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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3589/2020

ATAS/259/2022 du 22.03.2022 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3589/2020 ATAS/259/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 22 mars 2022

8ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à Le Grand-Saconnex

 

 

recourant

 

contre

UNIA CAISSE DE CHOMAGE, sise CDC-Centre de compétences Romand; Case postale 1496, 1001 Lausanne

 

 

intimée

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), est né en 1969, marié, père de deux enfants nés respectivement en 1999 et 2011, ressortissant russe installé en Suisse, dans le canton de Genève, depuis décembre 1999 et ayant acquis la nationalité suisse en 2015.

2.        Il a travaillé dès le 23 avril 2011 en qualité de directeur de la société B______ SA (ci-après : B______ SA), inscrite le 24 mars 2011 au Registre du commerce de l’Etat de Fribourg, société financière dont il a aussi été administrateur président du 19 mai 2011 au 27 mars 2012, puis administrateur de cette date-ci au 7 décembre 2018, avec signature individuelle. Il a résilié ses rapports de travail avec B______ SA pour le 12 décembre 2018, soit pour la date à laquelle sa démission du conseil d’administration a été publiée dans la Feuille officielle suisse du commerce.

Il a par ailleurs été associé gérant de la société genevoise C______ Sàrl (ci-après : C______ Sàrl) depuis sa création, le 14 mai 2014, au 20 mars 2015, puis gérant de cette société jusqu’au 3 janvier 2019, avec signature individuelle.

3.        L’assuré s’est inscrit au chômage le 14 décembre 2018 auprès de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) et a sollicité le versement d’indemnités de chômage (ci-après : IC) auprès de la caisse de chômage Unia (ci-après : la caisse ou l’intimée). Il a été mis au bénéfice d’un délai-cadre d’indemnisation du 14 décembre 2018 au 13 juin 2021 (compte tenu de la prolongation dudit délai en application des mesures dictées par la lutte contre la pandémie de coronavirus).

4.        Par décision du 24 janvier 2019 (pce 28 U), la caisse a informé l’assuré qu’il avait droit, dès le 14 décembre 2018, à une IC calculée sur la base d’un gain assuré de CHF 4'990.-, soit à une indemnité journalière de CHF 183.95 ([CHF 4'990.- x 80%] / 21.7).

5.        Par décomptes des 25 et 30 janvier 2019 (pces 29 et 31 U), la caisse a versé à l’assuré, respectivement pour décembre 2018 et janvier 2019, des IC (nettes) de CHF 1'950.95 et CHF 3'825.40, soit CHF 5'776.35 pour ces deux périodes de contrôle.

6.        En 2018, l’assuré avait reçu son salaire pour les mois de janvier à septembre, mais pas pour octobre à décembre, ainsi qu’il en a informé la caisse le 5 mars 2019 (pce 35 U) en lui transmettant la déclaration des salaires 2018 établie par la caisse de compensation du canton de Fribourg et en lui expliquant que l’actionnaire unique de B______ SA (société dont il avait été depuis 2017 le seul employé) n’avait pas tenu sa promesse de lui régler tous ses salaires. L’extrait du compte individuel de l’assuré que ladite caisse de compensation a adressé le 12 mars 2019 à la caisse (pce 36 U) faisait état d’un revenu de CHF 59'880.- (12 x CHF 4'990.-) pour janvier à décembre 2017 et de CHF 44'910.- (9 x CHF 4'990.-) pour janvier à septembre 2018.

7.        Par décision du 19 mars 2019 (pce 37 U) annulant et remplaçant celle du 24 janvier 2019, la caisse a informé l’assuré qu’il avait droit, dès le 14 décembre 2018, à une IC calculée sur la base d’un gain assuré de CHF 1'916.-, soit à une indemnité journalière de CHF 70.65 ([CHF 1'916.- x 80%] / 21.7). A teneur de la décision de restitution de prestations que la caisse lui a en outre adressée le 21 mars 2019 (pce 41 U), son gain assuré avait dû être recalculé parce que son salaire de 2018 n’avait pas pu être prouvé dans sa totalité ; d’après les nouveaux décomptes que la caisse a établis pour décembre 2018 et janvier 2019 (pces 38 et 39 U), les IC (nettes) qui étaient dues à l’assuré se montaient à CHF 752.40 pour décembre 2018 (et non CHF 1'950.95) et à CHF 1'470.20 pour janvier 2019 (et non CHF 3'825.40), soit à CHF 2'026.90 pour ces deux périodes de contrôle, pour lesquelles il avait donc perçu CHF 3'553.75 d’IC en trop ; compte tenu des CHF 1'274,50 d’IC lui étant dus pour février 2019 mais que la caisse avait retenus en compensation de cette créance (pce 40 U), l’assuré était encore tenu de restituer CHF 2'279.25 à la caisse.

8.        Dès février 2019, la caisse a calculé les IC dues à l’assuré sur la base d’un gain assuré de CHF 1'916.-, soit d’une indemnité journalière de CHF 70.65.

9.        Le 5 avril 2019 (pce 45 U), l’assuré a formé opposition à la décision de la caisse de fixer son gain assuré à CHF 1'916.- et de lui faire obligation de restituer un trop-perçu de CHF 3'553.75 pour décembre 2018 et janvier 2019. Il joignait à son opposition des pièces prouvant selon lui qu’il avait reçu les sommes correspondant à son salaire de l’année 2018, en expliquant que B______ SA ne disposait pas de compte bancaire mais, en vertu d’un accord passé avec C______ Sàrl, utilisait de temps en temps le compte bancaire de cette dernière pour la trésorerie de B______ SA ; B______ SA n’avait pas pu lui faire virer son salaire régulièrement sur son compte personnel, mais elle lui avait versé complètement son salaire pour 2018 par d’autres moyens légaux. Il produisait 23 pièces, dont les suivantes :

-          une attestation de B______ SA du 4 avril 2019 (signée par Monsieur D______, administrateur directeur de B______ SA du 1er avril au 13 août 2019), certifiant que cette société n’avait plus pu avoir de compte bancaire depuis l’année 2014 compte tenu des exigences que l’Autorité de surveillance des marchés financiers (ci-après : FINMA) émettait à l’égard des banques de contrôler les mouvements de trésorerie des sociétés financières telles que B______ SA, situation face à laquelle cette dernière avait trouvé la solution partielle de pouvoir recourir au compte bancaire de C______ Sàrl pour sa trésorerie ; B______ SA n’avait pu verser mensuellement le salaire de l’assuré, mais elle le lui avait fait payer complètement par d’autres moyens légaux et elle avait payé les cotisations sociales en totalité, sauf pour octobre et novembre 2018 ;

-          un certificat de salaire de B______ SA pour l’année 2017, faisant état d’un salaire brut de CHF 59'880.- et net de CHF 52'581.- ;

-          une attestation du 15 décembre 2017 (cosignée par l’assuré et Madame E______), à teneur de laquelle le salaire net 2017 de l’assuré lui avait été payé intégralement, par le biais d’une remise en liquide, le 15 décembre 2017, de CHF 471.- par Mme E______, venue compléter un versement, le 15 mai 2017, de CHF 44'910.- sur son compte auprès de la Banque cantonale de Genève (ci-après : BCGe) et quatre paiements comptants du compte de C______ Sàrl totalisant CHF 7'200.-, donc au total CHF 52'581.- ;

-          une attestation du 3 décembre 2017, certifiant que cette somme de CHF 7'200.- avait été versée à l’assuré en espèces par quatre prélèvements effectués durant l’année 2017 sur les comptes de C______ Sàrl auprès de PostFinance et de la banque Raiffeisen, pour le compte de B______ SA, en complément au virement de CHF 44'910.- que C______ Sàrl avait effectué sur son compte BCGe le 15 mai 2017 et aux CHF 471.- que Mme E______ lui avait remis en espèces, ce qui totalisait son salaire net 2017 de CHF 52'581.- ;

-          un certificat de salaire de B______ SA pour la période de janvier à septembre 2018, faisant état d’un salaire brut de CHF 44'910.- et net de CHF 40'404.- ;

-          une attestation du 30 novembre 2018 (cosignée par l’assuré et Mme E______), certifiant que l’assuré avait reçu en liquide CHF 3'114.- en quatre tranches lui ayant été remises par Mme E______ entre juin et août 2018, faisant partie intégrante du salaire net de CHF 44'404.- que l’assuré avait touché, attestation mentionnant par ailleurs un montant de CHF 15'400.- correspondant à un véhicule Audi Q7 vendu par B______ SA le 19 septembre 2018, un montant de CHF 16'500.- correspondant à un véhicule Audi Q5 vendu par B______ SA à l’assuré le 23 novembre 2018 et un versement comptant de CHF 1'000.- de Monsieur F______ de G______;

-          un contrat de vente du 23 novembre 2018, par B______ SA à l’assuré, d’un véhicule d’occasion Audi Q5 pour le prix de CHF 16'500.- ;

-          un contrat de vente du 19 septembre 2018, par B______ SA à H______ à Dietikon, d’un véhicule d’occasion Audi Q7 pour le prix de CHF 15'400.- ;

-          une attestation du 3 décembre 2018 de C______ Sàrl, certifiant qu’en 2018, l’assuré avait reçu en espèces CHF 4'390.- en huit tranches prélevées sur le compte Raiffeisen de C______ Sàrl (5 x CHF 500.- les 22 et 29 mars, 6 et 13 avril, 14 août], 1 x CHF 200.- [le 10 août], 1 x CHF 300.- [le 1er septembre] et 1 x CHF 1'390.- [le 24 novembre]), à titre de salaire payé en 2018 à l’assuré par B______ SA. 

10.    Le même 5 avril 2019 (pce 46 U), l’assuré a saisi la caisse d’une demande de remise de l’obligation de restituer le trop-perçu qu’elle lui réclamait.

11.    Par courrier du 9 avril 2019 (pce 47 U), qu’elle rappellera le 3 mai 2019 (pce 55 U), la caisse a demandé à B______ SA de lui fournir divers renseignements et documents notamment sur les points suivants :

-          qui étaient Mme E______ et M. F______ au regard de B______ SA et pour quelle raison ces personnes avaient versé des montants à l’assuré ;

-          pour quelle raison des salaires avaient été versés par C______ Sàrl, gérée par l’assuré ;

-          si et pour combien d’actions l’assuré avait été ou était actionnaire de B______ SA ;

-          les justificatifs des moyens de versement des salaires payés à l’assuré ;

-          la comptabilité complète de B______ SA pour les années 2017 et 2018.

12.    Par courrier du 12 avril 2019 (pce 49 U), la caisse a demandé à l’assuré de lui fournir des explications ou documents sur plusieurs points, dont :

-          les décisions complètes de taxation fiscale pour les années 2017 et 2018 ;

-          un relevé bancaire personnel intégral pour les années 2017 et 2018 ;

-          comment B______ SA avait pu générer et percevoir des revenus sans compte bancaire ;

-          les écarts de temps entre les différents paiements de salaire ;

-          l’acquisition d’un véhicule Audi Q5 le 23 novembre 2018 pour CHF 16'500.- et la réception de ce montant comptant (à teneur de l’attestation de paiement en espèces du 30 novembre 2018 qu’il avait produite). 

13.    L’assuré a répondu à la caisse le 26 avril 2019 (pce 54 U). Les décisions de taxation fiscale 2017 et 2018 (qu’il a produites) retenaient un revenu brut de respectivement CHF 59'880.- et CHF 44'910.-. B______ SA percevait des revenus par le biais de la trésorerie de C______ Sàrl ; c’était le compte bancaire de cette dernière qu’elle mentionnait sur ses factures, explicitement, et c’était par le biais de ce compte bancaire qu’étaient payés les salaires, les charges sociales, les factures des fournisseurs et d’autres dépenses de B______ SA. L’assuré était devenu gérant de C______ Sàrl à la demande de ses associés, qui se trouvaient à l’étranger, étant précisé que cette société n’avait guère d’activité sinon celle d’avoir un compte bancaire mis au service de B______ SA. Les écarts de temps entre les différents paiements de salaire s’expliquaient par l’absence de revenus réguliers de B______ SA, mais à la fin de chaque année les salaires et les cotisations sociales étaient payés. L’acquisition du véhicule Audi Q5 (qu’il n’avait pas revendu) était intervenue par compensation du paiement de salaire à hauteur de CHF 16'500.-. L’assuré a produit le relevé intégral de son compte BCGe pour les années 2017 et 2018.

14.    Par décision du 8 juillet 2019 (pce 64 U), qui ne sera pas contestée, la caisse a suspendu le droit de l’assuré à des IC pour une durée de huit jours parce qu’il avait résilié son contrat de travail avec B______ SA, causant ainsi fautivement son chômage, dans des circonstances justifiant cependant de ne retenir qu’une faute légère à sa charge.

15.    Par courrier du 12 juillet 2019 (pce 65 U), signé par D______, B______ SA a indiqué qu’elle n’avait plus pu avoir de compte bancaire depuis 2014 eu égard aux exigences émises par la FINMA, et qu’elle avait trouvé un accord avec C______ Sàrl lui permettant d’utiliser son compte bancaire pour sa trésorerie. B______ SA n’avait pas pu verser les salaires régulièrement, mais finalement, tous les salaires avaient été payés, sauf ceux d’octobre et novembre 2018. L’assuré avait reçu, à cette fin, quelques montants en espèces de Mme E______ (soit la plus grande débitrice de B______ SA, dont elle avait été actionnaire en 2016) et de M. F______ (soit un client de B______ SA ayant versé CHF 1'000.- en mains de l’assuré, à valoir sur le salaire que B______ SA devait à ce dernier), d’autres montants par le biais de prélèvements effectués sur le compte bancaire de C______ Sàrl de la part de B______ SA, ainsi que par l’acquisition par voie de compensation d’un véhicule Audi Q5 valant CHF 16'500.- et du produit de la vente d’un véhicule Audi Q7 pour le prix de 15'400.-. L’assuré n’avait jamais acquis d’actions de B______ SA, mais, au début de 2017, il avait été cessionnaire, à titre gratuit, des actions de deux actionnaires (dont celles de Mme E______), actions qu’il avait mises en gage, avant qu’elles ne soient cédées à l’investisseur (Monsieur I______, d’après le registre des actionnaires 2018) ; en 2018, l’assuré n’était plus actionnaire de B______ SA. B______ SA a produit sa comptabilité pour les années 2017 et 2018. Le compte 5200 « Salaires » de la comptabilité 2018 (pce 65/53 U) totalisait CHF 40'404.- (CHF 3'114.- apport Mme E______ + CHF 15'400.- Audi Q7 + CHF 16'500.- Audi Q5 + CHF 1'000.- F______ + CHF 4'390.- C______ Sàrl).

16.    Par courrier du 26 juillet 2019 (pce 66 U), la caisse a demandé à l’assuré de lui fournir des informations complémentaires concernant les revenus versés sur son compte, retirés depuis le compte de C______ Sàrl ou versés en espèces, en particulier :

-          comment il se faisait qu’il ait reçu, le 15 mai 2017, un montant de CHF 44'910.- alors qu’en mai 2017 il aurait dû recevoir, pour les mois de janvier à mai 2017, un total de salaires de CHF 24'950.- (5 x CHF 4'990.-) ;

-          à quoi correspondait le montant de CHF 14'770.- afférents aux salaires 2017 mentionné sous le compte 5200 « Salaires » de la comptabilité ;

-          combien B______ SA comptait d’employés ;

-          s’il avait versé sur son compte bancaire les montants qu’il avait retirés ou perçus en espèces ;

-          pour quelle raison C______ Sàrl n’avait pas procédé à des virements de son compte bancaire sur celui de l’assuré pour lui payer ses salaires.

17.    Dans sa réponse du 21 août 2019 (pce 71 U), l’assuré a indiqué qu’en mai 2017 il avait été payé non seulement pour les mois écoulés mais aussi d’avance pour les mois suivants. En 2018, presque tous les salaires lui avaient été versés avec retard (et ceux d’octobre et novembre ne lui avaient pas été versés), principalement par le biais de la vente des deux véhicules Audi. Sous le compte 5200 « Salaires » de la comptabilité 2017, l’ancien comptable avait divisé en deux la totalité du salaire brut de l’assuré (qui, en 2017 et 2018, avait été le seul employé de B______ SA), à savoir CHF 44'910.- et CHF 14'770.- (en se trompant de CHF 200.-), ce qui donnait (avec cette erreur) CHF 59'680.- (au lieu de CHF 59'880.-). L’assuré ne reversait pas sur son compte bancaire les versements qu’il recevait en espèces, pour éviter d’avoir à payer une commission de CHF 3.- par retrait. En 2017 et en 2018, il avait utilisé la partie reçue au comptant de son salaire essentiellement pour payer les achats d’aliments qu’il avait faits à la Coop et à la Migros (pour CHF 14'342.85 en 2017 et CHF 22'136.09 en 2018). L’associé de C______ Sàrl (soit Monsieur J______, vivant en Russie) était opposé à ce que C______ Sàrl verse les salaires dus par B______ SA par le biais de virements bancaires. L’assuré réaffirmait que, sauf pour octobre et novembre 2018, ses salaires lui avaient été versés complètement et les cotisations sociales avaient été dûment payées.

18.    Par courrier du 5 novembre 2019 (pce 82 U), la caisse a indiqué à l’assuré qu’elle avait besoin encore d’autres renseignements et documents, en particulier :

-          la preuve que le véhicule Audi Q5 valait bien CHF 16'500.- ;

-          la preuve que les montants lui ayant été versés par le biais de C______ Sàrl provenaient de B______ SA ;

-          pourquoi il avait établi lui-même la comptabilité de B______ SA, le 12 juillet 2019, soit alors qu’il n’était plus administrateur de cette société depuis le 7 décembre 2018, et pour quelle raison la comptabilité n’avait pas été établie ou du moins vérifiée par une fiduciaire ;

-          la preuve qu’il avait effectivement travaillé durant les deux dernières années précédant son inscription au chômage.

A défaut d’éléments probants suffisants, il se pourrait que la décision sur opposition soit rendue en sa défaveur.

19.    L’assuré a répondu à la caisse le 11 décembre 2019 (pce 87 U). Concernant la valeur de l’Audi Q5 vendue CHF 16'500.-, il a produit une évaluation Eurotax sans reprise du 20 novembre 2018 retenant une valeur nette de CHF 16'848.-, une estimation du Garage K______ du 22 novembre 2018 retenant une valeur de CHF 16'500.-, ainsi que, établies le 7 novembre 2019, des évaluations Eurotax retenant une valeur respectivement de CHF 18'664.- à la vente et de CHF 14'997.- à l’achat. Il a versé au dossier le contrat de travail que B______ SA (sous la signature de Mme E______, alors actionnaire de B______ SA) avait signé avec lui le 19 décembre 2013 comme directeur responsable de l’administration de B______ SA à raison de 40 heures par semaine pour un salaire brut de CHF 59'880.- par an, avec la précision que le salaire net serait payé sur son compte bancaire « ou comptant ». La comptabilité et les bilans 2017 et 2018 avaient été établis, non par lui-même mais par la fiduciaire L______ Sàrl. L’Etablissement cantonal des assurances sociales du canton de Fribourg avait effectué en 2018 un contrôle AVS de B______ SA pour les années 2014 à 2017, et vérifié ainsi qu’il avait payé la totalité de ses charges sociales. Lui-même et B______ SA (sous la signature de M. D______) avaient déjà expliqué que B______ SA mentionnait sur ses factures le compte bancaire de C______ Sàrl et qu’ainsi les recettes de B______ SA transitaient par ce compte et servaient au paiement des fournisseurs, des charges sociales et des salaires, à teneur d’un contrat aux termes duquel C______ Sàrl mettait son compte bancaire auprès de la banque Raiffeisen à disposition pour la trésorerie de B______ SA. Il a produit le bilan et compte de résultat de l’exercice 2018 (avec le comparatif 2017) et une déclaration d’intégralité, signés le 12 juillet 2019 par M. D______.

20.    Par courrier du 20 février 2020 (pce 97 U), la caisse a demandé à l’assuré de produire encore notamment les rapports financiers complets (bilan et compte d’exploitation) dûment attestés par une fiduciaire d’une part de C______ Sàrl pour 2017 et 2018, et d’autre part de B______ SA pour 2018, ainsi qu’un relevé du compte bancaire de C______ Sàrl pour 2017 et 2018 avec les justificatifs utiles permettant de différencier les crédits propres de C______ Sàrl et ceux de B______ SA. A défaut de justificatifs permettant d’établir clairement les salaires effectivement versés pendant la période en cause, la décision sur opposition pourrait être rendue en sa défaveur.

21.    L’assuré a répondu à la caisse le 3 mars 2020 (pce 100 U). Le Tribunal civil de la Sarine avait prononcé la faillite de B______ SA le 9 octobre 2019 du fait que cette dernière n’avait plus d’administrateur après la démission de M. D______, et que le Tribunal de première instance de Genève avait prononcé celle de C______ Sàrl ; les dossiers de ces sociétés étaient en mains des offices des faillites respectivement du canton de Fribourg et de celui de Genève. Après son départ de C______ Sàrl, la directrice M______ et le propriétaire des parts sociales J______ avaient abandonné la société et n’avaient pas payé la fiduciaire L______, qui avait préparé le bilan et les comptes de résultats 2018 de B______ SA et la déclaration fiscale 2018 de B______ SA (à teneur d’une lettre du 12 septembre 2019 de L______ Sàrl, signée par Monsieur N______, gérant-président). L’assuré a produit notamment un extrait du compte Raiffeisen de C______ Sàrl pour 2018, des factures de B______ SA (indiquant explicitement que leur paiement devait se faire sur le compte Raiffeisen de C______ Sàrl), des reconnaissances de dettes de Mme E______ à l’égard de B______ SA (l’une du 26 octobre 2016 pour un montant de CHF 162'000.- et l’autre du 24 avril 2017 pour un montant de CHF 338'000.-).

22.    Le 9 mars 2020 (pce 101), la caisse a demandé à l’office des faillites du canton de Genève de lui indiquer si l’assuré avait produit des créances dans la faillite de C______ Sàrl et de lui transmettre une copie de la comptabilité complète, corroborée par une fiduciaire, et d’un relevé du compte bancaire de cette société.

23.    L’office des faillites du canton de Genève lui a répondu le 12 mars 2020 (pce 102 U) que l’assuré n’avait pas produit dans la faillite de C______ Sàrl, qu’aucun état de collocation n’avait été dressé, qu’une suspension de la faillite faute d’actif allait être requise du Tribunal de première instance, et qu’il ne possédait aucun extrait de compte bancaire. Il lui a transmis une copie des bilans et comptes de pertes et profits de C______ Sàrl des années 2014 à 2017 (la comptabilité étant à jour au 31 décembre 2017 uniquement).

24.    Le 25 mai 2020 (pce 110 U), la caisse a demandé à l’office des faillites du canton de Fribourg si l’assuré avait produit des créances dans la faillite de B______ SA et si ledit office disposait d’indices que l’assuré n’aurait pas travaillé auprès de B______ SA durant certaines périodes ou aurait renoncé au versement de certains de ses salaires.

25.    Par courriel du 28 mai 2020 (pce 114 U), l’office des faillites du canton de Fribourg a répondu à la caisse que l’assuré avait produit dans la faillite de B______ SA une créance de salaire de CHF 11'976.- et qu’il ne disposait d’aucune information pertinente sur la seconde question posée. Il lui précisera le 30 juin 2020 (pce 120 U) que cette prétention salariale portait sur les mois d’octobre à décembre 2018 et qu’il ne déposerait pas d’état de collocation mais solliciterait la suspension de la faillite faute d’actif.

26.    Dans l’intervalle, le 9 juin 2020 (pce 115 U), l’assuré avait indiqué à la caisse que sa créance salariale produite dans la faillite de B______ SA correspondait à son salaire brut pour octobre, novembre et début décembre 2018, et il lui avait demandé de statuer sur son opposition, estimant qu’elle disposait de tous les éléments nécessaires à cette fin.

27.    Par courrier du 26 juin 2020 (pce 118 U), la caisse a indiqué à l’assuré que pour 2018 la perception de ses salaires n’était établie que partiellement, à savoir qu’à concurrence de la vente de l’Audi Q7 pour un montant de CHF 15'400.- (pour février à mai 2018), des versements en espèces de CHF 1'000.- (pour juin 2018) et CHF 3'114.- (pour la période de juin à août 2018), soit au total CHF 19'514.- ; les autres montants versés en espèces ne figuraient pas sur la comptabilité de B______ SA et l’assuré n’avait pas démontré la perception de l’intégralité de ses revenus pour 2018, la production d’une créance de salaire dans la faillite de B______ SA n’étant pas d’un grand secours dès lors qu’aucun état de collocation ne serait établi. La moyenne des salaires dont la perception pouvait être admise était celle, plus avantageuse, portant sur les douze derniers mois (du 13 décembre 2017 au 12 décembre 2018) plutôt que sur les six derniers mois (du 13 juin au 12 décembre 2018) ; cela donnait un gain assuré de CHF 1'626.- (CHF 19'514.- / 12), soit une indemnité journalière de CHF 59.95 ([CHF 1'626.- x 80%] / 21.7). La décision qui serait rendue sur son opposition serait défavorable à l’assuré ; la caisse invitait ce dernier à lui faire savoir s’il retirait son opposition, auquel cas la décision frappée d’opposition entrerait en force, sans préjudice qu’elle soit modifiée en sa défaveur aux conditions d’une révision ou d’une reconsidération.

28.    Par courrier du 4 août 2020 (pce 126 U), l’assuré a déclaré maintenir son opposition. B______ SA n’ayant pas eu de compte postal ou bancaire, il ne pouvait produire des justificatifs postaux ou bancaires du paiement effectif de ses salaires, mais ce dernier était établi par d’autres éléments probants suffisants. Il a produit deux quittances – cosignées par lui-même et Monsieur O______, expert-comptable auprès de L______ Sàrl – attestant qu’il avait reçu en espèces les montants suivants à titre de salaires de B______ SA : l’une, du 18 décembre 2017, faisait mention, pour l’année 2017, d’un montant de CHF 7'671.- (sur un montant de CHF 9'500.- retiré du compte Raiffeisen de C______ Sàrl le 3 mars 2017), complété par un virement du 15 mai 2017 de CHF 44'910.- sur son compte BCGe (totalisant CHF 52'581.-, soit le salaire net de 2017 ; l’autre, du 3 décembre 2018, faisait mention, pour l’année 2018, de huit paiements comptants effectués suite à des retraits de sommes correspondantes du compte Raiffeisen de C______ Sàrl (à savoir 5 x CHF 500.- [les 22 et 29 mars, 6 et 13 avril et 14 août], 1 x CHF 200.- [le 10 août], 1 x CHF 300.- [le 1er septembre] et 1 x CHF 1'390.- [le 24 novembre 2018]), de paiements comptants par Mme E______ de CHF 3'114.- durant les mois de juin, juillet et août, d’un paiement comptant de CHF 1'000.- effectué le 18 septembre par la société Pro Time Distribution de M. F______, ainsi que de la remise des CHF 15'400.- correspondant au produit de la vente d’une Audi Q7 à H______ le 19 septembre et de la vente à l’assuré, pour CHF 16'500.-, d’une Audi Q5 le 23 novembre, soit au total de CHF 40'404.-.  

29.    Par décision sur opposition du 6 octobre 2020 (pce 136 U), la caisse a rejeté l’opposition de l’assuré et réformé sa décision en défaveur de ce dernier, en fixant son gain assuré à CHF 1'734.- dès le 14 décembre 2018 et en lui réclamant la restitution, pour les IC versées pour décembre 2018 et janvier 2019, de CHF 3'764.50, dont un solde de CHF 2'490.- restait à payer après déduction de la retenue de CHF 1'274.50 opérée sur les IC de février 2019.

Dans les limites du délai-cadre de cotisation, l’assuré devait avoir exercé durant au moins douze mois une activité soumise à cotisation, soit avoir exercé une activité suffisamment contrôlable en vue d’obtenir un revenu ; le paiement effectif d’un salaire n’était pas une condition autonome du droit aux prestations, mais un indice important, voire décisif, de l’exercice d’une activité salariée ; la renonciation au versement d’un salaire pour sauver l’entreprise empêchait la prise en compte d’une période de cotisation, de même que, pour une personne occupant une position assimilable à celle d’un employeur, la renonciation à un salaire dans la perspective d’une amélioration future de la situation de l’entreprise. Les documents que l’assuré avait lui-même signés et produits ne constituaient que des allégués, insuffisants à démontrer, au degré de la vraisemblance prépondérante, qu’il avait réellement perçu à titre de salaire les montants considérés. L’assuré devait supporter les conséquences de l’insuffisance des preuves qu’il avait présentées.

La caisse ne contestait pas que l’assuré avait travaillé pour B______ SA du 23 avril 2011 au 12 décembre 2018, ni ne retenait qu’il aurait renoncé au versement de son salaire pour les mois d’octobre à décembre 2018 vu la production de sa créance salariale dans la faillite de B______ SA. Était litigieuse la question de la perception effective de son salaire durant le délai-cadre de cotisation (du 12 décembre 2016 au 11 décembre 2018). Certes, d’après l’extrait de son compte individuel et les revenus déclarés à l’administration fiscale cantonale, l’assuré aurait bien réalisé un revenu mensuel brut de CHF 4'990,- en 2017 (soit CHF 59'880.-) et de janvier à septembre 2018 (soit CHF 44'910.-), mais les pièces comptables produites n’établissaient pas de façon fiable qu’il avait été effectivement payé. Le bilan et les comptes de pertes et profits de C______ Sàrl, dont le compte bancaire était censé avoir été utilisé par B______ SA pour ses opérations de trésorerie, étaient disponibles pour l’exercice 2017, mais pas pour l’exercice 2018, et ils ne permettaient pas de déterminer dans quelle mesure des fonds avaient transité par son compte bancaire pour B______ SA, ni, partant, la nature des montants que l’assuré avait retirés de ce compte, étant rappelé au surplus que l’assuré avait la position de gérant au sein de C______ Sàrl. Pour 2018, quoiqu’ayant valeur d’indice, la quittance cosignée le 3 décembre 2018 par la fiduciaire L______ ne suffisait pas à pallier à l’absence d’une comptabilité. Il n’était au demeurant pas possible, en l’absence d’une comptabilité, de déterminer à quelles périodes se rapportaient les retraits en espèces opérés sur le compte bancaire de C______ Sàrl, à supposer qu’ils aient servi à payer des salaires à l’assuré. La caisse n’admettait comme des salaires payés au degré de la vraisemblance prépondérante que ceux qu’elle avait indiqués dans son courrier précité du 26 juin 2020, totalisant CHF 19'514.- (soit CHF 15'400.- pour la vente de l’Audi Q7 en compensation des salaires de février à mai 2018, CHF 1'000.- versés en espèces par M. F______ pour juin 2018 et CHF 3'114.- versés en espèces par Mme E______ pour juin à août 2018), mais pas la vente de l’Audi Q5 (l’assuré n’ayant pas revendu ce véhicule), ni les autres retraits du compte bancaire de C______ Sàrl, nonobstant les pièces produites par l’assuré le 4 août 2020 à l’appui du maintien de son opposition.

Le gain assuré devait être calculé sur la base du salaire moyen des six derniers mois de cotisation précédant le début du délai-cadre d’indemnisation, ou, si c’était plus avantageux pour l’assuré, des douze derniers mois, et à condition qu’il atteigne au moins CHF 500.- par mois. En l’espèce, la moyenne sur les six derniers mois s’élevait à CHF 113.-, mais à CHF 1'734.- sur les douze derniers mois, étant précisé que le gain net de CHF 1'626.- était converti en gain brut de CHF 1'734,- par application du facteur de conversion de 0.93775 établi par l’office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS).

Calculées sur la base d’une indemnité journalière de CHF 63.95 ([CHF 1'734.- x 80%] / 21.7), les IC dues à l’assuré étaient de CHF 681.05 pour décembre 2018 (et non CHF 1'950.95) et de CHF 1'330.80 pour janvier 2019 (et non CHF 3'825.40). Le trop-perçu pour ces périodes de contrôle était de CHF 3'764.50 (CHF 1'269.90 + CHF 2'494.60). Les IC versées du 14 décembre 2018 au 31 janvier 2019 étaient manifestement erronées et leur rectification revêtait une importance notable. L’assuré devait restituer CHF 3'764.50 (soit un solde de CHF 2'490.- compte tenu que la caisse avait retenu CHF 1'274.50 lors du versement des prestations de février 2019). 

30.    Le 12 octobre 2020, après avoir recalculé les IC dues à l’assuré pour les mois de février 2019 à septembre 2020 sur la base d’un gain assuré de CHF 1'734.- et déterminé le trop-perçu pour chacune de ces périodes de contrôle (pce 141 U), la caisse a adressé à l’assuré une décision de restitution dudit trop-perçu, totalisant CHF 2'576.10, et de compensation de sa créance avec les éventuelles prestations futures de chômage auxquelles il aurait droit (pce 143 U).

31.    Par acte du 4 novembre 2020 posté le lendemain, l’assuré a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS) contre la décision sur opposition précitée de l’intimée du 6 octobre 2020, en concluant à son annulation et au rétablissement d’un gain assuré de CHF 4'990.

Ne pouvant plus, depuis l’année 2014, disposer d’un compte bancaire compte tenu des exigences faites aux banques par la FINMA de contrôler tous les mouvements de trésorerie des sociétés financières, B______ SA avait résolu partiellement le problème que cela lui posait en utilisant le compte bancaire Raiffeisen de C______ Sàrl, au bénéfice d’un contrat passé avec cette dernière, pour ses mouvements de trésorerie, à savoir d’une part pour l’encaissement de ses factures et d’autre part pour le paiement des fournisseurs, des charges sociales et des salaires, étant précisé que, s’agissant des salaires, M. J______, propriétaire des parts sociales de C______ Sàrl, préférait qu’ils soient prélevés dudit compte bancaire pour être remis en espèces à l’assuré (sauf une fois durant la période 2017-2018, à savoir le 15 mai 2017, date d’un virement de CHF 44'910.- dudit compte bancaire sur le compte BCGe de l’assuré). En novembre 2018, alors encore gérant de C______ Sàrl, l’assuré avait remis tous les documents et pièces comptables de C______ Sàrl à la directrice de cette dernière, Mme M______, habitant à Chypre, en l’informant que la fiduciaire L______ avait toutes les pièces comptables pour préparer le bilan et la comptabilité 2018, pour peu qu’elle reçoive une provision pour sa facture, provision que C______ Sàrl n’a pas versée. C______ Sàrl avait été dissoute le 5 décembre 2019, et la procédure de faillite avait été suspendue faute d’actif le 20 février 2020, si bien que ladite société avait été radiée du registre du commerce le 16 juin 2020. La fiduciaire L______ avait établi la comptabilité et les bilans ainsi que les déclarations fiscales 2017 et 2018 de B______ SA, de même que ces mêmes documents de C______ Sàrl pour 2017. Le bilan et la comptabilité de B______ SA avaient été révisés chaque année d’abord par la fiduciaire P______ puis par la fiduciaire Q______, agréées par l’organisme d’autorégulation des gérants de patrimoines agissant sur délégation de la FINMA, sans que jamais une objection n’ait été émise à l’encontre de la comptabilité de B______ SA établie par la fiduciaire L______ (y compris à propos de l’utilisation du compte Raiffeisen de C______ Sàrl pour les mouvements de trésorerie de B______ SA). Les bilans 2016-2017 et 2017-2018 de B______ SA avaient été signés par l’administrateur respectif de cette société pour ces exercices, respectivement l’assuré et M. D______. Les quittances pour les salaires reçus en espèces pour l’établissement de la comptabilité et le bilan étaient signés non seulement par l’assuré, mais aussi par l’expert-comptable O______ de la fiduciaire L______. M. D______ avait attesté, le 24 avril 2019, qu’en 2018 l’assuré avait bien reçu CHF 40'404.- de salaire, pour les mois de janvier à septembre 2018, y compris CHF 16'500.- correspondant à la valeur de l’Audi Q5 qu’il avait acquise de B______ SA par compensation.

Deux tableaux énuméraient les paiements de son salaire, respectivement pour 2017 et 2018, avec la précision des mois concernés, du mode de paiement et des justificatifs les attestant. Il était démontré que l’assuré avait bien reçu de B______ SA ses salaires de 2017 et de janvier à septembre 2018 et qu’il n’avait pas renoncé à ceux d’octobre à mi-décembre 2018.

32.    Le 1er décembre 2020, la caisse a conclu au rejet du recours, en renvoyant aux faits et motifs développés dans sa décision sur opposition, estimant que l’assuré n’apportait pas d’éléments de faits ou d’arguments nouveaux de nature à remettre cette dernière en cause.

33.    Invité à présenter une réplique, l’assuré a, le 20 décembre 2020, confirmé son recours, en en reproduisant les deux tableaux précités.

34.    Le 22 janvier 2021, la caisse a indiqué à la CJCAS qu’elle n’avait pas d’observations complémentaires à apporter.

35.    Le 7 février 2022, la CJCAS a convoqué, pour le 25 février 2022, une audience de comparution personnelle des parties et d’audition, à titre de témoins, de Messieurs N______, D______ et O______. L’audition de ces deux derniers témoins a été reportée au 9 mars 2022, compte tenu de leur indisponibilité le 25 février 2022.

36.    a. Le 25 février 2022, la caisse a indiqué qu’elle contestait, non que l’assuré remplissait les conditions relatives à la période de cotisation, mais qu’il avait effectivement réalisé le gain qu’il prétendait (à savoir CHF 4'990.- par mois) durant les douze derniers mois de son délai de cotisation (soit du 14 décembre 2017 au 13 décembre 2018).

b. Selon l’assuré, lorsqu’il était payé en espèces, il n’établissait une quittance immédiate que s’il avait la possibilité de la faire cosigner par un ou de actionnaires de B______ SA, qui habitaient à l’étranger, et qu’une pièce récapitulative de tels paiements était établie pour l’établissement des comptes et du bilan annuel, en complément aux mentions apportées à leur propos dans le grand livre de la comptabilité de B______ SA. L’Audi Q7 de B______ SA avait été vendue le 19 septembre 2018 à H______ pour le montant de CHF 15'400.-, qui lui avait été remis en espèces et gardé par lui en compensation du salaire lui étant dû (ce que la caisse admettait). Il avait acquis l’Audi Q5 de B______ SA le 23 novembre 2018 au prix de CHF 16'500.-, montant qui avait été imputé sur sa créance de salaire, et ce véhicule, qu’il n’avait pas revendu, avait été immatriculé à son nom le 26 novembre 2018. L’assuré n’avait été actionnaire de B______ SA que pendant quelques mois en 2017, étant précisé que les actions de B______ SA avaient alors servi à garantir un investissement de M. I______ en faveur de cette société et dont le remboursement était intervenu par un transfert desdites actions à M. I______, qui était ainsi devenu actionnaire unique de B______ SA. L’imputation des salaires versés des différentes manières indiquées avait été définie au prorata temporis, annuellement pour 2017 et 2018.

c. Selon ses déclarations, M. N______ avait repris au cours de l’année 2019, avec un associé, la fiduciaire L______ Sàrl, qui s’occupaient alors de B______ SA et de C______ Sàrl, qui avaient été administrées, respectivement gérées par l’assuré, qui était le seul salarié de B______ SA. L______ Sàrl avait établi la comptabilité de B______ SA, ainsi que sa déclaration d’impôt, pour l’exercice 2018. B______ SA n’avait aucune relation bancaire. Les salaires de l’assuré étaient avancés par C______ Sàrl, étant précisé qu’il était possible que des prestations de B______ SA étaient facturées de façon à être payées sur le compte Raiffeisen de C______ Sàrl. En 2017, un montant de CHF 44'910.- avait passé par le compte courant de C______ Sàrl à titre de salaire de l’assuré, et un montant de CHF 14'770.- avait en outre été versé cash à ce dernier par le biais de la caisse de B______ SA comme salaire. Pour 2018, il résultait du grand livre de la comptabilité de B______ SA que des salaires avaient été versés à l’assuré par la caisse de cette société, grâce à des apports respectivement de CHF 3'114.- de « E______. » et de CHF 1'000.- de « D. F______ », d’une avance de C______ Sàrl de CHF 4'390.-, ainsi que de liquidités provenant de la vente d’une Audi Q7 pour CHF 15'400.- et d’une Audi Q5 pour CHF 16'500.-. Rien ne permettait au témoin de mettre en doute la réalité de l’obtention de ces liquidités et autres apports d’argent et de leur affectation au paiement des salaires de l’assuré. Des comptes 2017 et 2018 résultait que les cotisations sociales avaient bien été comptabilisées.

37.    a. Le 9 mars 2022, M. D______, qui avait été administrateur directeur de B______ SA du 7 février au 1er août 2019 à la suite et à la demande de l’assuré, a déclaré qu’après avoir obtenu de ce dernier des précisions et explications, il avait établi et signé, pour B______ SA, l’attestation du 4 avril 2019, l’attestation de revenu du 24 avril 2019 et la réponse à la caisse du 12 juillet 2019, et qu’il confirmait le contenu de ces documents. Le problème de B______ SA était qu’elle n’avait pas de compte bancaire depuis 2014, les banques refusant de lui en ouvrir eu égard aux exigences de la législation à l’égard des sociétés financières, même encore les banques cantonales des cantons de Genève et de Vaud en 2019. Pour B______ SA, C______ Sàrl fonctionnait comme société de trésorerie, pour l’encaissement des factures établies par B______ SA et le paiement des factures dues par cette dernière. En 2018, le salaire de l’assuré lui avait été payé par compensation de la valeur de deux véhicules de marque Audi et par des paiements en espèces. Le témoin ne disposait d’aucun indice que les salaires mentionnés dans le grand livre de la comptabilité de B______ SA n’auraient pas été versés effectivement à l’assuré. Il se souvenait que les charges sociales avaient bien été payées et que les salaires des mois d’octobre et novembre 2018 n’avaient pas été versés à l’assuré. L’assuré, marié et père de deux enfants, n’avait pas d’autres revenus que ceux liés à son travail pour B______ SA.

b. M. O______, qui avait vendu sa fiduciaire L______ Sàrl à MM. N______ et R______ en été 2019, a confirmé qu’il avait cosigné les « quittances-reçus paiement salaire en espèces (de l’assuré) » des 18 décembre 2017 pour 2017 et 3 décembre 2018 pour 2018 ; les montants indiqués avaient été passés dans les comptes de B______ SA à titre de salaire. La fiduciaire devait avoir eu des pièces, comme des attestations de salaire (même manuscrites), pour que les montants considérés puissent figurer dans le grand livre de la comptabilité de B______ SA sous le compte 5200 « Salaires ». Le témoin ne se souvenait pas mais n’excluait pas que B______ SA passait par un compte bancaire de C______ Sàrl pour ses mouvements de trésorerie. Il arrivait, encore en 2022, que des sociétés ne disposent pas d’un compte bancaire, ou paient leurs factures et les salaires au comptant. Il n’y avait pas en Suisse d’obligation de payer les salaires par le biais de comptes bancaires, et il était aussi tout à fait légal qu’un salarié soit payé en tout ou en partie par le biais de la cession d’une voiture à hauteur de sa valeur.

c. Au terme de ces auditions, les parties ont déclaré l’une et l’autre qu’elles ne requéraient pas l’accomplissement d’autres actes d’instruction, et qu’elles confirmaient la décision attaquée, respectivement le recours.

d. La cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la CJCAS connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (LACI - RS 837.0). Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie, la décision attaquée ayant été rendue en application des lois précitées.

Le recours a été interjeté en temps utile (art. 60 al. 1 LPGA), dans le respect des exigences de forme et de contenu posées par la loi (art. 61 let. b LPGA ; cf. aussi art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Touché par la décision attaquée et ayant un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification, le recourant a qualité pour recourir (art. 59 LPGA ; art. 60 al. 1 let. a et b et 89A LPA).

Le recours est donc recevable.

2.        Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Le recours reste cependant soumis à l'ancien droit, dès lors qu'il était pendant devant la chambre de céans au 1er janvier 2021 (cf. art. 82a LPGA ; RO 2020 5137 ; FF 2018 1597 ; erratum de la CdR de l’Ass.féd. du 19 mai 2021, publié le 18 juin 2021 in RO 2021 358).

3.        a. En l’espèce, il n’est pas contesté que le recourant remplissait les conditions lui ouvrant le droit à l’IC dès son inscription au chômage le 14 décembre 2018, en particulier les conditions relatives à la période de cotisation (art. 8 al. 1 let. e LACI) (sans préjudice de la suspension dudit droit pour une durée de huit jours pour cause de chômage fautif, selon la décision restée non contestée que l’intimée a rendue à ce propos le 8 juillet 2019). Il sied néanmoins de rappeler que, selon l’art. 13 al. 1 LACI, la réalisation de cette condition-ci suppose que, dans les limites de son délai-cadre de cotisation (qui allait en l’espèce du 14 décembre 2016 au 13 décembre 2018), la personne assurée ait exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisation, qui soit suffisamment contrôlable et destinée à l’obtention d’un revenu (ATF 133 V 515 consid. 2.4 p. 521).

b. Généralement, le contrat de travail, une attestation de l’employeur et les décomptes de salaire suffisent à prouver la période de cotisation ; il n’est pas requis que les salaires et les cotisations sociales aient été régulièrement versés (ATF 113 V 352 consid. 2b p. 353 ; Boris RUBIN, Assurance-chômage et service public de l’emploi, 2019, n. 139 s. ; Bulletin LACI IC, ch. B145). Une période durant laquelle la personne assurée a renoncé à son salaire ne compte cependant pas comme période de cotisation (ATF 131 V 444) ; une telle hypothèse peut se produire lorsque des administrateurs ou gérants de sociétés en difficulté, ou des personnes occupant en leur sein une position assimilable à celle d’un employeur, ou leur conjoint, renoncent à un salaire dans l’espoir de sauver l’entreprise. Pour prévenir l’important risque d’abus que recèlent de telles situations à l’égard de l’assurance-chômage, il faut se montrer plus exigeant pour admettre que la personne assurée a effectivement exercé une activité soumise à cotisation durant la période déterminante, au point que, sans constituer en soi une condition du droit à l’IC, le versement effectif du salaire tend à être un indice important, voire décisif de l’exercice de l’activité salariée considérée (ATF 131 V 444 consid. 3 ; Boris RUBIN, op. cit. n. 141 s.). Le Secrétariat d’Etat à l’économie (ci-après : SECO) se montre plus exigeant encore, en requérant en principe que le salaire convenu ait été effectivement versé à la personne assurée (Bulletin LACI IC, ch. B144) ; pour les personnes occupant une position comparable à celle d’un employeur, il prévoit que des justificatifs bancaires ou postaux permettent de réputer établis le versement du salaire ainsi que l’existence d’une activité soumise à cotisation (Bulletin LACI IC, ch. B147), et il admet, lorsque le salaire a été perçu en espèces, qu’une déclaration d’impôt accompagnée de certificats de salaires obtenus auprès de l’administration fiscale, des quittances de salaire ou extraits de livre de compte fournis par une fiduciaire corroborés par un extrait de compte individuel AVS peuvent être acceptés à titre de preuve du versement du salaire, sans préjudice d’autres moyens de preuve mais en excluant des documents dont le contenu ne peut être vérifié que par les explications de la personne assurée (Bulletin LACI IC, ch. B148).

c. In casu, la caisse admet à bon droit que le recourant a non seulement été le salarié de B______ SA du 23 avril 2011 au 12 décembre 2018, mais aussi qu’il a effectivement fourni durant tout ce temps les prestations convenues par son contrat de travail, et, s’agissant des années 2017 et 2018 prises en considération au titre de son délai-cadre de cotisation, qu’il a reçu des salaires et, pour la période d’octobre à la mi-décembre 2018, qu’il a produit sa créance de salaire dans la faillite de B______ SA. Il n’y a pas d’élément autorisant à retenir que le recourant aurait renoncé à son salaire. Aussi est-il justifié d’admettre, de façon au demeurant renforcée par les considérations émises ci-après à propos du gain assuré qu’il faut reconnaître au recourant, que ce dernier remplissait effectivement les conditions relatives à la période de cotisation.

4.        a. Est litigieuse la question du montant du gain assuré du recourant.

b. Selon l’art. 23 al. 1 LACI, est réputé gain assuré le salaire déterminant au sens de la législation sur l’AVS qui est obtenu normalement au cours d’un ou de plusieurs rapports de travail durant une période de référence, y compris les allocations régulièrement versées et convenues contractuellement, dans la mesure où elles ne sont pas des indemnités pour inconvénients liés à l’exécution du travail. Le montant maximum du gain assuré correspond à celui de l’assurance-accidents obligatoire ; le gain n’est pas réputé assuré lorsqu’il n’atteint pas un montant minimum, qui est de CHF 500.- par mois, étant précisé que les gains résultant de plusieurs rapports de travail s’additionnent (art. 40 de l’ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 - OACI - RS 837.02) et qu’en cas de fluctuation des gains durant la période de référence, c’est la moyenne qui fait foi, même si la limite des CHF 500.- n’a pas été atteinte durant certains mois (Boris RUBIN, op. cit. n. 342 ss ; Bulletin LACI IC, ch. C12 ss et C23a). Le gain assuré est calculé sur la base du salaire moyen des six derniers mois de cotisation qui précèdent le délai-cadre d’indemnisation (art. 37 al. 1 OACI) ; il est déterminé sur la base du salaire moyen des douze derniers mois de cotisation précédant le délai-cadre d’indemnisation si ce salaire est plus élevé que le salaire moyen visé à l’al. 1 (art. 37 al. 2 OACI ; Bulletin LACO IC, ch. C15).

Par salaire « obtenu normalement » au sens de l’art. 23 al. 1 LACI, il faut entendre en principe la rémunération touchée effectivement. En cas de différence entre le salaire convenu contractuellement et le salaire effectivement touché, le salaire convenu peut cependant être pris en considération, à la condition toutefois qu’on puisse écarter toute possibilité d’abus résultant d’un accord fictif au sujet du salaire (ATF 128 V 189 consid. 3a/aa ; Boris RUBIN, op. cit., n. 354 s.). Des situations potentiellement abusives sont celles où la personne assurée occupe une position décisionnelle dans l’entreprise qui était censée lui verser le salaire et celles où elle est le conjoint de l’employeur ; si la personne assurée ne réclame pas le salaire convenu en raison de liens étroits avec l’entreprise en difficulté économique, seule la rémunération effectivement versée doit être considérée comme salaire « obtenu normalement » ; la personne assurée doit documenter de façon claire, sur la base de pièces comptables non équivoques, les transactions entre elle-même et la société qui l’employait, à défaut de quoi le gain assuré ne saurait être le salaire convenu mais uniquement le salaire effectivement versé (ATF 131 V 444 consid. 3.3 ; Boris RUBIN, op. cit., n. 356 s). Ainsi, lorsque l’exercice d’une activité soumise à cotisation est établi à satisfaction de droit, mais que le montant exact du salaire versé ne l’est pas clairement, il y a lieu de réduire le gain assuré au niveau du salaire effectivement versé (ATF 131 V 44 consid. 3.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 83/06 du 18 août 2006 consid. 2.2 ; Bulletin LACI IC, Jurisprudence citée ad ch. B148 et C2), voire de nier le droit à l’IC (Boris RUBIN, op. cit. , n. 142 et 357).

c. C’est une question de fait que de savoir quel salaire a été effectivement versé à la personne assurée, soit une question à propos de laquelle il y a lieu d’appliquer les principes ordinaires régissant la procédure en matière d’assurances sociales, à savoir, en particulier, la maxime inquisitoire ainsi que les règles sur l’appréciation des preuves et le degré de la preuve, principes brièvement présentés ci-après (ATAS/605/2021 du 11 juin 2021 consid. 6).

aa. L’assureur social et, en cas de litige, le juge, établissent d’office les faits déterminants, avec la collaboration des parties, sans être lié par les faits allégués et les preuves offertes par les parties, en s’attachant à le faire de manière correcte, complète et objective afin de découvrir la réalité matérielle (art. 43 LPGA ; art. 19 s., 22 ss, 76 et 89A LPA ; Ueli KIESER, ATSG-Kommentar, 4ème éd., 2020, n. 13 ss ad art. 43 ; Jacques Olivier PIGUET, in Commentaire romand de la loi sur la partie générale des assurances sociales, éd. par Anne-Sylvie DUPONT / Margit MOSER-SZELESS, 2018, ci-après : CR-LPGA, n. 9 ss ad art. 43). Les parties ont l’obligation d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués ; à défaut, elles s’exposent à devoir supporter les conséquences de l’absence de preuve (art. 28 LPGA ; ATF 125 V 193 consid. 2 ; 122 V 157 consid. 1a ; 117 V 261 consid. 3b et les références).

bb. Comme l’administration, le juge apprécie librement les preuves administrées, sans être lié par des règles formelles (art. 61 let. c LPGA). Il lui faut examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les pièces du dossier et autres preuves recueillies permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. Il lui est loisible, sur la base d’une appréciation anticipée des preuves déjà disponibles, de refuser l’administration d’une preuve supplémentaire au motif qu’il la tient pour impropre à modifier sa conviction (ATF 131 III 222 consid. 4.3 ; ATF 129 III 18 consid. 2.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_5/2011 du 24 mars 2011 consid. 3.1).

cc. Une preuve absolue n’est pas requise en matière d’assurances sociales. L’administration et le juge fondent leur décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute le cas échéant d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante ; il ne suffit pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; Ueli KIESER, op. cit., n. 52 ss ad art. 43). Il n’existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

5.        a. En l’espèce, à teneur du contrat de travail le liant à B______ SA (pce 1 Rec), le recourant était engagé comme salarié de B______ SA pour une activité de directeur et administrateur l’occupant à plein temps (soit 40 heures par semaine), pour un salaire qui était fixé non au mois mais à l’année, soit à CHF 59'880.- (brut), et qui pouvait lui être versé sur un compte bancaire indiqué par lui « ou comptant ». Il est établi non seulement par les allégations du recourant, mais aussi par les déclarations de deux des témoins entendus – à savoir l’administrateur directeur ayant succédé au recourant (D______) et l’associé gérant de L______ Sàrl, la fiduciaire tenant la comptabilité de B______ SA et C______ Sàrl (N______) – que B______ SA n’avait pas, du moins depuis 2014, de compte bancaire. A part qu’elle n’était pas tenue de disposer d’un compte bancaire (comme l’a relevé le témoin O______, ancien associé gérant de cette même fiduciaire), B______ SA se heurtait à des refus des banques de lui ouvrir un compte bancaire, compte tenu – a confirmé le témoin D______ – des exigences de la législation à l’égard de sociétés financières telles que B______ SA, si bien qu’elle a passé avec C______ Sàrl, le 27 mars 2015, un contrat (pce 5 Rec) à teneur duquel cette société de service mettait son compte ouvert auprès de la banque Raiffeisen de Genève à la disposition de B______ SA pour des opérations de trésorerie de cette dernière. Ce compte était utilisé d’une part pour l’encaissement des factures établies pour les prestations de B______ SA, comportant l’explication qu’elles devaient être payées sur ledit compte de C______ Sàrl, et d’autre part pour le paiement – par le biais de sorties en espèces ou de virements, précisait ledit contrat – des salaires et charges sociales, des frais ainsi que des fournisseurs de B______ SA.

b. Le dossier comporte des indices importants qu’en 2017 et 2018 le recourant a reçu effectivement le paiement du salaire convenu.

Ainsi, les avis de taxation du recourant établis par l’administration fiscale cantonale respectivement les 25 avril 2018 et 25 mars 2019 retiennent des revenus bruts de CHF 59'880.- pour 2017 (pce 51 Rec) et de CHF 44'910.- pour 2018 (pce 52 Rec).

De même, l’extrait de compte individuel du recourant que la caisse de compensation du canton de Fribourg a adressé le 12 mars 2019 à l’intimée (pce 36 U) fait état, pour tout revenu du recourant en 2017 et 2018, d’un revenu, exclusivement de B______ SA, de CHF 59’880.- pour la période de janvier à décembre 2017 et de CHF 44'910.- pour celle de janvier à septembre 2018. A cela s’ajoute que de l’extrait de compte de B______ SA (dont le recourant était le seul salarié en 2017 et 2018) pour la période du 1er janvier 2017 au 7 janvier 2019 (pce 35 U) résulte que les charges sociales afférentes à ces revenus, de même d’ailleurs que divers frais (frais de gestion, frais de sommation, intérêts moratoires), ont été effectivement payés (par CCP ou par BVR). En 2018, B______ SA a d’ailleurs fait l’objet, de la part de l’Etablissement cantonal des assurances sociales du canton de Fribourg, d’un contrôle AVS ayant porté sur les années 2014 à 2017, contrôle qui n’aurait pas manqué de mettre à jour un défaut de versement de cotisations sociales.

c. En 2017 et 2018, le salaire du recourant ne lui a pas été versé mois après mois, mais par à-coups, au gré des disponibilités, hypothèse qui paraît avoir été envisagée d’emblée dès lors que son montant a été fixé contractuellement pour l’année. Il apparaît qu’une fois en 2017, il lui a été payé partiellement par le biais d’un virement bancaire substantiel (de CHF 44'910.-, le 15 mai 2017), mais pour le surplus – à suivre le recourant – par le biais d’autres modes de paiement, certes moins usuels mais en eux-mêmes le cas échéant pas illégaux pour autant. L’intimée en admet certains, mais pas d’autres.

Comme l’intimée l’a relevé, la période pertinente pour le calcul du gain assuré est constituée en l’espèce des douze derniers mois précédant le délai-cadre d’indemnisation. Aussi faut-il vérifier si, pour cette période du 14 décembre 2017 au 13 décembre 2018, l’intimée a écarté à bon droit les salaires qui, selon le recourant, lui ont été payés en partie par imputation sur sa créance de salaire de la valeur de l’Audi Q5 (à hauteur de CHF 16'500.-) qu’il a acquise de B______ SA et pour le surplus par le biais de huit retraits totalisant CHF 4'390.- opérés sur le compte Raiffeisen de C______ Sàrl, soit des salaires dont elle estime que leur versement effectif n’est pas établi au degré de la vraisemblance prépondérante.

6.        a. C’est à juste titre que l’intimée a admis que l’Audi Q7 a été vendue par B______ SA à H______ le 19 septembre 2018 au prix de CHF 15'400.- (pce 39 Rec) et que ce montant a été conservé par le recourant en compensation du salaire qui lui était dû. Cela est établi de façon suffisante par l’attestation de paiement en espèces du 30 novembre 2018 cosignée par le recourant et Mme E______ (pce 45/14 U), de même que par la « quittance-reçu paiement salaire en espèces [du recourant] en 2018 » du 3 décembre 2018 cosignée par le recourant et l’expert-comptable O______ de la fiduciaire L______ Sàrl (pce 24 Rec). Cela a par ailleurs été transcrit dans le Grand livre de la comptabilité de B______ SA pour 2018, sous le compte 5200 « Salaires ».

b. Il n’est pas contestable que, le 23 novembre 2018, B______ SA a vendu au recourant une Audi Q5 au prix de CHF 16'500.- (pce 38 Rec), dont la valeur est confirmée par quatre estimations (pces 87/3-4-7-8 U), et que ce véhicule a été désimmatriculé le 23 novembre 2018 à Fribourg au nom de B______ SA et immatriculé le 26 novembre 2018 à Genève au nom du recourant, qui a conservé ce véhicule. Il y a lieu d’admettre que le prix précité de CHF 16'500.- pour cette Audi Q5 a été imputé sur la créance de salaire du recourant, comme cela résulte des mêmes deux attestations précitées des 30 novembre 2018 (pce 45/14 U) et 3 décembre 2018 (pce 24 Rec), ainsi que de l’« attestation de revenus » du recourant pour 2018, signée le 24 avril 2019 par l’administrateur-directeur de B______ SA D______ (pce 29 Rec). Cette opération figure également dans le Grand livre de la comptabilité de B______ SA pour 2018, sous le compte 5200 « Salaires » ; comme l’expert-comptable O______ l’a déclaré lors de son audition, si de tels montants ont été passés à ce titre dans la comptabilité de B______ SA, c’est que la fiduciaire L______ Sàrl a disposé pour ce faire de pièces valant attestation de salaire ; pour le témoin N______, cette mention signifie que des salaires ont été payés au recourant par la caisse de B______ SA grâce à des liquidités provenant de la vente de cette Audi Q5 (comme d’ailleurs de celle de l’Audi Q7), sans que rien ne permette de douter de la réalité de l’apport de ces liquidités et de leur affectation au paiement de salaires.

La prise en compte de la valeur de ce véhicule à titre de salaire effectivement payé a été écartée à tort par l’intimée.

7.        a. L’intimée retient à bon droit qu’en 2018, Mme E______ a versé au total CHF 3'114.- en mains du recourant, à valoir sur sa créance de salaire, autrement dit à B______ SA mais en sorte que le recourant conserve ce montant au titre du salaire que B______ SA lui devait, et qu’il en a été de même pour les CHF 1'000.- que M. F______ lui a remis. Les mêmes pièces précitées attestent de ces paiements de salaire au recourant, à savoir les attestations des 30 novembre 2018 et 3 décembre 2018 cosignées respectivement par le recourant et Mme E______ (pce 45/14 U) et par le recourant et M. O______ (pce 24 Rec), ainsi que la même mention précitée figurant dans le Grand livre de la comptabilité de B______ SA pour 2018 sous le compte 5200 « Salaires ».

b. L’intimée nie en revanche que puissent être retenus, pour déterminer le gain assuré du recourant, les huit prélèvements totalisant CHF 4'390,- que ce dernier a effectués sur le compte Raiffeisen de C______ Sàrl en 2018, à savoir 5 x CHF 500.- (les 22 et 29 mars, 6 et 13 avril, 14 août), 1 x CHF 200.- (le 10 août), 1 x CHF 300.- (le 1er septembre) et 1 x CHF 1'390.- (le 24 novembre).

Ces prélèvements résultent du relevé de compte Raiffeisen de C______ Sàrl (pce 55 Rec). Sans doute aurait-il été plus clair que le recourant procède par voie de virements dudit compte sur son compte auprès de la BCGe, plutôt que d’effectuer des retraits au bancomat et de conserver les montants au titre de son salaire. Ces huit prélèvements sont cependant mentionnés explicitement comme valant paiement de son salaire dans la « quittance-reçu ( ) » précitée du 3 décembre 2018, cosignée par le recourant et l’expert-comptable O______ (pce 24 Rec), et ils sont englobés dans la somme totale de CHF 40'404.- que le recourant avait reçue à titre de salaire pour les mois de janvier à septembre 2018 à teneur de l’attestation établie et signée le 24 avril 2019 par l’administrateur directeur D______ (pce 29 Rec), attestation dont ce dernier a confirmé le contenu lors de son audition par la chambre de céans. Ils figurent en outre eux aussi dans le Grand livre de la comptabilité de B______ SA pour 2018 sous le compte 5200 « Salaires ».

Il se justifie de retenir, au degré de la vraisemblance prépondérante, que ces huit prélèvements, totalisant CHF 4'390.-, ont effectivement servi à payer le salaire du recourant en 2018. L’avis contraire de l’intimée ne peut être confirmé.

8.        a. Pour 2018, B______ SA n’a pas versé de salaire au recourant dès octobre, mais ce dernier n’a nullement renoncé à sa prétention salariale pour le laps de temps jusqu’à la fin de ses rapports de travail. Il a produit une créance de salaire de CHF 11'976.- dans la faillite de ladite société, pour octobre, novembre et début décembre 2018 (pces 114 U, 115 U et 120 U). Aussi faut-il considérer que son gain assuré ne doit pas être amputé de sa créance de salaire afférente à la période allant du 1er octobre au 12 décembre 2018, indépendamment du fait qu’il n’a le cas échéant reçu aucun pourcentage de cette créance salariale produite dans la liquidation de la faillite de B______ SA.

b. Dans la mesure où la période de référence pertinente pour le calcul du gain assuré du recourant inclut le laps de temps s’étant écoulé entre le 14 et le 31 décembre 2017, il sied de relever que l’intégralité du salaire dû au recourant pour l’année 2017 a bien été versé à ce dernier, ainsi que cela doit être admis au regard de l’avis de taxation 2017 précité (consid. 5b), de l’extrait de son compte individuel (consid. 5c), ainsi que du Grand livre de la comptabilité de B______ SA pour 2017 sous le compte 5200 « Salaires », qui y fait figurer, en plus du virement précité de CHF 44'910.- du 15 mai 2017, le versement de CHF 14'770.- (recte : CHF 14'970.-) de salaires, soit un total de CHF 59'880,- (correction étant faite de cette erreur de plume de CHF 200.-), correspondant au salaire convenu.

9.        En complément aux éléments précités, attestant au degré de la vraisemblance prépondérante du versement effectif au recourant, en 2017 et 2018, du salaire auquel il avait droit à teneur de son contrat de travail, il sied de relever que le recourant n’avait pas d’autres revenus que ceux liés à son activité pour B______ SA et qu’il lui fallait bien subvenir aux besoins de sa famille, constituée de son épouse et de leurs deux enfants. Il apparaît que le recourant y est parvenu, notamment en utilisant, en 2017 et 2018, la partie reçue au comptant de son salaire essentiellement pour payer les achats d’aliments qu’il avait faits à la Coop et à la Migros, à hauteur de CHF 14'342.85 en 2017 et de CHF 22'136.09 en 2018 (pce 71/13-14 U ; cf. aussi pces 40 à 44 Rec).

10.    En conclusion, il n’y a pas d’éléments qui permettent de retenir, en termes de vraisemblance prépondérante, que le recourant a renoncé, en 2017 et 2018, à une quelconque part du salaire convenu entre lui et B______ SA, et que, partant, il se justifierait de s’écarter, à la baisse, de ce salaire convenu pour fixer son gain assuré.

C’était à bon droit que l’intimée avait, le 24 janvier 2019 (pce 28 U), accordé au recourant une IC calculée sur la base d’un gain assuré (mensuel) de CHF 4'990.- dès le 14 décembre 2018, mais à tort qu’elle a ensuite réduit son gain assuré d’abord à CHF 1'916.-, le 19 mars 2019, puis même, sur opposition, à CHF 1'734.-, le 6 octobre 2020, et, en conséquence, qu’elle a réclamé au recourant, le
21 mars 2019, la restitution d’un prétendu trop-perçu d’IC (de même d’ailleurs le 12 octobre 2020, sied-il d’ajouter, bien que cette décision-ci ne soit pas formellement objet du recours, celui-ci devant cependant, dans le contexte de cette affaire, valoir au besoin opposition à cette décision de restitution du 12 octobre 2020).

Le recours est bien fondé. La décision attaquée du 6 octobre 2020 doit être annulée, ce qui implique celle des décisions initiales des 19 et 21 mars 2019 auxquelles elle s’était substituée, en sorte que prévaut à nouveau la décision du 24 janvier 2019.

11.    a. La procédure est gratuite (art. 61 al. 1 let. a aLPGA ; cf. art. 61 al. 1 let. fbis LPGA).

b. Le recourant plaidant en personne et n'ayant pas fait état de frais particuliers et importants engagés pour la défense de ses intérêts, il n'y a pas lieu de lui allouer une indemnité de procédure, en dépit du fait qu'il obtient gain de cause (art. 61 al. 1 let. g LPGA), ni d'ailleurs à l'intimée, dès lors qu'il s'agit d'une administration publique dotée d'un service juridique (Jean METRAL, in CR-LPGA, n. 98 et 100 ad art. 61 ; Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 1041).

 

* * * * * *

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition rendue le 6 octobre 2020 par la Caisse de chômage Unia, ce qui implique celle des décisions de ladite caisse des 19 et 21 mars 2019.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure aux parties.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marguerite MFEGUE AYMON

 

Le président suppléant

 

 

 

 

Raphaël MARTIN

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le