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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3434/2020

ATAS/1295/2021 du 09.12.2021 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3434/2020 ATAS/1295/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 9 décembre 2021

3ème Chambre

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE

 

 

 

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, Service juridique, rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

 

intimé

 


 

 

EN FAIT

 

A. a. Le 29 novembre 2019, Monsieur A______ (ci-après : l'assuré), né en 1971, d'origine dominicaine et titulaire d'un permis d'établissement en Suisse, s'est inscrit à l'office cantonal de l'emploi (ci-après : l'OCE) en déclarant rechercher un poste à plein temps dès le 1er décembre 2019.

b. Par courriel du 13 mars 2020, l'assuré a informé son conseiller personnel qu'il ne pourrait pas se présenter à son entretien du même jour avec lui, parce qu’il avait dû se rendre en urgence en République dominicaine, au chevet de son père, gravement malade.

c. Ne parvenant pas à joindre l'assuré sur son téléphone portable, son conseiller l'a interpellé par courriel du 21 avril 2020 pour faire le point sur sa situation.

En réponse, l'assuré a expliqué que le « roaming » était désactivé sur son téléphone, de sorte qu'il était difficile de le joindre. En raison de la pandémie mondiale et de la mise en quarantaine, les frontières avaient été fermées et son vol de retour annulé. Aucun autre vol n'était prévu, ni aucun rapatriement, de sorte qu'il était bloqué en République dominicaine. Il n'avait pu remplir le formulaire de l'OCE, car sur place, les centres internet étaient fermés en raison de la pandémie et il n'avait accès à aucun ordinateur ou imprimante. Il devait attendre que l'ambassade ou la compagnie aérienne lui propose un rapatriement ou un vol de retour.

d. Sur demande de l'OCE, l'assuré a transmis une copie de ses billets d'avion : le vol aller pour Saint Domingue (République dominicaine) avait eu lieu le 9 mars 2020, celui de retour à Genève était initialement prévu le 24 mars 2020. L’assuré précisait que, les frontières étaient toujours fermées et qu’aucun rapatriement n'était prévu par les ambassades.

B. a. Par décision du 2 juin 2020, l'OCE a nié l'aptitude au placement de l'assuré dès le 9 mars 2020.

L'assuré avait remis à la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse) ses formulaires « Indications de la personne assurée » (ci-après : IPA) des mois de mars, avril et mai 2020 ; le timbre de réception de la caisse indiquait qu'ils avaient été déposés dans l'urne respectivement le 27 mars, le 23 avril et le 20 mai 2020. Ces trois formulaires étaient signés et ne mentionnaient pas que l’assuré avait quitté la Suisse, de sorte qu’il avait été indemnisé pour les mois de mars et avril 2020.

b. Le 3 juin 2020, l'assuré a adressé à son conseiller un formulaire de demande d'allègement de contrôle qu'il avait complété mais pas pu renvoyer plus tôt, faute d'avoir eu accès, en raison de la quarantaine, à un centre internet. L'assuré déclarait avoir dû s'absenter en urgence, car son père était gravement malade, précisant qu'il était décédé peu de temps après, certificat de décès à l’appui. L'ouverture des frontières était en principe prévue pour juillet 2020.

c. Le 9 juin 2020, l'assuré a contesté la décision du 2 juin 2020. Il était parti dans la précipitation, raison pour laquelle il n'avait pas prévenu son conseiller. Il avait prévu initialement de revenir le 23 mars 2020, ce qui aurait représenté une absence de deux semaines, dont une couverte par son droit aux vacances de cinq jours. En son absence, sa compagne avait rempli, signé et remis ses formulaire IPA à sa place, ne pensant pas que cela poserait problème. Il lui avait conseillé de remplir ses formulaires comme il avait l'habitude de le faire et elle n'avait pas fait attention à cocher la case d'absence. L'argent avait servi à payer son loyer, ses dettes, la pension alimentaire pour ses trois enfants et son assurance, tout comme son séjour à l’étranger et les frais hospitaliers et funéraires de son père. Par ailleurs, il avait été blessé au bras dans un accident de voiture, ce qui avait occasionné des frais médicaux supplémentaires.

d. Le 6 juillet 2020, l'assuré est rentré à Genève.

e. Par courrier du 28 septembre 2020, il a complété son opposition, faisant état de ses difficultés financières suite à la décision de l'OCE.

f. Par décision du 20 octobre 2020, l’OCE a rejeté l’opposition.

Il était établi que l'assuré avait été absent de Suisse du 9 mars au 6 juillet 2020. Alors qu’il avait le devoir d'informer l'OCE à l'avance de son départ en République dominicaine le 9 mars 2020, il ne l’avait fait que le 13 mars 2020. Il n'avait pas non plus démontré que l'état de santé de son père nécessitait sa venue d'urgence. Par ailleurs, il n'avait pas mentionné son absence dans ses formulaires IPA. Il lui appartenait d’ailleurs de remplir personnellement ces documents. L'assuré n’avait donc pas été disponible pour accepter un emploi ou suivre une mesure de marché du travail pendant toute la durée de son absence de Suisse, soit du 9 mars au 6 juillet 2020, date de son retour en Suisse.

C. a. Le 26 octobre 2020, l'assuré a interjeté recours contre cette décision. Il fait en substance valoir les mêmes motifs que ceux invoqués dans son opposition.

b. Invitée à se déterminer, l'intimée a conclu au rejet du recours.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             En vertu de l'art. 1 al. 1 et 2 LACI, les dispositions de la LPGA, à l'exclusion de ses art. 21 et 24 al. 1, s'appliquent à l'assurance-chômage obligatoire et à l'indemnité en cas d'insolvabilité.

3.             Interjeté dans les formes et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 à 60 LPGA ; art. 89 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]).

4.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’intimé de considérer le recourant inapte au placement du 9 mars au 6 juillet 2020.

5.             L'assuré a droit aux indemnités de chômage s'il remplit un certain nombre de conditions cumulatives, dont en particulier celle d'être apte au placement (art. 8 al. 1 let. f LACI).

6.              

6.1 Selon l'art. 24 al. 1 et 2 de l’ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 31 août 1983 (OACI - RS 837.02), si l’office compétent considère que l’assuré n’est pas apte au placement ou ne l’est que partiellement, il en informe la caisse (al. 1). L’office compétent rend une décision sur l’étendue de l’aptitude au placement (al. 2).

6.2 Est réputé apte à être placé le chômeur qui est disposé à accepter un travail convenable et à participer à des mesures d'intégration et qui est en mesure et en droit de le faire (art. 15 al. 1 LACI).

L'aptitude au placement comprend ainsi deux éléments : la capacité de travail d'une part, c'est-à-dire la faculté de fournir un travail - plus précisément d'exercer une activité lucrative salariée - sans que l'assuré en soit empêché pour des causes inhérentes à sa personne, et, d'autre part, la disposition à accepter un travail convenable au sens de l'art. 16 LACI - ce qui implique non seulement la volonté de prendre un tel travail s'il se présente, mais aussi une disponibilité suffisante quant au temps que l'assuré peut consacrer à un emploi et quant au nombre des employeurs potentiels (ATF 125 V 58 consid. 6a; ATF 123 V 216 consid. 3 et la référence).

6.3 En tant qu'autorité de surveillance, le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) a adopté des directives à l'intention des organes chargés de l'application de l'assurance-chômage afin d'assurer une pratique uniforme en ce domaine. Dans ce but, elles indiquent l'interprétation généralement donnée à certaines dispositions légales. Elles n'ont pas force de loi et ne lient ni les administrés, ni les tribunaux (ATF 133 II 305 consid. 8.1 p. 315 et les références).

Au chiffre B217 de sa directive LACI IC, le SECO souligne que lorsqu'un assuré est disposé à travailler, en mesure et en droit de le faire et qu'il cherche du travail, il est en principe réputé apte à être placé, indépendamment de ses chances sur le marché du travail. Par contre, si, en raison de sa situation personnelle et familiale ou pour des raisons d'horaire, il ne peut ou ne veut pas se mettre à disposition comme on pourrait l'exiger normalement d'un travailleur, il doit être considéré comme inapte au placement.

La volonté de l'assuré d'accepter une activité salariée est un élément fondamental de l'aptitude au placement. Il ne suffit pas que l'assuré déclare être disposé à être placé. Il doit se mettre à la disposition du service de l'emploi et accepter tout travail réputé convenable qui lui est offert. Il doit également chercher activement un emploi et participer à une mesure de réinsertion (ch. B219 Bulletin LACI).

Par capacité de travail (être en mesure de travailler), on entend la capacité physique et mentale ainsi que la disponibilité quant au temps et au lieu. L'assuré doit être en mesure de mettre ses services à disposition du marché du travail en général (ch. B2222 Bulletin LACI).

7.              

7.1 En l'espèce, l'intimé nie l'aptitude au placement du recourant du 9 mars au 6 juillet 2020, période durant laquelle il était absent de Suisse et indisponible pour accepter un emploi ou suivre une mesure de marché du travail.

7.2 Le recourant considère que l'intimé n'a pas tenu compte de sa situation particulière : il a appris le 8 mars 2020 que son père était gravement malade (ce qui est démontré par le fait qu’il est finalement décédé) et a immédiatement pris un billet d'avion pour le lendemain afin d'aller le voir une dernière fois. Son séjour était initialement prévu pour une durée de deux semaines, dont l’une était couverte par son droit aux vacances de cinq jours. Perturbé par l’état de son père, il n'a plus pensé à son rendez-vous avec son conseiller et ne s’en est souvenu que le 12 mars 2020 au soir, lorsqu'il a reçu un rappel sur son calendrier de téléphone portable. Il argue que c’est sans faute de sa part qu’il est resté bloqué à l'étranger durant la période litigieuse. Il se défend d’avoir voulu tromper l’intimé en faisant remplir et déposer les IPA par sa femme ; durant cette période, sa famille et lui avaient besoin de ces prestations pour survivre. S’il n’a pas fait de recherches d'emploi durant cette période, c’est parce qu’il n'était pas sur le territoire suisse et qu’en raison de la pandémie, l’obligation de rechercher un poste avait été suspendue.

8.             En l’espèce, il est établi que le recourant a dû partir urgemment le 9 mars 2020 pour se rendre au chevet de son père gravement malade et qu’il est resté bloqué sur place sans faute de sa part jusqu'au 5 juillet 2020 en raison de la pandémie.

Cela étant, il n'a informé son conseiller que le 13 mars 2020, alors qu'il avait prévu un séjour de deux semaines à l'étranger, comme en atteste son billet d'avion. Or, au même titre qu'un employé a le devoir d'informer au plus vite son employeur de son absence, le recourant avait le devoir d'informer le plus rapidement possible son conseiller, au plus tard le jour de son départ, ce qu’il n’a pas fait.

Force est de constater que, de manière fautive ou non, le recourant s’est trouvé à l'étranger du 9 mars au 6 juillet 2020, sans possibilité de rentrer en Suisse, de sorte qu'il était indisponible à l'emploi durant toute cette période et donc, par définition, objectivement inapte, puisqu’il n'était pas concrètement en mesure de mettre ses services à disposition du marché du travail en Suisse.

Quant à la suspension de l'obligation de rechercher un emploi dont se prévaut l’intéressé, elle ne lui est d’aucun secours, car elle n’impliquait pas la suspension de l'obligation d'être disponible à l'emploi. Certes, la pandémie faisait alors rage, mais, même durant cette période, certains secteurs d'activité, comme la vente de produits de première nécessité et l'agriculture, étaient en manque de personnel supplémentaire.

Eu égard aux considérations qui précèdent, c'est à bon droit l'intimé a nié l'aptitude au placement du recourant pour la période du 9 mars au 6 juillet 2020.

9.             Partant, le recours est rejeté.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA).

 

 


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La Présidente

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le