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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/932/2021

ATAS/944/2021 du 10.09.2021 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/932/2021 ATAS/944/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 10 septembre 2021

3ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______, à THÔNEX

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE, sise rue de Montbrillant 40, GENÈVE

 

 

intimée

 


 

 

EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré) a sollicité le versement des indemnités de chômage auprès de la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse) à compter du 1er décembre 2020. Durant le délai-cadre de cotisation, soit du 1er décembre 2018 au 30 novembre 2020, l’assuré a travaillé pour la Ville de Genève. Le 13 mai 2020, il a été licencié avec effet au 30 novembre 2020.

b. Saisie d'un recours de l'assuré qui demandait l'annulation de son licenciement et sa réintégration, la Chambre administrative de la Cour de justice (CJCA) l'a rejeté en date du 8 décembre 2020 (ATA/1234/2020). La CJCA, au terme de ses investigations, a considéré comme établi que l'attitude de l'intéressé, en tant que chef de groupe, ne pouvait être qualifiée de digne et exemplaire. C'était à juste titre que la décision de licenciement avait retenu l'existence de manquements répétés de l'intéressé aux devoirs de service. Ceux-ci, vu leur gravité et leur persistance, portaient atteinte à la considération et à la confiance dont la fonction publique devait être l'objet et constituaient donc des motifs fondés de résiliation. Le licenciement était donc justifié et répondait au surplus au principe de proportionnalité. Cet arrêt est entré en force.

B. Par décision du 28 janvier 2021, confirmée sur opposition le 23 février 2021, la caisse a prononcé la suspension du versement de l’indemnité de chômage à l'assuré pour une durée de trente et un jours au motif qu’il était responsable de sa situation de chômage.

C. Par écriture du 12 mars 2021, expédiée le lendemain, l’assuré a interjeté recours contre cette décision. En substance, il allègue que son licenciement était injustifié et que la suspension qui lui est infligée constitue une "double peine".

D. Invitée à se déterminer, l’intimée, dans sa réponse du 8 avril 2021, a conclu au rejet du recours. Elle estime que les manquements graves et répétés retenus par l’employeur pour motiver sa décision de licenciement justifient tant la qualification de la faute que la quotité de la suspension infligée.

E. Une audience de comparution personnelle s’est tenue en date du 29 juillet 2021.

Le recourant a expliqué que s'il n'a pas contesté l'arrêt rendu par la CJCA le 8 décembre 2020, c'est parce qu'il n'avait pas les moyens de saisir le Tribunal fédéral. Il admet n'avoir pas de nouvel élément à faire valoir par rapport à ceux déjà invoqués devant la CJCA concernant son licenciement et répète que la suspension qui lui a été infligée par l'assurance-chômage constitue une "double peine". Selon lui, elle devrait à tout le moins être réduite pour tenir compte du fait que, de décembre à mars, son revenu a été extrêmement réduit et qu'il a dû assumer des frais judiciaires importants.

EN DROIT

 

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        La LPGA est applicable à la présente procédure.

3.        Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 à 60 LPGA).

4.        Le litige porte sur le point de savoir si c’est à bon droit que l’intimée a prononcé une suspension du droit à l’indemnité du recourant pour une durée de trente-et-un jours.

5.        L'art. 30 al. 1 let. a LACI prévoit que le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi que celui-ci est sans travail par sa propre faute.

L'art. 44 al. 1 let. a de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité (OACI - RS 837.02) dispose qu'est notamment réputé sans travail par sa propre faute l’assuré qui, par son comportement, en particulier par la violation de ses obligations contractuelles de travail, a donné à son employeur un motif de résiliation du contrat de travail.

Selon la jurisprudence, il y a faute propre de l'assuré au sens de l'assurance-chômage, si la survenance du chômage est due à son comportement qui, compte tenu des circonstances et rapports personnels, aurait pu être évité. L'assurance ne saurait prendre en charge le chômage dans ce cas-là (ATF non publié C 207/05 du 31 octobre 2006, consid. 4.2). Le chômage n’est fautif que si la résiliation est consécutive à un dol ou à un dol éventuel de la part de l'assuré. Il y a dol lorsque l'assuré adopte intentionnellement un comportement en vue d'être licencié et dol éventuel lorsque l'assuré sait que son comportement peut avoir pour conséquence son licenciement et qu'il accepte de courir ce risque.

La suspension du droit à l'indemnité prononcée en raison du chômage dû à une faute de l'assuré, en application de l'art. 44 al. 1 let. a OACI, ne suppose pas une résiliation des rapports de travail pour de justes motifs au sens des art. 337 et
346 al. 2 du Code des obligations (CO - RS 220). Il suffit que le comportement général de l'assuré ait donné lieu au congédiement de celui-ci, même sans qu'il y ait des reproches d'ordre professionnel à lui faire (arrêt du Tribunal fédéral
8C_497/2011 du 4 avril 2012 consid. 4). Il y a faute propre de l'assuré au sens de l'assurance-chômage, si et dans la mesure où la survenance du chômage n'est pas imputable à des facteurs objectifs, mais qu'elle est due à son comportement qui, compte tenu des circonstances et rapports personnels, aurait pu être évité, ce que l'assurance ne saurait prendre en charge (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 207/05 du 31 octobre 2006 consid. 4.2). Le chômage est imputable à une faute de l’assuré notamment en cas de violation par celui-ci d’obligations découlant du contrat de travail.

6.        En ce qui concerne la preuve, le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ;
ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2). Il n'existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

7.        En l'espèce, se pose en premier lieu la question de savoir si le recourant a donné à son ancien employeur un motif de licenciement et s’il est sans travail par sa propre faute.

Comme le fait remarquer l'intimée, cette question a été investiguée de manière approfondie par la CJCA, à laquelle a été soumise la question du bien-fondé et du caractère proportionné du licenciement prononcé et qui les a tous deux confirmés. L'arrêt de la CJCA étant entré en force, il n'appartient pas à la Cour de céans de se livrer à un nouvel examen des faits ayant conduit au licenciement du recourant, d'autant moins que celui-ci reconnaît n'avoir aucun élément nouveau à faire valoir à cet égard. Il convient donc de considérer que le recourant a donné à son employeur un motif de résiliation de son contrat et qu'il a ainsi commis une faute au sens de l’assurance-chômage, justifiant la suspension de son droit aux indemnités. Le bien-fondé de ladite suspension doit donc être confirmé.

Se pose la question du caractère proportionné de la suspension de trente-et-un jours infligée au recourant.

8.        L’art. 30 al. 3 LACI prévoit notamment que la durée de la suspension est proportionnelle à la gravité de la faute et ne peut excéder, par motif de suspension, 60 jours.

En application de l’art. 45 al. 3 OACI, la suspension dure de 1 à 15 jours en cas de faute légère (let. a), de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne (let. b) et de 31 à 60 jours en cas de faute grave (let. c).

Le motif de suspension visé à l'art. 44 al. 1 let. a OACI, soit le fait de donner à son employeur un motif de résiliation du contrat, entraîne souvent une suspension pour faute grave (Boris RUBIN, Assurance-chômage, Droit fédéral, Survol des mesures cantonales, procédure, 2ème éd., Zurich 2006, p. 461). Cela étant, la loi ne prévoit pas de limites dans les sanctions infligées en cas de chômage causé par l’assuré, et la durée de la suspension doit être fixée en fonction des circonstances et peut relever d’une faute légère, moyenne ou grave (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 43/06 du 19 avril 2006 consid. 1.2 et les références).

Selon le Tribunal fédéral, le but de la suspension du droit à l'indemnité, dans l'assurance-chômage, vise à faire participer l'assuré de façon équitable au dommage qu'il cause à cette assurance sociale, en raison d'une attitude contraire aux obligations qui lui incombent. La durée de la suspension du droit à l'indemnité de chômage est fixée compte tenu non seulement de la gravité de la faute, mais également du principe de proportionnalité (ATF 125 V 197 consid. 6a ; Thomas NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung in Schweizerisches Bundes-verwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 2ème éd. 2007, n. 855 p. 2435).

Selon la jurisprudence, pour fixer la sanction dans un cas concret, il y a lieu de partir de la valeur moyenne de la fourchette correspondant au degré de gravité de la faute, soit 45 jours en cas de faute grave (ATF 123 V 150 consid. 3c).

9.        La quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation. La juridiction cantonale ne doit pas dans ce contexte exercer son pouvoir d'appréciation de manière contraire au droit, soit commettre un excès positif ("Ermessensüberschreitung") ou négatif ("Ermessensunterschreitung") de son pouvoir d'appréciation ou abuser ("Ermessensmissbrauch") de celui-ci (ATF non publié 8C_658/2009 du 19 janvier 2010, consid. 1.2 ; ATF non publié 8C_31/2007 du 25 septembre 2007, consid. 3.1, non publié in ATF 133 V 640 mais dans SVR 2008 ALV n° 12 p. 35).

Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 123 V 150 consid. 2 et les références). Commet un excès positif de son pouvoir d'appréciation, l'autorité qui exerce son appréciation alors que la loi l'exclut, ou qui, au lieu de choisir entre les deux solutions possibles, en adopte une troisième. Il y a également excès du pouvoir d'appréciation dans le cas où l'excès de pouvoir est négatif, soit lorsque l'autorité considère qu'elle est liée, alors que la loi l'autorise à statuer selon son appréciation, ou qu'elle renonce d'emblée en tout ou partie à exercer son pouvoir d'appréciation (ATF 116 V 307 consid. 2 ; ATF non publié 8C_2/2012 du 14 juin 2012, consid. 2.2).

10.    En l’occurrence, l’intimée a qualifié la faute commise par le recourant de grave et fixé la durée de la sanction à 31 jours.

Le recourant fait valoir que cette suspension, dans la mesure où elle vient s'ajouter à son licenciement et aux difficultés financières qui en découlent, constituerait une "double peine".

C'est le lieu de relever qu'il en va de même de tout assuré dont il est reconnu qu'il s'est retrouvé au chômage par sa faute, pour avoir donné des motifs de résiliation à son ancien employeur. En l'occurrence, c'est à juste titre que l'intimée a retenu une faute grave, étant rappelé que le fait de donner à son employeur un motif de résiliation du contrat est en règle générale considéré comme tel et qu'en l'occurrence, l'existence de manquements répétés aux devoirs de service graves et persistants a été établie par la CJCA.

Au vu des circonstances, la Cour de céans considère que l’appréciation de l’intimée quant à la quotité de la sanction n'est pas critiquable, d'autant moins que celle-ci correspond au minimum prévu en cas de faute grave.

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de confirmer tant la qualification de la faute du recourant, que la durée de la suspension de son droit à l’indemnité de chômage. Le recours est rejeté. Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SECHAUD

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le