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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1209/2021

ATAS/870/2021 du 26.08.2021 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1209/2021 ATAS/870/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 26 août 2021

5ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, au GRAND-LANCY

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, Service juridique, sis rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en ______1982, a été licenciée par son employeur, par courrier du 27 février 2020, avec effet au 31 mars 2020.

2.        L’assurée s’est inscrite auprès de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE ou l’intimé) en date du 3 mars 2020 avec demande d’ouverture d’un délai-cadre en sa faveur. Elle a suivi la formation en ligne « Être au chômage » et a été informée de ses obligations en tant que demandeuse d’emploi.

3.        En date du 2 juin 2020, l’assurée a fait l’objet d’une sanction, sous la forme d’une suspension de deux jours du droit à l’indemnité, en raison du fait qu’elle n’avait pas suffisamment effectué de recherches d’emplois pendant son délai de congé. Sur opposition de l’assurée, la sanction a été ramenée à un jour de suspension, par décision du 15 juillet 2020.

4.        Par la suite, l’assurée a remis régulièrement ses formulaires de recherches d’emploi, a répondu aux entretiens téléphoniques, a donné suite aux assignations et a suivi les cours auxquels elle a été inscrite.

5.        Appelée par sa conseillère pour un entretien en date du 4 février 2021, à 8h50, l’assurée n’a pas répondu à l’appel téléphonique.

6.        Par email adressé à sa conseillère en personnel le 4 février 2021 à 12h22, l’assurée lui a écrit « ( ) vous avez essayé de me rejoindre aujourd’hui car mon téléphone il est bloqué pour le moment j’arrive pas à vous appeler ».

7.        En date du 5 février 2021, l’OCE a notifié à l’assurée une décision de suspension du droit à l’indemnité pour une durée de huit jours, à compter du 5 février 2021, en raison du fait qu’elle n’avait pas répondu à l’entretien de conseil téléphonique qui devait se dérouler, le 4 février 2021, à 8h50.

8.        Par courrier du 12 février 2021, l’assurée a demandé à l’OCE de bien vouloir excuser son manquement, expliquant qu’elle n’avait pas pu répondre à l’entretien de conseil téléphonique, car son téléphone portable faisait une mise à jour et ne s’allumait plus. Elle avait tenté d’atteindre sa conseillère dès que la mise à jour s’était terminée, mais cette dernière ne lui avait pas répondu. Elle concluait en demandant à l’OCE de ne pas la pénaliser vu sa situation et le fait qu’elle élevait toute seule ses trois enfants.

9.        Par décision sur opposition du 22 mars 2021, l’OCE a écarté l’opposition de l’assurée et a confirmé la sanction de huit jours de suspension figurant dans la décision du 5 février 2021, pour les mêmes motifs, précisant qu’il s’agissait d’un 2ème manquement et que la décision respectait le principe de proportionnalité.

10.    Par écriture du 6 avril 2021, l’assurée a fait recours contre la décision du 22 mars 2021, déclarant que lorsque sa conseillère avait appelé, il y avait un problème avec son téléphone qui faisait une mise à jour et ne s’allumait plus. Elle avait essayé, après une heure, d’appeler sa conseillère à plusieurs reprises, mais celle-ci ne lui avait pas répondu. Elle considérait la sanction comme excessive pour un problème de téléphone et demandait l’annulation de la sanction.

11.    Par réponse du 4 mai 2021, l’OCE a persisté dans sa décision, considérant que la recourante ne faisait valoir aucun élément nouveau.

12.    Par réplique reçue le 12 mai 2021, la recourante a répété ses arguments et a demandé un entretien avec le juge, car elle élevait seule ses trois enfants.

13.    L’intimée n’a pas répliqué et la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA).

3.        Le litige porte sur le bien-fondé de la suspension du droit du recourant à l'indemnité de chômage, durant 8 jours pour avoir manqué un entretien téléphonique avec sa conseillère.

4.        a. Le droit de l'assuré à l'indemnité est suspendu lorsqu'il est établi que celui-ci n'observe pas les prescriptions de contrôle du chômage ou les instructions de l'autorité compétente (cf. art. 30 al. 1 let. d LACI). Cette disposition s'applique notamment lorsque l'assuré manque un entretien de conseil et de contrôle (voir pour un résumé de la jurisprudence à ce sujet DTA 2000 n° 21 p. 101). Selon l'art. 16 al. 1 let. b OACI, l'office compétent examine s'il y a motif à suspension lorsque l'assuré ne donne pas suite aux injonctions qui lui ont été adressées. S'il y a motif à suspension, il prononce la suspension par voie de décision, conformément à l'art. 16 al. 2 OACI.

b. Selon la jurisprudence, l'assuré qui ne se rend pas à un entretien de conseil doit en principe être sanctionné si l'on peut déduire de son comportement une légèreté, de l'indifférence ou un manque d'intérêt par rapport à ses obligations de chômeur ou de bénéficiaire de prestations. En application du principe de proportionnalité, l'assuré qui a manqué un rendez-vous consécutivement à une erreur ou à une inattention de sa part et qui s'en excuse spontanément ne peut toutefois être suspendu dans l'exercice de son droit à l'indemnité si l'on peut par ailleurs déduire de son comportement général qu'il prend ses obligations très au sérieux (arrêts du Tribunal fédéral 8C_834/2010 du 11 mai 2011 consid. 2.3 ; C 112/04 du 1er octobre 2004, consid. 2 ; C 145/01 du 4 octobre 2001 consid. 2.b ; Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, n. 50 ad art. 30 et références citées). Tel est le cas, notamment, s'il a rempli de façon irréprochable ses obligations à l'égard de l'assurance-chômage durant les douze mois précédant cet oubli. Un éventuel manquement antérieur ne doit plus être pris en considération (arrêts du Tribunal fédéral 8C_777/2017 du 2 août 2018 consid. 3.2 ; 8C_675/2014 du 12 décembre 2014 consid. 3). Il suffit que l’assuré ait déjà commis une faute, de quelque nature qu’elle soit, sanctionnée ou non, pour qu’une sanction se justifie en cas d’absence injustifiée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_777/2017 du 2 août 2018 consid. 3.2).

Même une négligence légère dans l'accomplissement de l'obligation de renseigner peut entraîner une sanction (DTA 2007 p. 210).

5.        À titre d'exemples, le Tribunal fédéral a considéré qu'il ne se justifiait pas de prononcer une suspension à l'égard d'assurés qui ne s'étaient pas présentés à un entretien de conseil, l'un parce qu'il avait confondu la date de son rendez-vous avec une autre date, l'autre parce qu'il était resté endormi, avait immédiatement appelé l'office régional de placement, à son réveil, pour s'excuser de son absence. Dans les deux cas, les assurés avaient toujours fait preuve d'un comportement ponctuel (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 145/01 du 4 octobre 2001).

Le Tribunal fédéral a admis que la suspension du droit à l'indemnité de l'assuré était injustifiée dans un cas où celui-ci avait noté par erreur dans son agenda un rendez-vous à l'ORP le 29 septembre 2006 au lieu du 26 septembre 2006. En effet, l'assuré n'avait aucunement manqué à ses obligations et avait réagi immédiatement après avoir eu connaissance de son erreur (arrêt du Tribunal fédéral 8C_157/2009 du 3 juillet 2009).

6.        a. Selon l'art. 30 al. 3 3ème phrase LACI, la durée de la suspension est proportionnelle à la gravité de la faute de l'assuré et ne peut excéder, par motif de suspension, 60 jours. Selon l'art. 45 al. 2 OACI, la durée de la suspension est de un à quinze jours en cas de faute légère, de seize à trente jours en cas de faute de gravité moyenne et de trente et un à soixante jours en cas de faute grave.

La durée de la suspension du droit à l'indemnité de chômage est fixée compte tenu non seulement de la faute mais également du principe de proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 254/06 du 26 novembre 2007 consid. 5.3).

b. En tant qu'autorité de surveillance, le SECO a adopté un barème indicatif à l'intention des organes d'exécution. Un tel barème constitue un instrument précieux pour ces organes d'exécution lors de la fixation de la sanction et contribue à une application plus égalitaire dans les différents cantons. Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d'apprécier le comportement de l'assuré compte tenu de toutes les circonstances - tant objectives que subjectives - du cas concret, notamment des circonstances personnelles, en particulier celles qui ont trait au comportement de l'intéressé au regard de ses devoirs généraux d'assuré qui fait valoir son droit à des prestations (arrêt du Tribunal fédéral 8C_601/2012 du 26 février 2013 consid. 4.1). Elles ne lient ni les administrés, ni le juge, ni même l'administration qui pourront, le cas échéant, aller en dessous du minimum prévu par le barème indicatif (arrêt du Tribunal fédéral 8C_708/2019 consid. 4.1).

c. La quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 8C_194/2013 du 26 septembre 2013 consid. 5.2). Le juge ne s'écarte de l'appréciation de l'administration que s'il existe de solides raisons. Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 123 V 150 consid. 2).

7.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

8.        À titre préalable, il convient de rappeler que le juge ne peut pas accorder un entretien à la recourante. Une comparution personnelle aux fins d’exposer sa situation n’est pas non plus nécessaire, dans la mesure où il sera tenu compte de la situation personnelle de la recourante, comme exposé ci-après, dans le cadre de l’examen de la proportionnalité de la sanction.

En l'espèce, la recourante a allégué avoir été dans l’impossibilité de répondre à l’appel téléphonique de sa conseillère, au motif que son téléphone portable faisait une mise à jour et ne s’allumait plus au moment de l’appel.

Informée à l’avance du jour et de l’heure de l’entretien téléphonique, la recourante devait s’assurer que son téléphone portable était en mesure de recevoir des appels. Elle n’a fourni aucun élément permettant de démontrer qu’elle ne pouvait pas répondre au téléphone en raison d’une mise à jour, ni que cette dernière s’effectuait automatiquement, sans que la recourante ne puisse l’empêcher ou la reporter à plus tard.

Le principe du manquement non excusé à l’entretien téléphonique doit, dès lors, être admis.

9.        Reste à examiner la proportionnalité de la sanction appliquée par l’OCE.

Selon le barème du SECO précité, la sanction prévue dans le cas d'espèce, soit ne pas se présenter à un entretien de conseil pour la première fois, correspond à une faute légère et à une suspension du droit à l'indemnité du recourant, située entre 5 et 8 jours (Bulletin op. cit. D 79/3A).

Le chiffre D63 du barème prévoit que si l’assuré est suspendu de façon répétée dans son droit à l’indemnité, la durée de la suspension est prolongée en conséquence.

La recourante a réagi rapidement après l’appel manqué, en tentant de rappeler la conseillère une fois que son téléphone a été à nouveau disponible et a envoyé un email, moins de 4 heures après le rendez-vous manqué, expliquant le problème et le fait qu’elle avait essayé, à plusieurs reprises, de joindre sa conseillère, sans succès.

De surcroit, en dehors du manquement ayant donné lieu à une suspension d’un jour, en raison du nombre insuffisant de recherches d’emploi pendant son délai de congé, les pièces au dossier montrent que la recourante a rempli avec diligence ses obligations de demandeuse d’emploi, en renvoyant dans les délais ses formulaires de recherches d’emplois, en répondant aux entretiens téléphoniques, en donnant suite aux assignations et en suivant les cours auxquels elle a été inscrite.

Enfin, il sied de constater que la recourante est dans une situation familiale difficile si ce n’est précaire, comme cela ressort de ses explications mais également des PV d’entretien avec sa conseillère en placement, notamment :

-          entretien du 12 février 2021 : « demandeuse d’emploi va mal, elle aimerait sortir du chômage, c’est pas évident financièrement » ;

-          entretien du 19 mars 2021 : « demandeuse d’emploi va mal et difficultés familiales, demandeuse d’emploi pleure » ;

-          entretien du 26 avril 2021 : « demandeuse d’emploi a quelques problèmes de santé, rien de trop grave mais cela a une influence. Privé : situation compliquée ».

S’agissant du deuxième manquement de la recourante, l’OCE s’est fondé sur le chiffre maximal prévu par le ch. D79/3A, soit un total de 8 jours.

Considérant que la première sanction était de 1 jour de suspension, on doit se demander si l’intimé a fait un usage correct de son pouvoir d'appréciation en prononçant une sanction de 8 jours de suspension du droit à l’indemnité, alors que le minimum est de 5 jours. La prolongation de la durée de la sanction correspond ainsi à 3 jours de sanction supplémentaires, ce qui est excessif au regard de la quotité de la première sanction qui était de 1 jour.

De surcroît, l’intimé ne semble pas avoir pris en compte le comportement de la recourante, ni sa situation personnelle difficile, pourtant attestée par les PV d’entretien avec sa conseillère en placement.

Selon la jurisprudence, l'assuré qui ne se rend pas à un entretien de conseil doit en principe être sanctionné si l'on peut déduire de son comportement une légèreté, de l'indifférence ou un manque d'intérêt par rapport à ses obligations de chômeur ou de bénéficiaire de prestations.

Dans le cas d’espèce, le dossier ne permet pas de déduire que la recourante a montré une légèreté, une indifférence ou un manque d’intérêt pas rapport à ses obligations.

On doit toutefois tenir compte du fait que la recourante a fait l’objet d’une première sanction, certes légère, moins de douze mois avant ce second manquement.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, la chambre de céans considère que le comportement de la recourante n’est pas exempt de reproches, notamment au regard du fait qu’il s’agit d’un deuxième manquement en moins de douze mois, mais que, d’une manière générale, elle a respecté ses obligations et n’a montré ni indifférence, ni manque d’intérêt pas rapport à ces dernières. Ce à quoi il faut ajouter une situation familiale visiblement difficile.

Pour l’ensemble de ces raisons, la chambre de céans considère qu’il y a lieu de réduire la sanction prononcée au minimum prévu par le barème du SECO D79/3A, soit cinq jours de suspension en lieu et place de huit jours.

10.    La décision querellée sera ainsi réformée.

11.    Pour le surplus, la procédure est gratuite.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement au sens des considérants.

3.        Réforme la décision du 22 mars 2021, en ce sens que la suspension du droit à l'indemnité de chômage est réduite à cinq jours.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le