Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3070/2018

ATAS/1359/2021 du 23.12.2021 ( LAA ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3070/2018 ATAS/1359/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 décembre 2021

5ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à PUPLINGE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Etienne SOLTERMANN

 

 

recourant

 

contre

AXA ASSURANCES SA, sise chemin de Primerose 11, LAUSANNE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Jean-Claude SCHWEIZER

 

 

intimée

EN FAIT

A.      a. En date du 15 avril 2017, Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1963, a fait une chute à ski dans un virage et est tombé sur son épaule gauche. Malgré ce qu’il a décrit comme une douleur aigüe au moment de la chute, il a pu poursuivre sa journée de ski et n’a pas consulté de médecin.

b. Quelques jours plus tard, soit le 21 avril 2017, l’assuré a fait une nouvelle chute en vélo cross, tombant à nouveau sur son épaule gauche. Selon l’assuré, la douleur était insupportable, ce qui l’a conduit à arrêter son activité de vélo cross.

c. En date du 30 mai 2017, il a consulté son médecin FMH généraliste, la doctoresse B______, qui lui a prescrit des séances de physiothérapie, qui se sont déroulées du 6 juin au 12 juillet 2017.

d. Ce traitement et les antidouleurs n’ont apparemment pas permis d’améliorer la situation de l’assuré, qui a continué à souffrir de douleurs persistantes dans l’épaule gauche. Considérant que la situation ne s’améliorait pas, l’assuré s’est finalement adressé à la doctoresse C______, médecin FMH généraliste, qui a fait établir une IRM de l’épaule gauche, par le docteur D______, médecin FMH en radiologie, en date du 12 janvier 2018.

e. En date du 15 janvier 2018, l’assuré a fait annoncer, par son employeur, le cas d’accident à AXA ASSURANCES SA (ci-après : l’assurance ou l’intimée).

f. Le rapport de la Dresse C______, daté du 22 mai 2018 et fondé sur le rapport de l’IRM du Dr D______, concluait à une tendinopathie et à une lésion partielle du versant articulaire, des tendons supra-épineux et infra-épineux, une tendinopathie fissuraire du tendon du long chef du biceps, au niveau de sa partie intracapsulaire et de la partie distale et supérieure du tendon subscapulaire et un petit enchondrome de la tête humérale.

g. Dans l’intervalle, la Dresse C______ avait adressé l’assuré au docteur E______, médecin FMH en orthopédie et traumatologie, spécialisé en chirurgie de l’épaule et du coude, qui l’avait examiné en date du 23 janvier 2018. Le rapport établi par le Dr E______ en date du 23 janvier 2018 était rédigé comme suit :

« Examen clinique :

A l'inspection je retrouve une cicatrice transverse au niveau de la clavicule calme et sans troubles neuro-sensitif. Je suis marqué par une hypotrophie de la musculature du deltoïde mais sans perte de sensibilité, à la contrainte les trois faisceaux se contractent normalement. Il doit s'agir d'une hypotrophie d'inactivité. L'articulation acromio-claviculaire et indolore (arthropathie AC à l'IRM, mais cliniquement muette). Il n'y a pas d'irradiation douloureuse vers distal ou proximal. La nuque sans particularités.

Mobilité active/passive Flexion 150/165, abduction externe1 160/170°. Rotation 50/50° (contro-latéral 60/70), rotation externe2 90/90° avec 0 d'extension, rotation interne: L2/L2 (contro-latéral scap). Légère crépitation à la mobilisation, douloureuses en fin de course. La mobilisation active ce fait avec une légère dyskinésie scapulo-thoracique.

Le test du tendon sus-épineux douloureux en antérieur, moyennement douloureux en postérieur avec force statique de M4 et M4+. Le sous-épineux indolore, M5. Le sous-scapulaire fortement douloureux dans son tiers supérieur, M4-, moyennement douloureux dans ses deux tiers inférieurs avec une force à peine de M3. Le test d'Yokum douloureux. Minimes douleurs pour le test d'O'Brien. Le long chef du biceps/intervalle des rotateurs moyennement douloureux pour un très faible signe d'un conflit sous-acromial/d'une bursite sous-acromiale.

Valeur subjective indiquée par le patient pour l'épaule gauche 75-85 %. Valeur du Score de Constant 74%.

 

Examens complémentaires :

I.R.M. sans arthrographie épaule gauche du 12/1/18 Lésion partielle du versant articulaire des tendons sus-épineux et sous-épineux. Lésion fissuraire du tendon du long chef du biceps au niveau de sa partie intracapsulaire et de la partie distale et supérieure du tendon sous-scapulaire. Trophicité normale des muscles de la coiffe des rotateurs. Petit enchondrome de 7 mm de la tête humérale. Lésion de type SLAP 1.

 

Attitude clinique :

L'anamnèse, l'examen clinique et l'imagerie corroborent, les symptômes sont attribuables aux lésions tendineuses. La fonction et la mobilité légèrement, voire moyennement réduits permettant au patient encore une utilisation du bras, mais les douleurs constantes dépendant de l'activité, mènent le patient finalement à vouloir changer cette situation. L'étendue des lésions et le manque d'amélioration spontanée permettent de poser l'indication d'une suture tendineuse sous arthroscopie. Nous avons discuté en détail de la pathologie présente, des options thérapeutiques et les risques associés. Le patient est également informé qu'après une telle intervention, la fonction sera nettement réduite comparée à aujourd'hui et qu'il est possible qu'il faille attendre six-huit mois pour retrouver une mobilité comme aujourd'hui. Côté douleur, le résultat positif devrait se manifester avant ».

 

h. Le Dr E______ aboutissait au diagnostic suivant : « lésion partielle intra-articulaire du tendon sus-épineux et de la partie haute du tendon sous-épineux, lésion transfixiante du tiers supérieur du tendon sous-scapulaire, tendinopathie du long chef du biceps avec suspicion d’une lésion SLAP 2 épaule gauche ».

B.       a. En date du 1er mai 2018, l’assurance a rendu une décision, susceptible d’opposition, qui mettait un terme au versement de ses prestations en faveur de l’assuré, à compter du 13 janvier 2018. Ladite décision ne reconnaissait pas le lien de causalité naturelle entre les accidents du 15 et du 21 avril 2017 et les troubles ressentis à l’épaule gauche par l’assuré. L’assurance estimait que les accidents du mois d’avril 2017 ne pouvaient plus être considérés comme la cause naturelle de l’atteinte à la santé, laquelle était désormais exclusivement imputable à des causes étrangères aux accidents. Sur le plan médical, la décision était fondée sur le rapport du médecin-conseil de l’intimée, le docteur F______, médecin FMH en chirurgie orthopédique qui, dans un avis médical du 23 avril 2018, se prononçait comme suit :

« Il s'ensuit des douleurs au niveau de l'épaule gauche qui ont été traitées par physiothérapie, avec une évolution fluctuante. Finalement, avec la persistance des douleurs, une IRM est pratiquée le 12.01.2018 (il s'agit d'une
IRM du CIRD). Cette IRM montre en fait des lésions dégénératives multiples, à savoir une tendinopathie et lésion partielle du versant articulaire des tendons supra-épineux et infra-épineux. Une tendinopathie au niveau du tendon du long chef du biceps, avec une atteinte également au niveau de la partie distale et supérieure du tendon subscapulaire. Il s'agit donc de lésions typiquement dégénératives et la topographie décrite de ces lésions, atteinte des multi-tendons, n'est pas en relation avec un traumatisme. Par contre, ce dernier a conduit à la prescription de cette IRM, montrant les troubles dégénératifs. On peut donc accepter la prise en charge initiale du traumatisme, avec un statu quo fixé à la date de I'IRM ».

b. Par courrier du 25 mai 2018, l’assuré a fait opposition à la décision du 1er mai 2018 et a demandé qu’une nouvelle décision soit rendue, reconnaissant le lien de causalité naturelle entre les accidents des 15 et 21 avril 2017 et les lésions dont il souffrait à l’épaule gauche. Il a reproché à l’assurance de s’être fondée sur le rapport du Dr F______ alors que ce dernier ne l’avait jamais rencontré et avait fait des suppositions quant à l’existence de lésions antérieures aux accidents, alors même que rien ne permettait de l’affirmer.

c. L’assuré a opposé au rapport du Dr F______ ceux de ses propres médecins traitants, notamment un rapport médical complémentaire du Dr E______, daté du 17 mai 2018, en réponse à plusieurs questions posées par le Conseil de l’assuré et qui était rédigé, notamment, comme suit :

« L'évidence de traumatismes (adéquats) vécus selon la définition LAA est incontestable. Avec l'âge progressif d'un individu ses tendons sont sujets à un vieillissement donc une dégénérescence naturelle de la substance résultant en une fragilisation, Celle-ci va diminuer la résistance à la déchirure et par conséquent augmenter le risque de contracter une lésion tendineuse un jour dans sa vie (prévalence).

 

( )Prévalence de lésion tendineuse de la coiffe :

La prévalence pour une lésion transfixiante après dissection de cadavres est entre 7% et 23,5%. Celle pour une lésion partielle ce trouve entre 13% et 37%.

 

La prévalence de lésions partielles et transfixiantes des tendons de la coiffe a été revue dans une recherche de littérature. La totalité des études cadavériques sur 2553 spécimens avec un âge moyen de 70,1 ans a démontré 18,5% de lésions partielles et 11,8% de lésions transfixiantes, donc une prévalence de 30,3% au total.

 

Selon des études cliniques et radiologiques la prévalence pour une lésion transfixiante de la coiffe se trouve entre 10 et 41% (10,3%, 15%, 20,7%, 21,7%, 22,1%, 34,7%, 38,9%, 40,8%) et pour les lésions partielles entre 6,7 et 20% (6,7%, 8,6%, 15,9%, 17,2%, 17,2%, 20%).

 

Incidence :

Comme décrit ci-dessus la présence d'une lésion de la coiffe n'est pas nécessairement accompagnée de symptômes. On peut différencier une lésion transfixiante d'une partielle, et symptomatique d'asymptomatique.

L'incidence peut être définie durant une période d'âge, en général par tranches de 10 à 20 années. Selon les différentes études publiées on peut rassembler le pourcentage de l'incidence pour telles lésions en corrélation avec l'âge.

 

( )Incidence indépendante des symptômes pour les lésions transfixiantes :

20 - 49 ans : 0%

50 - 59 ans : 10,7%

60 - 69 ans : 15,2%

70 - 80 ans : 26,5%

> 80 ans : 36,6%

 

Incidence indépendante des symptômes pour les lésions partielles :

30 - 50 ans : 8%

41 - 50 ans : 25%

 

Incidence pour les lésions transfixiantes asymptomatiques :

20 - 29 ans : 0%

30 - 39 ans : 2,5%

40 - 49 ans : 6,7%

50 - 59 ans : 12,8%, 13%

60 - 69 ans : 25,6%, 20%

70 - 80 ans : 45,8%, 31%,

> 80 ans : 50%, 51%

 

Incidence pour les lésions transfixiantes symptomatiques :

< 40 ans : 0%

40 - 59 ans : 4%

> 60 ans : 28%

> 80 ans : 51%

 

Incidence pour les lésions partielles asymptomatiques :

< 39 ans : 4%

40 - 59 ans : 24%

> 60 ans : 26%

 

( ) Votre assuré est âgé de 55 ans, donc il y avait une probabilité d'incidence de 13% d'avoir une lésion transfixiante tendineuse dégénérative et asymptomatique lors de l'accident, et une probabilité d'incidence de 24% d'avoir une lésion partielle. Il n'y a pas de facteurs à risque par maladies susceptibles de fragiliser les tissus conjonctifs comme par exemple un diabète.

 

On ne peut donc pas partir du principe que l'assuré avait avec certitude une lésion dégénérative asymptomatique préexistence à cause de son âge. Pour moi il s'agit d'une lésion accidentelle probable (>50%), ou une lésion assimilée plus probable (>75%) selon la LAA. L'assuré ne présente pas de maladies connues. Je ne lui ai pas certifié d’incapacité de travail.

Il est possible, que sans traitement chirurgical, les lésions tendineuses s'étendent rendant l'épaule moins fonctionnelle. Ceci n'est pas certain mais la chronicité des symptômes parle en défaveur d'une compensation spontanée vers une épaule asymptomatique dans le prochain futur, raison pour laquelle je lui ai conseillé l'intervention chirurgicale avec, a priori un pronostic positif, hormis les faibles risques peropératoires connus ».

d. Sur demande du service médical de l’intimée, son médecin-conseil, le docteur G______, médecin FMH en chirurgie orthopédique, a rendu le rapport médical suivant en date du 16 juin 2018 :

« Discussion du cas :

 

1.      Diagnostics ?

On retient le diagnostic de deux épisodes successifs de contusion de l'épaule gauche suite à des chutes sur celle-ci.

 

Dans les suites du premier épisode suite à une chute à ski on ne retient pas d’impotence fonctionnelle immédiate totale à type de pseudo paralysie de l'épaule puisque l'assuré avait pu reprendre le ski en douceur dès le lendemain. Pour le second épisode le Docteur E______ mentionne que les douleurs ont duré un peu plus longtemps mais qu'il a récupéré la majorité de ses fonctions quelques jours plus tard avec des douleurs dépendant des activités. Il n'est pas mentionné de chute avec traumatisme vulnérant de la coiffe tel que chute sur le coude ou survenant le bras en abduction. Il est reconnu qu'une chute simple sur le moignon de l'épaule ne peut entraîner de lésion de la coiffe. Au total on ne retient pas de diagnostic clinique de rupture de la coiffe des rotateurs en l'absence de tableau de pseudo-paralysie du membre supérieur ou d'hématome diffus.

 

Le bilan par IRM (sans injection) dont j'ai pu prendre connaissance, retrouve des signes de tendinopathie dégénérative diffuse, une arthrose acromio-claviculaire même si son rôle dans la genèse des ruptures de coiffe est actuellement remis en cause. La lésion du labrum mentionné de grade I est typiquement d'origine dégénérative, contrairement à une lésion de grade II plus souvent d'origine traumatique. Par ailleurs il n'est pas mis en évidence d'image d'œdème musculaire qui serait (en) faveur d'une lésion récente. On note l'absence de signe d'involution graisseuse dégénérative mais ceci n'est pas surprenant car il ne s'agit pas d'une rupture transfixiante de la coiffe.

 

2. Toutes les lésions constatées à l'épaule gauche sont-elles dues aux accidents du mois d'avril 2017 ?

Les troubles dégénératifs surviennent de façon chronique et progressive sans survenue de douleurs. Il est d'ailleurs reconnu que les ruptures tendineuses surviennent le plus souvent sur des tendons pathologiques. Les ruptures survenant sur coiffe antérieurement saine sont rares. Dans le cas de notre assuré on ne retient pas de lésion traumatique provoquée par les événements du mois d'avril 2017.

 

3. Le lien de causalité entre les deux accidents d'avril 2017 et les troubles présentés à l'épaule gauche sont-ils dus de façon certaine, probable possible ou exclue ? Motifs ?

Au vu de l'anamnèse détaillée disponible, de l'absence de signe de gravité clinique immédiate sur cette épaule et au vu de la réalisation d'un examen IRM et d'une consultation spécialisée seulement 9 mois plus tard et discutés précédemment on peut conclure que les troubles dégénératifs mentionnés sur l'examen IRM étaient déjà existants au moment de cet événement. Celui-ci a donc simplement contribué à les mettre en évidence. Le lien de causalité entre les deux accidents d'avril 2017 et les troubles présentés à l'épaule gauche est donc au mieux possible.

 

4. Un statu quo sine a-t-il été retrouvé? (Etat de santé pour le moins équivalent à celui qui aurait présidé si les accidents de 2017 ne s'étaient pas produits) selon toute vraisemblance ? Sinon, un éventuel statu quo sine doit-il être fixé ultérieurement ?

Pour une contusion simple de l'épaule on peut s'attendre à une guérison survenant habituellement dans un délai de 3 mois, au-delà l'événement traumatique cesse ses effets délétères. Dans le cas de notre assuré un status quo sine a été fixé le 13 janvier 2018 soit neuf mois après l’évènement ce qui est même au-delà du temps de guérison.

 

5.a) les lésions diagnostiquées sont-elles des lésions selon l'article 6.2 LAA ?

Pour le diagnostic de lésion tendineuse de la coiffe on peut retenir une lésion selon l’article 6.2 avec la lettre f pour déchirure de tendon.

La lésion SLAP consistant en une désinsertion du bourrelet n'est pas une lésion figurant sur la liste selon ce même article.

 

b) si oui, compte-tenu de l'ensemble du spectre des causes sont-elles dues à plus de 50% à de l'usure ou une maladie, d'une part, ou essentiellement aux accidents d'avril 2017, d'autre part ?

Pour les lésions tendineuses diffuses de la coiffe des rotateurs il s'agit là de lésions dues de façon quasi exclusive à l'usure physiologique de l'organisme et celles-ci étaient de façon probable, préexistantes au moment de l'événement ».

e. En date du 9 juillet 2018, l’assurance a rendu une décision sur opposition dans laquelle elle a confirmé les conclusions de sa précédente décision du 1er mai 2018. Elle a notamment cité, à l’appui de sa décision, les conclusions prises par les Drs F______ et G______. Le premier, dans son rapport du 23 avril 2018, retenait que les lésions présentées étaient typiquement dégénératives et que leur topographie, soit plusieurs tendons touchés, ne permettait pas d’admettre une relation de causalité avec un traumatisme au-delà de la date de l’examen IRM. Le second, dans son rapport du 16 juin 2018, établissait que les lésions constatées à l’épaule gauche de l’assuré n’étaient pas dues aux accidents du mois d’avril 2017, mais à des troubles dégénératifs qui survenaient de façon chronique et progressive, sans survenue de douleurs. Selon lui, il n’y avait pas de lésion traumatique provoquée par les événements du mois d’avril 2017.

C.      a. Le mandataire de l’assuré a interjeté un recours, posté le 10 septembre 2018, contre la décision sur opposition du 9 juillet 2018. Il a conclu préalablement à ce qu’une expertise judiciaire indépendante soit ordonnée et, cela fait, que la décision querellée soit annulée. Il demandait qu’il soit dit et constaté qu’il existait un lien de causalité naturelle prépondérant entre les accidents subis par le recourant, d’une part et les troubles s’étant manifestés à son épaule gauche, d’autre part. Il en concluait que l’intimée devait être condamnée à prendre à sa charge l’intégralité du traitement médical, ainsi que toutes autres conséquences liées aux accidents des 15 et 21 avril 2017, en particulier les frais de l’intervention chirurgicale prévue le 10 janvier 2019.

b. Dans sa réponse du 8 octobre 2018, l’intimée a conclu au rejet du recours. Elle reprenait les conclusions auxquelles elle était arrivée pour rendre la décision querellée et s’opposait à une expertise, en raison du principe de célérité. L’intimée considérait que sur la base du rapport du Dr G______, il était établi que les troubles présentés par le recourant étaient de nature dégénérative et que, par conséquent, le lien de causalité naturelle et adéquate avec les accidents du mois d’avril 2017 était rompu.

c. Par réplique du 13 décembre 2018, le recourant a repris l’argumentaire de l’intimée et l’a contesté en détail, soulevant ce qu’il présentait comme des imprécisions, voire des contradictions. Il joignait à sa réplique un article en anglais du Professeur, Docteur Markus LOEW, chirurgien orthopédiste exerçant à la ATOS Klinik d’Heidelberg (Allemagne) intitulé « How to dicriminate between acute traumatic and chronic degenerative rotato cuff lesions : an analysis of specific criteria on radiography and magnetic resonance imaging » soit (traduction libre) Comment faire la différence entre un traumatisme aigu et une dégénérescence de la coiffe des rotateurs : une analyse des critères spécifiques pour la radiographie et l’IRM, paru dans : J Shoulder Elbow Surgery 2015 Nov ; 24(11) 1685-1693 (US National Library Medicine National Institutes of Health https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26234668#).

d. Par duplique du 15 février 2019, l’intimée a répété que le dossier du recourant avait fait l’objet d’un examen par deux spécialistes, à savoir les Drs F______ et G______ qui avaient, tous deux, fourni des analyses médicales et techniques circonstanciées ; il n’y avait pas de raison objective de discréditer leur travail et leurs conclusions. L’intimée demandait la confirmation de la décision querellée.

D. a. La chambre de céans a décidé d’ordonner une expertise judiciaire orthopédique du recourant ; les parties ont pu se prononcer sur le choix de l’expert et de la mission d’expertise. Par ordonnance d’expertise du 24 février 2021, la chambre de céans a désigné comme expert le docteur H______, orthopédiste

b. Le Dr H______ a rendu son rapport d’expertise, daté du 5 juin 2021.

Il s’est fondé sur l’ensemble des pièces médicales figurant au dossier et notamment sur le rapport du Dr E______, chirurgien orthopédiste, qui avait pratiqué une arthroscopie sur l’épaule gauche du recourant, en date du 30 janvier 2019.

Le recourant a été examiné par l’expert le 22 mars 2021.

L’expert a considéré qu’il n’y avait aucun diagnostic ayant une répercussion sur la capacité de travail avant l’intervention du 30 janvier 2019. À partir de cette date, le recourant était en arrêt de travail jusqu’au 27 mars 2019. Suite à l’intervention du 30 janvier 2019, l’expert notait un diagnostic de lésion partielle/fissuration longitudinale du tendon du long chef du biceps à l’entrée de la gouttière bicipitale et des lésions de la poulie du biceps dont le ligament gléno huméral supérieur selon le rapport médical du Dr E______ et le rapport de radiologie du docteur I______, du 17 mai 2021. Il notait également une lésion de type articular side tear, lésion du côté articulaire du tendon du sus-épineux et de la partie très antérieure du sous-épineux, impliquant de 30 à 50% d’épaisseur de ces tendons.

S’agissant des dates d’apparition, il fixait au jour des chutes, soit le 15 avril et le 21 avril 2017, les lésions susmentionnées, soit la lésion partielle du tendon du long chef du biceps et la lésion de type articular side tear concernant le tendon du sus-épineux et de la partie très antérieure du sous-épineux.

S’agissant de la causalité, l’expert considérait que certaines atteintes avaient un rapport de causalité avec les accidents du 15 avril et du 21 avril 2017.

Il excluait tout d’abord un certain nombre d’atteintes à l’épaule droite qui étaient préexistantes aux accidents voire d’origine dégénérative.

En revanche, pour l’épaule gauche, la lésion de type articular side tear était en relation directe avec les événements du 15 et du 21 avril 2017 avec une probabilité de plus de 50%. L’expert n’excluait pas, et trouvait même possible et plausible que le recourant présentât déjà, avant les événements du mois d’avril 2017, au niveau des couches profondes de sa coiffe des rotateurs de l’épaule gauche, un affaiblissement et une fragilité des tissus, mais sans pour autant présenter une déchirure nette. Toutefois les deux événements du 15 et du 21 avril 2017 avaient amené des lésions de type articular side tear de son sus-épineux et dans une moindre mesure de son sous-épineux. Les chutes à ski puis en vélo sur une épaule constituaient clairement des traumatismes adéquats pour créer une lésion au niveau de la coiffe des rotateurs. Ce n’était qu’à la suite de l’intervention chirurgicale du 30 janvier 2019, soit 21 mois après les accidents, que la lésion du côté articulaire du sus-épineux avait été traitée et que la situation s’était normalisée.

En ce qui concernait la date du statu quo ante, que ce soit pour la lésion partielle du tendon du long chef du biceps avec fissuration longitudinale ou pour la lésion de type articular side tear - dont l’expert reconnaissait une probabilité supérieure à 50% de rapport de causalité avec les accidents du mois d’avril 2017 - il considérait que le statu quo ante avait été atteint à la fin de la période de guérison qui avait suivi l’intervention du 30 janvier 2019, soit le 27 mars 2019, ce qui correspondait à la date de la reprise du travail.

c. Par observations du 19 juillet 2021, le mandataire du recourant s’est déclaré, en substance, en accord avec les conclusions de l’expertise.

d. Par observations du même jour, le mandataire de l’assurance a considéré que l’expert avait fait une application du principe « post hoc ergo propter hoc » et que son rapport d’expertise ne tenait pas compte de la doctrine médicale dominante en ce qui concernait l’aptitude d’un accident à produire des lésions de la coiffe des rotateurs. Il citait différents auteurs de doctrine et le Tribunal fédéral pour en tirer les conclusions qu’un choc direct sur l’épaule n’était pas susceptible de léser la coiffe des rotateurs. En conclusion, l’assurance persistait dans les termes de la décision querellée.

e. En date du 23 septembre 2021, le Dr H______ a été auditionné en qualité de témoin. Il a confirmé les conclusions de son rapport d’expertise. S’agissant de la p. 15, ch. 10.3 dudit rapport, le médecin a précisé qu’une tendinopathie était une inflammation d’un tendon ou une dégénération éventuelle d’un tendon alors qu’une déchirure n’était pas une simple inflammation mais une rupture partielle du tissu fibro-conjonctif ou tendineux. Il a précisé que lors de l’opération chirurgicale, la déchirure du tendon avait été confirmée. Contrairement à l’appréciation du Dr G______, il estimait qu’il n’y avait pas de lésion de type « SLAP » ajoutant que cette dernière n’apparaissait pas, par ailleurs, à l’arthroscopie ; il a encore précisé que par « SLAP » on entendait une lésion du labrum supérieur, là où le tendon du long chef du biceps va s’attacher à la graine. Cette rupture du ligament gléno huméral supérieur avait été décrite à la fois par le chirurgien et par le radiologue et entrait dans la catégorie des lésions assimilées au titre de l’art. 6 al. 2 LAA, selon son appréciation. Ce dernier précise qu’en cas de rupture du ligament gléno huméral supérieur, le biceps pouvait commencer à bouger ce qui provoquait des douleurs et ce dont le recourant avait probablement souffert. Interrogé sur un passage de la publication des docteurs J_____, K_____ et L_____, citée par l’intimé - selon laquelle une application de force directe sur l’épaule (chute, coûts, contusion) était une cause inadaptée pour provoquer une lésion car la coiffe des rotateurs était bien protégée par la protection osseuse du niveau de l’épaule (l’acromion) et le muscle deltoïde - l’expert rappelait qu’il était très difficile de reconstituer le mécanisme exact de la chute avec une cinétique complexe. En effet, la victime de la chute ne se souvenait pas forcément de ce qu’elle avait fait, elle disait être tombée sur l’épaule mais elle avait peut-être amorti la chute avec son bras, ou avait crispé son épaule au moment de la chute. De surcroît, le passage qui avait été lu était relativement imprécis car on ne savait pas de quel côté du tendon on parlait ; or, il pouvait y avoir un effet différent selon le côté du tendon qui était concerné.

f. Suite à l’audience du 23 septembre 2021, dans son courrier du 1er octobre 2021, l’intimée a rappelé divers cas dans lesquels le Tribunal fédéral avait considéré qu’un accident ne pouvait pas être retenu comme une cause, même partielle, de la rupture de la coiffe des rotateurs. L’intimée considérait que le Dr H______ ne posait que des suppositions, qui n’étaient pas étayées par le dossier. En conclusion, il était démontré que les troubles de la santé du recourant étaient dus de manière très largement prépondérante, à l’usure ou à la maladie.

g. Par courrier du 18 octobre 2021, le mandataire du recourant a constaté que l’intimée s’était bornée à « resservir » ce qu’elle avait déjà soutenu dans ses écritures précédentes. S’agissant du lien de causalité entre les chutes et les troubles de la santé, l’expert aboutissait à la conclusion qu’il existait une probabilité supérieure à 50% que les lésions constatées étaient la cause directe et nécessaire de l’accident. Dès lors, le recourant persistait dans ses conclusions.

h.      Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        La modification du 25 septembre 2015 de la LAA est entrée en vigueur le 1er janvier 2017.

Dans la mesure où les accidents sont survenus après cette date, le droit du recourant aux prestations d'assurance est soumis au nouveau droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2). Les dispositions légales seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017.

3.        Adressé dans les forme et délai à la chambre de céans, le recours est recevable (art. 56ss LPGA et 62ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

4.        L’objet du litige porte sur l’existence, ou non, d’une causalité naturelle et adéquate entre les accidents des 15 et 21 avril 2017 et les troubles de l’épaule gauche du recourant, au-delà de la date du 12 janvier 2018.

 

 

5.         

5.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA; ATF 129 V 402 consid. 2.1, ATF 122 V 230 consid. 1 et les références).

La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé : il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

5.2 Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1, ATF 119 V 335 consid. 1 et ATF 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc »; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb; RAMA 1999 n° U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.

6.        Une fois que le lien de causalité naturelle a été établi au degré de la vraisemblance prépondérante, l’obligation de prester de l’assureur cesse lorsque l'accident ne constitue pas (plus) la cause naturelle et adéquate du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine) (RAMA 1994 n° U 206 p. 328 consid. 3b; RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) selon le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 126 V 360 consid. 5b; ATF 125 V 195 consid. 2; RAMA 2000 n° U 363 p. 46).

7.

7.1. La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

7.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

7.3. Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

7.3.1. Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

7.3.2. En application du principe de l'égalité des armes, l'assuré a le droit de présenter ses propres moyens de preuve pour mettre en doute la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l'assurance. Il s'agit souvent de rapports émanant du médecin traitant ou d'un autre médecin mandaté par l'assuré. Ces avis n'ont pas valeur d'expertise et, d'expérience, en raison de la relation de confiance liant le patient à son médecin, celui-ci va plutôt pencher, en cas de doute, en faveur de son patient. Ces constats ne libèrent cependant pas le tribunal de procéder à une appréciation complète des preuves et de prendre en considération les rapports produits par l'assuré, afin de voir s'ils sont de nature à éveiller des doutes sur la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l'assurance (arrêt 8C_408/2014 et 8C_429/2014 du 23 mars 2015 consid. 4.2). À noter, dans ce contexte, que le simple fait qu'un avis médical divergent - même émanant d'un spécialiste - ait été produit ne suffit pas à lui seul à remettre en cause la valeur probante d'un rapport médical (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 365/06 du 26 janvier 2007 consid. 4.1).

7.3.3. On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; SVR 2008 IV n. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_751/2010 du 20 juin 2011 consid. 2.2).

8.         

8.1 Aux termes de l’art. 6 al. 2 LAA dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017, l’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles suivantes, pour autant qu'elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l'usure ou à une maladie : les fractures (let. a); les déboîtements d'articulations (let. b); les déchirures du ménisque (let. c) ; les déchirures de muscles (let. d) ; les élongations de muscles (let. e) ; les déchirures de tendons (let. f) ; les lésions de ligaments (let. g) ; les lésions du tympan (let. h).

On précisera que l’art. 6 al. 2 LAA, dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2016, conférait au Conseil fédéral la compétence d’étendre la prise en charge par l’assurance-accidents à des lésions assimilables à un accident. L’ancien art. 9 al. 2 de l'ordonnance sur l'assurance-accidents (OLAA - RS 832.202), adopté sur la base de cette disposition, contenait la liste exhaustive des lésions corporelles assimilées à un accident pour autant qu’elles ne fussent pas manifestement imputables à une maladie ou à des phénomènes dégénératifs. La liste des lésions énumérées par l’art. 6 al. 2 LAA dans sa nouvelle teneur est identique à celle auparavant contenue dans l’art. 9 al. 2 aOLAA.

8.2 Selon la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 9 al. 2 aOLAA, pour que des lésions corporelles puissent être qualifiées de semblables aux conséquences d’un accident, seul le caractère extraordinaire de l’accident pouvait faire défaut, mais l’existence d’une cause extérieure était en revanche indispensable (cf. ATF 139 V 327 consid. 3.1). Dans son Message à l’appui de la révision de l’art. 6 al. 2 LAA, le Conseil fédéral a relevé que cette jurisprudence avait été source de difficultés pour les assureurs-accidents et d’insécurité pour les assurés. C’est pourquoi une nouvelle réglementation faisant abstraction de l’existence d’une cause extérieure a été proposée, conformément à la volonté du législateur à l’époque du message de 1976 à l’appui de la LAA. En cas de lésion corporelle figurant dans la liste, il y a désormais présomption que l’on est en présence d’une lésion semblable aux conséquences d’un accident, qui doit être prise en charge par l’assureur-accidents. Ce dernier pourra toutefois se libérer de son obligation s’il apporte la preuve que la lésion est manifestement due à l’usure ou à une maladie (Message du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi fédérale sur l’assurance-accidents du 30 mai 2008, FF 2008 4893).

Dans un arrêt de principe 8C_22/2019 du 24 septembre 2019, le Tribunal fédéral a précisé que selon l’interprétation de l’art. 6 al. 2 LAA, l’application de cette disposition ne présuppose aucun facteur extérieur et donc aucun événement accidentel ou générant un risque de lésion accru au sens de la jurisprudence relative à l'art. 9 al. 2 aOLAA. Cependant, la possibilité pour l’assureur-accidents de rapporter la preuve prévue par l’art. 6 al. 2 LAA impose de distinguer la lésion corporelle assimilée, d’une lésion corporelle figurant dans la liste due à l'usure et à la maladie à charge de l’assurance-maladie. Dans ce contexte, la question d'un événement initial reconnaissable et identifiable est également pertinente après la révision de la LAA – notamment en raison de l'importance d'un lien temporel (couverture d'assurance; compétence de l'assureur-accidents; calcul du gain assuré; questions juridiques intertemporelles). Par conséquent, dans le cadre de son devoir d’instruction (cf. art. 43 al. 1 LPGA), l'assureur-accidents doit clarifier les circonstances exactes du sinistre à l’annonce d’une lésion selon la liste. Si celle-ci est imputable à un événement accidentel au sens de l'art. 4 LPGA, l'assureur-accidents est tenu de verser des prestations jusqu'à ce que l'accident ne représente plus la cause naturelle et suffisante, c'est-à-dire que l’atteinte à la santé est fondée uniquement et exclusivement sur des causes autres qu’accidentelles (voir consid. 5.1 et 8.5). Si, en revanche, tous les critères de la définition de l'accident au sens de l'art. 4 LPGA ne sont pas remplis, l'assureur-accidents est généralement responsable pour une lésion selon la liste selon l'art. 6 al. 2 LAA dans la version en vigueur depuis le 1er janvier 2017, à moins qu’il puisse prouver que la lésion est principalement due à une usure ou maladie (consid. 9.1).

Si aucun événement initial ne peut être établi, ou si seul un événement bénin ou anodin peut être établi, cela simplifie de toute évidence la preuve de la libération pour l'assureur-accidents. En effet, l'ensemble des causes des atteintes corporelles en question doit être pris en compte dans la question de la délimitation, qui doit être évaluée avant tout par des médecins spécialistes. Outre la condition précédente, les circonstances de la première apparition des troubles doivent également être examinées plus en détail (par exemple, un bilan traumatologique du genou est une aide utile pour l'évaluation médicale des blessures au genou, publié in BMS 2016 p. 1742 ss). Les différents indices qui parlent pour ou contre l'usure ou la maladie doivent être pondérés d'un point de vue médical. L'assureur-accidents doit prouver, sur la base d'évaluations médicales concluantes – au degré de la vraisemblance prépondérante – que la lésion en question est due de manière prépondérante à l'usure ou à la maladie, c'est-à-dire plus de 50% de tous les facteurs en cause. Si la « palette des causes » se compose uniquement d'éléments indiquant une usure ou une maladie, il s'ensuit inévitablement que l'assureur-accidents a apporté la preuve de la « libération » et qu’il n’est pas nécessaire d’apporter des clarifications supplémentaires (consid. 8.6).

9.         

9.1 La procédure est régie par le principe inquisitoire, d'après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2; VSI 1994, p. 220 consid. 4). Car si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve. En cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences (ATF 117 V 261 consid. 3), sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à l'adverse partie (ATF 124 V 372 consid. 3; RAMA 1999 n° U 344 p. 418 consid. 3).

9.2 Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations, la règle selon laquelle le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (RAMA 2000 n° U 363 p. 46) entre seulement en considération s'il n'est pas possible, dans le cadre du principe inquisitoire, d'établir sur la base d'une appréciation des preuves un état de fait qui, au degré de vraisemblance prépondérante, corresponde à la réalité (ATF 117 V 261 consid. 3b et les références). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l'accident. Il est encore moins question d'exiger de l'assureur-accidents la preuve négative, qu'aucune atteinte à la santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé. Est seul décisif le point de savoir si les causes accidentelles d'une atteinte à la santé ne jouent plus de rôle et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (arrêts du Tribunal fédéral des assurances U 359/04 du 20 décembre 2005 consid. 2; U 389/04 du 27 octobre 2005 consid. 4.1 et U 222/04 30 novembre 2004 consid. 1.3).

10.    Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3, ATF 126 V 353 consid. 5b, ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

11.    En l'espèce, la chambre de céans constate que la première décision prise par l’intimée, en date du 1er mai 2018, repose sur le rapport médical du Dr F______ que l’on peut qualifier de particulièrement sommaire. La brièveté dudit rapport laisse subsister des doutes quant à sa fiabilité et la pertinence des conclusions prises par le médecin.

En revanche, la décision sur opposition querellée repose sur une appréciation plus complète et plus précise, rendue sur la base du rapport médical du Dr G______, daté du 16 juin 2018.

Le recourant conteste ladite appréciation en se fondant lui-même sur le rapport du Dr E______ du 17 mai 2018.

Les médecins traitants et les médecins conseils s’accordent à dire qu’en se fondant sur l’IRM pratiquée par le Dr D______ en date du 15 janvier 2018, l’assuré souffre d’une tendinopathie et lésion partielle du versant articulaire des tendons supra et infra épineux et d’une tendinopathie au niveau du tendon du long chef du biceps, avec une atteinte également au niveau de la partie distale et supérieure du tendon subscapulaire et une lésion de type SLAP I.

11.1 Dans son rapport du 16 juin 2018, le Dr G______ considère qu’en se fondant sur le bilan par IRM du Dr D______, on retrouve des signes de tendinopathie dégénérative diffuse, une arthrose acromio-claviculaire (même si son rôle dans la genèse des ruptures de coiffe est actuellement remis en cause). Selon le médecin-conseil de l’intimée, la lésion du labrum mentionné de grade I (SLAP I) est typiquement d'origine dégénérative, contrairement à une lésion de grade II (SLAP II) plus souvent d'origine traumatique. L’affirmation est générale, elle ne se fonde pas sur le cas d’espèce mais sur l’expérience et l’appréciation du Dr G______, selon lesquelles une lésion du labrum de grade I serait « typiquement » d’origine dégénérative alors qu’une lésion de grade II serait « plus souvent » d’origine traumatique. Il n’est pas fait de distinction en fonction de l’âge alors que le facteur du vieillissement entre en ligne de cause dès lors que le Dr G______ qualifie la lésion de dégénérative.

Alors que ni le Dr F______, ni le Dr G______ ne précisent le type de lésion des tendons du long chef du biceps et du tendon subscapulaire, le Dr E______, spécifie, en date du 23 janvier 2018, que la lésion du tiers supérieur du tendon sous-scapulaire est de type transfixiante. Il évoque également une suspicion d’une lésion SLAP II de l’épaule gauche (en sus de la lésion SLAP I déjà apparue sur l’IRM du Dr D_____).

11.2 Dans son rapport du 17 mai 2018, le Dr E______ va reprendre le type de lésion et va examiner la probabilité de lésion tendineuse d’origine dégénérative en fonction de l’âge, partant du principe qu’avec l’écoulement du temps, la dégénérescence naturelle de la substance entraîne une fragilisation. Ainsi, pour la tranche d’âge de l’assuré, soit 55 ans, le Dr E______ se fonde sur la probabilité d’une lésion +/- symptomatique, partielle ou transfixiante qui est – dans la tranche d’âge de 40 à 60 ans – de 6% à 15% pour des lésions transfixiantes et de 4% à 25% pour des lésions partielles, indépendamment de la cause.

Il résulte de ce qui précède que l’appréciation du Dr G______ sur la probabilité de la présence préexistante aux accidents d’une lésion dégénérative est postulée de manière quasi certaine, mais sur une base statistique absente alors que celle du Dr E______ a le mérite de se fonder sur des statistiques faisant apparaître qu’en fonction de l’âge de l’assuré, les probabilités de préexistence d’une lésion dégénérative sont au maximum de 15% pour la lésion, qualifiée de transfixiante, du tendon sous-scapulaire et au maximum de 25% pour la lésion partielle des tendons supra et infra épineux.

Les critères de prévalence – soit la mesure de l’état de santé d’une population à un moment donné - et d’incidence – soit la mesure du risque pour un individu de contracter cette pathologie à un moment donné - d’une lésion des tendons ne sont pas examinés en détail par le Dr G______ qui remarque, d’une façon générale, qu’il « est reconnu » (sans citation) que les ruptures tendineuses surviennent « le plus souvent » (sans donner de pourcentage) sur des tendons pathologiques et que les ruptures sur coiffe antérieurement saines « sont rares ».

En reprenant les statistiques du Dr E______ - qui se fondent sur une liste de plusieurs ouvrages, figurant en notes de bas de page, et provenant aussi bien de l’observation clinique et radiologique que de la dissection de cadavres – il est retenu que :

·         la prévalence d’une lésion partielle est de 18,5% (pour une moyenne d’âge de 70,1 ans) et l’incidence d’une lésion partielle asymptomatique est de 24% pour la classe d’âge de 40 à 59 ans.

·         la prévalence d’une lésion transfixiante est de 11,8% (pour une moyenne d’âge de 70,1 ans) et l’incidence d’une lésion transfixiante asymptomatique est de 13% pour la classe d’âge de 40 à 59 ans.

Le critère étiologique - soit l'étude des causes et des facteurs d'une maladie, en fonction d’apparition de signes ou de symptômes – n’est pas examiné par le Dr G______.

Le Dr E______ cite une étude pratiquée sur un groupe de patients en dessous de 45 ans présentant une lésion symptomatique tendineuse. 60% des membres du groupe déclarent un évènement traumatique dans l'anamnèse, mais 31% des cas ne correspondent pas aux critères accidentels (Lin E. Mall N, Dhawan A, Sherman SL, McGill KC, Provencher MT, Nicholson GP, Cole BJ. Solomon DJ, Verma NN, Romeo AA. Arthroscopic primary rotator cuff repairs in patients aged younger than 45 years. Arthroscopy. 2013 May 29 (5): 811-7).

Il cite également une revue de la littérature concernant les lésions de la coiffe des rotateurs chez les sujets de moins de 55 ans (moyenne 41 ans) et constate la présence d'une étiologie traumatique dans l'anamnèse pour 81,1% de ces personnes. En excluant les lésions pouvant être chroniques à la base, il reste 75,5% dans cette population posttraumatique avec des petites lésions ou des lésions partielles (Mackechnie MA, Chahal J, Wasserstein D. Theodoropoulos JS, Henry P, Dwyer T Repair of full-thickness rotator cuff tears in patients aged younger than 55 years. Arthroscopy 2014 Oct 30 (10): 1366-71).

11.3 Compte tenu de ce qui précède, la chambre de céans constate que les affirmations du Dr G______ manquent de bases solides et objectives, fondées sur la littérature médicale. Celles du Dr E______ reposent sur des différenciations plus subtiles entre types de lésions partielles ou transfixiantes, symptomatiques ou asymptomatiques, avec une étiologie médicale faisant apparaître dans une proportion importante de cas la présence d’un événement traumatique antérieur pour des lésions de la coiffe des rotateurs et toutes fondées sur la littérature médicale, citations à l’appui.

Dans son expertise du 5 juin 2021 (pp. 9 et 10), le Dr H______ confirme l’origine traumatique du côté articulaire du tendon « articular side tear » en se fondant également sur les statistiques, considérant que 42% à 87% de ces lésions sont liées à un événement traumatique chez les plus de 35 ans, tout en mentionnant que ce type de lésions peut apparaître dans un contexte de fragilisation des couches profondes en raison de l’âge, mais sans pour autant présenter une déchirure nette.

Selon l’expert, les deux événements du 15 et du 21 avril 2017 ont amené des lésions de type articular side tear de son sus-épineux et dans une moindre mesure de son sous-épineux avec une probabilité de plus de 50%.

S’opposant à ces conclusions, l’intimée lui oppose le fait que les chutes se sont produites avec une faible énergie cinétique et qu’un choc direct sur l’épaule ne peut pas avoir d’effets sur la coiffe des rotateurs.

L’intimée compare la présente espèce avec les circonstances du cas ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal fédéral du 3 mai 2021 (8C_520/2020). Or, dans cette dernière affaire, les circonstances de l’accident, telles que décrites par l’assuré, étaient moins précises, le cas ayant été déclaré comme un accident bagatelle et la juridiction cantonale n’ayant pas examiné en détail la question du lien de causalité, sous l’angle de l’art. 6 al. 1 LAA.

Les premières déclarations de l’assuré, telles qu’elles ressortent du questionnaire- événement du 21 avril 2017, décrivent en date du 15 avril 2017 une chute à ski dans un virage à gauche, ce qui par essence implique plusieurs forces cinétiques, celle résultant de la vitesse du skieur, celle résultant du virage à gauche et enfin celle résultant de la chute, avec des mouvements possibles du bras gauche pour amortir cette dernière, voir une crispation de l’épaule, dans l’anticipation de la chute. La réception sur l’épaule gauche, à la suite d’une telle chute a mis en jeu plusieurs forces cinétiques.

Il en est de même, pour la chute à vélo, le recourant ayant déclaré qu’il était en mouvement et coupait une bande herbeuse pour rejoindre une autre piste, ce qui implique, une nouvelle fois, la combinaison de plusieurs forces cinétiques, et ceci même si le recourant a déclaré être tombé directement sur l’épaule gauche lors de la chute à vélo, ce dernier n’ayant pas forcément gardé en mémoire l’intégralité de la séquence de la chute.

Ainsi, la chambre de céans considère comme établi que le mécanisme des deux chutes a fait intervenir plusieurs forces cinétiques qui ont pu exercer des contraintes sur l’articulation de la coiffe des rotateurs qui ne peuvent pas être réduites à un simple choc direct sur l’épaule gauche.

Ce raisonnement sur le mécanisme de l’accident est partagé par le Tribunal fédéral qui, dans son arrêt du 14 avril 2020 (8C_59/2020), déclare au consid. 5.4 :

« Ob und inwiefern Anpralltraumen geeignet sind, Sehnenmanschettenläsionen auszulösen oder zu verursachen, wird in der neueren medizinischen Literatur kontrovers diskutiert. Dabei wird u.a. die Meinung vertreten, dass bei einem - wenn auch nur geringen - Teil der reinen Anprallverletzungen gewisse Transversalbelastungen des Schultergelenks abhängig vom Sturzereignis auftreten können (vgl. Urteil 8C_446/2019 vom 22. Oktober 2019 E. 5.2.2 f. mit entsprechenden Hinweisen auf medizinische Literatur). Angesichts der Tatsache, dass in vielen Fällen - wie hier - auch der genaue Unfallmechanismus aufgrund der Angaben der betroffenen Patienten nicht genau rekonstruiert werden kann, wird dem Kriterium des Unfallmechanismus zur Beurteilung der Unfallkausalität keine übergeordnete Bedeutung mehr beigemessen. Wie zuvor ausgeführt (vgl. E. 5.3), geht es vielmehr darum, die einzelnen Kriterien, die für oder gegen eine traumatische Genese der Verletzung sprechen, aus medizinischer Sicht gegeneinander abzuwägen und den Sachverhalt zu ermitteln, der zumindest die Wahrscheinlichkeit für sich hat, der Wahrheit zu entsprechen ».

Soit en traduction libre : « La question de savoir si et dans quelle mesure les traumatismes par impact sont susceptibles de déclencher ou de provoquer des lésions des tendons de la coiffe des rotateurs fait l'objet d'une controverse dans la littérature médicale récente. On y défend notamment l'opinion selon laquelle certaines contraintes transversales de l'articulation de l'épaule peuvent survenir en fonction de l'événement de la chute dans une partie - même minime - des pures blessures par impact (cf. arrêt 8C_446/2019 du 22 octobre 2019 consid. 5.2.2 s. avec des références correspondantes à la littérature médicale). Compte tenu du fait que dans de nombreux cas - comme en l'espèce - le mécanisme exact de l'accident ne peut pas non plus être reconstitué avec précision sur la base des indications des patients concernés, on accorde plus d'importance primordiale au critère du mécanisme de l'accident pour évaluer la causalité de l'accident. Comme expliqué précédemment (cf. consid. 5.3), il s'agit plutôt de mettre en balance, d'un point de vue médical, les différents critères qui parlent en faveur ou en défaveur d'une genèse traumatique de la blessure et de déterminer les faits qui ont au moins la probabilité de correspondre à la vérité ».

Les conclusions du Dr E______ et de l’expert H______ établissent un lien de causalité entre les chutes et les lésions à l’épaule gauche avec une probabilité de plus de 50% (ou une lésion assimilée plus probable à plus de 75%); dès lors, la chambre de céans considère qu’il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, qu’un rapport de causalité naturelle doit être admis entre les deux chutes et les lésions de type articular side tear du sus-épineux et du sous-épineux ainsi que la lésion partielle du tendon du long chef du biceps de l’épaule gauche du recourant; partant, les conditions de l’art. 6 al. 1 LAA sont remplies.

Les conclusions des médecins conseils de l’assurance, comme on l’a vu supra, ne sont pas objectivées, les Drs F______ et G______ se contentant de conclure que les lésions sont « typiquement dégénératives », sans toutefois pouvoir conforter ces appréciations avec les statistiques de prévalence et d’incidence correspondant à l’âge de l’assuré.

Compte tenu de ce qui précède, en se fondant essentiellement sur les renseignements d'ordre médical fournis par ses médecins conseils, l’intimée échoue à démontrer, au degré de la vraisemblance prépondérante, que les lésions de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche du recourant étaient attribuables à raison de plus de 50%, à l'usure ou à la maladie, au moment de l’opération du 30 janvier 2019.

Partant, la fixation du statu quo à la date de I'IRM (soit le 12 janvier 2018) est erronée et l’intimée doit ainsi prester jusqu’à la date retenue par l’expert, soit la reprise du travail, le 23 mars 2019, suite à l’opération du 30 janvier 2019.

Par conséquent, l’annulation de la décision du 9 juillet 2018 sera ordonnée et il sera dit que l’assurance doit prester, jusqu’au 23 mars 2019, date du statu quo ante.

12. Le recourant obtenant gain de cause et étant assisté d’un avocat, une indemnité de CHF 3’000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

13. Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA, dans sa version – applicable en l’occurrence – en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020 en lien avec l’art. 1 al. 1 LACI).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet et annule la décision sur opposition du 9 juillet 2018.

3.        Dit que AXA ASSURANCES SA doit prester jusqu’à la date du statu quo ante fixée au 23 mars 2019.

4.        Condamne l'intimée à verser une indemnité de CHF 3’000.- au recourant, à titre de participation à ses frais et dépens.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le