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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1607/2021

ATAS/172/2022 du 28.02.2022 ( AI ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1607/2021 ATAS/172/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 28 février 2022

6ème Chambre

 

En la cause

 

Madame A______, domiciliée à Carouge, représentée par APAS-Assoc. permanence défense des patients et assurés

 

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, Genève

 

intimé

 


EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1982, originaire du Kosovo, entrée en Suisse en 1994, remariée en 2015, mère de quatre enfants, a exercé en dernier lieu une activité de femme de chambre pour B______ sur appel depuis le 4 février 2017 jusqu’au 30 octobre 2020, à raison d’environ 12h par semaine. Elle a perçu des indemnités de l’assurance chômage de décembre 2003 à novembre 2005 et s’est inscrite à l’OCE en 2007 et 2008.

b. L’assurée a été en incapacité de travail totale depuis le 2 août 2018 pour des motifs psychologiques, puis dès avril 2019 pour des motifs rhumatologiques.

B. a. Le 29 juillet 2019, l’assurée a déposé une demande de prestations d’invalidité.

b. Dans une note statut du 22 août 2019, l’office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI) a retenu un statut mixte de 29% active et 71% ménagère, au motif que l’assurée travaillait à un taux de 29% (12h / semaine) depuis 2017.

c. A la demande de l’assurance perte de gain de l’employeur :

ca. Le Dr C______, FMH médecine physique et réadaptation, a retenu des lombalgies avec possiblement une irritation de type radiculaire (lombosciatalgie irritative gauche) entrainant une incapacité de travail totale comme femme de chambre.

cb. Le Dr D______, FMH psychiatrie et psychothérapie, a rendu une expertise le 19 septembre 2019, concluant à un diagnostic de trouble de l’adaptation avec réaction dépressive prolongée, actuellement en rémission partielle, et à une capacité de travail nulle jusqu’au 10 novembre 2019 et totale ensuite.

d. A la demande de l’OAI, le CEMED (docteurs E______, FMH psychiatrie et psychothérapie, et F______, FMH rhumatologie) a rendu un rapport d’expertise bidisciplinaire le 23 novembre 2020, concluant aux diagnostics psychiatriques incapacitants d’épisode dépressif moyen évoluant depuis août 2018, en lien avec des difficultés au cours de sa grossesse et l’aggravation d’une symptomatologie douloureuse rachidienne depuis l’accouchement, épisode actuellement en rémission partielle ; état de stress post-traumatique, évoluant depuis 2014, incapacitant depuis 2018 en raison d’une réactivation et d’une décompensation en lien avec l’épisode dépressif, sans rémission. L’assurée était depuis août 2018 totalement incapable d’exercer son ancienne activité et capable de travailler dans une activité adaptée à un taux de 50% depuis janvier 2020. Il n’y avait pas de diagnostic rhumatologique incapacitant, sous réserve d’une incapacité de travail totale d’avril à octobre 2019.

e. Le 7 décembre 2020, le service médical régional (SMR) a retenu une incapacité de travail totale dès le 1er août 2018 et une capacité de travail de 50% dès le 1er janvier 2020, dans une activité adaptée.

f. L’OAI a diligenté une enquête ménagère, laquelle a conclu le 25 janvier 2021 à un empêchement de 9%, lequel était nul compte tenu de l’exigibilité retenue pour l’époux et le fils ainé de l’assurée.

g. Par projet de décision du 28 janvier 2021, l’OAI a rejeté la demande de prestations, au motif que le degré d’invalidité de l’assurée était de 29% dès le 1er août 2019 et de 16% dès le 1er janvier 2020. Par décision du 22 mars 2021, l’OAI a repris les termes de son projet de décision.

h. Le 25 mars 2021, La doctoresse G______, FMH psychiatrie et psychothérapie, a attesté d’une incapacité totale de l’assurée à tenir son ménage et à s’occuper de ses enfants sans une aide à domicile

C. a. Le 7 mai 2021, l’assurée, représentée par une avocate, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision de l’OAI du 22 mars 2021, concluant à son annulation et à l’octroi d’une rente entière d’invalidité dès le 1er août 2019. Son statut mixte était celui d’active au moins à 50%. Elle avait travaillé sur appel avec des horaires très variables, parfois à 100%. Elle présentait une incapacité de travail totale dans toute activité. Elle contestait les conclusions de l’enquête ménagère dans la mesure où celle-ci se fondait sur les conclusions des experts. Elle a communiqué un rapport du service de médecine de premier secours des HUG du 8 avril 2021 attestant d’un syndrome douloureux chronique avec une invalidité totale dans ses activités de la vie quotidienne (tâches ménagères, administration, soins aux enfants) ainsi qu’une confirmation d’admission à la clinique de Crans-Montana le 28 avril 2021.

b. Le 23 juin 2021, l’OAI a confirmé, d’une part, un statut mixte de la recourante avec une part active de 29%, celle-ci ayant déclaré qu’elle aurait continué, sans atteinte à la santé, d’exercer à ce taux et, d’autre part, des empêchements ménagers selon l’enquête ménagère. En revanche, il convenait d’admettre que la recourante présentait une capacité de travail nulle, le service de réadaptation ayant indiqué, le 21 juin 2021, que la capacité de travail de la recourante n’était pas exploitable dans le marché économique ordinaire. Le degré d’invalidité était ainsi de 29% dès le 1er août 2019.

c. Le 26 août 2021, la recourante a répliqué, en contestant son statut mixte avec une part active de seulement 29% ; par ailleurs, la capacité de travail désormais reconnue par l’intimé comme étant nulle devait être prise en compte dans le cadre de l’enquête ménagère ; elle soutenait que la pondération des champs d’activité devait être modifiée, en accordant plus d’importance à l’entretien du logement ainsi qu’aux soins et assistance aux enfants, que les taux d’empêchement étaient plus élevés que ceux retenus et que le taux d’exigibilité de l’époux et du fils ainé était au maximum de 20%. Elle retenait un empêchement avec exigibilité de 40,8%. Elle a communiqué un certificat médical de la Dresse G______ du 19 août 2021, attestant d’empêchements en raison de douleurs physiques importantes, état dépressif majeur et névrose obsessionnelle, ainsi qu’une attestation de H______ du 22 juillet 2021, mentionnant une intervention de 4h-5h par semaine.

d. Le 12 octobre 2021, l’intimé a dupliqué, en persistant dans ses conclusions, sur la base d’un avis du SMR du 23 septembre 2021. L’enquêtrice n’avait pas fondé son analyse sur une capacité de travail de 50% mais sur les diagnostics et les déclarations de la recourante. La pondération des divers champs et les empêchements retenus devraient être confirmés.

e. Le 11 novembre 2021, la recourante a derechef indiqué qu’elle contestait les conclusions de l’enquête ménagère.

f. Le 6 décembre 2021, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle.

g. Le 14 décembre 2021, l’OCE a communiqué son dossier, qui se limitait aux données de base, lesquelles mentionnaient un taux d’occupation recherché par la recourante de « >= 90% ».

h. Le 26 janvier 2022, l’OAI, après réexamen du dossier, a retenu un statut mixte de la recourante 90% active et 10% ménagère et a conclu à un degré d’invalidité de 90% (perte économique de 100% et empêchement ménager nul). La recourante avait droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er janvier 2020.

i. Le 17 février 2022, la recourante a indiqué qu’elle acquiesçait à la conclusion de l’OAI, soit l’octroi d’une rente entière d’invalidité dès le 1er janvier 2020, en relevant toutefois qu’elle maintenait ses griefs concernant son statut mixte, ses empêchements ménagers et les conclusions des experts, dans l’hypothèse d’une révision ultérieure de sa situation.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente entière d’invalidité.

3.             Selon l’art. 28 al. 1 let. b et c LAI, l’assuré a droit à une rente s’il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins. Selon l’art. 29 al. 1 LAI le droit à la rente prend naissance au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA, mais pas avant le mois qui suit le 18ème anniversaire de l’assuré.

4.             En l’occurrence, l’intimé, après réexamen du statut de la recourante, a considéré que celle-ci présentait un statut mixte, active à 90%, ainsi qu’une incapacité de travail totale dans toute activité dès le 1er août 2018 et lui a reconnu le droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er janvier 2020.

La recourante a acquiescé à cette conclusion, laquelle peut être suivie, compte tenu du dépôt de la demande de prestations le 29 juillet 2019.

Les griefs de la recourante à l’égard de son statut ainsi que des empêchements ménagers retenus par l’intimé ne seront pas examinés dans le cadre du présent recours, faute d’intérêt digne de protection, la recourante obtenant gain de cause.

5.             Partant, le recours sera admis, la décision litigieuse annulée et il sera dit que la recourante a droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er janvier 2020.

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l’intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1 bis LAI).

Pour le surplus, la recourante obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 3'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émolument et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA – E 5 10.03]).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision litigieuse.

4.        Dit que la recourante a droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er janvier 2020.

5.        Alloue à la recourante une indemnité de CHF 3'000.- pour ses dépens, à la charge de l'intimé.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le