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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3983/2020

ATAS/1241/2021 du 25.11.2021 ( AF ) , ADMIS

*** ARRET DE PRINCIPE ***
Descripteurs : ALLOCATION DE NAISSANCE;FILIATION;MATERNITÉ DE SUBSTITUTION
Normes : LAFam.3.al2; LAFam.4.al1; OAFam.2.al3.letb; LAF.3.al1; LAF.5
Résumé : En l’absence de mère légale, le père biologique d’un enfant né d’une mère porteuse a-t-il droit à l’allocation de naissance ? Procédant à l’interprétation littérale, historique, téléologique et systématique des dispositions fédérales et cantonales pertinentes, la Cour de céans a notamment relevé que l’allocation de naissance a pour but de soulager financièrement les familles d’une partie des frais liés à la naissance d’un enfant et qu’elle peut être versée indifféremment aux deux parents, si les conditions d’octroi sont réunies. Elle a en outre constaté l’existence d’une lacune proprement dite de la loi, en tant que le législateur n’a pas envisagé la question de l’ayant-droit à l’allocation de naissance lorsque l’enfant est né d’une mère porteuse. Or, cette question devrait être réglée, étant rappelé que si la maternité de substitution est certes interdite en Suisse, le lien de filiation est toutefois reconnu entre un enfant né d’une gestation pour autrui à l’étranger et son père biologique. En l’occurrence, le recourant, seul parent légal de ses deux filles nées d’une mère porteuse aux États-Unis, doit supporter tous les frais liés à leur venue au monde. En l’absence de mère légale, le droit à l’allocation de naissance doit ainsi lui être reconnu, étant précisé qu’un risque d’abus n’est pas à craindre, dès lors que l’intéressé est domicilié à Genève depuis 2009 de manière ininterrompue, et que l’interdiction du cumul, selon laquelle le même enfant ne donne pas droit à plus d’une allocation du même genre, est respectée.
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3983/2020 ATAS/1241/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 25 novembre 2021

 

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE

 

 

recourant

 

contre

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES ADMINISTRATIONS ET INSTITUTIONS CANTONALES, sise rue des Gares 12, GENÈVE

 

intimée

 


EN FAIT

A.      Monsieur A______ (ci-après : l’intéressé ou le recourant), né en 1980, est domicilié à Genève. Il travaille en tant que maître généraliste dans l'enseignement auprès du Département de l'instruction publique. Il est en partenariat enregistré et est le père de deux filles, B______ et C______, nées le ______ 2019 aux États-Unis d’une mère porteuse.

B.       a. Le 28 juin 2019, l’intéressé a déposé une demande d’allocations familiales auprès de la caisse d’allocations familiales des administrations et institutions cantonales (ci-après : la caisse) en faveur de ses deux filles.

b. Par décision du 1er octobre 2019, la caisse a octroyé à l’intéressé les allocations familiales pour ses filles, mais a refusé de lui reconnaître le droit aux allocations de naissance, au motif que la mère des filles n’avait pas été domiciliée en Suisse durant les neuf mois précédant la naissance.

c. L’assuré a formé opposition le 18 octobre 2019, indiquant que sur les certificats de naissance américains, lui-même et son partenaire enregistré apparaissaient comme les seuls parents des enfants. La mère n’y figurait pas, ses filles étant nées par gestation pour autrui (ci-après : GPA) avec un don d’ovocytes anonyme. Celles-ci n’avaient donc pas de mère « légale », que ce soit aux États-Unis ou en Suisse, et leurs deux parents légaux étaient domiciliés en Suisse depuis longtemps. Cette situation était discriminatoire vis-à-vis des couples homosexuels d’hommes faisant appel à la GPA, un couple de femmes ayant des enfants en Suisse pouvant prétendre à l’allocation de naissance. Il convenait de remédier à cette situation par une modification de l’ordonnance ou de son application, afin que ses filles bénéficient des mêmes droits que tout autre enfant de parents domiciliés en Suisse, sans discrimination basée sur l’orientation sexuelle.

d. Par décision du 28 octobre 2020, la caisse a déclaré l’opposition recevable, mais s'est déclarée incompétente quant au moyen invoqué, et a confirmé la décision du 1er octobre 2019. L’intéressé ne contestait pas que la mère de ses filles n’avait jamais été domiciliée en Suisse et réclamait la modification de l’ordonnance applicable, au motif qu’elle discriminait les couples homosexuels hommes par rapport aux couples de femmes.

C.      a. L’intéressé a interjeté recours le 25 novembre 2020 contre ladite décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), concluant à son annulation, à l’octroi de l’allocation de naissance pour ses deux filles, et à la création d’un fonds à l'office cantonal des assurances sociales (ci-après: OCAS), ou au sein d'une autre entité, afin que des allocations de naissance puissent être octroyées dans le canton de Genève à des couples d'hommes ayant eu recours à la GPA à l'étranger. Il fait en substance valoir les mêmes arguments que dans son opposition. Par ailleurs, il constate que la législation en lien avec le droit de la famille est en pleine évolution. Il avait ainsi pu obtenir du Conseil d’État un congé équivalent au congé maternité à la suite de la naissance de ses filles, ce qui par la suite avait mené à une modification réglementaire octroyant un congé de naissance au membre du personnel parent biologique d’un enfant né par GPA. Dans le canton de Vaud, la caisse cantonale vaudoise de compensation avait dès la fin 2018 octroyé des allocations de naissance à des couples d’hommes ayant eu recours à la GPA à l’étranger, même en l’absence de base règlementaire.

b. Dans sa réponse du 5 janvier 2021, la caisse a conclu au rejet du recours et confirmé son incompétence sur le moyen invoqué par le recourant. En tout état de cause, elle a relevé que si un couple hétérosexuel ou un parent célibataire (homme ou femme) avait recours à la GPA par une mère domiciliée à l’étranger, cela aboutirait au même résultat qu’en l’espèce et la prime de naissance serait niée pour le même motif.

c. Dans sa réplique du 20 janvier 2021, l’intéressé a persisté dans ses conclusions. Contrairement à ce que soutenait la caisse, les parents hétérosexuels ayant eu recours à la GPA à l’étranger pourraient simplement présenter l’acte de naissance de leur enfant, où tous deux figureraient comme parents légaux, et ainsi obtenir l’allocation de naissance. La disposition réglementaire était donc bien discriminatoire vis-à-vis des couples d’hommes.

d. Dans sa duplique du 11 février 2021, la caisse a maintenu sa position. La disposition légale était claire et en parlant de « mère », il ne faisait aucun doute que le Conseil fédéral entendait par là que seule la mère qui accouchait de son enfant pouvait prétendre à une prime de naissance. En l’espèce, le fait que la filiation de la mère porteuse ne se soit pas concrétisée par un acte de naissance n’était pas pertinent. Par ailleurs, à ce jour, la GPA restait interdite en Suisse.

e. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.        La chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les allocations familiales, du 24 mars 2006 (LAFam - RS 836.2). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. e de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), sur les contestations prévues à l'art. 38A de la loi cantonale sur les allocations familiales du 1er mars 1996 (LAF - J 5 10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l'art. 1 LAFam, les dispositions de la LPGA s’appliquent aux allocations familiales, à moins que la loi n'y déroge expressément. L'art. 2B de la loi cantonale sur les allocations familiales (LAF ; J 5 10) prévoit que les prestations sont régies par la LAFam et ses dispositions d'exécutions, par la LPGA dans la mesure où la LAFam ou la LAF y renvoie (let. b), par la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS ; RS 831.10) dans la mesure où la LAFam ou la LAF y renvoie (let. c) et par la LAF et ses dispositions d'exécution (let. d).

3.        Le recours a été formé dans le délai de 30 jours dans les forme et contenu prescrits par les art. 60 et 61 let. b LPGA (cf. aussi art. 38A al. 1 LAF et art. 89B de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 198 – LPA – E 5 10). Il est donc recevable.

4.        4.1 Le recourant a conclu à l'annulation de la décision sur opposition du 29 octobre 2020 en tant qu’elle lui refuse le droit à l’allocation de naissance pour ses filles.

Il demande également à ce qu'un fonds spécial soit créé au sein de l'OCAS, afin que des allocations de naissance puissent être octroyées dans le canton de Genève à des couples d'hommes ayant eu recours à la GPA à l'étranger.

4.2 Si la première conclusion est recevable, la seconde relative à la création d'un fonds spécial ne l’est pas. En effet, la chambre de céans, en sa qualité de juridiction administrative (art. 6 let. d LPA), est compétente pour appliquer et interpréter la législation en vigueur.

Force est de constater qu’il n’existe aucune compétence du juge des assurances sociales pour instituer le fonds spécial souhaité par le recourant.

4.3 Le litige se limite ainsi à la question de savoir si le recourant peut prétendre à une allocation de naissance en faveur de ses deux filles, nées aux États-Unis d'une mère porteuse.

5.        5.1 En droit fédéral, les allocations familiales sont des prestations en espèces, uniques ou périodiques, destinées à compenser partiellement la charge financière représentée par un ou plusieurs enfants (art. 2 LAFam). L'allocation familiale comprend l'allocation pour enfant (qui est octroyée dès et y compris le mois de la naissance de celui-ci, jusqu'à la fin du mois au cours duquel il atteint l'âge de 16 ans) et l'allocation de formation professionnelle (qui est octroyée au plus tard, en cas de formation, jusqu'à l'âge de 25 ans ; art. 3 al. 1 LAFam). Selon l'art. 3 al. 2 LAFam, les cantons peuvent notamment prévoir dans leur régime d'allocations familiales une allocation de naissance et une allocation d'adoption. Les dispositions de la LAFam sont également applicables à ces allocations. Toute autre prestation est réglée et financée en dehors du régime des allocations familiales.

Selon l'art. 4 al. 1 LAFam, donnent droit aux allocations les enfants avec lesquels l'ayant droit a un lien de filiation en vertu du code civil (let. a), les enfants du conjoint de l'ayant droit (let. b), les enfants recueillis (let c) et les frères, sœurs et petits-enfants de l'ayant droit, s'il en assume l'entretien de manière prépondérante (let. d). Le Conseil fédéral règle les modalités (al. 2).

L'art. 4 al. 1 let. a LAFam vise les enfants nés de parents mariés ou non et les enfants adoptés (directives pour l'application de la loi fédérale sur les allocations familiales [DAFam], état au 1er janvier 2021, ch. 230).

5.2 En application de la délégation de compétence prévue à l'art. 3 al. 3 LAFam, le Conseil fédéral a fixé à l’art. 2 OAFam, les conditions de versement de l'allocation de naissance comme suit :

« 1 Un droit à l’allocation de naissance existe lorsque le régime cantonal d’allocations familiales prévoit une allocation de naissance.

2 Lorsque seule une personne a droit à l’allocation de naissance, celle-ci lui est versée, même si une autre personne a un droit prioritaire aux allocations familiales pour le même enfant.

3 L’allocation de naissance est versée :

a.       si un droit aux allocations familiales existe selon la LAFam, et

b.      si la mère a eu son domicile ou sa résidence habituelle au sens de l’art. 13 de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales en Suisse durant les neuf mois précédant la naissance de l’enfant; si la naissance se produit avant terme, la durée requise du domicile ou de la résidence habituelle en Suisse est réduite conformément à l’art. 27 du règlement du 24 novembre 2004 sur les allocations pour perte de gain.

4 Lorsque plusieurs personnes peuvent faire valoir un droit à l’allocation de naissance pour le même enfant, le droit à cette prestation appartient à la personne qui a droit aux allocations familiales pour cet enfant. Si l’allocation de naissance du second ayant droit est plus élevée, ce dernier a droit au versement de la différence » (art. 2 OAFam).

5.3 S'agissant du droit cantonal genevois, sont soumis à la LAF notamment les salariés au service d'un employeur tenu de s'affilier à une caisse d'allocations familiales en application de l'art. 23 al. 1 LAF (art. 2 let. b LAF).

Aux termes de l'art. 3 al. 1 LAF, une personne assujettie à la LAF peut bénéficier des prestations pour les enfants avec lesquels elle a un lien de filiation en vertu du code civil (let. a), les enfants du conjoint ou du partenaire enregistré (let. b) et les enfants recueillis (let. c), ainsi que ses frères, sœurs et petits-enfants si elle en assume l'entretien de manière prépondérante (let. d).

Les allocations familiales sont des prestations sociales en espèces, uniques ou périodiques, indépendantes du salaire, du revenu ou du degré d'activité, destinées à participer partiellement à la charge financière représentée par un ou plusieurs enfants (art. 4 al. 1 LAF). Elles doivent être affectées exclusivement à l'entretien du ou des enfants (art. 4 al. 2 LAF). Elles comprennent l'allocation de naissance (let. a), l'allocation d'accueil (let. b), l'allocation pour enfant (let. c) et l'allocation de formation (let. d).

Selon l’art. 5 LAF, « l'allocation de naissance est une prestation unique accordée selon les conditions prévues par la loi fédérale et ses dispositions d'exécution », et selon l’art. 6 LAF, « l'allocation d'accueil est une prestation unique accordée pour l'enfant mineur placé en vue d'adoption dans une famille domiciliée en Suisse et qui y réside habituellement. Elle est accordée selon les conditions prévues par la loi fédérale et ses dispositions d'exécution ».  

L'allocation pour enfant est une prestation mensuelle ; elle est octroyée à partir du début du mois de la naissance de celui-ci et jusqu’à la fin du mois au cours duquel il atteint l’âge de 16 ans (art. 7 al. 1 LAF).

L'allocation de naissance ou d'accueil est, depuis le 1er janvier 2012, de CHF 2'000.- (art. 8 al. 1 LAF) et l'allocation pour enfant de CHF 300.- par mois jusqu'à 16 ans (art. 8 al. 2 let. a LAF).

Les allocations familiales sont payées, en général, au bénéficiaire (art. 11 al. 1 LAF).

6.        En l'espèce, il n’est pas contesté que l’intéressé, en sa qualité de salarié d’un employeur assujetti à la loi genevoise sur les allocations familiales (art. 2 let. b LAF), peut prétendre à des allocations familiales pour C______ et B______ avec lesquelles il a un lien de filiation (art. 3 al. 1 let. a LAF). Les allocations familiales lui ont du reste été accordées par la caisse.

Celle-ci a en revanche nié son droit aux allocations de naissance, au motif que la mère des enfants n’avait pas été domiciliée en Suisse durant les neuf mois précédant la naissance (art. 2 al. 3 let b OAFam).

Cette condition n’est en effet pas réalisée. Les filles du recourant sont nées d'une mère porteuse aux États-Unis, de sorte qu'elles n'ont pas de mère légale. Le recourant est leur seul parent. Il figure comme étant leur père dans les certificats individuels d'état civil et la rubrique « mère » est vide.

7.        7.1 Le droit suisse de la filiation repose sur l'adage "mater semper certa est". Conformément à cet adage, la filiation résulte, à l’égard de la mère, de la naissance (art. 252 al. 1 du Code civil suisse, du 10 décembre 1907 - CC - RS 210) ; elle est « liée au cordon ombilical ». Ainsi, la femme qui donne naissance à un enfant (« mère gestatrice » ; « Geburtsmutter », « gebärende Mutter ») en est la mère juridique, le « fait biologique de l’accouchement » constituant le critère d’établissement de la filiation maternelle. En droit suisse, maternité biologique et maternité juridique coïncident ; il y a ainsi « identité des liens biologiques et juridiques » (Stéphanie PERRENOUD, La protection de la maternité – Étude de droit suisse, international et européen, 2015, p. 32).

La procréation médicalement assistée, qui a pris son essor dans les années 1970-1980 et qui est une réalité en Suisse, peut conduire à un éclatement de la maternité (« dédoublement », « dissociation » de la maternité) : l’enfant a une mère biologique (celle qui lui a donné naissance) et une mère génétique (celle dont provient l’ovule). En droit suisse, toutefois, les techniques de procréation médicalement assistée qui ont pour effet de scinder maternité biologique et maternité génétique (soit, le don d’ovules, le don d’embryons et la maternité de substitution) sont interdites (art. 119 al. 2 lit. d de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 – Cst. – RS 101, art. 4 de la loi fédérale sur la procréation médicalement assistée du 18 décembre 1998 – LPMA – RS 810.11) ; PERRENOUD, op. cit., pp. 34-35). L’interdiction de la maternité de substitution est motivée par la protection de la femme par rapport à une instrumentalisation et par la protection du bien de l’enfant (art. 7 respectivement 11 al. 1 Cst. et art. 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant - CDE - RS 0.107). La mère biologique (mère porteuse) ne doit pas être exposée à un conflit entre le lien psychique qui la lie à son enfant et l’engagement qu’elle a pris envers les parents d’intention et l’enfant doit être protégé du risque d’être dégradé au rang de marchandise que l’on peut commander à des tiers (Message du Conseil fédéral relatif à la LPMA, FF 1996 III 197, 273 ch. 324.203).

Bien que le don d'ovules, le don d'embryons et la GPA soient formellement interdits en Suisse, il est de notoriété publique que certaines personnes domiciliées en Suisse se rendent à l'étranger pour bénéficier de l'un ou l'autre procédé (PERRENOUD, op. cit., p. 39). Le Tribunal fédéral a eu l’occasion de se prononcer, dans deux arrêts publiés (ATF 141 III 312 = JdT 2015 II p. 351 ; ATF 141 III 328 = JdT 2016 II p. 179), sur la question de la reconnaissance en Suisse d’une décision étrangère établissant un lien de filiation entre un enfant né de mère porteuse et ses parents d’intention: dans le premier de ces deux arrêts, un couple de partenaires enregistrés, de nationalité suisse et domiciliés en Suisse, demandait la reconnaissance d’un jugement de parentalité californien établissant un lien de filiation entre un enfant né d’une GPA, son père biologique et le partenaire enregistré de ce dernier (parent d’intention). Se fondant sur les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme Mennesson c. France (req. 65192/11) et Labassée c. France (req. 65941/11), tous deux datés du 26 juin 2014, le Tribunal fédéral a considéré qu’il n’était pas admissible, au regard de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et de l'intérêt supérieur de l'enfant, de ne pas reconnaître, au nom de l’ordre public, un lien de filiation de nature génétique entre l’enfant et l’un de ses parents (ATF 141 III 312 consid. 6.2). En revanche, ne pas reconnaître pour des motifs tirés de l’ordre public un lien de filiation créé par le moyen d’une maternité de substitution avec un parent sans rapport génétique était compatible avec les garanties de la CEDH (ATF 141 III 312 consid. 6.3).

7.2 Il résulte de ce qui précède que, bien que la maternité de substitution soit interdite en Suisse, le lien de filiation entre un enfant né d'une GPA à l'étranger et son père biologique est reconnu. Cependant, la mère porteuse n'ayant par définition pas pour intention d'établir un lien de filiation avec l'enfant, et les autorités suisses ayant la marge de manœuvre (eu égard à la jurisprudence de la CEDH et aux ATF 141 III 312 et 141 III 328 précités) de ne pas reconnaître le lien de filiation entre le père d'intention et l'enfant né d'une GPA à l'étranger, ledit enfant ne peut en l'état du droit n’avoir qu'un parent légal en Suisse, à savoir son père biologique (sous réserve de l'adoption par le partenaire enregistré de ce dernier, qui est possible depuis le 1er janvier 2018).

8.        La condition de l'art. 2 al. 3 let b OAFam n’étant pas remplie en l'espèce du fait de l'absence de mère, il s'agit d'examiner si une allocation de naissance peut être néanmoins octroyée au recourant, père biologique.

9.        De jurisprudence constante, la loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 147 V 35 consid. 7.1 et les références citées).

Conformément à la méthode téléologique, la loi s'interprète pour elle-même, c'est-à-dire selon sa lettre, son esprit et son but, ainsi que selon les valeurs sur lesquelles elle repose. Le juge s'appuiera sur la ratio legis, qu'il déterminera non pas d'après ses propres conceptions subjectives, mais à la lumière des intentions du législateur. Le but de l'interprétation est de rendre une décision juste d'un point de vue objectif, compte tenu de la structure normative, et doit aboutir à un résultat satisfaisant fondé sur la ratio legis. Ainsi, une norme dont le texte est à première vue clair peut être étendue par analogie à une situation qu'elle ne vise pas ou, au contraire, si sa teneur paraît trop large au regard de sa finalité, elle ne sera pas appliquée à une situation par interprétation téléologique restrictive (ATF 121 III 219 consid. 1d; ATF 128 I 34 consid. 3b p. 40; ATF 128 III 113 consid. 2a et les arrêts cités). Si la prise en compte d'éléments historiques n'est pas déterminante pour l'interprétation, cette dernière doit néanmoins s'appuyer en principe sur la volonté du législateur et sur les jugements de valeur qui la sous-tendent de manière reconnaissable, tant il est vrai que l'interprétation des normes légales selon leur finalité ne peut se justifier par elle-même, mais doit au contraire être déduite des intentions du législateur qu'il s'agit d'établir à l'aide des méthodes d'interprétations habituelles (ATF 121 précité; ATF 128 I 34 consid. 3b p. 41).

L'interprétation de la loi peut conduire à la constatation d'une lacune. Une véritable ou authentique lacune (lacune proprement dite) suppose que le législateur s'est abstenu de régler un point qu'il aurait dû régler et qu'aucune solution ne se dégage du texte ou de l'interprétation de la loi. Si le législateur a renoncé volontairement à codifier une situation qui n'appelait pas nécessairement une intervention de sa part, son inaction équivaut à un silence qualifié. Quant à la lacune improprement dite, elle se caractérise par le fait que la loi offre certes une réponse, mais que celle-ci est insatisfaisante. D'après la jurisprudence, seule l'existence d'une lacune proprement dite appelle l'intervention du juge, tandis qu'il lui est en principe interdit, selon la conception traditionnelle, de corriger les lacunes improprement dites, à moins que le fait d'invoquer le sens réputé déterminant de la norme ne soit constitutif d'un abus de droit, voire d'une violation de la Constitution (ATF 125 III 425 consid. 3a p. 427; ATF 128 I 34 consid. 3b p. 42 et les arrêts cités).

L’existence d’une lacune ne peut être admise à la légère. Elle ne doit être reconnue que lorsqu’une réglementation ne peut être déduite de la lettre ou de l’interprétation de la loi et qu’aucune solution ne se dégage de l’application par analogie des dispositions en vigueur (ATF 100 Ib 137 consid. 5b et les références). Il y a également lieu, avant d’admettre l’existence d’une lacune à combler, de déterminer si l’absence d’une disposition ne constitue pas une réponse délibérément négative de la loi, c’est-à-dire un silence qualifié. Dans un tel cas, la loi n’a pas omis de régler une question, mais l’a tacitement exclue (Ulrich HÄFELIN / Georg MÜLLER / Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7ème éd. 2016, p. 47). En cas de silence qualifié, le législateur a bien identifié un problème déterminé, mais il a délibérément renoncé à le réglementer dans la loi concernée. La validité de l'argument suppose la preuve de l'intention (négative) du législateur, qui pourra généralement être apportée par les travaux préparatoires (ATF 140 III 251 consid. 4.2). La jurisprudence retient que l’inaction du législateur équivaut à un silence qualifié lorsqu’il a renoncé volontairement à codifier une situation qui n'appelait pas nécessairement une intervention de sa part (ATF 140 V 227 consid. 3.3.3, ATF 127 V 439 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_102/2016 du 20 décembre 2016 consid. 2.3 et 6B_1026/2015 du 11 octobre 2016 consid. 4.3.1).

Savoir si l’on est en présence d’une lacune proprement dite, que le juge peut et doit combler en raison de l’économie de la loi, ou d’une lacune improprement dite relevant de considérations de politique législative qui sortent du champ de compétence du pouvoir judiciaire, est une question d’interprétation parfois délicate, car la frontière entre ces deux notions peut se révéler relativement ténue (ATF 139 I 57 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_818/2009 du 9 juillet 2010 consid. 4.6). Le comblement de la lacune d’une loi doit s’effectuer à l’aune des objectifs et des valeurs sous-tendant cette dernière (ATF 142 V 402 consid. 4.2, ATF 140 III 636 consid. 2.2, ATF 140 III 206 consid. 3.5.1).

10.    10.1 Si l'art. 3 al. 3 LAFam se borne à indiquer que l’allocation de naissance est versée pour chaque enfant né vivant ou après une grossesse d'au moins 23 semaines, la possibilité de fixer d’autres conditions a été déléguée au Conseil fédéral, lequel a prévu à l'art. 2 al. 3 OAFam, que le versement ne peut être effectué que si un droit aux allocations familiales existe selon la LAFAm (let. a), et que si la mère ait eu son domicile ou sa résidence habituelle au sens de l’art. 13 LPGA en Suisse durant les neuf mois précédant la naissance de l’enfant (let. b).

Le texte de l'art. 2 al. 3 let. b OAFam est clair et ne mentionne que la mère.

La référence à la mère et à elle seule s’explique par le fait que le législateur n’a pas envisagé la possibilité qu’un enfant ne puisse avoir qu’un père biologique parce que né d’une mère porteuse comme en l’espèce, étant rappelé que le droit suisse est basé sur le postulat "mater semper certa est" et que la GPA est interdite en Suisse.

La condition supplémentaire posée par le Conseil fédéral à l'octroi de l'allocation de naissance, soit la nécessité pour la mère d'avoir son domicile en Suisse durant les neuf mois précédant la naissance, permet d'éviter d'éventuels abus de personnes qui viendraient en Suisse pour accoucher et ainsi bénéficier de l'allocation de naissance.

10.2 Conformément à l'art. 2 LAFam, les allocations familiales sont des prestations en espèces, uniques (allocation de naissance ou d’accueil) ou périodiques (allocation pour enfant ou allocation de formation professionnelle), destinées à compenser partiellement la charge financière représentée par un ou plusieurs enfants.

Dans son message relatif à l'initiative populaire « Pour de plus justes allocations pour enfant », le Conseil fédéral a souligné que « les allocations pour enfant sont la principale forme des allocations familiales, auxquelles se rattachent aussi les allocations de formation, de naissance et de ménage. Elles constituent une des pierres angulaires de la politique familiale, avec d’autres mesures de compensation des charges familiales (allégements fiscaux, bonifications pour tâches éducatives dans l’AVS, réductions de primes dans l’assurance-maladie, bourses, prestations en cas de besoin ou prestations complémentaires aux parents, etc.) » (FF 2004 1195, p. 1201).

Dans son avis complémentaire du 10 novembre 2004 sur le rapport complémentaire de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 8 septembre 2004, le Conseil fédéral a confirmé que les allocations familiales constituent un élément essentiel de la politique familiale, qui facilite pour les parents la décision d’avoir des enfants et apporte aux familles le soutien nécessaire (FF 2004 6513, p. 6514).

Il est vrai que le 28 juin 2000 (FF 2000 4422, p. 4425), le Conseil fédéral a déclaré que le but de l’allocation de naissance est de « couvrir les coûts des soins liés à la grossesse et à la naissance ».

Dans un arrêt du 11 juillet 2019 (605 2018 155), la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg a du reste considéré, en citant expressément cette phrase, que la condition posée à l’art. 2 al. 3 let. b OAFam ne pouvait être réalisée que par la mère à l’exclusion du père. L’octroi d’une allocation de naissance étant liée à la grossesse et à l’accouchement, il ne s’agissait pas d’une condition personnelle qui pourrait être remplie indifféremment par la mère ou par le père et qui serait imposée arbitrairement à la mère et pas au père.

Il ressort toutefois du texte complet duquel le Tribunal cantonal fribourgeois a extrait la citation susmentionnée que : 

« Au commencement de la vie de famille, la mère et l’enfant requièrent un degré suffisant de protection. Il s’agit, d’une part, de couvrir les coûts des soins liés à la grossesse et à la naissance, et d’autre part de compenser la perte de gain liée à la maternité. La perte de gain est traitée aujourd’hui dans plusieurs actes législatifs et il y a des disparités. La loi sur le travail prévoit l’interdiction pour les mères de travailler durant les 8 semaines après l’accouchement. Jusqu’à présent, il n’existe cependant pas encore de réglementation satisfaisante concernant le paiement du salaire pendant cette période. Dans le droit des obligations, la maternité est traitée de la même manière que la maladie. Durant la première année de service, le salaire est versé pendant seulement 3 semaines. Au gré des différentes pratiques des tribunaux, c’est seulement après 2 ou 3 ans de rapports de service qu’au moins la période d’interdiction de travailler est couverte. Par conséquent, ce sont surtout les jeunes mères, occupées depuis peu de temps dans la même entreprise, qui doivent se contenter de prestations minimales. Après le rejet de l’assurance-maternité lors de la votation populaire du 13 juin 1999, ce problème n’est toujours pas résolu ».

Le Conseil fédéral fait ici référence, à nouveau et de manière générale, à la politique familiale en Suisse, qui comprend toutes les mesures et les dispositifs visant à soutenir et à promouvoir la famille. 

Depuis, un congé-maternité payé de quatorze semaines a été instauré au niveau fédéral pour toutes les femmes exerçant une activité lucrative (art. 16b ss de la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain – LAPG – entrés en vigueur le 1er juillet 2005 (RO 2005 1429; FF 2002 6998, 2003 1032 2595). Au niveau genevois, la perte de gain liée à l’arrivée d’un enfant est dorénavant prise en charge par l’art. 5 de la loi instituant une assurance en cas de maternité et d’adoption (LAMat – J 5 07) du 21 avril 2005, entrée en vigueur le 1er juillet 2005.

Enfin, l’assurance obligatoire des soins rembourse les prestations spécifiques de maternité, comprenant

a. les examens de contrôle, effectués par un médecin ou une sage-femme ou prescrits par un médecin, pendant et après la grossesse ;

b. l’accouchement à domicile, dans un hôpital ou dans une maison de naissance ainsi que l’assistance d’un médecin ou d’une sage-femme ;

c. les conseils nécessaires en cas d’allaitement ;

d. les soins accordés au nouveau-né en bonne santé et son séjour, tant qu’il demeure à l’hôpital avec sa mère (art. 29 de la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal – RS 832.10).

Partant, on ne saurait déduire de cette déclaration du Conseil fédéral du 28 juin 2000 que l’allocation de naissance a été instaurée dans le seul but de couvrir les coûts des soins liés à la grossesse et à la naissance, ceux-ci étant pris en charge par d’autres lois fédérales.

De surcroît, une telle conclusion ne ressort pas des autres travaux préparatoires.

10.3 Il est intéressant de comparer l'allocation de naissance et l’allocation d’accueil.

Aux termes de l’art. 3 OAFam, également adopté en application de la délégation de compétence de l’art. 3 al. 3 LAFam,

« 1 Un droit à l’allocation d’adoption existe lorsque le régime cantonal d’allocations familiales prévoit une allocation d’adoption.

2 Lorsque seule une personne a droit à l’allocation d’adoption, celle-ci lui est versée, même si une autre personne a un droit prioritaire aux allocations familiales pour le même enfant.

3 L’allocation d’adoption est versée :

a. si un droit aux allocations familiales existe selon la LAFam ;

b. si l’autorisation d’accueillir un enfant en vue de son adoption selon l’art. 4 de l’ordonnance du 29 juin 2011 sur l’adoption a été définitivement délivrée, et

c. si l’enfant a été effectivement accueilli en Suisse par les futurs parents adoptifs.

4 Lorsque plusieurs personnes peuvent faire valoir un droit à l’allocation d’adoption pour le même enfant, le droit à cette prestation appartient à la personne qui a droit aux allocations familiales pour cet enfant. Si l’allocation d’adoption du second ayant droit est plus élevée, ce dernier a droit au versement de la différence » (art. 3 OAFam).

Force est de constater que la teneur des art. 2 (allocation de naissance) et 3 (allocation d’adoption) OAFam est en tous points identique, à l’exception de l’al. 3 décrivant les conditions du versement (naissance ou accueil en vue d’adoption).

Ces allocations ne sont accordées que si le régime cantonal d'allocations familiales le prévoit (art. 2 al. 1 et 3 al. 1 OAFam). Tant la première (art. 4 al. 4 let. a LAF) que la seconde (art. 4 al. 4 let. b LAF) sont des prestations uniques liées à l’arrivée d’un enfant dans une famille. Leur montant est identique (art. 8 al. 1 LAF).

Elles visent toutes deux le même but, à savoir soulager, tout au moins partiellement, les parents des dépenses supplémentaires qu’entraîne pour un ménage la naissance d’un enfant, mais aussi son placement en vue d’adoption.

10.4 Il importe à cet égard de relever qu'aux termes de l’art. 2 al. 4 OAFam, « lorsque plusieurs personnes peuvent faire valoir un droit à l’allocation de naissance pour le même enfant, le droit à cette prestation appartient à la personne qui a droit aux allocations familiales pour cet enfant. Si l’allocation de naissance du second ayant droit est plus élevée, ce dernier a droit au versement de la différence ».

L'allocation de naissance peut ainsi être versée indifféremment aux deux parents, si les conditions d'octroi sont réunies – soit notamment les 9 mois de domicile en Suisse pour la mère – et l'est à celui qui perçoit les allocations familiales. Cette disposition vient également à l'encontre de l'allégation selon laquelle seule une mère qui accouche de son enfant peut prétendre à l'allocation de naissance.

10.5 Selon le message de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national sur la LAFam (cf. Initiative parlementaire/ Prestations familiales/ Rapport complémentaire de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 8 septembre 2004, FF 2004 6459, p. 6470), « la plupart des systèmes d’allocations familiales mis en place dans les pays industrialisés se fondent sur le postulat « Un enfant – une allocation ». Le projet de loi présenté permet la réalisation aussi étendue que possible de ce principe pour la Suisse aussi. L’allocation serait versée pour chaque enfant pris en charge par un parent exerçant une activité lucrative, indépendamment du revenu de la famille ».

Or, l’application que fait la caisse de l’art. 2 al. 3 let. b OAFam revient à nier le droit à l’allocation de naissance pour un enfant, alors que toutes les autres conditions sont remplies.

10.6 Il résulte de ce qui précède que l'objectif du système des allocations familiales est de compenser le poids financier représenté par un ou plusieurs enfants.

L'allocation de naissance en particulier, tout comme l’allocation d’adoption, a été instituée pour soulager financièrement les familles d'une partie des frais liés à la naissance d’un enfant ou à son arrivée pour adoption.

Elle ne constitue pas une « prime à la naissance » pour la mère.

Rien ne laisse supposer que le législateur ait voulu qu'un enfant ne donne pas droit à l'allocation de naissance du seul fait qu’il soit né d’une mère porteuse. Il ne saurait être retenu que le législateur ait voulu priver de l’allocation de naissance un enfant au motif qu’il n’a pas de mère légale (une allocation – un enfant).

Sur la question de savoir quel est l’ayant-droit à l’allocation de naissance, il n’y a en l'occurrence ni silence qualifié du législateur ni lacune improprement dite de la loi, qui feraient que le juge ne pourrait faire œuvre de législateur - dans les limites circonscrites par les besoins du cas d’espèce - pour remédier au problème en résultant. Il faut en revanche admettre l’existence sur ce sujet d’une lacune proprement dite de la loi ou une inconséquence, avec l’effet que le juge peut les combler, « dire le droit » (Pierre MOOR / Alexandre FLÜCKIGER / Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3ème éd., 2012, p. 150 ss).

Le législateur n’a en effet pas réglé cette question, n'ayant pas envisagé que l’enfant puisse être né d’une mère porteuse. Or, elle devrait l'être, vu la reconnaissance d'un lien de filiation avec le père biologique et avec lui seul. Aucune solution ne se dégage par ailleurs du texte ou de l'interprétation de la loi (ATF 129 III 656 consid. 4.1).

11.    En l'espèce, le recourant doit supporter tous les frais liés à la venue au monde de ses filles. Ainsi, le droit à l'allocation de naissance doit lui être reconnu, en l'absence de mère, dès lors qu’il est seul parent légal de ses filles.

Le risque d’abus que voulait précisément éviter le Conseil fédéral, en ajoutant une condition supplémentaire au versement de l’allocation de naissance à l’art. 2 al. 3 let. b OAFam, n'est pas à craindre, le recourant étant domicilié à Genève depuis 2009 de manière ininterrompue.

Enfin, l’interdiction du cumul, selon laquelle le même enfant ne donne pas droit à plus d’une allocation du même genre (art. 6 LAFam), est respectée.

12.    Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et la décision litigieuse annulée, en ce sens que le recourant a droit à une allocation de naissance d'un montant de CHF 2'000.- pour chacune de ses filles C______ et B______.

Bien qu'obtenant gain de cause, le recourant, qui n'est pas représenté en justice et qui n’a pas allégué avoir déployé des efforts dépassant la mesure de ce que tout un chacun consacre à la gestion courante de ses affaires, n’a pas droit à des dépens.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA).

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

 

Statuant

conformément à l'art. 133 al. 2 LOJ

À la forme :

1.      Déclare le recours irrecevable en tant qu’il porte sur la création d'un fonds spécial au sein de l'OCAS.

2.      Déclare le recours recevable pour le surplus.

Au fond :

3.      L’admet.

4.      Annule la décision sur opposition du 29 octobre 2020.

5.      Dit que le recourant a droit à une allocation de naissance pour chacune de ses filles C______ et B______.

6.      Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

7.      Dit que la procédure est gratuite.

8.      Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le