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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1556/2021

ATAS/220/2022 du 07.03.2022 ( AF ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1556/2021 ATAS/220/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 7 mars 2022

6ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______ [GE]

 

recourant

contre

SERVICE CANTONAL DES ALLOCATIONS FAMILIALES, rue des Gares 12, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant) de nationalité française, est originaire du Chili et né le ______ 1958. Il est résident genevois depuis le 26 septembre 2000.

b. L’assuré est père de trois enfants majeurs nés en 1985, 1987 et 1989. Il est également père de deux enfants mineurs : B______, né le ______ 2011, et C______, né le ______ 2012. Ces deux enfants résident en France avec leur mère, Madame D______, laquelle est séparée de l’assuré. Les questions de la garde des enfants, des relations personnelles et de leur entretien ont été réglées par un arrêt de la Cour d’appel de E______ [France] du 12 janvier 2021.

c. L’assuré n’a jamais reçu d’allocations familiales françaises. Il a en revanche perçu un complément différentiel suisse en sa qualité de père des prénommés jusqu’au 31 décembre 2015.

d. L’assuré n’a plus occupé d’emploi en Suisse depuis le 30 juillet 2016. Un emploi parallèle qu’il exerçait en France auprès de l’entreprise F______ Sàrl dont le siège social est situé [à l'adresse] 1______ a également pris fin soit au 31 août 2016, suite à un accord de rupture (protocole de rupture conventionnelle du 21 juillet 2016), soit au 15 janvier 2017 par la démission de l’assuré.

e. Entre le 1er août 2016 et le 26 octobre 2017, l’assuré a perçu des indemnités de chômage de l’assurance chômage suisse. Du 27 octobre 2017 au 31 janvier 2018 inclus, l’assuré a perçu des prestations complémentaires cantonales de chômage en cas d’incapacité passagère, totale ou partielle de travail en cas de maladie (ci-après : PCM). Puis, du 1er février 2018 au 31 juillet 2018, il a à nouveau perçu des indemnités de chômage.

f. Depuis le 1er août 2018, l’assuré n’a plus perçu d’indemnité de chômage ou de PCM. Il perçoit en revanche des prestations financières d’assistance de l’Hospice général genevois.

g. En parallèle, la mère des enfants mineurs de l’assuré a perçu, à ce titre, des allocations familiales de la Caisse d’allocation familiale française G______ (ci-après : la G______) pour la période du 1er juillet 2016 au 31 mai 2018 inclus.

h. Du 1er juin 2018 au 31 juillet 2019 inclus, elle a perçu des allocations familiales de la caisse de compensation H______ (caisse de compensation n. 2______) en raison de l’exercice d’une activité salariée en faveur de I______ SA, société sise 3______ [VD].

i. Après la fin de son emploi en Suisse, Madame D______ a à nouveau perçu des allocations familiales de la G______ entre le 1er août 2019 et le 31 janvier 2020 inclus. Depuis le 1er février 2020, elle a repris un emploi au service au service de la société J______ SA, sise 4______ [VD], et perçoit des allocations familiales de la Caisse AVS K______ (caisse de compensation n. 5______).

B. a. Le 14 décembre 2017, l’assuré a introduit une requête d’allocations familiales pour la période postérieure au 27 septembre 2017 auprès du Service cantonal d’allocations familiales de l’Office cantonal des assurance sociales (ci-après : le service).

b. Par décision du 27 avril 2018, le service a rejeté la requête de l’assuré, y compris en ce qui concernait un éventuel complément différentiel. Cela au motif que le droit de l’assuré à des allocations familiales helvétiques était fondé sur sa seule résidence en Suisse, en tant que personne sans activité lucrative, et qu’en conséquence il n’avait pas droit à un complément différentiel pour ses enfants mineurs résidant en France.

c. Par courrier du 3 mai 2018, l’assuré s’est opposé à cette décision.

d. En date du 27 janvier 2021, le service a rendu une décision sur opposition rejetant la requête de l’assuré en considérant qu’il ne pouvait bénéficier de droits trouvant leur source dans le droit international social européen vu qu’il ne disposait pas de la citoyenneté européenne. Cette décision a été réputée notifiée le 4 février 2021.

C. a. Par courrier du 17 février adressé au service, l’assuré s’est opposé à la décision sur opposition en invoquant une discrimination contraire au droit européen. Par courrier du 5 mai 2021, le service a transmis ce courrier à la chambre de céans comme objet de sa compétence. Le recourant a encore complété son courrier initial en date du 17 mai 2021.

b. Par mémoire du 15 juin 2021, l’intimé a répondu et a conclu au rejet du recours.

c. Par courrier du 10 août 2021, le recourant a déposé des déterminations complémentaires. Par courrier du 6 octobre 2021, il a en outre produit à la procédure une attestation de remise de sa carte d’identité française datant du même jour.

d. Par courrier du 9 novembre 2021, l’intimé a répliqué et a conclu au rejet du recours par substitution de motifs, en reprenant l’argumentaire de sa décision initiale datée du 27 avril 2018.

e. Le 16 novembre 2021, la chambre de céans a requis la production de différents renseignements et pièces de la part de l’Office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE), de la caisse de chômage L______ et de la G______. Ces pièces ont été produites en date respectivement du 23 novembre 2021, du 10 décembre 2021 et du 9 février 2022.

f. Par courrier du 1er février 2022, la chambre de céans a encore requis des informations et pièces complémentaires du recourant, lequel a répondu en date du 21 février 2022. Sur quoi la cause a été gardée à juger.

g.  

EN DROIT

1.             La chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la Loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la Loi fédérale sur les allocations familiales, du 24 mars 2006 (LAFam - RS 836.2). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. e de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), sur les contestations prévues à l'art. 38A de la loi cantonale sur les allocations familiales du 1er mars 1996 (LAF - J 5 10).

La décision querellée ayant été prise par une autorité cantonale genevoise, la compétence de la chambre de céans pour juger du cas d’espèce est établie.

2.             Complété par son courrier signé du 17 mai 2021 ainsi que par ses déterminations du 10 août 2021, le courrier du recourant du 17 février 2021 remplit les exigences peu formalistes de l’art. 89B al. 1 de la Loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10) en lien avec l’al. 3 de la même disposition. Par ailleurs, le courrier du 17 février 2021 a été déposé dans le délai de trente jours de l’art. 60 LPGA. Le recours de l’assuré est donc recevable.

3.             Le présent litige a pour objet le droit putatif du recourant aux allocations familiales suisses, ou, subsidiairement, à une allocation différentielle.

3.1 Selon le recourant, la décision de l’intimé constitue une discrimination prohibée fondée sur la nationalité. Il invoque à ce titre diverses normes de droit européen ainsi que des jurisprudences de la Cour de justice de l’Union européenne dont il affirme qu’elles sont violées par la décision de l’intimé.

3.2 L’intimé a d’abord défendu une argumentation basée sur le fait que le recourant n’était pas citoyen européen (ou suisse) et qu’il ne pouvait donc se voir reconnaitre un droit à un complément différentiel, vu que le Règlement européen (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (RS 0.831.109.268.1; ci-après : Règlement n° 883/2004), ne trouve en principe pas application aux ressortissants chiliens.

Suite à la production par le recourant de sa carte d’identité française, l’intimé a maintenu sa position par substitution de motifs. Selon l’intimé, l’art. 61 Règlement n° 883/2004 exclut que le recourant ait droit aux allocations familiales, celles-ci devant être versées à la mère des enfants. L’alinéa 2 de la même disposition exclut quant à lui que le recourant ait droit à un complément différentiel, dès lors que son éventuel droit aux prestations se fonde, de l’avis de l’intimé, exclusivement sur son lieu de résidence.

4.             Selon l’art. 8 ALCP et l’art. 1 Annexe II à l’ALCP, le Règlement n° 883/2004 et le Règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 modifiant le règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, et déterminant le contenu de ses annexes (RS 0.831.109.268.11; ci-après : Règlement n° 987/2009) sont applicables dans les relations transfrontalières entre la Suisse et les États de l’Union, avec les modifications prévues par l’Annexe II ALCP ; cela sous réserve des règles prévues au protocole I à l’Annexe II ALCP manifestement non pertinentes dans le cas d’espèce.

4.1 Selon l’art. 2 Règlement n° 883/2004, le champ d’application personnel dudit règlement s’étend aux ressortissants de l’un des États membres, aux apatrides et aux réfugiés résidant dans un État membre qui sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs États membres, ainsi qu’aux membres de leur famille et à leurs survivants. La Suisse n’a pas repris le règlement européen étendant le champ d’application personnel du Règlement n° 883/2004 à tous les résidents légaux de l’Union (résidents danois exceptés) peu importe leur nationalité (Règlement n° 1231/2010 [UE] du 24 novembre 2010).

4.2 En l’espèce, il est établi que le recourant est titulaire de la citoyenneté européenne, vu l’attestation de remise de sa carte d’identité nationale française du 6 octobre 2021. Les règles des Règlements n° 883/2004 et n° 987/2009 lui sont donc applicables comme l’a reconnu à juste titre l’intimé en cours de procédure.

5.             Il convient tout d’abord d’examiner si le recourant a potentiellement droit à des allocations familiales selon le droit suisse, ou si un tel droit peut d’emblée être exclu, et le cas échéant pour quelles périodes.

5.1  

5.1.1 Selon l’art. 3 al. 1 let. a LAFam en lien avec l’art. 4 al. 1 let. a LAFam, les enfants de moins de 16 ans fondent un droit un droit aux allocations familiales de la personne avec laquelle ils sont liés par un lien de filiation.

5.1.2 Le seul fait de remplir les conditions générales de la LAFam ne suffit toutefois pas encore à être titulaire d’un droit à des allocations familiales suisses.

En effet, sous réserve de règles spéciales relatives notamment aux personnes exerçant une activité lucrative agricole, le droit social suisse réserve un tel droit à trois catégories spécifiques de personnes, soit les salariés qui sont obligatoirement assurés à l’AVS (cf. 13 LAFam), les personnes percevant des indemnités de chômage (cf. art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 [LACI - RS 837.0]), en tant que « supplément pour enfant », et dans certains cas particuliers prévus par l’art. 19 LAFam, les personnes n’exerçant pas d’activité lucrative ; le droit cantonal peut toutefois prévoir des conditions d’accès plus généreuses dans ce dernier cas selon l’art. 19 LAFam, précisé par l’art. 18 de l’ordonnance du 31 octobre 2007 sur les allocations familiales, (OAFam - RS 836.21).

Bien que cela ne ressort pas expressément de la loi, l’ordre de priorité est clair : si l'un des parents est au chômage et que l'autre exerce une activité lucrative, c'est le droit aux allocations familiales de ce dernier qui prime, selon l’art. 22 al. 1 let. a et b LACI, tandis que le droit à un supplément pour enfant selon la LACI est prioritaire si l'autre parent n'exerce pas d'activité lucrative (ATF 142 V 583 consid. 4.1 ; voir également : Bulletin LACI-IC, 1er janvier 2022, n. C81 et 81a ; Barbara Kupfer Bucher, RBS - Rechtsprechung des Bundesgerichts zum AVIG, 5ème éd. 2019, p. 150 s. ; Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n. 14 ad. 22 LACI).

S’agissant des personnes qui entrent dans le champ d’application du Règlement n° 883/2004, l’art. 67 dudit règlement prévoit qu’une personne a droit aux prestations familiales conformément à la législation de l’État membre compétent, y compris pour les membres de sa famille qui résident dans un autre État membre, comme si ceux-ci résidaient dans le premier État membre.

5.1.3 En ce qui concerne la perception de prestations fondées sur la LAFam à titre rétroactif, le Tribunal fédéral a précisé qu’il n’existe en la matière pas de règle plus spécifique que la règle générale de l’art. 24 al. 1 LPGA ; l’assuré requérant des allocations familiales peut donc percevoir de telles prestations pour une période allant jusqu’à cinq ans depuis le dépôt de sa requête si les conditions en sont remplies (ATF 139 V 429 consid. 4.2).

5.2 Dès lors que le recourant est père de deux enfants nés respectivement le 15 juillet 2011 et le 14 décembre 2012, il ne fait pas de doute qu’il remplit la condition principale pour percevoir des allocations familiales suisses, ou plus précisément deux allocations pour enfants au sens de l’art. 3 al. 1 let. a LAFam

5.3  

5.3.1 Sur question de la chambre de céans, le recourant a précisé par courrier du 21 février 2022 qu’il avait reçu un complément différentiel jusqu’au mois de décembre 2015 inclus.

Il ressort des pièces produites à la procédure que le recourant a effectivement perçu un complément différentiel en Suisse au moins depuis le 1er janvier 2014 et jusqu’au 31 décembre 2015, la mère des enfants percevant selon toute vraisemblance les allocations familiales principales en France (cf. Jugement du Tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains du 28 juin 2016 [pièce 1 intimé], p. 3), le recourant n’ayant jamais perçu des allocations familiales françaises (cf. attestation de la G______ du 8 février 2022). Ces périodes antérieures au 1er janvier 2016 ont fait l’objet de décisions de la caisse de compensation n. 2______ qui n’ont pas été contestées et qui lient donc la chambre de céans.

Au vu de ce qui précède, la période à examiner dans le cadre du présent recours débute le 1er janvier 2016 et court jusqu’à la date de la décision sur opposition de l’intimé, soit le 27 janvier 2021.

5.3.2 En ce qui concerne la période du 1er août 2016 au 26 octobre 2017 inclus, il apparait que le recourant a perçu un supplément pour enfant de l’assurance chômage, un tel libellé apparaissant sur chaque décompte mensuel d’indemnité de chômage du recourant.

Il n’y a pas lieu de statuer dans le cadre de la présente procédure si c’est à juste titre que le recourant a reçu ces prestations de l’assurance-chômage, alors même qu’il a travaillé en France à tout le moins jusqu’au 31 août 2016 (cf. protocole de rupture conventionnelle du 21 juillet 2016, p. 2), et même vraisemblablement jusqu’au 15 janvier 2017. Cette dernière date ressort en effet d’une part d’un courrier de la société F______ daté du 20 décembre 2016 produit à la procédure, qui mentionne que le recourant a remis sa démission à son employeur en mains propres en date du 19 décembre 2016 et que celui-ci a accepté de le libérer au 15 janvier 2017, et, d’autre part, d’un bulletin de salaire de la même société portant sur le mois de janvier 2017. Cela laisse penser que le recourant s’est rétracté du protocole de rupture conventionnelle du 21 juillet 2016 ou que l’homologation de celui-ci a été refusée (cf. protocole de rupture conventionnelle du 21 juillet 2016, p. 5).

En ce qui concerne ensuite les mois de février, mars, avril et mai 2018, un droit théorique du recourant à une allocation pour enfant de l’assurance-chômage n’est pas exclu. Cette question peut toutefois rester ouverte dès lors que la caisse de chômage concernée n’est pas visée par la présente procédure et que ces droits potentiels sont de toute façon probablement périmés vu l’art. 20 al. 3 LACI (arrêt du Tribunal fédéral 8C_950/2009 du 20 janvier 2010 consid. 2.1 ; Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n. 18 ad. 22 LACI).

Enfin, la mère des enfants a perçu des allocations familiales suisses au titre de l’exercice d’une activité lucrative en Suisse pour la période allant du 1er juin 2018 au 31 juillet 2019, ainsi qu’à partir du 1er février 2020 jusqu’à ce jour. Faute d’exercice d’une activité lucrative par le recourant pendant ces périodes, un droit du recourant à des allocations familiales suisses, respectivement à « une allocation pour enfant » de l’assurance chômage, est exclu en ce qui les concerne. Les décomptes d’indemnités chômage du recourant produits à la procédure par la caisse de chômage compétente en date du 9 décembre 2021 montrent d’ailleurs que celle-ci n’a, à juste titre, pas versé d’allocation pour enfants pour les mois de juin et juillet 2018.

5.3.3 S’agissant en revanche des périodes allant du 1er janvier au 31 juillet 2016 (activité lucrative exercée en Suisse par l’assuré ; ci-après : période I), du 27 octobre 2017 au 31 janvier 2018 (perception de PCM par l’assuré ; ci-après : période II) et du 1er août 2019 au 31 janvier 2020 (perception de prestations de l’aide sociale suisse par l’assuré ; ci-après : période III), un droit potentiel de l’assuré à des allocations familiales suisses ne peut d’emblée être exclu.

Dès lors que la mère des enfants a perçu des allocations familiales françaises durant les périodes susmentionnées, il convient donc d’examiner plus avant les règle de conflit de compétences et de droit prévues par le Règlement n° 883/2004.

6.             Avant d’entrer en matière sur les arguments de l’intimé relatifs à l’allocation différentielle, il convient d’examiner quels droits entre les droits potentiels du recourant aux allocations familiales suisses et ceux de la mère des enfants aux allocations familiales françaises sont prioritaires, eu égard aux périodes susmentionnées.

6.1  

6.1.1 L’art. 68 par. 1 Règlement n° 883/2004 règle la question du droit prioritaire en présence d’une situation d’extranéité telle que celle faisant l’objet du présent litige. Cette norme prévoit ce qui suit :

1.  Si, pour la même période et pour les mêmes membres de la famille, des prestations sont prévues par la législation de plus d’un Etat membre, les règles de priorité ci-après s’appliquent:

a)      si des prestations sont dues par plus d’un Etat membre à des titres différents, l’ordre de priorité est le suivant: en premier lieu les droits ouverts au titre d’une activité salariée ou non salariée, deuxièmement les droits ouverts au titre de la perception d’une pension et enfin les droits ouverts au titre de la résidence;

b)      si des prestations sont dues par plus d’un Etat membre à un même titre, l’ordre de priorité est établi par référence aux critères subsidiaires suivants:

i) s’il s’agit de droits ouverts au titre d’une activité salariée ou non salariée: le lieu de résidence des enfants, à condition qu’il y ait une telle activité, et subsidiairement, si nécessaire, le montant le plus élevé de prestations prévu par les législations en présence. Dans ce dernier cas, la charge des prestations sera répartie selon des critères définis dans le règlement d’application,

ii) s’il s’agit de droits ouverts au titre de la perception de pensions: le lieu de résidence des enfants, à condition qu’une pension soit due en vertu de sa législation et subsidiairement, si nécessaire, la durée d’assurance ou de résidence la plus longue accomplie sous les législations en présence,

iii) s’il s’agit de droits ouverts au titre de la résidence: le lieu de résidence des enfants.

La notion d’« activité salariée ou non salariée » est définie par le ch. 1 de la décision F1 du 12 juin 2009 de la Commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale (ci-après : la décision F1) qui lie la Suisse depuis le 1er avril 2012 (ATF 147 V 285, consid. 3.3.8).

Cette norme d’exécution précise notamment qu’il faut considérer qu’une activité salariée ou non salariée est toujours exercée lorsque cette activité est suspendue pour cause de maternité, de maladie, d’accident ou de chômage et qu’il existe un droit au maintien de la rémunération, pensions exceptées. La notion de pension est définie à l’art. 1 let. w Règlement n° 883/2004 et vise en premier lieu les prestations servies durablement comme les rentes et les prestations en capital qui peuvent y être substituées ainsi que les versements effectués à titre de remboursement de cotisations. La distinction en cause correspond donc en substance à la distinction entre indemnités journalières et rentes en droit social suisse (cf. par exemple l’art. 67 LPGA). La perception d’un revenu de remplacement versé par une assurance-chômage sociale doit donc être assimilée à l’exercice d’une « activité salariée ou non salariée » (arrêt du Tribunal fédéral 8C_39/2019 du 10 juillet 2019 consid. 9.3 in fine). La règle était d’ailleurs encore plus large sous l’empire des anciens règlements (CEE) n° 1408/71 et 574/72, car le rattachement à une assurance sociale obligatoire ou facultative suffisait alors à octroyer la qualité de travailleur (C-543/03 [Grande chambre], Dodl et Oberhollenzer, du 7 juin 2005 consid. 34).

6.1.2 Les PCM sont une assurance sociale cantonale visant à compléter la couverture de la perte de gain prévue par l’art. 28 al. 1 LACI en cas d’incapacité passagère de travail, que celle-ci soit totale ou partielle, comme le prévoit la dénomination même du titre III, chapitre II de la loi en matière de chômage du 11 novembre 1983 (LMC - J 2 20), et comme cela ressort clairement de la lettre de l’art. 8 LMC (voir également l’art. 14 du Règlement d'exécution de la loi en matière de chômage du 23 janvier 2008 [RMC - J 2 20.01]).

En conséquence, la perception de PCM doit être considérée comme équivalente à l’exercice d’une activité salariée dans le cadre de l’art. 68 Règlement n° 883/2004 vu le ch. 1 de la décision F1. La situation est identique à celle qui prévaut en cas de couverture de la perte de gain sur la base de l’art. 28 LACI où le supplément pour enfants continue d’être versé (Bulletin LACI-IC, 1er janvier 2022, n. C82f ; Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n. 18 ad. 22 LACI). L’argumentaire de l’intimé qui considère qu’un éventuel droit aux allocations familiales de l’assuré ne se fonderait que sur sa résidence en Suisse ne peut donc être suivi s’agissant de la période durant laquelle l’assuré recevait des PCM.

Les art. 11 al. 1 LMC et 19 al. 1 RMC prévoient clairement que le montant de l’indemnité (mensuelle) versée à titre de PCM correspond à celui de l’indemnité de chômage perçue immédiatement avant l’incapacité de travail. Or, selon le système décrit au paragraphe 5.1.2, l’indemnité de chômage incluT le supplément pour enfant tenant lieu d’allocation familiale pour les chômeurs. Le système des PCM prévoit donc que l’indemnité versée à ce titre inclut le supplément pour enfant prévu par l’art. 22 al. 1 LACI. Les art. 19 LAFam et 18 OAFam permettent d’ailleurs aux cantons de prévoir, à leur frais, des conditions plus généreuses d’accès à des prestations relevant des allocations familiales, pour autant qu’elles ne soient pas fondées sur l’exercice d’une activité lucrative stricto sensu, soit qu’elles ne tombent pas dans le champ d’application des art. 13 et 18 LAFam.

Il fait en outre sens sur le plan pratique que la personne qui perçoit des PCM reçoive également à ce titre un supplément pour enfant, au lieu d’être contrainte de réaliser une demande de prestation auprès de l’intimée pour une durée qui peut être brève. Les PCM sont en effet des prestations sociales temporaires, comme l’indemnité de chômage, et non des prestations durables comme une rente de vieillesse ou d’invalidité.

Enfin, l’art. 20 al. 2 LAFam ne semble pas faire obstacle à un financement de la partie « supplément pour enfant » des PCM par les cotisations fondées sur l’art.  10 LMC, dès lors que lesdites PCM ne visent pas principalement la prise en charge d’allocations familiales, mais bien la perte du revenu de remplacement que constitue l’indemnité de chômage fédérale. Cette question n’ayant pas d’impact sur le résultat de la présente cause, elle peut toutefois rester ouverte.

6.1.3 En ce qui concerne en revanche les prestations financières versées sur la base de la Loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04), elles constituent un revenu d’assistance conçu comme un ultime filet social, comme cela ressort clairement des art. 8 al. 1 et 9 al. 1 LIASI. Il s’agit de prestations d’aide sociale qui ne doivent pas être considérées comme un revenu d’« activité salariée ou non salariée » au sens de la décision F1. Il s’agit d’ailleurs clairement d’une prestation sociale à caractère non-contributif au sens de l’art. 70 par. 2 let. a/i Règlement n° 883/2004, tout comme la rente extraordinaire de l’assurance-invalidité suisse (ATF 141 V 530 consid. 7.5) ou les prestations complémentaire AVS/AI (arrêt du Tribunal fédéral 9C_885/2018 du 16 août 2019 consid. 4.3).

6.2 L'art. 68 par. 2 Règlement n° 883/2004 prévoit que seules les prestations familiales servies par l'État prioritaire sont dues et que les prestations de l'État non prioritaire sont suspendues jusqu'à concurrence du montant des prestations servies par l'État prioritaire ; l'État dont la législation ne s'applique pas en priorité verse un complément différentiel si ses prestations sont plus élevées ; ce complément consiste en la différence entre le montant des prestations servies par l'État prioritaire et les prestations plus élevées servies par l'État non prioritaire.

Il n’existe toutefois pas de droit à une telle « allocation différentielle » lorsque le parent qui serait potentiellement bénéficiaire de celle-ci dispose d’un droit aux allocations familiales envers son État de résidence uniquement en raison de sa résidence dans cet État (art. 68 par. 2 3ème phr. Règlement n° 883/2004 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_39/2019 du 10 juillet 2019 consid. 9.2).

Le seul fait qu’il existe une situation potentielle de cumul de prestations selon l’art. 68 par. 2 du Règlement n° 883/2004 ne suffit pas, il faut que les deux États concernés aient établi l’existence d’un droit aux prestations familiales (ATF
147 V 285 consid. 5.3 ; C-378/14, Trapkowski, du 22 octobre 2015 consid. 3.2).

7.             Il faut maintenant analyser chaque période où il existe un droit potentiel du recourant à des allocations familiales suisses à l’aune des règles de coordination détaillées aux considérants qui précèdent.

7.1 S’agissant en premier lieu de la période I, courant du 1er janvier au 31 juillet 2016, le recourant résidait en Suisse et exerçait une activité lucrative à la fois en Suisse (cf. certificat de salaire suisse 2016) et en France (cf. protocole de rupture conventionnelle du 21 juillet 2016).

Dès lors que le recourant avait droit à des allocations familiales au titre d’une activité salariée, il disposait d’un droit de même rang que celui de son épouse qui percevait un remplacement de l’assurance-chômage française selon l’art. 68 par. 1 let. a Règlement n° 883/2004 en lien avec l’art. 1 de la décision interprétative F1 du 12 juin 2009. Selon l’art. 68 par. 1 let. b Règlement n° 883/2004, c’est cependant la France qui était l’État prioritairement compétent pour verser les allocations familiales en tant que lieu de résidence des enfants mineurs du recourant. Partant, il n’existe pas de droit aux allocations familiales en Suisse du recourant pour cette période.

S’agissant d’une éventuelle allocation différentielle en Suisse, le recourant a déclaré ne pas avoir reçu un complément différentiel pour la période postérieure au mois de décembre 2015, dans ses déterminations du 21 février 2022. Quoiqu’il en soit, il travaillait alors pour la société Manpower SA (cf. certificat de salaire 2016 de l’assuré), dont la caisse de compensation est non l’intimé, mais la caisse de compensation n. 2______.

Cette caisse n’étant pas partie à la présente procédure, elle ne saurait être condamnée à payer une éventuelle allocation différentielle par la chambre de céans. Il convient bien de lui transmettre la requête du recourant en ce sens sur la base de l’art. 11 al. 3 LPA et de l’art. 30 LPGA, appliqué par analogie (voir en ce sens pour l’art. 30 al. 2 LTF : ATF 147 I 333 consid. 2 ; ATF 147 II 300 consid. 4) afin qu’elle puisse rendre une décision.

7.2 S’agissant ensuite de la période II, courant du 27 octobre 2017 au 31 janvier 2018, le recourant a perçu des PCM (cf. attestation de l’OCE du 23 novembre 2021), soit un revenu de remplacement, lequel prime un éventuel droit aux allocations familiales fondé uniquement sur la résidence et fonde un droit à une allocation différentielle si l’État concerné n’est pas l’État prioritairement compétent au sens de l’art. 68 par. 1 let. b Règlement n° 883/2004.

À la simple lecture des décomptes des PCM, il apparait que l’indemnité versée à ce titre n’incluait pas de supplément pour enfant. L’analyse détaillée des décomptes du recourant confirme cette absence puisque le montant de l’indemnité journalière versée au titre des PCM, soit CHF 113.70, correspond bien à l’indemnité brute de CHF 123.55 versée à titre d’indemnité chômage au sens étroit, sous déduction des cotisations sociales (cf. art. 19 al. 1 RMC). Or, ce montant au sens étroit n’inclut pas le supplément pour enfant, comme cela ressort clairement des décomptes d’indemnité chômage du recourant.

En l’espèce, la G______ a versé des allocations familiales à Madame D______ pour les enfants communs de celle-ci et du recourant. Il ne ressort en revanche pas clairement de l’attestation remise à la chambre de céans par cette autorité si ces allocations sont fondées sur un revenu, ou un revenu de remplacement, perçu en France par la prénommée, ou si elles ont été versées sur le seul fondement de la résidence des enfants en France. Or, dans le second cas, la Suisse est l’État prioritairement compétent pour verser les allocations familiales, et, dans le premier cas, la Suisse est uniquement compétente pour verser une allocation différentielle.

Quoi qu’il en soit, ce n’est pas l’intimé qui est compétent pour verser le complément pour enfants, que celui-ci soit complet ou versé uniquement à titre de différentiel. Cette compétence revient à l’OCE selon l’art. 3 al. 1 RMC. Pour les mêmes motifs que précédemment, il revient donc de transmettre la requête de l’assuré à cette autorité afin qu’elle statue sur ses droits après avoir requis des autorités françaises les informations complémentaires nécessaires pour ce faire sur la base des art. 68 par. 3 Règlement n° 883/2004 et 60 par. 2, 3 et 4 Règlement n° 987/2009.

7.3 En ce qui concerne enfin la période III, courant du 1er août 2019 au 31 janvier 2020, il apparait que le recourant n’a pas bénéficié de prestations de l’assurance chômage ou de PCM (cf. courrier de [la caisse de chômage] L______ du 9 décembre 2021 et courrier de la caisse cantonale de chômage du 23 novembre 2021), mais de prestations de l’Hospice général genevois, tandis que la mère des enfants percevait de la France des allocations familiales.

Parant, le droit du recourant n’était dans tous les cas pas prioritaire par rapport à celui de son épouse vu l’art. 68 par. 1 let. a ou b/iii Règlement n° 883/2004. Dans ces circonstances, l’État de résidence des enfants, à savoir la France, était l’État compétent pour verser les allocations familiales.

L’assistance octroyée par l’Hospice général ne correspondant pas à un revenu issu d’une activité salariée ou non salariée, un éventuel droit du recourant aux allocations familiales suisses est donc fondé uniquement sur sa résidence dans cet État. En conséquence, un droit à une allocation différentielle est exclue pour cette période.

8.             Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dès lors qu’il n’existe pas de droit du recourant à des allocations familiales envers l’intimé. Concernant les deux périodes où il pourrait exister un droit du recourant à des prestations familiales, l’office n’est en effet pas l’autorité compétente pour statuer.

En ce qui concerne un éventuel droit du recourant à une allocation différentielle pour la période du 1er janvier au 31 juillet 2016, cette compétence revient à la caisse de compensation n. 2______.

En ce qui concerne le droit du recourant à un supplément pour enfant, complet ou différentiel, au titre des PCM pour la période du 27 octobre 2017 au 31 janvier 2018, cette compétence revient à l’OCE.

On mentionnera encore à l’intention de ces autorités que s’agissant de la question du taux de change CHF/EUR pertinent pour le calcul d’une allocation différentielle, cette question technique a récemment été précisée par une décision de la Cour de justice européenne (C-473/18, Bundesagentur für Arbeit - Familienkasse Baden-Württemberg West, du 4 septembre 2019 consid. 50 et 52) qui lie la Suisse, dès lors qu’elle se fonde sur la décision H3 du 12 juin 2009 de la Commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale (cf. Annexe II, Section B, ch. 8 ALCP).

9.             Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA en lien avec l’art. 1 al. 1 LACI et art. 89H al. 1 LPA).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Transmet la requête de prestation de Monsieur A______ à la caisse de compensation H______ pour qu’elle examine le droit de celui-ci à un éventuel complément différentiel pour la période du 1er janvier au 31 juillet 2016.

4.        Transmet la requête de prestation de Monsieur A______ à l’Office cantonal de l’emploi pour qu’il examine le droit de celui-ci à un supplément pour enfant, complet ou différentiel, pour la période du 27 octobre 2017 au 31 janvier 2018.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

Valérie MONTANI





Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le ______