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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3843/2020

ATAS/168/2022 du 23.02.2022 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3843/2020 ATAS/168/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 février 2022

8ème Chambre

 

En la cause

 

Madame A______, domiciliée ______[GE] comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Marlyse CORDONIER

 

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après: l'assurée ou la recourante), née le ______ 1962, mariée et mère de deux enfants nés en 1993 et 1994, est fleuriste dans l'entreprise familiale de son époux depuis 1994.

2.        Suite à une chute en date du 19 juillet 2015, elle souffre de douleurs cervico-dorsales.

3.        Le 16 février 2016, l’assurée a requis les prestations de l'assurance-invalidité.

4.        Dans son expertise du 12 janvier 2017, le docteur B______, spécialiste FMH en rhumatologie et médecine interne, a retenu les diagnostics suivants: cervico-dorso-lombalgies aspécifiques chroniques avec une discopathie de L2 à S1, hernie discale L2-L3 foraminale et extraforaminale gauche, arthrose facettaire L3 à S1, ostéochondrose de Modic II en L3-L4 et en L5-S1, ainsi que cervicarthrose C5-C6 avec rétrécissement du trou de conjugaison gauche. À cela s'ajoutait une légère épicondylite droite. La capacité de travail de l'assurée était de 50% dans son activité habituelle de fleuriste. Dans une profession adaptée au handicap, la capacité de travail était de 90%, en tenant compte d'une baisse de rendement de 10%. Il y avait des limitations fonctionnelles pour le port ou le soulèvement de charges de plus de 5 kg, les positions debout et assise statiques et les mouvements répétitifs de la nuque en flexion/extension et en rotation.

5.        Par décision du 4 juin 2018, l'office cantonal de l'assurance-invalidité (ci-après: OAI) a refusé à l'assurée ses prestations au motif qu'elle avait le statut d'une personne se consacrant à 50% à son activité professionnelle et les 50% restant à l'accomplissant de ses travaux habituels, et qu'elle avait été incapable de travailler à 100% seulement entre le 19 juillet et le 15 octobre 2015 et à 50% dès le 16 octobre 2015. À l'issue du délai de carence, elle avait déjà repris son activité habituelle, de 50%, à temps complet depuis le 16 octobre 2015. Son incapacité de travail ayant duré moins d'une année, les conditions du droit à la rente n'étaient pas réunies.

6.        Par arrêt du 27 janvier 2020 (ATAS/45/2020), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice a annulé cette décision et a renvoyé la cause à l'OAI pour la mise en œuvre d'une enquête économique sur le ménage et nouvelle décision. Elle a par ailleurs confirmé le statut mixte de l'assurée, à savoir qu'elle se serait consacrée sans invalidité à 50% à son activité professionnelle et à 50% au ménage. Cet arrêt est entré en force.

7.        Le 10 mars 2020, une enquête économique sur le ménage a été réalisée et a conclu à un empêchement de 38% et à un empêchement pondéré, en tenant compte de l'aide exigible du mari et du fils de l'assurée, de 8,5%.

8.        Le 14 juillet 2020, l'OAI a informé l'assurée qu'il avait l'intention de lui refuser ses prestations, dès lors que son invalidité n'était que de 4%, selon le calcul en application de l'ancien droit en vigueur jusqu'au 31 décembre 2017, et de 29%, selon le nouveau droit.

9.        Le 14 septembre 2020, l'assurée a contesté ce projet de décision, par l'intermédiaire de son conseil, en alléguant que les empêchements dans le ménage étaient plus importants que ceux retenus dans l'enquête économique du ménage. Son invalidité était dès lors supérieure à 40%, de sorte qu'elle pouvait prétendre à un quart de rente.

10.    Selon la note de travail de l'OAI du 13 octobre 2020, un très grand logement comme celui de l'assurée ne changeait pas la pondération des différents champs d'activités dans le ménage, la pondération étant proportionnelle à l'entier du travail. Par ailleurs, les activités réalisées par une femme de ménage ou d'autres membres de la famille avant l'atteinte à la santé n'entraient pas en considération dans l'évaluation des limitations après la survenance de l'invalidité. Il n'avait été tenu compte au demeurant que de l'aide exigible des membres de la famille résidant au domicile familial et donc pas de l'aide apportée par son beau-père. La part d'aide exigible de 29,6% jusqu'au 31 décembre 2017 et de 30% dès cette date n'était pas excessive au vu du nombre de personnes vivant dans le ménage. Quant au jardin, l'assurée devait adapter son travail et demander de l'aide aux membres de la famille. Diminuer la taille du jardin potager pourrait être une adaptation du travail pour diminuer le dommage. L'entretien du jardin était pondéré sur l'ensemble de l'année, le travail étant plus ou moins important selon les saisons, et mis en perspective avec les activités quotidiennes nécessaires à l'organisation du foyer. Les empêchements pour le jardinage avaient été évalués à 50% sur toute l'année. L'assurée pouvait par ailleurs faire une partie des travaux, comme cueillir les légumes et les fruits, ainsi qu'arroser les plantes, indépendamment du fait que l'aide de la famille était exigible.

11.    Par décision du 20 octobre 2020, l'OAI a confirmé son projet de décision, sur la base du réexamen des conclusions de l'enquête économique sur le ménage par son service spécialisé.

12.    Par acte du 20 novembre 2020, l'assurée a recouru contre cette décision, par l'intermédiaire de son conseil, en concluant à son annulation et à l'octroi d'un quart de rente dès le 1er janvier 2018, sous suite de dépens. Elle a reproché à l'enquêtrice d'avoir sous-estimé le travail consacré au jardin familial et potager, au vu de sa très grande taille. Elle ne pouvait effectuer que très peu de tâches, à savoir ramasser les légumes et les petits fruits, alors qu'avant l'atteinte à la santé, elle entretenait seule le jardin d'agrément, à l'exception de la tonte, et le jardin potager (retourner la terre, planter, désherber, entretenir le potager). Certes, il y avait moins de travail en hiver. Toutefois, dans le jardin potager des légumes étaient également cultivés pendant la saison froide. En outre, l'entretien du potager par son mari et son fils, outre de celui du jardin d'agrément, constituerait une charge excessive pour ceux-ci. Dans le champ d'activité "alimentation", les empêchements étaient également sous-évalués, dès lors qu'elle n'était plus en mesure d'effectuer les travaux importants de nettoyage de la cuisine (hotte, placard, frigo etc.). Il ne pouvait pas non plus être attendu des membres de la famille de se charger de ces travaux. La recourante avait de surcroît satisfait à l'obligation de diminuer le dommage, en ne reprenant plus ni poules ni lapins ni chiens. Dans l'application du nouveau droit entré en vigueur le 1er janvier 2018, il y avait lieu de s'écarter du maximum prévu pour le champ d'activité "entretien du logement" et d'admettre un taux de 48% au lieu de 40%, pour intégrer les travaux de jardinage. L'empêchement était dans ce domaine de 75% et l'exigibilité de 10%. Selon ce calcul, l'empêchement global était de 31,2%. En tenant compte de l'invalidité dans la sphère professionnelle, le degré d'invalidité global était de 40,6%, ce qui ouvrait le droit à un quart de rente.

13.    Dans sa réponse du 22 décembre 2020, l'intimé a conclu au rejet du recours, en se référant à sa décision et à la note de son service spécialisé. Pour le surplus, il a allégué qu'il n'était pas réaliste de soutenir qu'avec un potager et un jardin, le champ "entretien de la maison" représentait plus que 40%. Quant aux grands travaux dans la cuisine, ceux-ci n'étaient pas effectués quotidiennement et l'aide des membres de la famille était tout à fait exigible pour leur exécution.

14.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

4.        L'objet du litige est la question de savoir si la recourante peut prétendre à une rente d'invalidité dès le 1er janvier 2018.

5.        Le 1er janvier 2021, est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la chambre de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 82a LPGA).

6.        Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

7.        Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

8.        a. Selon l’art. 27bis du règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201) en vigueur depuis le 1er janvier 2018, pour les personnes qui exercent une activité lucrative à temps partiel et accomplissent par ailleurs des travaux habituels visés à l'art. 7 al. 2 LAI, le taux d'invalidité est déterminé par l'addition des taux suivants : a. le taux d'invalidité en lien avec l'activité lucrative; b. le taux d'invalidité en lien avec les travaux habituels (al. 2). Le calcul du taux d'invalidité en lien avec l'activité lucrative est régi par l'art. 16 LPGA, étant entendu que : a. le revenu que l'assuré aurait pu obtenir de l'activité lucrative exercée à temps partiel, s'il n'était pas invalide, est extrapolé pour la même activité lucrative exercée à plein temps; b. la perte de gain exprimée en pourcentage est pondérée au moyen du taux d'occupation qu'aurait l'assuré s'il n'était pas invalide (al. 3). Pour le calcul du taux d'invalidité en lien avec les travaux habituels, on établit le pourcentage que représentent les limitations dans les travaux habituels par rapport à la situation si l'assuré n'était pas invalide. Ce pourcentage est pondéré au moyen de la différence entre le taux d'occupation visé à l'al. 3 let. b, et une activité lucrative exercée à plein temps (al. 4).

Sous l’empire de l’art. 27bis al. 2 à 4 RAI modifié, le calcul du taux d’invalidité pour la partie concernant l’activité lucrative demeure régi par l’art. 16 LPGA. L’élément nouveau est que le revenu sans invalidité n’est plus déterminé sur la base du revenu correspondant au taux d’occupation de l’assuré, mais est désormais extrapolé pour la même activité lucrative exercée à plein temps. La détermination du revenu d’invalide est, quant à elle, inchangée. La perte de gain exprimée en pourcentage du revenu sans invalidité est ensuite pondérée au moyen du taux d’occupation auquel l’assuré travaillerait s’il n’était pas invalide.

b. Le taux d’invalidité en lien avec les travaux habituels est, comme c’était le cas auparavant, déterminé au moyen de la méthode de comparaison des types d’activités prévue à l’art. 28a al. 2 LAI. De même que pour les assurés qui accomplissent des travaux habituels à plein temps, l’invalidité est calculée en fonction de l’incapacité de l’assuré à accomplir ses travaux habituels. La limitation ainsi obtenue est pondérée au moyen de la différence entre le taux d’occupation de l’activité lucrative et une activité à plein temps. Le taux d’invalidité total est obtenu en additionnant les deux taux d’invalidité pondérés (cf. Ralph LEUENBERGER, Gisela MAURO, Changements dans la méthode mixte, in Sécurité sociale/CHSS n° 1/2018 p. 45).

9.        a. Chez les assurés travaillant dans le ménage, le degré d'invalidité se détermine, en règle générale, au moyen d'une enquête économique sur place, alors que l'incapacité de travail correspond à la diminution - attestée médicalement - du rendement fonctionnel dans l'accomplissement des travaux habituels (ATF 130 V 97).

Selon la jurisprudence, une enquête ménagère effectuée au domicile de la personne assurée constitue en règle générale une base appropriée et suffisante pour évaluer les empêchements dans l’accomplissement des travaux habituels. En ce qui concerne la valeur probante d’un tel rapport d’enquête, il est essentiel qu’il ait été élaboré par une personne qualifiée qui a connaissance de la situation locale et spatiale, ainsi que des empêchements et des handicaps résultant des diagnostics médicaux. Il y a par ailleurs lieu de tenir compte des indications de l'assuré et de consigner dans le rapport les éventuelles opinions divergentes des participants. Enfin, le texte du rapport doit apparaître plausible, être motivé et rédigé de manière suffisamment détaillée par rapport aux différentes limitations, de même qu'il doit correspondre aux indications relevées sur place. Si toutes ces conditions sont réunies, le rapport d’enquête a pleine valeur probante. Lorsque le rapport constitue une base fiable de décision dans le sens précité, le juge n’intervient pas dans l’appréciation de l’auteur du rapport sauf lorsqu’il existe des erreurs d’estimation que l’on peut clairement constater ou des indices laissant apparaître une inexactitude dans les résultats de l’enquête (ATF 140 V 543 consid. 3.2.1 et ATF 129 V 67 consid. 2.3.2 publié dans VSI 2003 p. 221; arrêt du Tribunal fédéral 9C_625/2017 du 26 mars 2018 consid. 6.2 et arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 733/06 du 16 juillet 2007).

b. Selon l'art. 7 al. 1 LPGA, l'assuré doit entreprendre tout ce qui peut être raisonnablement exigé de lui pour réduire la durée et l'étendue de l'incapacité de travail et pour empêcher la survenance d'une invalidité (obligation de diminuer le dommage). S'agissant de la prise en compte de l'empêchement dans le ménage dû à l'invalidité, singulièrement de l'aide des membres de la famille, il est de jurisprudence constante que si l'assuré n'accomplit plus que difficilement ou avec un investissement temporel beaucoup plus important certains travaux ménagers en raison de son handicap, il doit en premier lieu organiser son travail et demander l'aide de ses proches dans une mesure convenable (ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 9C_784/2013 du 5 mars 2014 consid. 3.2).

c.  Selon l'art. 27 RAI, dans sa teneur à partir du 1er janvier 2018, par travaux habituels des assurés travaillant dans le ménage, il faut entendre l’activité usuelle dans le ménage, ainsi que les soins et l’assistance apportés aux proches. Auparavant, la définition des travaux usuels était plus large et englobait aussi toute activité artistique et d'utilité publique. Dans la nouvelle disposition, l'accent est mis sur les activités dans le ménage qui, dans la mesure où elles ne peuvent être assumées par d'autres membres de la famille, devraient être effectuées par des tiers externes (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité [LAI], 2018, ad art. 28a ch. 124).

10.    En l'occurrence, la recourante critique l'enquête économique sur le ménage en ce qui concerne la pondération des champs d'activité "alimentation" et "entretien du logement", ainsi que le taux d'empêchement retenu et l'aide exigible de son mari et de son fils.

a. La pondération des domaines partiels du ménage est effectuée sur la base du tableau établi par l'office fédérale des assurances-sociales (ci-après: OFAS). L'ensemble des travaux habituels dans le ménage correspond à 100%. Ce tableau indique le minimum et le maximum pour chaque tâche afin de garantir un traitement égal des assurés compte tenu de l'expérience de la vie. Il faut tenir compte de ce qui correspond le mieux aux usages habituels, au vu des circonstances (affaires, situation sociale et financière etc.). Ce n'est qu'en cas de divergences importantes par rapport au tableau, qu'une pondération différente est admise, par exemple dans le cas d'une personne qui s'occupe à titre principal d'un enfant handicapé, de sorte qu'il faut ajouter huit à neuf heures par rapport à l'horaire normal (VALTERIO, op. cit. ch. 115, et les références citées).

Selon la circulaire sur l'invalidité et l'impotence dans l'assurance-invalidité (ci-après: CIIAI; ch. 3087), état au 1er janvier 2020, la répartition des travaux d'une personne non invalide qui s'occupe du ménage est la suivante:

Activités

Maximum %

1.    Alimentation (préparer et cuire les aliments, servir les repas, nettoyer la cuisine au quotidien, faire des provisions)

50

2.    Entretien du logement ou de la maison (ranger, épousseter, passer l’aspirateur, entretenir les sols, nettoyer les installations sanitaires, changer les draps de lit, nettoyer en profondeur, soigner les plantes, le jardin, l’extérieur de la maison, sortir les déchets) et garde des animaux domestiques

40

3.    Achats (courses quotidiennes et achats plus importants) et courses diverses (poste, assurances, services officiels)

10

4.    Lessive et entretien des vêtements (laver, étendre et plier le linge, repasser, raccommoder, nettoyer les chaussures)

20

5.    Soins et assistance aux enfants et aux proches

50

Depuis le 1er janvier 2018, les travaux de jardinage sont compris dans la rubrique "entretien du logement".

Les services rémunérés ou non (effectués par des membres de la famille, des voisins ou des aides extérieures, par ex.) auxquels l’assuré recourait pour son ménage avant d’être atteint dans sa santé n'entrent pas en considération dans l’évaluation des limitations après la survenance de l’atteinte à la santé. Ces services ne doivent compter ni dans la liste des activités, ni dans la pondération des activités sans invalidité, ni dans l’évaluation des limitations (ch. 3089 CIIAI).

b. La recourante estime qu'il y a lieu de pondérer le champs "entretien du logement" à 48% au lieu de 40% comme retenu dans l'enquête. Parallèlement, elle réduit le champs "alimentation" de 50%, selon l'enquête, à 42%.

Il ressort de l'enquête économique sur le ménage que la recourante habite avec sa famille dans une maison de 240 m2 sur trois étages, entourée d'un jardin de 1350 m2 avec du gazon, des arbres, une haie, de nombreuses plantes et une piscine, ainsi que d'un jardin potager de 1000 m2. Elle conduisait le ménage, son mari travaillant beaucoup dans l'entreprise familiale (rapport d'enquête p. 4 ch. 5.1), étant précisé qu'il est horticulteur-fleuriste. Avant l'atteinte à la santé, elle passait beaucoup de temps à préparer les repas midi et soir, en utilisant surtout les légumes et fruits produits dans le jardin potager par elle-même. Elle faisait la vaisselle et nettoyait la cuisine régulièrement. L'entretien hebdomadaire était effectué par une femme de ménage. Dans ses écritures, elle indique par ailleurs qu'elle se chargeait également des grands nettoyages de la cuisine, soit de la hotte, du frigo et des placards. Depuis qu'elle est diminuée dans sa santé, elle a de la peine à couper et à éplucher les légumes. Elle peut s'en occuper à moitié et la famille l'aide en partie dans cette tâche, étant précisé qu'elle continue à préparer des plats chauds et faits maison à tous les repas. Elle met et débarrasse également la table, ainsi que remplit le lave-vaisselle. La famille s'occupe de le vider, dès lors qu'elle a trop mal au dos. Quant aux grands nettoyages de la cuisine (frigo, placards), elle n'est plus capable de s'en occuper.

Quant à l'entretien de la maison, elle bénéficiait avant l'atteinte à la santé de l'aide d'une femme de ménage pour l'entretien courant à raison de quatre heures par semaine. Mais à cause de la taille de maison, elle participait également à ces travaux, ce qui lui prenait plusieurs heures par semaine, et elle changeait les draps. Depuis qu'elle est atteinte dans sa santé, elle peut encore effectuer le nettoyage léger, comme aérer, ranger et faire la poussière. Pour la poussière en hauteur ou en bas, elle délègue si possible le travail ou le fait rarement et très lentement. De temps en temps, elle peut passer l'aspirateur, en répartissant le travail. Rarement, elle récure les sols, ayant de la peine à porter un sceau d'eau. Elle peut nettoyer les lavabos et toilettes de ses trois salles de bains, mais peine à nettoyer les miroirs, les douches, la baignoire et les parois de carrelage. Il lui est aussi difficile de laver les vitres et d'effectuer des nettoyages en hauteur. Les draps sont changés avec l'aide de son mari. Par moments, elle n'a plus de femme de ménage. C'est alors son fils qui l'aide pour l'entretien du logement.

En plus de l'entretien de la maison proprement dit, elle s'occupait, avant d'être malade, du jardin de la maison. Elle taillait notamment la haie et arrosait les plantes, tandis que son mari et son fils se chargeaient de tondre le gazon. Dans le jardin potager, elle plantait des légumes, binait, arrosait, cueillait les légumes et les petits fruits. Le reste des légumes et petits fruits qui n'étaient pas immédiatement consommés, était congelé pour en disposer durant toute l'année. Elle était très occupée par le jardin potager à côté de son emploi professionnel. Depuis 2015, elle peut seulement cueillir les fruits et légumes et les congeler. Son beau-père remue la terre, plante, désherbe et entretient le potager.

Le ménage comprend par ailleurs au moment déterminant, en 2018, le mari de la recourante, lequel rentre manger à midi, et son fils né en ______ 1994. Entre septembre 2017 et juin 2020, celui-ci faisait des études universitaires. Actuellement, il fait le service civil à ______ [VD], selon les allégués de la recourante.

d. Il ressort de ce qui précède que, dans le cadre de l'entretien de la maison, le jardinage occupe une place très importante. Par ailleurs, il s'agit d'une activité qui doit être assimilée à une activité lucrative, dès lors que les fruits et légumes produits sont consommés par la famille durant toute l'année. Cependant, la recourante avait déjà, avant la survenance de l'invalidité, recours à une femme de ménage, afin de se décharger du nettoyage de la maison, ce qui diminue le temps qu'elle consacrait au ménage. Au demeurant, celle-ci se charge également du nettoyage hebdomadaire de la cuisine, ce qui est compris dans la rubrique "alimentation".

Cela étant, même si le champ "alimentation" reste important dans la famille, il n'y a pas lieu de retenir le maximum admis et il convient de le fixer à 40%, ceci d'autant plus que le fils de la recourante est aujourd'hui adulte et ne prend pas tous les repas à la maison. En outre, une femme de ménage s'occupe du nettoyage hebdomadaire.

Parallèlement, le temps consacré aux autres tâches du ménage, en l'occurrence en particulier le jardinage, paraît bien plus important que le maximum de 50% retenu dans le tableau de l'OFAS. Certes, comme le relève l'intimé, l'importance des travaux de jardinage varie fortement selon la saison. Néanmoins, même en hiver des légumes peuvent être cultivés et, en été, le temps consacré à l'entretien du potager peut dépasser largement l'horaire normal de plusieurs heures, week-end compris. Par conséquent, il se justifie de s'écarter en l'espèce exceptionnellement du maximum fixé par l'OFAS pour l'entretien de la maison et de l'augmenter à 60%.

11.    a. La recourante ne conteste pas qu'il n'y a pas d'empêchement pour les postes alimentation, emplettes et courses diverses, lessive et entretien des vêtements et soins aux enfants, compte tenu de l'aide apportée par son mari et son fils. Il est vrai qu'elle allègue que les empêchements dans le champs "alimentation" ont été sous-évalués, dans la mesure où elle n'est plus capable d'effectuer les travaux importants de nettoyage de la cuisine (hotte, placards, frigo etc.). Cependant, dans le tableau résumant la pondération des champs d'activité, les empêchements et l'exigibilité, pour la période dès le 1er janvier 2018, elle ne retient aucun empêchement pondéré.

Par conséquent, il sied uniquement d'examiner quels sont les empêchements pour l'entretien de la maison et le jardinage, ainsi que quelle aide est exigible de la part les membres de la famille.

b. L'intimé a fixé à 50% les empêchements dans ce champ d'activité, tandis que la recourante les évalue à 75%.

Pour le nettoyage de la maison, la recourante bénéficiait auparavant de l'aide d'une femme de ménage. Elle allègue toutefois, que cela n'était pas suffisant et qu'elle faisait encore beaucoup de nettoyage en plus. Cependant, comme elle peut encore effectuer le nettoyage léger, passer l'aspirateur de temps en temps, nettoyer les lavabos et toilettes de ses trois salles de bains, en répartissant le travail, il convient de retenir un empêchement uniquement pour laver les vitres, changer les draps et nettoyer les placards, ce qui correspond à un taux d'empêchement de 20%, selon l'appréciation de la chambre de céans.

En ce qui concerne le jardinage, la recourante est empêchée de tailler la haie et de cultiver les légumes avec tous les travaux que cela implique (remuer la terre, planter, mettre les engrais, désherber etc.). Elle peut uniquement s'occuper de la récolte, de la congélation et de l'arrosage. Ces empêchements peuvent être évalués à 80%.

L'intimé considère que la recourante pourrait adapter son travail, en diminuant la taille du jardin potager par exemple. Cependant, de l'avis de la chambre de céans, le fait de réduire le jardin potager ne peut être considéré comme une adaptation. Il s'agirait d'une renonciation qui n'est pas exigible en l'occurrence, dans la mesure où il s'agit d'une activité devant être assimilée à un travail lucratif, à savoir la production de légumes pour la famille. Au demeurant, l'intimé ne fait pas d'autres propositions pour adapter le jardinage, de sorte qu'il doit être considéré qu'il n'y a pas d'adaptations possibles.

En admettant que la recourante se consacrait en moyenne à part égale à l'entretien de la maison à proprement parler et au jardinage, le taux d'empêchements moyen est de 50% ([20% + 80%] : 2).

c. Quant à l'aide exigible apportée par le mari et le fils de la recourante, l'enquêtrice a considéré qu'elle était de 30%. La recourante estime toutefois que seule une aide de 10% est exigible.

Si cette aide paraît équitable pour le ménage, elle n'est pas exigible pour le jardinage. En effet, le commerce familial dont s'occupe le mari est ouvert sept jours sur sept, comme cela ressort du rapport d'enquête pour l'activité professionnelle indépendante du 2 mars 2018, et, selon la recourante, son mari s'y rend tous les jours, ce qui est plausible, s'agissant d'une entreprise familiale. Compte tenu de la charge importante de son activité professionnelle, de sa participation aux tâches du ménage proprement dit et à l'alimentation, ainsi que la tonte du jardin d'agrément, il ne paraît pas exigible que l'époux de la recourante apporte encore son aide pour cultiver les légumes et fruits. Quant au fils du couple, il vit actuellement encore à la maison. Il était d'abord en études et travaille actuellement à ______ [VD]. Cela étant, il pourrait être attendu de sa part qu’il participe au jardinage à raison de 10% durant ses week-ends, en plus de son aide apportée à l'entretien de la maison et aux repas.

En considérant que la recourante est occupée à parts égales dans le jardin et le ménage (en moyenne durant toute l'année), l'exigibilité moyenne est de 20% ([30% + 10%] : 2).

L'empêchement pondéré pour le poste "entretien de la maison" est par conséquent de 30% (50% - 20%).

Cela étant, le tableau pour le champ "entretien de la maison" se présente comme suit:

 

Activités

 

Exigib. Pondér. Empêch. Empêch. pondéré

Entretien de la maison

Exigibilité

 

60% 50% 30%

20% 30% 18%

12.    Compte tenu de ce que l'invalidité dans la sphère professionnelle est évaluée à 25% et que les empêchements pondérés avec exigibilité à 50% représentent 9% (18% : 2), l'invalidité globale est de 34%. Ce taux n'ouvre pas le droit à une rente d'invalidité.

13.    Cela étant, le recours sera rejeté.

14.    Au vu de l'issue du recours, la recourante sera condamnée au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare le recours recevable

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de la recourante.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marguerite MFEGUE AYMON

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Maya CRAMER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le