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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3159/2021

ATAS/231/2022 du 14.03.2022 ( LAMAL ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3159/2021 ATAS/231/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 mars 2022

6ème Chambre

 

En la cause

 

Madame A______, domiciliée à SAINT-JEAN-DE-GONVILLE, FRANCE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Jean ORSO

 

recourante

 

contre

 

SERVICE DE L'ASSURANCE-MALADIE, sis Route de Frontenex 62, GENÈVE

 

 

 

intimé

 


EN FAIT

A. a. Monsieur B______ (ci-après : l’assuré ou le défunt), né le ______ 1964, de nationalité française et père de deux enfants nés en 1995 et 1998, est décédé le ______2017.

b. Sa veuve, Madame A______ (ci-après : la recourante) est l’héritière unique de l’assuré, les deux enfants communs du couple ayant renoncé purement et simplement à la succession en sa faveur.

c. À ce titre, la recourante fait actuellement l’objet d’une procédure de recouvrement en France pour les frais médicaux engendrés par le traitement de l’assuré en France jusqu’à son décès, et ce pour un total de EUR 277'608.70.

B. a. À partir du mois de juillet 1985, l’assuré a commencé à travailler en Suisse tout en résidant en France. Il était alors assuré auprès d’une assurance privée française contre le risque maladie.

b. Le 1er juin 2002, l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) est entré en vigueur.

c. Le 14 mai 2003, l’assuré a retourné au service de l’assurance-maladie du canton de Genève (ci-après : SAM) un formulaire indiquant qu’il optait, en tant que travailleur frontalier, pour un rattachement à l’assurance-maladie sociale de son pays de résidence.

d. Depuis le mois de juillet 1985 et jusqu’au 31 décembre 2010, l’assuré a exercé continuellement une activité salariée soumise à l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) en Suisse, excepté pour les mois allant de juillet à août 1989 compris.

e. La période continue d’emploi du défunt en Suisse a pris fin au 31 décembre 2010. Il n’a cependant pas été inscrit comme demandeur d’emploi, ni en Suisse, ni en France.

f. Au 6 décembre 2011, l’assuré a repris un travail en Suisse en faveur de la société C______ SA, sise chaussée D______ à Yverdon-les-Bains. Cette société a été mise en faillite le 21 février 2019 et a été radiée le 9 septembre 2020.

g. L’assuré travaillait à la rue E______ en ville de Genève où il tenait l’agence locale de son employeur.

h. Le 3 février 2016, l’assuré a dû être hospitalisé d’urgence au Centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes (ci-après : le CHU de Grenoble) en lien avec de graves troubles cardiaques.

i. Suite à ces troubles médicaux l’assuré a reçu des indemnités-journalières perte de gain maladie de l’assurance privée collective de son employeur, et ce jusqu’à son décès le 25 mai 2017.

j. Entre le jour de son hospitalisation, le 3 février 2016, et le jour de son décès, les frais des traitements médicaux réalisés en France au bénéfice du défunt se sont élevés à un total de EUR 278'908.70.

C. a. Ayant été informé que ses frais médicaux ne pouvaient en l’état pas être pris en charge au titre de l’assurance-maladie française, l’assuré a déposé une requête de rattachement à l’assurance-maladie française le 19 février 2016.

b. En date du 5 avril 2016, la Caisse primaire d’assurance maladie de l’Ain (ci-après : la CPAM-01) a refusé d’affilier le défunt. De son point de vue, celui-ci devait en effet être rattaché en Suisse depuis le début de sa nouvelle activité en Suisse le 1er décembre 2011.

c. Par courriel du 18 avril 2016, l’Office vaudois de l’assurance-maladie (ci-après : l’OVAM) a informé l’assuré qu’il pouvait s’affilier à un assureur LAMal.

d. En date du 11 mai 2016, la CPAM-01 a rendu une décision d’affiliation relative à la recourante et à leurs enfants communs ; elle a ainsi confirmé le rattachement à la France de la recourante qui existait déjà auparavant.

e. Par courrier du 8 mai 2019, la recourante s’est adressée au SAM afin de clarifier si le défunt relevait de la compétence suisse ou française, s’agissant du droit de l’assurance-maladie sociale applicable, pour la période postérieure au 5 décembre 2011. Suite à ce courrier, le gestionnaire en charge du dossier s’est entretenu le 4 juillet 2019 au téléphone avec le conseil de la recourante.

f. Par décision sur contestation du 28 octobre 2019, la Commission de recours amiable de la CPAM-01 a maintenu la décision du 11 mai 2016 de la CPAM-01. Elle a en substance retenu que dès lors que vu le début d’une nouvelle activité en Suisse par le défunt au 6 décembre 2011, le délai de trois mois pour faire usage du droit d’option en faveur de l’État de résidence avait commencé à courir dès cette date et qu’il était donc échu au 19 février 2016, date à laquelle l'assuré avait déposé sa requête de rattachement.

g. Le 26 décembre 2019, la recourante a recouru contre la décision sur contestation négative de la CPAM-01 auprès du Tribunal judiciaire de Bourg en Bresse (pôle social).

h. Sur requête de la recourante datée du 19 décembre 2019, l’OVAM a, par courrier daté du 10 janvier 2020, communiqué à la recourante que son avis initial du 18 avril 2016 était en réalité erroné. Le défunt ayant exercé son droit d’option le 14 mai 2003 en faveur de la France, c’était, de l’opinion de l’OVAM, bien cet État, et non la Suisse, qui était compétent s’agissant de la couverture d’assurance-maladie sociale de l’assuré.

i. Par courrier daté du 25 août 2020, l’OVAM a précisé sa position en ce sens, qu’outre son argumentation initiale, il considérait que, même si le défunt avait été rattaché à la Suisse depuis le 6 décembre 2011, il serait de toute manière repassé sous compétence française à compter du mois de février 2016 dès lors qu’il ne touchait plus de salaire, mais des indemnités-journalières fondées sur une assurance perte de gain collective privée. En outre, l’OVAM s’est déclaré incompétent à raison du lieu pour traiter du cas de l’assuré du fait que celui-ci avait exercé son activité dans le canton de Genève.

j. Par courrier du 26 août 2020, complété les 10 septembre et 12 novembre 2020, la recourante s’est adressée au SAM en requérant l’affiliation d’office du défunt à titre définitif, subsidiairement à titre provisoire, dès le 1er janvier 2016.

k. Le 31 mars 2021, la recourante a derechef requis du SAM une affiliation rétroactive de l’intéressé, en soulignant que ses courriers des 26 août, 10 septembre et 12 novembre 2020 étaient restés sans réponse.

l. Le 15 avril 2021, le SAM a accusé réception de la demande de la recourante et requis de celle-ci la transmission d’éventuels décomptes d’indemnisation de l’intéressé par Pôle Emploi. Sur quoi, la recourante a répondu par courrier du 28 avril 2021 que l’intéressé n’avait pas été inscrit au chômage.

D. a. Le 25 juin 2021, la recourante a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice d’un recours pour déni de justice et conclu à ce qu’il soit ordonné au SAM d’affilier rétroactivement au 19 février 2016 le défunt à l’assurance maladie suisse.

b. Par décision du 15 juillet 2021, le SAM a déclaré irrecevable la demande de la recourante, au motif que la caisse de compensation AVS (ci-après : la caisse) était compétente pour rendre une décision. À titre subsidiaire, l’intimé a considéré que la requête devait être rejetée au fond, l’assuré n’étant plus frontalier selon les données de l’OCPM en 2016, date de la demande d’affiliation.

c. Le même jour, le SAM a répondu au recours en concluant à son rejet, puis, le 22 juillet 2021, à ce que le recours soit déclaré sans objet vu qu’il avait désormais rendu une décision.

d. Par courrier du 4 août 2021, la recourante s’est adressée à la caisse de compensation en se basant sur le courrier du 15 juillet 2021 du SAM et en requérant le rattachement, à tout le moins provisoire, du défunt à titre rétroactif à l’assurance maladie suisse.

e. Par courrier du 10 août 2021, la caisse de compensation a considéré que ce courrier lui avait été adressé par erreur et a transmis le courrier du 4 août 2021 au SAM comme objet de sa compétence. En date du 19 août 2021, ce service a renvoyé ledit courrier en retour à la caisse de compensation en considérant que c’était bien elle qui était compétente.

f. Par arrêt ATAS/1157/2021 du 15 novembre 2021, la chambre de céans a déclaré le recours en déni de justice du 25 juin 2021 comme étant sans objet, sous suite de dépens pour l’intimé.

E. a. Par mémoire du 14 septembre 2021, la recourante a recouru au nom de son défunt mari contre la décision du SAM du 15 juillet 2021 en concluant principalement à ce que l’assuré soit affilié à l’assurance-maladie obligatoire suisse à titre rétroactif depuis le 1er janvier 2016, et, subsidiairement, à une telle affiliation mais uniquement provisoire en attendant la décision du Tribunal judiciaire de Bourg en Bresse, le tout sous suite de frais et dépens. La recourante a complété son recours par écriture du 14 octobre 2021.

b. Par mémoire du 18 novembre 2021, le SAM a répondu au recours en concluant à son incompétence et, subsidiairement, au rejet du recours sur le fond.

c. Par ordonnances du 23 novembre 2021, la chambre de céans a ordonnée la production de plusieurs documents de la part de l’OVAM et de la recourante. Elle a également requis de la première qu’elle se détermine sur la question de sa compétence à raison du lieu et de la seconde qu’elle se détermine sur plusieurs questions de fait et droit.

d. Par courrier du 7 décembre 2021, l’OVAM s’est déterminé sur la question de sa compétence et a maintenu sa position, à savoir que les autorités genevoises étaient compétentes à raison du lieu, pièces à l’appui.

e. Par courrier du 31 janvier 2022, la recourante s’est déterminée sur les questions que la chambre de céans lui avait posées et a produit des pièces complémentaires.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10).

Sa compétence matérielle pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Il convient d’examiner la compétence à raison du lieu de la chambre de céans pour connaitre du présent litige.

2.1  

2.1.1 Selon l’art. 58 al. 2 LPGA, si l’assuré est domicilié à l’étranger, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de son dernier domicile en Suisse ou celui du canton de domicile de son dernier employeur suisse. Le Tribunal fédéral a précisé que l’art. 58 al. 2 LPGA fonde toutefois également un for alternatif au lieu de la succursale en tant que lieu du dernier employeur en Suisse lorsque ce point de rattachement apparaît prépondérant (ATF 144 V 313 consid. 6.5 ; Ueli KIESER, ATSG Kommentar 4ème éd. 2020, n. 37 ad. 58 LPGA ; Ivo SCHWEGLER Basler Kommentar ATSG, 2020, n. 18 ad. 58 LPGA). Au vu du but de l’art. 58 al. 2 LPGA, il faut retenir qu’il existe en tout cas un for alternatif au lieu du travail de l’assuré lorsque celui-ci diffère de celui du siège de l’employeur et constitue clairement le lieu de rattachement prépondérant d’un travailleur résidant hors de Suisse, soit à tout le moins en présence en ce lieu d’un établissement au sens de l’art. 12 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) (du même avis : Jean MÉTRAL, Commentaire romand LPGA, 2018, n. 6 ad. 58 LPGA).

2.1.2 Selon l’art. 6a al. 3 LAMal l’autorité désignée par le canton affilie d’office les personnes résidant dans un État membre de l’Union européenne, en Islande ou en Norvège et qui n’ont pas donné suite à l’obligation de s’assurer en temps utile. Cette norme ne règle pas expressément la question de savoir quel canton est compétent. Cependant, il ressort clairement du message du Conseil fédéral que c’est le canton de travail de l’assuré, soit le canton qui délivre les permis de travail aux frontaliers qui n’ont pas la nationalité suisse, qui est visé (FF 2000 3751, p. 3764). Cette compétence d’affiliation d’office et d’exemption octroyée au canton de travail de l’assuré fait sens, étant entendu que le canton de travail est compétent pour la délivrance des permis frontaliers ; un contrôle de l’affiliation obligatoire desdits frontaliers se trouve ainsi facilité. L’art. 4 du règlement d'exécution de la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 15 décembre 1997 (RaLAMal - J 3 05.01) prévoit d’ailleurs une information systématique au SAM par l’Office de la population et des migrations relative aux départs, décès, arrivées et naissances, types de permis octroyés et leurs modifications.

2.2 En l’espèce, l’assuré tenait l’agence de son employeur vaudois dans le canton de Genève et a toujours travaillé exclusivement dans ce canton. Son permis G lui a d’ailleurs été délivré par les autorités genevoises et son contrat de travail prévoit l’application des jours fériés genevois. En outre, les autorités vaudoises rejettent leur compétence en faveur des autorités genevoises, position partagée par la recourante, le SAM s’en remettant quant à la lui à la chambre de céans. Il faut donc retenir qu’il existe au moins un for alternatif dans le canton de Genève sur la base de l’art. 58 al. 2 LPGA.

2.3 Au vu de ce qui précède, la chambre de céans est également compétente à raison du lieu pour trancher le présent litige.

3.             La décision litigieuse porte, d’une part, sur la compétence de l’intimé, d’autre part, sur le rejet de la requête de la recourante sur le fond, visant à l’affiliation de l’assuré à l’assurance obligatoire des soins suisses à compter du 1er janvier 2016.

4.             Selon l’art. 59 LPGA, quiconque est touché par une décision, ou une décision sur opposition, et a un intérêt digne d’être protégé à ce qu’elle soit annulée ou modifiée a qualité pour recourir contre celle-ci.

La recourante est l’héritière universelle de l’assuré. En raison de cette qualité, elle fait l’objet d’une procédure de recouvrement de la part des autorités sociales françaises.

Dès lors qu’elle a hérité des obligations de son défunt époux, la recourante est directement touchée par la décision d’incompétence de l’intimé menant au rejet de l’affiliation à l’assurance-maladie suisse de l’assuré. Elle a en outre un intérêt à ce que cette décision soit modifiée.

5.              

5.1 La LPGA s'applique à la procédure d'affiliation d'office prévue par la LAMal (arrêt du Tribunal fédéral 9C_754/2019 du 23 avril 2020 consid. 5.5 et 5.6).

Selon l’art. 52 al. 1 LPGA les décisions des autorités sociales peuvent être attaquées dans les trente jours par voie d’opposition auprès de l’assureur qui les a rendues, à l’exception des décisions d’ordonnancement de la procédure. L’art. 35 al. 1 LaLAMal prévoit la même procédure en visant spécifiquement les décisions de l’intimé. Les décisions relatives à l’affiliation d’office sont donc soumises à opposition (Ueli KIESER, ATSG Kommentar 4ème éd. 2020, n. 25 ad. 52 LPGA).

En l’espèce, c’est donc prima facie à tort que la recourante s’est adressée directement à la chambre de céans au lieu de requérir une décision sur opposition de l’intimé.

5.2 Il y a formalisme excessif lorsque les exigences de formes exigées par la loi ou la pratique n'ont aucun but ou n'ont pas de justification objective pour leur sévérité ou lorsque ces exigences entravent la mise en œuvre du droit matériel (ATF 145 I 201 consid. 4.2.1 ; ATF 142 IV 299 consid. 1.3.2 ; ATF 142 I 10 consid. 2.4.2).

Selon la jurisprudence fédérale, l’art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) protège la confiance engendrée chez un administré par une indication erronée des voies de droit pour autant que l'erreur ne soit pas grossière (ATF 138 I 49 consid. 8.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_706/2018 du 11 janvier 2019 consid. 3.1 ; dans le même sens : ATF 144 II 401 consid. 3.1).

En l’espèce, la décision litigieuse précise en bas de sa seconde page que ses décisions relatives à sa compétence doivent être portées directement devant la chambre de céans. L’intimé ne soulève d’ailleurs pas la question d’une absence d’opposition. En outre, l’intimé et la caisse s’opposent sur la question de l’autorité compétente pour rendre une décision de première instance dans la présente cause. Un renvoi à l’intimé ne ferait ainsi pas de sens sur le plan de l’économie de procédure dès lors que l’intimé s’est d’ores et déjà clairement déterminé en date du 18 novembre 2021 et que la décision contestée n’a été rendue qu’après l’introduction d’un recours pour déni de justice en date du 25 juin 2021. Dans ces conditions requérir la tenue d’une procédure d’opposition reviendrait à violer l’interdiction du formalisme excessif. Partant, il faut considérer que le recours est recevable, même en l’absence de procédure d’opposition préalable.

6.             Déposé le 14 septembre 2021, soit au dernier jour du délai de recours de trente jours suspendu pendant les féries estivales de l’art. 60 LPGA et dans le respect des exigences de l'art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10), le recours est recevable.

7.             Il convient d’examiner en premier lieu la question de l’autorité compétente pour statuer sur la question du rattachement ou non de l’assuré à l’assurance-maladie sociale suisse.

7.1 Selon l’art. 1 al. 2 let. d OAMal les personnes qui résident dans un État membre de l’Union européenne et qui sont soumises à l’assurance suisse en vertu de l’ALCP et de son annexe II sont soumises à l’obligation de s’assurer contre la maladie en Suisse.

Selon l’art. 7 al. 8 OAMal, les personnes tenues de s’assurer en vertu de l’art. 1, al. 2, let. d OAMal doivent s’assurer dans les trois mois suivant la naissance de l’obligation d’assurance en Suisse.

L’art. 6a al. 3 LAMal prévoit que l’autorité désignée par le canton affilie d’office les personnes résidant dans un État membre de l’Union européenne, en Islande ou en Norvège, qui n’ont pas donné suite à l’obligation de s’assurer en temps utile. Cette autorité statue en outre sur les demandes d’exception à l’obligation de s’assurer. Pour les rentiers et les membres de leur famille, c’est cependant l’institution commune LAMal qui est compétente selon l’art. 18 al. 2bis et 2ter LAMal.

Il ressort de ce qui précède, que l’autorité compétente en premier lieu pour statuer sur la couverture d’une personne par l’assurance-maladie sociale suisse est l’assureur maladie autorisé à pratiquer l’assurance-maladie sociale au sens de l’art. 4 LAMal.

7.2 Ce qui précède n’exclut pas encore que l’assuré ne puisse pas être rattaché d’office à un assureur LAMal, dès lors qu’il ne s’est pas affilié à une assurance LAMal dans le délai légal de trois mois de l’art. 7 al. 8 OAMal.

Pour les personnes travaillant dans le canton de Genève, l’autorité compétente est l’intimé (art. 4 al. 1 et 5 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 29 mai 1997 [LaLAMal - J 3 05] et les art. 1 et 6 RaLAMal ; voir également : ATAS/231/2021 du 15 mars 2021 consid. 6a ; ATAS/122/2020 du 12 février 2020 consid. 7d).

La chambre de céans a d’ailleurs déjà jugé que l’intimé pouvait être contraint d’affilier d’office un assuré sur requête de sa part (ATAS/944/2016 du 16 novembre 2016 consid. 10 in fine ; ATAS/58/2015 du 29 janvier 2015 consid. 12 in fine).

De plus, si l’intimé considérait qu’il n’était pas compétent pour affilier d’office l’assuré, il lui revenait au moins d’informer celui-ci qu’il devait, de son opinion, contacter un assureur LAMal en lui remettant la liste des assureurs LAMal auxquels l’assuré pouvait s’adresser, vu les art. 6a al. 1 LAMal et 27 al. 2 LPGA (dans le même sens : arrêt du Tribunal 9C_531/2019, du 17 février 2020 consid. 6.2). Or, tel n’a pas été le cas, l’intimé n’ayant statué qu’après de long mois d’inactivité et le dépôt d’un recours pour déni de justice.

En conséquence, il convient de considérer que l’intimé est compétent pour affilier d’office l’assuré.

Par ailleurs, la caisse de compensation AVS est l’institution compétente pour la détermination de la législation applicable, dans le cadre de l’annexe II de l’ALCP et d’autres traités internationaux en matière de sécurité sociale (art. 75 LPGA et 17c let. i OPGA), ce qui ne signifie pas que cette autorité soit compétente dès que survient un conflit de législations sociales, mais bien plutôt que cette autorité est compétente lorsque le droit européen fait spécifiquement référence à une institution nationale compétente pour examiner à titre principal la question de la compétence d’un État [cf. par exemple les art. 15 et art. 16 du Règlement (CE) n°987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du Règlement (CE) n°883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (ci-après : Règlement 987/2009)].

Contrairement à ce que défend l’intimé, la caisse n’est donc pas compétente pour connaitre de la question du rattachement de l’assuré à la Suisse dans le cas d’espèce, ce d’autant qu’elle n’est pas compétente de manière générale en matière d’assurance-maladie sociale.

8.             Il convient d’examiner le bien-fondé du refus de l’intimé d’affilier d’office l’assuré à un assureur LAMal.

8.1 L’intimé relève qu’une affiliation de l’assuré ne serait pas possible car celui-ci n’était plus titulaire d’un permis G dans le canton de Genève depuis le 29 septembre 2013.

Or, comme cela ressort clairement de l’art. 7 Annexe I ALCP, les travailleurs frontaliers n’ont pas besoin de titre de séjour pour pouvoir travailler en Suisse. Si cette norme autorise cependant la Suisse à délivrer aux travailleurs frontaliers un titre spécifique, à savoir le permis G, il n’est pas débattu que le droit fondamental d’un citoyen européen à pouvoir travailler en Suisse résulte directement de l’ALCP et non d’une décision de l’autorité ou de la loi. Le fait que l’assuré ait ou non été en possession d’un permis G valide au moment de sa demande d’affiliation bien qu’il travaille en Suisse n’a donc pas d’importance pour l’issue du présent litige.

8.2 Les règles de compétences prévues par le droit international social européen sont impératives ; le rattachement d’une personne à un État ne dépend donc pas d’une décision nationale qui statuerait sur le droit applicable (ATF 146 V 290 consid, 3.2 ; ATF 146 V 152 consid. 4.2.3.1 ; ATF 144 V 127 consid. 4.2.3.1 ; C-535/19 [Grande chambre], A (Soins de santé publics), du 15 juillet 2021 consid. 48 ; C-784/19 [Grande chambre], TEAM POWER EUROPE, du 3 juin 2021 consid. 32 et 33 ; C-610/18 [Grande chambre], AFMB e.a, du 16 juillet 2020 consid. 40 et 41 ; C-135/19, Pensionsversicherungsanstalt (Prestation pour la rééducation), du 5 mars 2020 consid. 43, 44 et 46 ; C-631/17, Inspecteur van de Belastingdienst, du 8 mai 2019 consid. 45)

En ce qui concerne la compétence nationale et le droit applicable en matière d’assurance-maladie sociale, les règles déterminantes se trouvent au point 3 annexe XI "Suisse" du Règlement (CE) n°883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (ci-après : le Règlement 883/2004). Ce règlement est entré en vigueur au 1er avril 2012 et trouve application depuis cette date, dès lors que l’assuré ne prétend pas avoir choisi de maintenir le droit antérieur selon l’art. 87 par. 8 Règlement 883/2004, même si des évènements déterminants pour la résolution du litige se sont produits avant cette date (art. 87 par. 1 et 3 Règlement 883/2004). Par ailleurs, l’exception de l’art. 87 par. 8 Règlement 883/2004 n’est ouverte que si le droit social applicable a été modifié par l’entrée en vigueur du Règlement 883/2004 (1), sans modification de la situation factuelle (2) (C-33/18, V, du 6 juin 2019 consid. 32). Or, l’Annexe VI Suisse point 3 du Règlement (CEE) n°1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (ci-après : Règlement 1408/71), qui était applicable dans la relation franco-suisse entre le 1er juin 2002 et le 31 mars 2012, a une teneur en substance identique au point 3 annexe XI "Suisse" Règlement 883/2004 (sous réserve d’une clarification rédactionnelle au point 3 let. b/aa dernière phrase où « assurance obligatoire » a été remplacé par « obligation d’assurance »). En ce qui concerne la période antérieure au 1er avril 2012, les considérations qui vont suivre peuvent donc être appliquées mutantis mutandis au Règlement 1408/71, outre que comme il sera établi plus bas, la couverture d’assurance de l’assuré ne remonte pas à une période antérieure à 2016.

La norme précitée du Règlement (CE) n°883/2004, qui n’a pas encore fait l’objet d’une interprétation par la Cour de justice de l’Union européenne, est formulée comme suit :

« 3. Assurance obligatoire dans l’assurance maladie suisse et possibilités d’exemptions

a)      Les dispositions juridiques suisses régissant l’assurance-maladie obligatoire s’appliquent aux personnes suivantes qui ne résident pas en Suisse:

i)     les personnes soumises aux dispositions juridiques suisses en vertu du titre II du règlement;

ii)   les personnes pour lesquelles la Suisse assumera la charge des prestations en vertu des art. 24, 25 et 26 du règlement;

iii) les personnes au bénéfice de prestations de l’assurance chômage suisse;

iv) les membres de la famille des personnes visées aux points i) et iii) ou d’un travailleur salarié ou non salarié résidant en Suisse qui est assuré au titre du régime d’assurance maladie suisse, sauf si ces membres de la famille résident dans l’un des Etats suivants: le Danemark, l’Espagne, la Hongrie, le Portugal, la Suède ou le Royaume-Uni;

v)   les membres de la famille des personnes visées au point ii) ou d’un titulaire de pension résidant en Suisse qui est assuré au titre du régime d’assurance maladie suisse, sauf si ces membres de la famille résident dans l’un des Etats suivants: le Danemark, le Portugal, la Suède ou le Royaume-Uni.

On entend par «membres de la famille», les personnes qui sont des membres de la famille au sens de la législation de l’Etat de résidence.

b)      Les personnes visées à la let. a) peuvent, à leur demande, être exemptées de l’assurance obligatoire tant qu’elles résident dans l’un des Etats suivants et qu’elles prouvent qu’elles y bénéficient d’une couverture en cas de maladie: l’Allemagne, l’Autriche, la France et l’Italie et, en ce qui concerne les personnes visées à la let. a), ch. iv) et v), la Finlande et, en ce qui concerne les personnes visées à la let. a), ch. ii), le Portugal. Cette demande:

aa)    doit être déposée dans les trois mois qui suivent la survenance de l’obligation de s’assurer en Suisse; lorsque, dans des cas justifiés, la demande est déposée après ce délai, l’exemption entre en vigueur dès le début de l’assujettissement à l’obligation d’assurance;

bb)    vaut pour l’ensemble des membres de la famille résidant dans le même Etat. »

8.2.1 Il ressort de l’art. 2 par. 2 de l’accord interministériel du 7 juillet 2016 entre les autorités compétentes de la Confédération suisse et de la République française concernant la possibilité d'exemption de l'assurance-maladie suisse (entré en vigueur le 1er octobre 2016; ci-après: accord du 7 juillet 2016) que l’usage d’un droit d’option est irrévocable sous réserve en particulier de la prise d’activité en Suisse ou de la reprise d’activité en Suisse après une période de chômage. Cette précision laisse à penser qu’une personne qui quitte son emploi en Suisse et est rattachée à la France soit directement en raison de la perception de prestations de chômages françaises (art. 11 par. 3 let. c Règlement 883/2004) ou, subsidiairement, en raison de sa résidence en France (art. 11 par. 3 let. e Règlement 883/2004), soit médiatement en raison de son inactivité qui entraine son rattachement à son conjoint actif (point 3 let. a/iv annexe XI "Suisse" Règlement 883/2004 ou point 3 let. b/bb annexe XI "Suisse" Règlement 883/2004 ; ATF 147 V 402 consid. 4.1), voit son droit d’option s’éteindre, et un nouveau rattachement renaitre en cas de reprise d’activité postérieure en Suisse. Cet accord, même s’il est entré en vigueur après la reprise d’un emploi en Suisse par l’assuré, le 6 décembre 2011, peut être pris en compte, dans la mesure où il vise à clarifier la pratique préexistante des autorités françaises et suisses.

L’ATF 147 V 402 aboutit d’ailleurs directement à cette solution pour les personnes dont le conjoint travaille en Suisse et y est, de ce fait, assuré. En effet, dans un tel cas, la perte de l’emploi suisse accompagné d’un droit d’option mène, sauf sans inscription au chômage en France, au rattachement à la Suisse par le truchement du point 3 let. a/iv annexe XI "Suisse" Règlement 883/2004 (ATF 147 V 402 consid. 9.2.2), ce rattachement dérivé primant sur le rattachement autonome avec la France fondé sur la seule résidence dans cet État (art. 11 par. 3 let. e Règlement 883/2004) selon l’art. 32 par. 1 Règlement 883/2004 (ATF 147 V 402 consid. 4.2.2 ; voir également : ATF 143 V 52 consid. 6.3.2.2). Or, on ne saurait faire de distinction selon que la personne concernée s’est inscrite ou chômage ou non, a travaillé en France ou non, ou que son conjoint travaillant en Suisse à fait usage de son droit d’option ou non, au risque de créer des distinctions sans fondement légal.

En outre, la règle sur le droit d’option constitue une exception au principe central du Règlement 883/2004 qui est le rattachement à un seul État pour l’ensemble de la protection sociale (art. 11 par. 1 883/2004) (ATF 146 V 290 consid. 4.1 ; ATF 146 V 152 consid. 4.2.1.1 ; ATF 144 V 210 consid. 6.1 ; ATF 144 V 127 consid. 4.2.1.1 ; C-784/19 [Grande chambre], TEAM POWER EUROPE, du 3 juin 2021 consid. 33 ; C-610/18 [Grande chambre], AFMB e.a, du 16 juillet 2020 consid. 4.1 ; C-359/16 [Grande chambre], Altun e.a., du 6 février 2018 consid. 29). Les autorités françaises s’étaient d’ailleurs initialement opposées à l’instauration d’un droit d’option pour ce motif (ATAS/469/2016 du 16 juin 2016 consid. 5c). Les règles d’exceptions permettant de déroger au principe de l’unicité de la législation applicable pour la seule assurance-maladie sociale, en faveur de l’État de résidence, plutôt que de l’État de travail doivent donc être interprétées strictement, et, en cas de doute, dans un sens qui garantit une application du règlement conforme au principe général du rattachement au lieu de travail (art. 11 par. 3 let. a Règlement 883/2004 et point 3 let. a/i annexe XI "Suisse" Règlement 883/2004 ; dans le même sens : arrêt du Tribunal fédéral 9C_801/2014 du 10 mars 2015 consid. 3.3).

Enfin, la Cour de Cassation française a d’ores et déjà eu l’occasion de statuer et de rejeter l’opinion, défendue notamment par la CPAM de Haute-Savoie, selon laquelle lorsqu’un assuré avait fait usage de son droit d’option en faveur de la France puis était à nouveau rattaché à la Suisse, il fallait considérer qu’il existait une requête tacite d’exception, respectivement de renouvellement de la demande expresse d’exemption antérieure (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 15 mars 2018, 17-21.991 [Publié au bulletin], deuxième et troisième moyen réunis). Elle a suivi en cela une jurisprudence fédérale qui a mis fin à la pratique d’exemption tacite de certaines autorités cantonales (arrêt du Tribunal fédéral 9C_801/2014 du 10 mars 2015 consid. 3.3). La chambre de céans était d’ailleurs parvenue à une solution identique dans un arrêt de principe (ATAS/58/2015 du 29 janvier 2015 consid. 10c ; voir également : ATAS/1149/2019 du 11 décembre 2019 consid.5 ; ATAS/942/2019 du 14 octobre 2019 consid. 10). Or, il apparait que considérer qu’une demande d’exemption antérieure serait renouvelée tacitement en absence d’un « droit d’option » exercé en faveur de la Suisse, État compétent selon le Règlement 883/2004, irait à l’encontre des principes posés par ces jurisprudences. Cela contreviendrait également à l’art. 3 al. 1 de l’accord du 7 juillet 2016 qui concrétise la jurisprudence 9C_801/2014.

8.2.2 Il ressort de ce qui précède, qu’un résident français travaillant en Suisse et soumis à la compétence de la France (s’agissant uniquement de l’assurance-maladie sociale) en raison de l’usage de son « droit d’option » qui quitte ou perd son emploi en Suisse pour travailler, percevoir le chômage en France ou être « inactif » dans ce même État, et retrouve par la suite un emploi en Suisse, doit être rattaché à la Suisse dès le jour de prise de ce nouvel emploi comme s’il n’avait jamais travaillé en Suisse. Il lui revient donc de faire à nouveau usage de son droit d’option dans les trois mois depuis cette date s’il désire être rattaché à son État de résidence.

Il faut toutefois réserver les cas d’abus de droit. Il a par exemple été jugé qu’un frontalier résidant en France qui quitte brièvement son emploi en Suisse puis est réembauché par le même employeur helvétique, n’interrompt pas sa relation de travail (il s’agit d’un congé non-payé) et qu’il n’existe donc pas réellement de nouvelle prise d’emploi en Suisse, le rattachement antérieur continuant d’être valable (sur cette notion cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_472/2018 du 22 janvier 2019 consid. 5.1.1).

8.3 Dans le cas d’espèce, l’assuré a quitté son emploi en Suisse au 31 décembre 2010. Il a ensuite été « inactif » pendant plus de onze mois en France, sans souhaiter faire valoir son droit à des prestations de l’assurance-chômage française (cf. art. 65 par. 2 al. 2 Règlement 883/2004). Il a donc été rattaché à la France médiatement par le truchement de son épouse (qui travaillait en Suisse mais avait fait usage de son droit d’option en faveur de la France), outre son rattachement à la France directement en raison de sa résidence. Il a ensuite repris un emploi en Suisse le 6 décembre 2011. Il n’est pas contesté qu’il n’a pas requis son rattachement à l’assurance-maladie sociale française dans les trois mois suivant cette date. Par ailleurs, l’intimé ne fait pas valoir qu’il existerait une situation d’abus de droit et cela ne ressort pas non plus de l’instruction de la cause.

L’assuré a donc été rattaché à la compétence suisse en matière d’assurance-maladie sociale depuis le 6 décembre 2011, faute d’avoir fait usage de son droit d’option dans les trois mois suivant cette date (point 3 let. b/aa annexe XI "Suisse" Règlement 883/2004). La chambre de céans a d’ailleurs déjà suivi cette position dans un cas analogue (ATAS/944/2016 du 16 novembre 2016 consid. 10).

9.             Il convient ensuite d’examiner si ce rattachement à la Suisse a perduré jusqu’à la mort de l’assuré ou si, comme le prétend l’OVAM dans son courrier du 25 août 2020, la perception d’indemnité-journalières d’une assurance perte de gain privée y a mis fin.

9.1 La perception d’indemnités-journalières d’une assurance perte de gain constitue un revenu de remplacement lié à l’exercice d’une activité salariée selon l’art. 11 par. 2 (Règlement 883/2004). A suivre l’OVAM et l’intimé, tout frontalier dont l’employeur a conclu une assurance perte de gain maladie collective LCA sur la base de l’art. 324a al. 4 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO - RS 220 ; voir également : ATF 135 III 640 consid. 2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_42/2018 du 5 décembre 2018 consid. 5) passerait sous la compétence française pour l’ensemble de sa protection sociale pour chaque jour d’absence pour cause de maladie, avant d’être rattaché à nouveau à la Suisse à son retour au travail. Cet argumentaire est insoutenable et ne correspond d’ailleurs à la pratique d’aucune assurance sociale suisse.

9.2 L’assuré ayant perçu des indemnités-journalière jusqu’au jour de son décès survenu le 25 mai 2017, son rattachement à l’assurance-maladie sociale suisse a donc perduré jusqu’à sa mort.

10.         Il convient encore d’établir quelle est la date pertinente pour l’affiliation d’office de l’assuré à un assureur LAMal par l’intimé.

10.1  

10.1.1 Une affiliation rétroactive est contraire à l’art. 7 al. 8 OAMal, ce qui a d’ailleurs déjà été précisé par la jurisprudence (ATF 129 V 159 consid. 2.3 ; ATAS/960/2016 du 23 novembre 2016 consid. 11c ; Gebhard EUGSTER, RBS Rechtsprechung des Bundesgerichtes zum KVG, 2ème éd. 2018, n. 3 ad. 6 LAMal ; Ueli KIESER/Kaspar GEHRIN/Susanne BOLLINGER, Orell Füssli KVG/UVG Kommentar, 2018, n. 4 ad. 6 LAMal).

10.1.2 L’art. 81 Règlement 883/2004 prévoit cependant ce qui suit :

« Les demandes, déclarations ou recours qui auraient dû être introduits, en application de la législation d’un Etat membre, dans un délai déterminé auprès d’une autorité, d’une institution ou d’une juridiction de cet Etat membre sont recevables s’ils sont introduits dans le même délai auprès d’une autorité, d’une institution ou d’une juridiction correspondante d’un autre Etat membre. »

L’art. 2 par. 3 Règlement 987/2009 prévoit quant à lui :

« Les informations, documents ou demandes transmis par erreur par une personne à une institution située sur le territoire d’un Etat membre autre que celui dans lequel est située l’institution désignée conformément au règlement d’application doivent être retransmis dans les meilleurs délais par la première institution à l’institution désignée conformément au règlement d’application, la date de leur transmission initiale étant indiquée. Cette date a force contraignante à l’égard de la deuxième institution. »

Les normes susmentionnées ont pour objectif d’éviter qu’une personne ayant fait usage de son droit fondamental à la libre-circulation sur le territoire de l’Union et/ou suisse, se retrouve désavantagée par le fait qu’elle s’adresse à l’institution matériellement compétente d’un État qu’elle croit de bonne foi, mais à tort, être compétent (Bernhard SPIEGEL, in: Fuchs [éd.] Kommentar zum Europäischen Sozialrecht, 7ème éd. 2018, n. 1 et 2 ad. art. 81 Règlement n°883/2004). Le droit suisse connait de nombreuses normes semblables (cf. art. 8 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 [PA - RS 172.021] ; art. 63 al. 1 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 [CPC - RS 272], ou encore la jurisprudence récente relative à l’art. 30 al. 2 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 [LTF - RS 173.110] : ATF 147 I 333 consid. 2 ; ATF 147 II 300 consid. 4). Dans le contexte du droit international social européen et tout particulièrement du droit d’option, le rôle de ces dispositions prend encore plus d’importance, vu la difficulté qui peut exister de déterminer avec certitude la législation applicable et l’autorité compétente dans certaines situations.

10.2 Il est établi que la demande d’affiliation adressée par l’assuré à la CPAM-01 date du 19 février 2016. C’est donc cette date qui est déterminante pour fixer le jour de la requête d’affiliation de l’assuré au sens de l’art. 7 al. 8 OAMal. Peu importe que l’autorité française matériellement compétente n’ait pas encore transmis la requête de l’assuré aux autorités suisses, ce qui s’explique probablement par l’existence d’une procédure judiciaire en France suite à la contestation par l’assuré de la décision sur réclamation de la CPAM-01 rejetant son rattachement à la France. Il ne s’agit donc pas de procéder à une affiliation rétroactive, mais bien de rétablir la situation légale qui aurait prévalu si l’assuré s’était adressé non à l’autorité française, mais à l’intimé.

Ce résultat se justifie d’autant plus que la requête d’affiliation de l’assuré est antérieure à l’accord du 7 juillet 2016, dont l’un des objectifs était justement de préciser les conditions d’usage du droit d’option vu les pratiques divergentes et nombreux cas recensés de double affiliation.

En ce qui concerne en revanche la période antérieure au 19 février 2016, selon l’art. 7 al. 8 OAMal un assureur LAMal n’a pas à intervenir.

10.3 Au surplus, il apparait que, dans les situations où un assuré contacte une autorité sociale suisse matériellement compétente en matière d’assurance-maladie sociale et que celle-ci ne procède à tort pas à son affiliation d’office, ou à la transmission à l’autorité géographiquement compétente pour affilier d’office l’assuré, l’invocation par la suite de l’art. 7 al. 8 OAMal pour refuser de couvrir les frais liés aux soins de santé de celui-ci reviendrait à poser des exigences excessives pour l’accès à une couverture sociale fondamentale, comme l’est la protection contre les conséquences d’une maladie (dans le même sens : ATF 147 V 387 consid. 7.5).

En l’espèce, l’assuré a contacté l’OVAM en 2016, lequel lui a répondu, à juste titre, qu’il était rattaché à la Suisse. Il n’a cependant pas procédé à une affiliation d’office, ni transmis le dossier à l’intimé, alors même que le délai légal de trois mois pour s’affilier auprès d’une assurance LAMal était à ce moment-là déjà dépassé de plus de quatre ans. Dans ces circonstances, une affiliation au sens de l’art. 7 al. 8 OAMal est également donnée à tout le moins dès le 18 avril 2016.

11.         Au vu de ce qui précède, le recours doit être, partiellement admis, la décision litigieuse annulée et la cause renvoyée à l’intimé pour qu’il affilie d’office l’assuré depuis le 19 février 2016 à un assureur LAMal.

La question de la prise en charge des soins réalisés en France par l’assuré, prévue par l’art. 17 Règlement 883/2004 devra être tranchée par l’assureur LAMal désigné.

En ce qui concerne la question du rattachement provisoire à la Suisse de l’assuré requise par la recourante, elle n’a plus d’objet dès lors qu’il est établi que ledit assuré doit être rattaché à titre définitif à la compétence suisse depuis le 6 décembre 2011.

12.         La recourante obtenant partiellement gain de cause et étant assistée d’un avocat, une indemnité de CHF 2'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA en lien avec l’art. 89H al. 1 LPA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision de l’intimé du 15 juillet 2021.

4.        Ordonne à l’intimé d’affilier feu Monsieur B______, dans le sens des considérants, du 19 février 2016 au 25 mai 2017 inclus.

5.        Alloue à la recourante une indemnité de CHF 2'500.-, à titre d’indemnité de procédure à charge de l’intimé.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le