'impôts. Elle n'avait en revanche commis aucun manquement pour remplir ses recherches d'emploi en ligne et payer ses e-factures.

e. Par décision sur opposition du 11 octobre 2021, la caisse a rejeté l'opposition de l'assurée, dans la mesure où les arguments que cette dernière faisait valoir ne constituaient pas une force majeure l'ayant empêchée d'agir dans le délai de trois mois pour faire valoir son droit à l'indemnité. L'état de santé de l'assurée lui avait permis de remplir ses recherches d'emploi et de suivre la mesure consistant en heures de cours. Elle n'avait pas fourni de certificat médical permettant de retenir qu'elle avait souffert d'une maladie d'une telle gravité qu'elle aurait justifié une restitution de délai.

B. a. Par acte du 15 novembre 2021, l'assurée a formé un recours contre cette décision devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans), en concluant à l'annulation de la décision attaquée et à ce que la chambre de céans condamne la caisse à lui verser des indemnités pour le mois d'avril 2021. Elle a fait valoir qu'elle avait eu une excuse valable, son psychiatre ayant attesté qu'elle n'avait pas pu gérer ses papiers administratifs « physiques » entre avril et août 2021, alors qu'elle avait su gérer ses affaires en ligne. Dès le 16 août 2021, elle avait pu reprendre ses affaires en mains avec l'aide de son frère et avait sollicité, par courriel du 16 août 2021, et reçue par retour de courriel du même jour, une attestation des cours suivis en avril, laquelle était nécessaire au versement des indemnités du mois d'avril 2021. La caisse ne lui avait pas imparti un délai pour corriger son erreur.

b. Par acte du 14 décembre 2021, l'intimée a conclu au rejet du recours. Le fait que l'assurée n'ait pas été capable de gérer ses papiers physiques, mais ses affaires en ligne ne pouvait pas constituer une excuse valable pour restituer le délai de trois mois pour faire valoir le droit à l'indemnité du mois d'avril 2021.

c. Il ressort en outre du dossier transmis par la caisse à la chambre de céans que l'assurée a complété le 20 août 2020 son formulaire d'IPA d'avril, sur lequel il lui était rappelé que le droit aux prestations se périmait si la personne ne le faisait pas valoir au cours des trois mois qui suivaient la période de contrôle. Sur le formulaire d'avril et les formulaires suivants, l'assurée a répondu par la négative à la question de savoir si elle avait été en incapacité de travail pour cause de maladie. Elle a en outre indiqué avoir été en vacances entre le 12 et le 16 juillet 2021, ce qu'elle avait d'ailleurs annoncé à la caisse le 10 juin 2021.

d. L'assurée a répliqué le 13 janvier 2022, en rappelant qu'elle avait une excuse valable et médicalement attestée, son psychiatre ayant attesté qu'elle n'avait pas été en mesure de régler ses affaires, à l'exception des affaires en ligne entre avril et août 2021. En sus des attestations de son psychiatre, elle avait démontré qu'elle n'avait pas été capable de gérer ses affaires « physiques », en particulier sa déclaration d'impôts 2020 (elle a produit des lettres de rappel de déclaration d'impôts), ni payé ses frais dentaires (elle a produit une note d'honoraires du 13 avril 2021 relative à des soins dentaires reçus entre le 25 janvier et le 13 avril 2021 et des rappels de paiement du 2 juin, du 15 juillet et du 23 août 2021) et ses factures de psychiatre (elle a produit des rappels du 12 juillet et du 30 août 2021 pour des consultations les 4 et 25 mars 2021).

e. À l'issue de l'échange d'écriture, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision par laquelle la caisse intimée a refusé à la recourante les indemnités de chômage pour le mois d'avril 2021 en raison de la tardiveté de l'envoi du formulaire d'IPA y relatif.

2.1 Aux termes de l'art. 20 al. 3 LACI, le droit à l'indemnité de chômage s'éteint s'il n'est pas exercé dans les trois mois suivant la fin de la période de contrôle à laquelle il se rapporte. Les indemnités qui n'ont pas été perçues sont périmées après la fin de ladite période. Le délai prévu par l'art. 20 al. 3 LACI est un délai de péremption, dont l'inobservation entraîne l'extinction du droit à l'indemnité pour la période de contrôle concernée. Il ne peut être ni prolongé ni interrompu, mais il peut faire l'objet d'une restitution, s'il existe une excuse valable pour justifier le retard (ATF 117 V 244 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_433/2014 du 16 juillet 2015 consid. 2.1).

2.2 Une restitution de délai peut être accordée, de manière exceptionnelle, à condition que le requérant ou son mandataire ait été empêché, sans sa faute, d'agir dans le délai fixé (art. 41 al. 1 LPGA) et pour autant qu'une demande de restitution motivée, indiquant la nature de l'empêchement, soit présentée dans les 30 jours à compter de celui où il a cessé et que l'acte omis ait été accompli dans le même délai (ATF 119 II 87 consid. 2a ; ATF 112 V 256 consid. 2a). Par empêchement non fautif, il faut entendre aussi bien l'impossibilité objective ou la force majeure, que l'impossibilité due à des circonstances personnelles ou une erreur excusable. Ces circonstances doivent être appréciées objectivement : est non fautive toute circonstance qui aurait empêché un plaideur - respectivement un mandataire - consciencieux d'agir dans le délai fixé. Un accident ou une maladie peut constituer, selon les circonstances, une cause légitime de restitution du délai au sens des dispositions précitées (ATF 108 V 109 consid. 2c). En revanche, l'ignorance du droit n'est en principe pas une excuse valable pour se voir accorder une restitution de délai (RCC 1968 586 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 63/01 du 15 juin 2001 consid. 2).

2.3 Selon l'art. 27a de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (ordonnance sur l'assurance-chômage, OACI - RS 837.02), chaque mois civil constitue une période de contrôle.

2.4 Selon l'art. 29 OACI, l'assuré exerce son droit, notamment, en remettant l'extrait du fichier « Données de contrôle » ou la formule « Indications de la personne assurée » (al. 1 let. d et al. 2 let. a). L'alinéa 3 prévoit qu'au besoin, la caisse impartit à l'assuré un délai convenable pour compléter les documents et le rend attentif aux conséquences d'une négligence. Ce délai ne peut et ne doit être accordé que pour compléter les premiers documents et non pour pallier à leur absence (arrêt du Tribunal fédéral 8C_433/2014 du 16 juillet 2015 consid. 2.2). Ces exigences ont pour but de permettre à la caisse de se prononcer suffisamment tôt sur le bien-fondé d'une demande d'indemnisation, afin de prévenir d'éventuels abus, en disposant des éléments essentiels qui lui sont nécessaires pour se prononcer en connaissance de cause (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 189/04 du 28 novembre 2005). L'art. 20 al. 3 LACI manquerait son but s'il suffisait, pour que soit respecté le délai de trois mois, que l'assuré ait réclamé, sans autres justificatifs, le paiement de l'indemnité prétendue. Au demeurant, un délai de trois mois apparaît suffisamment long pour que l'on puisse raisonnablement exiger de l'intéressé qu'il adresse à la caisse, en temps utile, les pièces nécessaires à l'exercice de son droit (ATF 113 V 66 consid. 1b).

2.5 En l'occurrence, la recourante ne conteste pas, à juste titre, avoir adressé son formulaire d'IPA pour le mois d'avril tardivement. Son droit à d'indemnité pour le mois d'avril 2021 était dès lors périmé selon l'art. 20 al. 3 LACI.

Elle sollicite cependant une restitution de délai et reproche à la caisse de ne pas lui avoir imparti un délai pour réparer son erreur.

2.6 S'agissant du reproche adressé à la caisse quant au délai prévu par l'art. 29 OACI, il convient de relever que le formulaire IPA est conçu de telle manière que la personne assurée doit apposer sa signature avec l'indication du lieu et de la date, juste en dessous de l'avertissement suivant : « [la] caisse ne pourra effectuer aucun versement, si le formulaire n'est pas dûment complété ou que des annexes manquent. Le droit aux prestations de l'assurance expire, si personne ne l'a fait valoir au cours de trois mois qui suivent la période de contrôle à laquelle il se rapporte. Toute indication inexacte ou incomplète peut entraîner la suppression des prestations ou l'ouverture d'une plainte. Les prestations versées à tort doivent être restituées ». Or, dans les formulaires d'IPA qu'elle a remplis et signés mois après mois pour les périodes de contrôle avant et après avril 2021, la recourante a été avertie (par ces documents) du risque d'une perte de son droit, si celui-ci n'était pas invoqué dans les trois mois suivant la période de contrôle. Elle était donc censée connaître les risques auxquels l'exposait une demande tardive (arrêt du Tribunal fédéral 8C_433/2014 du 16 juillet 2015 consid. 5.1).

Compte tenu de la jurisprudence précitée au sujet de l'art. 29 OACI, en l'absence d'un formulaire d'IPA portant sur le mois d'avril 2021 envoyé à la caisse dans le délai de trois mois, l'on ne peut pas reprocher à cette dernière de ne pas avoir accordé à la recourante un délai pour pallier à l'absence de certaines pièces qui auraient été manquantes (cf. consid. 2.4 supra).

2.7 S'agissant enfin de la restitution de délai, force est de constater sur la base du dossier que la recourante a fait un cours de langue durant le mois d'avril 2021 et il n'est pas contesté qu'elle a également fait des recherches d'emploi durant ce mois-ci. Son médecin n'a pas attesté d'incapacité de travail, mais uniquement d'une incapacité à traiter ses affaires physiquement, mais non pas celles en ligne. Les IPA que la recourante a complétées, dont celles du mois d'avril 2021, ne mentionnent d'ailleurs pas d'incapacité de travail ; celles de juillet mentionnent en revanche que la recourante a pris des vacances dont elle avait informé la caisse en juin 2021.

Ainsi sans remettre en cause les difficultés rencontrées par la recourante pour traiter ses affaires administratives « physiques » (contrairement à ses affaires en ligne) durant les mois d'avril à août 2021, comme en a attesté son psychiatre traitant, l'on ne peut pas retenir que la recourante était dans l'incapacité totale de déposer à la Poste son formulaire d'IPA durant les trois mois consécutifs à la période de contrôle. La recourante ne prétend pas qu'elle aurait souffert d'une maladie grave propre à l'empêcher d'agir elle-même ou de mandater un tiers durant le délai de trois mois dont elle disposait pour ce faire. Elle n'a pas été hospitalisée ni n’a cessé de faire des recherches d'emploi. Le fait qu'elle n'ait pas honoré ses factures ou rempli sa déclaration d'impôts ne permet pas de conclure qu'elle ne pouvait pas compléter un formulaire de deux pages et l'envoyer à l'intimée, notamment lorsqu'elle s'est rendue en vacances en juillet 2021, ou à tout le moins se faire aider par un tiers pour compléter et envoyer le formulaire. Elle aurait en outre pu l'adresser en annexe à un courriel, étant donné qu'elle faisait des démarches en ligne, ou encore demander à un proche de s'en charger pour elle.

Ni l'audition du psychiatre traitant, ni celle du frère de la recourante ne pourrait conduire à une appréciation différente. Ainsi, par appréciation anticipée des preuves, la chambre de céans renoncera à tout acte d'instruction supplémentaire.

L'on ne peut en conséquence pas, dans ce cas, admettre une restitution de délai.

2.8 De ce qui précède, il résulte que la décision de la caisse ne prête pas le flanc à la critique.

3.             Mal fondé, le recours est rejeté.

4.             La procédure est gratuite.


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le