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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1188/2019

ATAS/939/2021 du 06.09.2021 ( AI ) , ADMIS

En fait
En droit

 

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1188/2019 ATAS/939/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 6 septembre 2021

6ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, à ONEX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Monique STOLLER FÜLLEMANN

 

 

recourante

contre

 

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1973, originaire du Portugal, mariée, mère d’un enfant né le ______ 2007, a travaillé comme vendeuse à 100 % pour Boutiques B______ SA depuis le 1er septembre 2009 jusqu’au 31 octobre 2011.

2.        Un résumé d’un séjour de l’assurée du 22 au 23 mai 2007 au service de gynécologie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) mentionne une prise en charge en raison de saignements vaginaux alors que l’assurée était enceinte de 7 2/7e semaines d’aménorrhée ; elle a été hospitalisée pour surveillance et antalgie. Le rapport est signé le 25 mai 2007 par le Professeur C______, médecin chef de service et de la doctoresse D______, médecin interne.

3.        Dès le 26 mai 2011, l’assurée a été en incapacité de travail totale, attestée par la doctoresse E______, FMH médecin interne, en raison d’un état dépressif sévère sans symptômes psychotiques et une endométriose sévère.

4.        Le 2 novembre 2011, l’assurée a déposé une demande de prestation d’invalidité.

5.        Le 16 novembre 2011, la doctoresse F______, FMH médecine générale, a attesté d’un état dépressif récurrent sévère depuis l’adolescence, d’un état dépressif du post partum depuis 2008 et d’endométriose depuis 2005, entrainant une incapacité de travail totale depuis le 26 mai 2011.

6.        Le 15 novembre 2011, la Dresse E______ a indiqué un état dépressif sévère sans symptôme psychiatrique, en récidive depuis 2011.

7.        Le 22 décembre 2011, le docteur G______, FMH gynécologie et obstétrique, a attesté de douleurs pelviennes chroniques sur endométriose pelvienne entrainant une incapacité de travail du 11 au 28 février 2011. L’assurée présentait un status après hystéroscopie opératoire sur septum utérin en 2004 et 2006. Status après laparoscopie opératoire en 2006 pour endométriose. Status après césarienne en 2007.

8.        Le 11 mai 2012, le Dr G______ a relevé une aggravation de l’état de santé depuis octobre 2011 par l’aggravation des douleurs pelviennes. Un changement d’activité était indiqué. L’incapacité de travail comme vendeuse était totale.

9.        Le 12 juin 2012, l’assurée a subi une hystérectomie aux HUG.

10.    Le 20 décembre 2012, la Dresse F______ a attesté d’une amélioration de l’état de santé suite à l’intervention du 12 juin 2012, avec une diminution des douleurs et une amélioration de la thymie autorisant une capacité de travail de 50 à 100 % dans une activité adaptée, moins stressante et pas à 100 % debout.

11.    Le 30 avril 2013, la doctoresse H______, du SMR, a retenu une incapacité de travail totale dans l’activité habituelle dès mai 2011, une capacité de travail totale dès août 2012, dans une activité adaptée, sans position debout prolongée et sans stress (à traduire en terme de métier par un spécialiste en réadaptation professionnelle).

12.    Le degré d’invalidité, selon un calcul du 8 mai 2013, était nul (revenu sans invalidité de CHF 49'743.- et revenu d’invalide de CHF 53'239.-).

13.    Par projet d’acceptation de rente du 17 juin 2013, l’Office de l’assurance-invalidité (ci-après : l’OAI) a retenu une incapacité de travail totale de l’assurée du 1er mai 2011 au 31 juillet 2012 et une capacité de travail totale dès le 1er août 2012 dans une activité adaptée, de sorte que la recourante avait droit à une rente entière d’invalidité du 1er mai au 30 novembre 2012.

14.    Le 19 août 2013, l’assurée, représentée par une avocate, a écrit à l’OAI que son état de santé ne s’était que très provisoirement amélioré après l’intervention de juin 2012, puis dégradé ; elle était suivie dès février 2012 par le docteur I______, FMH psychiatrie et psychothérapie ; il convenait d’instruire le dossier et d’accorder un abattement sur le salaire statistique d’invalide.

15.    Le 10 septembre 2013, la Dresse H______, du SMR, a estimé qu’il n’y avait pas d’aggravation objective médicalement démontrée.

16.    Le Dr G______ a certifié une incapacité de travail totale de l’assurée dès le 2 septembre 2013 et le Dr I______ du 10 au 31 décembre 2013.

17.    Le 2 octobre 2013, l’OAI a recalculé le degré d’invalidité de la recourante en procédant à un abattement de 15 % sur le salaire d’invalide et en retenant une capacité de travail exigible de 75 %, de sorte que le degré d’invalidité était de 31,77 %.

18.    Par décision du 9 décembre 2013, l’OAI a alloué à l’assurée une rente entière d’invalidité du 1er mai au 30 novembre 2012.

19.    Le 22 janvier 2014, la Dresse F______ a attesté de douleurs abdominales sévères, état dépressif fluctuant actuellement moyen, troubles cognitifs secondaires au traitement d’opiacés et dyspareunie ; en 2013, l’assuré avait présenté une récidive d’endométriose et rupture de kyste ovarien gauche. L’incapacité de travail était totale dans toute activité.

20.    Le 24 janvier 2014, l’assurée, représentée par son avocate, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision de l’OAI du 9 décembre 2013. Elle a joint :

-          Un rapport du 7 janvier 2014 de la Dresse F______, selon lequel les douleurs abdominales s’étaient aggravées après l’intervention de juin 2012, avec trouble du transit et dyspareunie et des symptômes dépressifs importants ; le traitement entrainait de la fatigue et de la somnolence ; la capacité de travail était nulle depuis le 10 septembre 2013.

-          Un rapport du 13 janvier 2014 du Dr G______, attestant de récidive des douleurs dû à un syndrome adhérentiel depuis septembre 2013, avec une dépression réactive, entrainant une incapacité de travail totale.

-          Un rapport du 20 janvier 2014 du Dr I______, selon lequel l’assurée souffrait d’une dépression réactionnelle d’intensité moyenne sans effet sur la capacité de travail.

21.    Par décision du 25 février 2014, l’OAI a annulé la décision du 9 décembre 2013 et repris l’instruction de la cause (ATAS/307/2014 du 17 mars 2014).

22.    Le 3 juin 2014, la Dresse F______ a attesté que la situation de l’assurée se péjorait avec apparition en automne de lésions cutanées du visage et du bras et aggravation des douleurs qui devenaient diffuses. Les diagnostics de lupus cutané et syndrome de Sjögren posés par biopsie et bilan biologique en mars 2014 conduisaient à une nouvelle prise en charge médicamenteuse. Les douleurs abdominales étaient assez bien contrôlées par les opiacés mais ceux-ci induisaient des effets secondaires. L’assurée présentait une incapacité de travail à 100 %. Aucune activité n’était exigible. Sur le plan psychique une anxiété face à sa santé, une anhédonie importante et des troubles du sommeil.

23.    Le 5 juin 2014, le docteur J______, FMH dermatologie et vénérologie, a posé le diagnostic de lupus tumidus cutané et syndrome de Sjögren depuis septembre 2014 entrainant des restrictions physiques, douleurs articulaires et musculaires diffuses.

24.    16 juin 2014, le Dr I______ a attesté d’une dépression réactionnelle d’intensité moyenne avec fatigue, anxiété en lien avec les pics de douleurs ; la capacité de travail était totale sur le plan psychiatrique.

25.    Le 26 juin 2014, une note téléphonique du SMR a relevé que selon la Dresse F______, la capacité de travail, actuellement nulle, pourrait s’améliorer si l’évolution favorable récente se confirmait.

26.    Le 25 juin 2014, le Dr G______ a attesté d’un état de santé stationnaire. L’endométriose était une maladie qui était difficile à traiter de façon ciblée ; cela obligeait à traiter seulement les douleurs (dérivés de morphine avec ses effets secondaires). En plus, la dépression réactive pouvait accompagner cette maladie à longue évolution.

27.    Le 9 juillet 2014, la Dresse K______, du SMR, a estimé qu’une incapacité de travail totale comme vendeuse était justifiée depuis mai 2011, nulle dans une activité adaptée d’août 2012 à décembre 2013 et totale dans toute activité dès janvier 2014. La situation n’était pas encore stabilisée.

28.    Le 6 octobre 2014, le Dr J______ a indiqué qu’il n’avait pas revu l’assurée depuis le 20 mai 2014.

29.    Le 16 octobre 2014, la Dresse L______, FMH rhumatologie, a indiqué que l’assurée présentait des douleurs articulaires et musculaires migrantes d’horaire mixte, dans le contexte d’une connectivité, le plus probablement un syndrome de Sjögren primaire. Le lupus timidus mis en évidence au niveau de l’avant-bras droit pouvait s’inscrire dans le contexte de cette connectivité. Ce tableau était moins évocateur d’une polyarthrite rhumatoïde.

30.    Le 10 novembre 2014, la Dresse F______ a indiqué une aggravation depuis avril 2014 des douleurs articulaires chroniques (bouche et yeux secs, lupus cutané, lésions cutanées, arthralgies et myalgies invalidantes). La capacité de travail était nulle dans toute activité.

31.    Le 11 décembre 2014, la Dresse L______ a posé le diagnostic de connectivité (sy Sjögren / LES), endométriose et état dépressif. L’activité de vendeuse était exigible à 50 % en ne prenant en compte que le problème rhumatologique. Une expertise multidisciplinaire était nécessaire.

32.    Le 17 juin 2016, la Dresse F______ a écrit à l’OAI que l’assurée présentait toujours des douleurs, des diarrhées et une dépendance aux opiacés.

33.    Le 13 juin 2017, le Dr G______ a précisé, suite à son rapport du 25 juin 2014, que l’incapacité de travail de l’assurée était totale, l’endométriose et son traitement étant fortement handicapants.

34.    Le 23 juin 2015, le service d’immunologie et d’allergologie des HUG a retenu un syndrome de Sjögren entrainant des douleurs ostéoarticulaires ; une grande partie du syndrome douloureux chronique ne pouvait être attribuée au syndrome de Sjögren. Le 15 janvier 2016, aucune amélioration clinique n’était constatée.

35.    A la demande de l’OAI, le Centre médical d’expertises (ci-après : le CEMEDEX) a rendu un rapport d’expertise pluridisciplinaire le 10 janvier 2018 (Docteurs M______, FMH rhumatologie, N______, FMH médecine interne générale, O______, FMH psychiatrie et psychothérapie, et Professeur P______, FMH gynécologie et obstétrique).

L’assurée se plaignait de douleurs diffuses au niveau des épaules, des bras, du bassin, des membres inférieurs ainsi que de douleurs abdominales importantes, évaluées à 7 sur une échelle de 10, de manière continue, pouvant augmenter à 10 dans les crises aigues, avec épisodes de diarrhées importantes, alternant avec de la constipation. Elle avait aussi le syndrome des jambes sans repos, traité par Sifrol, sans grand succès. Elle se plaignait d'endormissements et raideurs au niveau des bras et des doigts, le matin au réveil. Elle ne pouvait pas porter des charges, même pas 1 kg, Elle avait des lombalgies et douleurs au niveau du bassin. Parfois aussi une incontinence urinaire avec spasmes vésicaux.

Les experts ont posé les diagnostics suivants, sans répercussion sur la capacité de travail :

-          Syndrome de Sjögren peu évolutif.

-          Fibromyalgie.

-          Trouble anxiodépressif mixte léger (F412) secondaire aux douleurs.

-          Personnalité dépendante (F60.7).

-          Status après deux fausses couches puis mise en évidence d'un septum utérin à l'hystérosalpingographie, traité par résection hystéroscopique le 29 mars 2004.

-          14 décembre 2005, mise en évidence une endométriose de stade IV.

-          22 mars 2006, intervention pour l'endométriose, avec dissection d'un nodule de la lame rectovaginale et une vaporisation par laser C02 de divers foyers intra-abdominaux, ainsi qu'une adhésiolyse coelioscopique.

-          Status après traitement de fécondation in vitro, naissance d'un garçon par césarienne le 28 décembre 2007.

-          Hystérectomie coelioscopique avec salpingectomie droite et adhésiolyse le 16 mars 2012.

-          Dyspareunie

-          Status après cholécystectomie pour cholécystite et cholélithiase.

Il n’y avait pas de limitations fonctionnelles. L’incapacité de travail était de 100 % de mai 2011 à juillet 2012, de 0 % d'août 2012 à décembre 2013, puis de 100 % « depuis décembre jusqu'au 11 décembre 2014 ». Depuis cette date la capacité de travail était de 50 % comme vendeuse. Depuis la date de la présente expertise, la capacité de travail était de 100 % dans toute activité sans diminution de rendement.

L’assurée ne présentait pas de diagnostic source de limitations fonctionnelles ou de handicap. L'examen clinique était tout à fait dans la norme, raison pour laquelle une capacité de travail était possible à 100 % dans toute activité sur le plan de la médecine interne. Les radiographies des mains et des pieds et les échographies des mains et des poignets réalisés en octobre 2014 ne montraient pas de signe inflammatoire. Sur le plan biologique, il n'y avait pas de signe inflammatoire. Il n'y avait pas de signe d'atteinte viscérale. L'examen clinique ne montrait aucun signe inflammatoire articulaire, toutes les articulations étaient libres. Il n'y avait pas de synovite, de déformation ni de limitation des mouvements. Par conséquent on ne retenait pas de limitations fonctionnelles ni de limitation de la capacité de travail dans une quelconque activité.

La prise en charge gynécologique avait été bien faite. Les deux premières fausses couches étaient dues vraisemblablement au problème malformatif utérin traité correctement par ablation de ce septum. Le diagnostic d'endométriose avait été posé lors de l'intervention du 29 mars 2004 et confirmé une année et demie plus tard dans le cadre de la laparoscopie du 14 décembre 2005. L'endométriose du petit bassin était une maladie fréquente accompagnée d'une symptomatologie de dysménorrhée et de douleurs abdominales variant en fonction de différents critères (localisation, étendue, etc). Diverses interventions avec résection et destruction des foyers d'endométriose par laser avaient été faites dans les règles de l'art et par des mains expertes d'un spécialiste reconnu pour la prise en charge de l'endométriose sur la place de Genève. L'infertilité faisait partie du tableau clinique de l'endométriose, mais grâce à un programme in vitro, l’assurée avait pu devenir enceinte et a accouché d'un garçon. Elle était consciente du rayon de soleil qu'elle avait reçu ce jour-là et elle en était reconnaissante. Le fait qu’elle ait éprouvé la période gravidique comme extrêmement douloureuse, alors que la grossesse était le meilleur traitement de l'endométriose durant neuf mois, montrait à quel point l'état psychique était impliqué. Les divers traitements hormonaux et anti-inflammatoires avaient été sans succès, à tel point que d'un commun accord entre l’assurée et son gynécologue, il avait été décidé de réaliser une hystérectomie à l'âge de 39 ans. Cette opération traitait la dysménorrhée (douleurs de règles sur adénomyose), mais évidemment pas les foyers d'endométriose diffus de la région abdominale. Les traitements médicamenteux notamment morphiniques, avaient été arrêtés en raison d'effets secondaires au niveau intestinal et hépatique. Malgré l'arrêt de ces médications, les douleurs chroniques avaient persisté. La prise en charge gynécologique avait été bien faite, utilisant tous les moyens thérapeutiques à disposition. Le vaginisme mis en évidence à l'examen clinique alors que l'examen échographique était indolore, était un signe d'hypersensibilité ne permettant pas d'avoir une vie sexuelle normale. L'endométriose, prise en charge médicalement correctement comme dans ce cas précis, n'était pas liée à une incapacité de travail. La capacité de travail de l’assurée, à part le congé maternité et les périodes post-opératoires, était donc de 100 %. Le principal problème de cette assurée était ses douleurs ubiquitaires, accompagnées d'un trouble anxiodépressif mixte léger (F41.2) chez une personnalité dépendante (F60.7) dépourvu de caractère handicapant. Du point de vue psychiatrique, cette assurée était capable de travailler à 100 % dans l'ancienne activité (vendeuse) ou dans une activité adaptée.

36.    Le 26 janvier 2018, le Dr Q______, du SMR, a estimé que l’expertise était convaincante. L’incapacité de travail était de 100 % du 25 mai 2011 au 31 juillet 2012, nulle du 1er août 2012 à décembre 2013, de 100 % de décembre 2013 au 11 décembre 2014 et nulle depuis le 12 décembre 2014. L’activité de vendeuse était adaptée. Il y avait vraisemblablement des interactions entre la fibromyalgie et la personnalité dépendante de l’assurée, avec des bénéfices secondaires dans le sens que l’attention de son entourage était focalisée sur elle.

37.    Le 3 juillet 2018, l’OAI a reconnu à l’assurée un statut d’active.

38.    Par projet d’acceptation de rente du 9 juillet 2018, l’OAI a alloué à l’assurée une rente entière d’invalidité du 1er mai 2012 au 31 mars 2015.

39.    Le 11 septembre 2018, l’assurée représentée par son avocate, a écrit à l’OAI qu’elle était en complet désaccord avec l’expertise, laquelle contenait plusieurs erreurs ; l’endométriose n’avait pas été évaluée correctement car elle entrainait des douleurs chroniques qui avaient une répercussion sur sa capacité de travail ; plusieurs plaintes n’avaient pas été prise en compte.

Elle a communiqué un rapport de Madame R______, psychologue, selon lequel l’endométriose et ses conséquences étaient totalement sous-estimées. L’expert gynécologue n’avait pas décrit l’examen dans sa chronologie correcte, il avait commencé par l'échographie vaginale où l’assurée avait serré les dents puis avait effectué un toucher vaginal situé dans la zone mentionnée comme douloureuse selon un IRM du pelvis, ce qui expliquait les pleurs de l’assurée et contredisait la notion de vaginisme. Le Dr G______ parlait de douleurs pelviennes chroniques et d'une sténose urétrale droite et Mme F______ mentionnait une atteinte digestive urétrale et des adhérences. Cette zone avait été visiblement touchée par l'expert sans qu'il ne tienne compte des pièces du rapport qu'on lui avait fourni. L’assurée avait vécu de nombreux traumas dans son enfance et adolescence ; son père qui avait combattu en Guinée semblait avoir eu les mêmes problèmes que les vétérans du Vietnam : crises de violence subites, alcool pour calmer les angoisses et l’assurée, première de la fratrie, devait non seulement protéger ses frères et sœurs, voir sa mère se faire frapper sans pouvoir l'aider puis, régulièrement, le père demandait à ses enfants de choisir entre lui et sa femme et, devant le refus des enfants de choisir, demandait à son aînée de faire la valise, scénario qui s'était répété à de très nombreuses reprises. Plus tard, lors de vacances au Portugal chez ses parents, l’assurée avait été témoin de l'arrestation de son frère qu'elle aimait beaucoup, au petit matin, pour le viol d'une femme, un évènement hautement traumatique et déchirant élaboré en psychothérapie. L'expert psychiatre n'avait également pas questionné le vécu de l’assurée autour de ses fausses couches, de la mort d'un des fœtus jumeaux, pas plus qu'il ne lui avait demandé comment elle avait vécu l'ablation de son utérus. Il s’agissait déjà rapidement des quelques éléments qui frappaient à la lecture attentive du rapport.

40.    Le 4 octobre 2018, la Dresse S______, du SMR, a indiqué qu’après relecture de l’expertise du CEMEDEX, elle retenait les incapacités de travail suivantes : 100 % depuis mai 2011, 0 % dès août 2012, 100 % dès janvier 2013, 50 % dès janvier 2015 (soit une capacité de travail de 50 % autant dans une activité adaptée que dans son activité habituelle), 0 % dès novembre 2017.

41.    Selon une note de travail de l’OAI du 14 novembre 2018, en complément au rapport du SMR du 4 octobre 2018, il fallait retenir une incapacité de travail dès janvier 2014 (et non pas 2013).

42.    Par projet d’acceptation de rente du 23 novembre 2018, annulant celui du 9 juillet 2018, l’OAI a alloué à l’assurée une rente entière d’invalidité du 1er mai 2012 au 31 octobre 2012 et du 1er janvier 2014 au 31 mars 2015, ainsi qu’une demi-rente d’invalidité du 1er avril 2015 au 31 janvier 2018.

43.    Le 10 janvier 2019, l’assurée, représentée par son avocate, a fait opposition au projet de décision de l’OAI du 23 novembre 2018 (annulant celui du 9 juillet 2018), en reprenant ses griefs précédents.

44.    Par décision du 22 février 2019, l’OAI a alloué à la recourante une rente entière d’invalidité du 1er mai au 31 octobre 2012, du 1er janvier 2014 au 31 mars 2015 ainsi qu’une demi-rente d’invalidité du 1er avril 2015 au 31 janvier 2018.

45.    Le 22 mars 2019, l’assurée, représentée par son avocate, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision précitée, en concluant à son annulation en tant qu’elle ordonnait une rente entière limitée dans le temps ; elle fait valoir que le rapport d’expertise du CEMEDEX est dénué de valeur probante.

46.    Le 15 avril 2019, l’OAI a conclu au rejet du recours, au motif qu’aucun élément convaincant susceptible de contester l’expertise du CEMEDEX n’était amené par l’assurée.

47.    Le 16 octobre 2019, l’assurée a répliqué, en se prévalant des rapports médicaux suivants de ses médecins :

-          Un rapport de la Dresse F______ et de Madame R______ du 26 septembre 2019, relevant que l’endométriose stade 4 avec douleurs chroniques sévères non contrôlées et le trouble dépressif récurrent réactionnel avaient une incidence sur la capacité de travail de l’assurée ; elle présentait aussi une agoraphobie ; aucun traitement de l’endométriose n’était efficace pour l’assurée ; l’expertise comprenait des contre sens : l’arrêt de la morphine n’avait à l’évidence pas amélioré les douleurs et celui des opiacés les avait aggravées ; l’assurée ne présentait pas de personnalité dépendante ; la fibromyalgie était secondaire aux douleurs chroniques de l’endométriose ; la capacité de travail était nulle en raison des douleurs et du risque de chronicisation de son état dépressif. Le Dr I______ n’avait attesté d’aucun diagnostic incapacitant mais avait mis l’assurée à l’arrêt pendant plusieurs mois, ce qui était contradictoire.

-          L’expertise du docteur T______ du 7 avril 2012, effectuée à la demande de l’assurance perte de gain maladie, lequel posait le diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère et anxiété moyenne entrainant une incapacité de travail totale.

-          Un rapport du 17 juin 2019 du Dr G______ attestant de douleurs pelviennes suite à une endométriose sévère ; il n’était pas d’accord avec l’expert qui assurait qu’une grossesse pouvait guérir une endométriose, car on pouvait trouver des récidives d’endométrioses après la grossesse, avec une intervention pour cet effet, et même après un traitement conservateur médicamenteux, comme par exemple : Visanne (Diénogest 2 mg). L’assurée supportait très mal les effets secondaires de la morphine, situation qui rendait sa vie quotidienne difficile en vue d’une recherche active de travail.

48.    Le 21 novembre 2019, la Dresse U______, du SMR a rendu un avis médical selon lequel les nouveaux rapports médicaux produits ne modifiaient pas la position du SMR. En particulier, le diagnostic d’endométriose était connu des experts et ceux-ci s’étaient appuyés sur les indicateurs jurisprudentiels standards pour évaluer la capacité de travail de la recourante. En outre, l’expertise du Dr T______ démontrait plutôt la présence d’un trouble anxio-dépressif mixte d’intensité fluctuante.

49.    Le 21 novembre 2019, l’OAI a maintenu ses conclusions, en relevant que la recourante se limitait à souligner la divergence d’opinion entre les experts et ses médecins traitants quant aux limitations fonctionnelles retenues et à la capacité de travail exigible.

50.    Le 20 janvier 2020, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle.

La recourante a déclaré : « Mon état de santé n'a pas changé, j'ai toujours des douleurs au quotidien. L'intervention de 2012 a amélioré la situation au début, ensuite les douleurs sont revenues. J'ai eu des règles douloureuses dès le départ, quand j'ai décidé d'avoir un enfant la situation était compliquée en raison des douleurs. En effet, quand j'ai arrêté la pilule pour avoir un enfant, les douleurs ont nettement augmentées. On m'avait dit que l'intervention effectuée en 2012 pourrait régler mon problème à 80 %. J'ai des douleurs en permanence avec des jours où elles sont plus ou moins intenses. Mes médecins m'ont dit que l'endométriose ne se guérit pas, la récidive de mes douleurs peut également venir de l'adhérence. J'avais débuté un traitement médicamenteux mais en raison des conséquences sur mon foie j'ai dû cesser ce médicament. Les douleurs me handicapent et m'empêchent de travailler. Je m'estime totalement incapable de travailler. Mes médecins pensent que les maladies auto-immune que j'ai développées peuvent avoir un lien avec l'endométriose. En raison de ces maladies j'ai des douleurs aux articulations. J'ai aussi développé un syndrome sec qui atteint mes muqueuses et de la fatigue constante.

L'expertise au CEMEDEX a été difficile. L'examen gynécologique a été très douloureux. Au niveau psychiatrique j'ai eu de la peine à parler de moi avec un psychiatre que je ne connaissais pas. J'ai répondu brièvement aux questions qu'il m'a posées. Le gynécologue s'est focalisé sur mes interventions antérieures et il m'a aussi dit que la grossesse normalement guérissait l'endométriose. Je lui ai dit que ce n'était pas le cas pour moi. J'ai eu des douleurs constantes ainsi que des saignements pendant toute ma grossesse.

En novembre 2019 j'ai dû consulter en urgence à la maternité en raison de douleurs plus forte dans le bas ventre. J'ai bénéficié d'un ultra son mais je dois encore effectuer une IRM. Les médecins ont suspecté des adhérences dues à l'endométriose. Après cela, j'avais de la peine à marcher et les médecins ont pratiqué un ultra son de ma hanche droite qui a montré une inflammation. J'ai subi une infiltration. Les médecins ne savent pas si ce nouveau problème est en lien avec la maladie auto-immune. J'ai pris de la Morphine pendant deux ans. C'était avant l'expertise du CEMEDEX. J'ai toutefois dû cesser ce traitement car mes intestins ne fonctionnaient plus. Actuellement je prends de l'Irfen 600 plus ou moins tous les jours. Je prends aussi du Lyrica, du Plaquenil, de l'Efexor et parfois du Rivotril si je dors trop mal. J'ai aussi de la Cortisone en réserve en cas de crises douloureuses intenses. Sur une échelle de 10, j'ai des douleurs à 5 la moitié du temps et de 7 à 8 pour l'autre moitié. Il m'est aussi arrivée de m'évanouir de douleur.

Je m'occupe juste de mon fils, je le lève le matin et je lui réchauffe à midi un plat que mon mari prépare la veille. Je ne sors que pour aller voir mes médecins. J'ai mes rendez-vous en principe le matin sinon je reste couchée sur le canapé. Je vois mon psychiatre une fois par semaine voire une fois tous les quinze jours. Je vois ma médecin généraliste une fois par mois. J'ai eu un suivi rhumatologique au HUG avec le Dr V______. Actuellement c'est ma médecin généraliste qui me prescrit les médicaments, soit le Lyrica et le Plaquenil. Quand j'ai reçu la convocation il était prévu que chaque expertise dure deux heures mais cela a été beaucoup plus court. Par exemple l'examen psychiatrique a duré environ 45 min. A la fin de l'examen gynécologique j'ai pleuré et l'expert m'a dit qu'il ne comprenait pas pourquoi je me mettais dans cet état-là. Il m'a dit que je souffrais de vaginisme ».

L’avocate de la recourante a déclaré : « Nous demandons une expertise judiciaire non seulement gynécologique mais aussi psychiatrique en fonction des informations données par le médecin traitant, et également rhumatologique en raison des maladies auto-immunes ».

La représentante de l’intimé a déclaré : « Vous attirez mon attention sur le fait que les conclusions de l'expertise gynécologique sont peu claires. J'ai l'impression que l'expert gynécologue lie les douleurs à des problèmes psychiatriques mais je souhaite interpeller les médecins du SMR sur cette question ».

51.    A la demande de la chambre de céans, le CEMEDEX a précisé le 6 février 2020 que le résumé du dossier et la relecture de l’expertise avaient été réalisés par la doctoresse W______, l’anamnèse (à savoir les données subjectives) ainsi que les données personnelles, familiales et socio-professionnelles, avaient été récoltées par chaque expert. C’était généralement le médecin interniste qui en faisait la synthèse, à l’issue de la discussion pluridisciplinaire. S’agissant des questions relatives aux conclusions gynécologiques, le CEMEDEX a indiqué que non seulement il serait difficile de se souvenir de manière fiable des plaintes de l’assurée après un tel délai, mais que le Prof. P______, expert gynécologue, avait pris sa retraite dans l’intervalle.

52.    Le 6 février 2020, la Dresse U______, du SMR, a rendu un avis selon lequel, en relisant l’intégralité de l’expertise gynécologique, on pouvait expliquer pourquoi l’expert ne retenait pas d’incapacité de travail en relation avec l’endométriose. L’assurée présentait bien un diagnostic d’endométriose de stade IV sévère, en raison des localisations et de l’activité des lésions. Toutefois, l’assurée avait été traitée selon les règles de l’art par des spécialistes en endométriose. Une endométriose sévère s’accompagnait de douleurs abdominales et pelviennes qui pouvaient être sévères. Toutefois, en analysant le dossier, on pouvait constater au moins deux éléments d’incohérences : la présence d’aggravation des douleurs durant la grossesse, alors qu’habituellement l’endométriose était, pour des raisons hormonales, calme durant une grossesse (mais ne guérissait pas une endométriose) ; et l’absence de douleurs lors de l’examen échographique par voie vaginale lors de l’expertise, même en mobilisant la sonde. Les limitations fonctionnelles consécutives aux douleurs de manière générale (incluant les douleurs de fibromyalgie et les douleurs abdominales) avaient été examinées selon les indicateurs standards. Cette analyse n’avait pas permis de mettre en évidence des limitations fonctionnelles motivant une incapacité de travail sur le long terme. L’assurée effectuait ses tâches ménagères, s’occupait de son fils, pouvait faire des promenades et pouvait partir en vacances. Les déclarations de l’assurée en audience ne modifiaient pas les conclusions des experts qui avaient tenu compte de ses plaintes exprimées alors, mais aussi des éléments objectifs du status et des examens complémentaires tels que l’échographie endovaginale et le dosage sanguin des médicaments. Les plaintes demeuraient subjectives. La présence d’adhérence était fort probable, et habituelle après des interventions abdominales ; cependant l’intensité des douleurs habituellement en présence d’adhérences n’entrainait pas de limitations fonctionnelles incapacitantes sur le long terme. Une infiltration de la hanche, en soi, sans diagnostic ni clinique n’était pas incapacitante en soi.

53.    Le 6 février 2020, l’OAI s’est rallié à l’avis du SMR du même jour.

54.    Le 11 mars 2020, l’assurée a observé que l’aggravation des douleurs durant sa grossesse n’était pas due exclusivement à l’endométriose mais aussi à d’autres causes (elle avait présenté des saignements) ; par ailleurs, il y avait des exceptions au constat qu’une endométriose était habituellement calme lors d’une grossesse ; quant à l’examen avec la sonde, elle s’y était préparée mais avait néanmoins craqué au moment du toucher vaginal. Le CEMEDEX avait répondu de manière évasive aux questions de la chambre de céans ; son expertise n’avait pas de valeur probante ; elle requérait une expertise judiciaire. Elle a produit un rapport d’IRM pelvienne du 8 février 2020 concluant à un status adhérentiel sévère entre le dôme vaginal, la charnière recto-sigmoïdienne, l’ancien départ du ligament utéro-sacré droit et l’ovaire droit avec une récidive d’endométriose sigmoïdienne multifocale actuellement peu hémorragique mais au moins bifocale (à 8,2 cm de la marge anale) accolée au dôme vaginal ainsi qu’au niveau du sigmoïde antérieur centro-pelvien sans signe d’endométriose ovarienne. Epaississement d’aspect fibreux du dôme vésical et du départ du ligament utéro-sacré droit possiblement postopératoire. Adhérence inter-vésicale du dôme vésical postérieur.

55.    Le 7 septembre 2020, la chambre de céans a ordonné une expertise judiciaire auprès du Docteur X______, FMH gynécologie, en relevant ce qui suit : « En l’occurrence, l’intimé s’est fondé, pour rendre la décision litigieuse, sur l’expertise du CEMEDEX du 10 janvier 2018. Or, le volet gynécologique de cette expertise n’est pas probant.

L’expert gynécologue P______ a tout d’abord considéré que le fait que la recourante ait éprouvé la période gravidique comme extrêmement douloureuse montrait à quel point l’état psychique étant impliqué, la grossesse étant, selon lui, le meilleur traitement de l’endométriose. Cette constatation a toutefois été clairement contredite par le gynécologue traitant (avis du Dr G______ du 17 juin 2019). L’expert relève ensuite que, malgré l’arrêt des traitements morphiniques, les douleurs ont persisté (expertise CEMEDEX p. 27), ce qui est illogique et contradictoire avec le constat, figurant dans les conclusions de l’expertise, qu’une amélioration des douleurs pelviennes pouvait être déduite de la disparition de la dépendance aux opiacés (expertise CEMEDEX p. 28). A cet égard, ce constat est lui-même contredit par l’explication du Dr P______, selon lequel les traitements médicamenteux, notamment morphinique, ont été arrêtés en raison d’effets secondaires au niveau intestinal et hépatique (expertise CEMEDEX p. 27). L’expert affirme encore que l’endométriose ayant été prise en charge correctement, il n’y a pas d’impact sur la capacité de travail. Or, cette déduction, non étayée n’est pas convaincante dès lors que, dans le même-temps, les conclusions de l’expertise reconnaissent les douleurs pelviennes dont se plaint la recourante ainsi que leur caractère incapacitant (expertise CEMEDEX p. 28). Par ailleurs, l’avis du gynécologue traitant, le Dr G______, qui a suivi la recourante, est contraire à celui de l’expert P______, notamment s’agissant de la capacité de travail de la recourante, qu’il estime nulle (rapport des 13 juin 2017 et 17 juin 2019). »

56.    Le 19 mars 2021, l’expert a rendu son rapport. L’assurée se plaignait de douleurs abdomino-pelviennes chroniques, avec des phases d’aggravation pouvant durer plusieurs jours, ainsi que des dyspareunie, dyschésie et douleurs articulaires constantes. Il a posé les diagnostics d’endométriose pelvienne sévère de stade IV et récidivante (récidive recto-vaginale d’endométriose profonde) depuis 2005, avec myalgie diffuse du plancher pelvien et douleurs pelviennes chroniques depuis l’adolescence.

Les symptômes étaient compatibles avec un syndrome de douleurs pelviennes chroniques, avec un mécanisme de sensibilisation centrale et périphérique (non visible à l’image) amplifié par la fibromyalgie et la dépression.

L’assurée présentait des limitations fonctionnelles de 50 % comme femme au foyer et une capacité de travail comme vendeuse au maximum de 10 %, et de 10 à 20 %, avec une possible diminution de rendement de 30 % dans une activité adaptée.

Elle avait bénéficié de traitements chirurgicaux adéquats ; la récidive après geste chirurgical était bien décrite dans la littérature.

Il contestait l’avis du Dr P______ selon lequel la grossesse était le meilleur traitement d’une endométriose, les lésions étant connues pour persister pendant la grossesse et la maladie pour se réactiver après la grossesse. Une prise en charge de la douleur était conseillée.

57.    Le 20 avril 2021, la recourante a indiqué qu’elle estimait l’expertise judiciaire probante. L’incapacité de travail était de 80 %, de sorte qu’elle avait droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er avril 2015 et une expertise psychiatrique judiciaire était superflue.

58.    Le 26 avril 2021, la Dresse U______, du SMR, a rendu un avis.

Malgré des douleurs pelviennes depuis l’adolescence, l’assurée avait pu travailler (carrière militaire au Portugal et responsable de vente). L’expert n’indiquait pas depuis quand les douleurs étaient incapacitantes. En 2018, l’échographie endovaginale était décrite comme normale, mais l’expert n’indiquait pas s’il y avait eu aggravation, ni l’évolution des douleurs depuis 2018 ; son échographie pelvienne manquait de description. L’expert ne précisait pas dans quelle proportion la partie extra-somatique jouait un rôle dans les douleurs. Les limitations fonctionnelles ménagères n’étaient pas décrites. Enfin, la question de la participation de l’assurée à une prise en charge globale se posait.

59.    Le 28 avril 2021, l’OAI s’est rallié à l’avis du SMR.

60.    A la demande de la chambre de céans, l’expert a rendu un complément d’expertise le 24 juin 2021. Il a confirmé des limitations fonctionnelles liées aux douleurs pelviennes chroniques ; la maladie s’était progressivement aggravée depuis l’adolescence, incapacitante depuis 2011 ; les opérations de 2006 et de 2012 avaient permis une amélioration transitoire ; les limitations dans les tâches ménagères étaient de 50 % ; en tenant uniquement compte de l’endométriose et de la douleur pelvienne chronique associée, la capacité de travail était nulle comme vendeuse et de 20 % dans une activité adaptée.

61.    Le 7 juillet 2021, l’assurée a souligné que l’expertise était probante et a conclu à l’octroi d’une rente entière d’invalidité dès le 1er mai 2012, subsidiairement, à l’ordonnance d’une expertise psychiatrique et rhumatologique.

62.    Le 13 juillet 2021, le SMR a relevé que l’expert ne décrivait pas les limitations fonctionnelles ni les activités quotidiennes de l’assurée ; une capacité de travail de 100 % était exigible ; l’expert ne disait pas si l’approche biopsychosociale évoquée était exigible.

63.    Le 14 juillet 2021, l’OAI s’est rallié à l’avis du SMR.

 

EN DROIT

1.      Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

2.      Toutefois, les modifications légales contenues dans la LPGA constituent, en règle générale, une version formalisée dans la loi de la jurisprudence relative aux notions correspondantes avant l'entrée en vigueur de la LPGA; il n'en découle aucune modification du point de vue de leur contenu, de sorte que la jurisprudence développée à leur propos peut être reprise et appliquée (ATF 130 V 343 consid. 3).

3.      Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

4.      Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente entière d’invalidité au-delà du 31 octobre 2012, étant relevé que l’intimé lui a alloué une rente entière d’invalidité du 1er janvier 2014 au 31 mars 2015 et une demi-rente d’invalidité du 1er avril 2015 au 31 janvier 2018.

5.      Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

6.      a. En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

b.En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

7.      a. Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

b. Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

c. Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

d. Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI; ATF 142 V 58 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

e. En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

f. On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

8.      Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

9.      Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

10.  Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

11.  Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu réaliser s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA).

La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V 29 consid. 1; ATF 104 V 135 consid. 2a et 2b).

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 et ATF 128 V 174).

12.  Les frais qui découlent de la mise en œuvre d'une expertise judiciaire pluridisciplinaire confiée à un Centre d'observation médicale de l'assurance-invalidité (COMAI) peuvent le cas échéant être mis à la charge de l'assurance-invalidité (cf. ATF 139 V 496 consid. 4.3). En effet, lorsque l'autorité judiciaire de première instance décide de confier la réalisation d'une expertise judiciaire pluridisciplinaire à un COMAI parce qu'elle estime que l'instruction menée par l'autorité administrative est insuffisante (au sens du consid. 4.4.1.4 de l'ATF 137 V 210), elle intervient dans les faits en lieu et place de l'autorité administrative qui aurait dû, en principe, mettre en œuvre cette mesure d'instruction dans le cadre de la procédure administrative. Dans ces conditions, les frais de l'expertise ne constituent pas des frais de justice au sens de l'art. 69 al. 1 bis LAI, mais des frais relatifs à la procédure administrative au sens de l'art. 45 LPGA qui doivent être pris en charge par l'assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_312/2016 du 13 mars 2017 consid. 6.2).

Cette règle, qu'il convient également d'appliquer dans son principe aux expertises judiciaires mono- et bidisciplinaires (cf. ATF 139 V 349 consid. 5.4), ne saurait entraîner la mise systématique des frais d'une expertise judiciaire à la charge de l'autorité administrative. Encore faut-il que l'autorité administrative ait procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire serve à pallier les manquements commis dans la phase d'instruction administrative. En d'autres mots, il doit exister un lien entre les défauts de l'instruction administrative et la nécessité de mettre en œuvre une expertise judiciaire (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2). Tel est notamment le cas lorsque l'autorité administrative a laissé subsister, sans la lever par des explications objectivement fondées, une contradiction manifeste entre les différents points de vue médicaux rapportés au dossier, lorsqu'elle a laissé ouverte une ou plusieurs questions nécessaires à l'appréciation de la situation médicale ou lorsqu'elle a pris en considération une expertise qui ne remplissait manifestement pas les exigences jurisprudentielles relatives à la valeur probante de ce genre de documents (voir par exemple arrêt du Tribunal fédéral 8C_71/2013 du 27 juin 2013 consid. 2). En revanche, lorsque l'autorité administrative a respecté le principe inquisitoire et fondé son opinion sur des éléments objectifs convergents ou sur les conclusions d'une expertise qui répondait aux réquisits jurisprudentiels, la mise à sa charge des frais d'une expertise judiciaire ordonnée par l'autorité judiciaire de première instance, pour quelque motif que ce soit (à la suite par exemple de la production de nouveaux rapports médicaux ou d'une expertise privée), ne saurait se justifier (ATF 139 V 496 précité consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 8C_312/2016 du 13 mars 2017 consid. 6.3).

13.  En l’occurrence, fondé sur un entretien et un examen clinique de la recourante, comprenant la description des plaintes, des diagnostics clairs et une motivation convaincante de la capacité de travail, le rapport d’expertise judicaire et son complément répondent aux réquisits jurisprudentiels précités pour qu’il leur soit reconnu une pleine valeur probante. L’expert judiciaire conclut à une capacité de travail de la recourante nulle dans l’activité habituelle et de 20 % maximum dans une activité adaptée, en raison de dysménorrhée, douleurs pelviennes chroniques et fatigue associée depuis 2011 (expertise p. 4 et complément d’expertise).

14.  a. En premier lieu, l’expertise gynécologique du CEMEDEX du 10 janvier 2018, sur laquelle se fonde le SMR et l’intimé pour retenir une capacité de travail de la recourante de 100 % dans une activité adaptée dès le 1er août 2012, est dénuée de valeur probante.

Comme relevé dans l’ordonnance d’expertise du 25 mai 2020, plusieurs incohérences et imprécisions peuvent en effet être relevées dans cette expertise.

a/aa. L’expert du CEMEDEX confirme le diagnostic d’endométriose et rappelle qu’il est accompagné de dysménorrhée et de douleurs abdominales variables (expertise p. 27). Il estime cependant que, dans le cas de la recourante, ce diagnostic ne peut pas être incapacitant dès lors que celle-ci a été prise en charge médicalement correctement, qu’en particulier les interventions chirurgicales ont été faites dans les règles de l’art, par des mains expertes d’un spécialiste reconnu pour la prise en charge de l’endométriose sur la place de Genève. Or, cette déduction n’est pas convaincante, car elle part du postulat que si la recourante a suivi les traitements prescrits par des spécialistes reconnus, sa symptomatologie a disparu. Par ailleurs, elle est contradictoire avec la constatation de l’expert du CEMEDEX que l’hystérectomie n’a pas pu ôter les foyers d’endométriose diffus de la région abdominale (expertise p. 27) ; en outre, l’expert du CEMEDEX ne se prononce en particulier pas sur le caractère fluctuant de la maladie, avec des phases de récidives possibles et sur la possibilité que les interventions chirurgicales n’amènent qu’une amélioration limitée dans le temps, caractéristiques relevées et documentées par l’expert judiciaire, lequel a même indiqué que la récidive des douleurs après des gestes chirurgicaux était bien décrite dans la littérature (expertise judiciaire p. 4 et complément d’expertise judiciaire).

a/bb. L’expert du CEMEDEX s’est ensuite employé à démontrer que la symptomatologie douloureuse n’était pas en lien avec l’endométriose, affection objectivée, mais relevait de l’implication de l’état psychique (expertise p. 27), au motif, d’une part, que la grossesse, alors qu’elle était le meilleur traitement de l’endométriose, avait été extrêmement douloureuse pour la recourante et, d’autre part, qu’une amélioration avait dû se produire, dès lors que la recourante n’avait plus besoin, en particulier, de traitement par opiacés (expertise p. 27 et 28). Or, tant le Dr G______ (avis du 17 juin 2019) que l’expert judiciaire (expertise judiciaire p. 4) ont vivement contesté l’affirmation de l’expert du CEMEDEX, d’ailleurs nullement documentée, selon laquelle la grossesse était le meilleur traitement de l’endométriose, en soulignant tous deux que la grossesse provoquait même des récidives d’endométriose. En outre, l’expertise du CEMEDEX a clairement conclu à l’absence d’exagération manifeste des symptômes de la part de la recourante (expertise p. 29), ce qui confirme l’existence des plaintes douloureuses. En présence d’une affection somatique objectivée, dont il est admis qu’elle est source d’une symptomatologie douloureuse qui peut être intense, l’examen des indicateurs jurisprudentiels précités n’est pas nécessaire. On peut cependant relever que l’expertise du CEMEDEX a mentionné l’absence d’exagération manifeste de symptômes de la part de la recourante, un suivi dans les règles de l’art des thérapies gynécologiques, l’absence de divergence entre les symptômes décrits et le comportement de la recourante d’une part, les éléments du dossier et les activités quotidiennes de la recourante, d’autre part, ainsi qu’une réduction des activités de la recourante depuis l’atteinte à la santé (expertise CEMEDEX p. 29 à 32). Ces éléments confortent ainsi la présence de plaintes douloureuses objectivées chez la recourante.

Quant à l’argument de l’expert du CEMEDEX selon lequel la cessation du traitement morphinique prouvait une amélioration de l’affection, il n’est pas compréhensible. En effet, ce dernier relève que malgré l’arrêt des traitements morphiniques, les douleurs ont persisté (expertise CEMEDEX p. 27), ce qui est illogique et contradictoire avec le constat, figurant dans les conclusions de l’expertise, qu’une amélioration des douleurs pelviennes pouvait être déduite de la disparition de la dépendance aux opiacés (expertise CEMEDEX p. 28). Ce constat est lui-même contredit par l’explication de l’expert du CEMEDEX, selon lequel les traitements médicamenteux, notamment morphiniques, ont été arrêtés en raison d’effets secondaires au niveau intestinal et hépatique (expertise CEMEDEX p. 27). A cet égard, on constate que le traitement par opiacés n’a pas été arrêté en raison de l’amélioration des douleurs, mais en raison de ses effets secondaires négatifs, comme cela a été relevé par le Dr G______ (avis du 17 juin 2019), par l’expert judiciaire (expertise judiciaire p. 1), lequel a mentionné de la constipation sévère et des troubles psychiques, et par la recourante elle-même (procès-verbal d’audience du 20 janvier 2020), laquelle a expliqué qu’après deux ans de traitement à la morphine, elle avait dû le cesser, car ses intestins ne fonctionnaient plus. L’expert du CEMEDEX lui-même a d’ailleurs relevé que les traitements morphiniques avaient dû être arrêtés en raison d’effets secondaires et hépatiques (expertise CEMEDEX p. 16 et 27).

Au demeurant, les déductions de l’expert du CEMEDEX relatives à la grossesse de la recourante et aux traitements sont incohérentes et ne sauraient être suivies.

a/cc. Le diagnostic de vaginisme est posé par l’expert du CEMEDEX de façon peu convaincante. Alors que la recourante décrit un examen gynécologique au CEMEDEX très douloureux (procès-verbal d’audience du 20 janvier 2020), ce qui est confirmé par l’expert du CEMEDEX qui relate que l’examen bimanuel a été impossible en raison d’un ressenti très douloureux de la recourante, l’expert du CEMEDEX, au vu d’une échographie pelvienne décrite comme facile et non douloureuse, estime que la recourante présente un vaginisme, soit un trouble psychique du comportement sexuel (CIM-10 ; F 52.5), diagnostic qui n’a non seulement jamais été posé par d’autres médecins mais relègue au second plan, sans motivation convaincante, l’impact de l’endométriose, affection pourtant objectivée et dont il n’est pas contesté qu’elle entraine une symptomatologie douloureuse.

a/dd. Enfin, l’échographie endovaginale sur laquelle s’appuie l’expert du CEMEDEX est décrite comme normale, sans foyer d’endométriose et sans déclenchement de douleurs, et mettant en évidence un statut post-hystérectomie, avec les loges annexielles et paramètre sans particularité, notamment au niveau ovarien ; l’expert du CEMEDEX relève cependant qu’une hystérectomie ne traite pas les foyers d’endométriose diffus de la région abdominale. Il existe ainsi un doute sur les constats effectués en 2018 par l’expert du CEMEDEX, lequel n’a pas affirmé que la recourante ne présentait aucune endométriose mais plutôt que celle-ci, prise en charge correctement, n’était pas incapacitante, ce qui ne relève pas d’un status objectif.

b. Au demeurant, l’expertise gynécologique du CEMEDEX, comme relevé dans l’ordonnance d’expertise – comprenant des incohérences, une motivation lacunaire et contradictoire et des conclusions qui ne sont pas convaincantes, est dépourvue de valeur probante.

15.  a. En second lieu, les critiques émises par le SMR ne sont pas à même de mettre en cause la valeur probante de l’expertise judiciaire.

a/aa. Dans son complément d’expertise, l’expert judiciaire précise que l’affection a commencé à avoir un impact significatif sur la capacité de travail de la recourante depuis 2011, s’agissant d’une maladie évolutive et récidivante, qui s’est progressivement aggravée depuis l’adolescence. Cette précision répond à la critique du SMR concernant la date imprécise de survenance de l’incapacité de travail.

a/bb. L’expert judiciaire indique que les deux interventions de 2006 et 2012 pour traiter l’endométriose n’ont entrainé que des améliorations passagères (de six à douze mois) et que la maladie évolue avec des phases d’amélioration et d’aggravation, de sorte qu’il était possible qu’en 2018 l’expert du CEMEDEX n’ait pas retrouvé d’endométriose, laquelle avait récidivé ; l’échographie pelvienne qu’il avait effectuée par voie vaginale avait été douloureuse. Ces informations complémentaires répondent aux demandes de renseignements du SMR.

a/cc. L’expert judiciaire précise que les seuls symptômes dus à l’endométriose, sans prise en compte de la fibromyalgie et trouble dépressif, sont déjà incapacitants. Cette précision répond également à une interrogation du SMR.

a/dd. Le SMR reproche à l’expertise judiciaire une absence de description des limitations fonctionnelles. Certes, l’expert judiciaire s’est contenté d’indiquer que celles-ci étaient de 50 % dans les activités ménagères et de 80 % dans une activité lucrative adaptée et qu’elles étaient liées à la présence de douleurs pelviennes chroniques. Cependant, il a indiqué que la présence des douleurs entraine une impossibilité de rester en position debout prolongée ; par ailleurs, les symptômes décrits par la recourante ayant été considérés comme objectivés par le syndrome de douleurs pelviennes chroniques, on peut aussi retenir que les mouvements, la marche et la position assise prolongée de plus d’une heure doivent être évitées (expertise judiciaire p. 2 et 3). En outre, la recourante doit pouvoir se coucher fréquemment (expertise judiciaire p. 22 et complément d’expertise), la position couchée étant un facteur d’amélioration de la douleur. Dans ces conditions, les limitations fonctionnelles sont suffisamment décrites et permettent de motiver de façon convaincante l’incapacité de travail retenue (soit pas de position debout prolongée, limitation des mouvements et de la marche, pas de position assise de plus d’une heure, nécessité de pouvoir se mettre fréquemment en position couchée).

a/ee. Le SMR conclut à une capacité de travail de la recourante de 100 %, en se fondant principalement sur la description des activités quotidiennes telles que retranscrites dans l’expertise du CEMEDEX de 2018. Or, contrairement à l’avis du SMR, les activités décrites ne permettent pas de conclure que la recourante disposerait d’une capacité de travail déterminante. Au contraire, celles-ci démontrent que, comme l’expert judiciaire l’a évalué, la recourante est limitée dans ses activités par les douleurs dues à l’endométriose, qui l’obligent en particulier à se coucher fréquemment. Il est en effet mentionné que la recourante, après avoir réveillé son fils, se recouche les matins sauf si elle doit se rendre à des rendez-vous médicaux. C’est son mari qui fait les courses, aide beaucoup pour les tâches ménagères, notamment le repassage, l’aspirateur et la préparation des repas. L’après-midi elle se repose la plupart du temps, au lit, la position couchée étant un facteur d’amélioration ; elle se sent par ailleurs isolée, avec des interactions sociales limitées.

a/ff. Enfin, le traitement par une approche biopsychosociale a été évoqué par l’expert judiciaire, de sorte qu’il incombera à l’intimé d’évaluer si ce traitement est, à l’avenir, exigible de la part de la recourante (cf. art. 21 al. 4 LPGA)

b. Au demeurant, les conclusions de l’expertise judiciaire, probantes, doivent être suivies, soit une capacité de travail de la recourante nulle dans son activité habituelle et de 20 % dans une activité adaptée dès mai 2011.

16.  Compte tenu de la capacité de travail exigible limitée à 20 %, il n’est pas nécessaire d’effectuer un calcul précis du degré d’invalidité de la recourante, celui-ci étant, dans tous les cas, supérieur à un taux de 70 %, de sorte que la recourante a droit, dès le 1er mai 2012, à une rente entière d’invalidité.

17.  L’expertise gynécologique du CEMEDEX n’ayant pas de valeur probante, les frais de l’expertise judiciaire de CHF 2'036.15, rendue nécessaire, seront mis à la charge de l’intimé.

Pour le surplus la procédure est gratuite.

Vu l’issue du litige, une indemnité de CHF 4’000.- sera accordée à la recourante à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]), à charge de l’intimé.

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1 bis LAI).

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision de l’intimé du 22 février 2019.

4.        Dit que la recourante a droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er mai 2012.

5.        Met les frais de l’expertise judiciaire de CHF 2'036.15.-, selon la facture du 26 avril 2021 du Dr X______, à la charge de l’intimé.

6.        Alloue une indemnité de CHF 4'000.- à la recourante, à la charge de l’intimé.

7.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le