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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/255/2021

ATAS/775/2021 du 21.07.2021 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/255/2021 ATAS/775/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 21 juillet 2021

4ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______, à VERSOIX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Michael RUDERMANN

 

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE, sise rue de Montbrillant 40, GENÈVE

 

 

intimée

 

EN FAIT

A.      a. Monsieur A______ (ci-après l’assuré ou le recourant) s'est inscrit à l’office cantonal de l’emploi (ci-après l’OCE) le 10 mars 2020 pour un placement dès le 13 suivant et a demandé les indemnités à la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après la caisse ou l’intimée) le 16 mars 2020. Son dernier employeur était B______ Group Services Company pour lequel il a travaillé du 17 février au 12 mars 2020. Précédemment, il avait travaillé pour C______, employé par D______ Sàrl (ci-après la société) du 16 juillet 2018 au 31 août 2019. Selon le registre du commerce, l’assuré a été associé-gérant de cette société avec signature collective à deux jusqu’au 28 avril 2020 et depuis lors, il en est associé sans signature.

b. Par décision du 23 septembre 2020, la caisse a informé l’assuré qu’un droit à l’indemnité de chômage ne pouvait pas lui être reconnu, car il ne pouvait justifier d’une activité soumise à cotisations suffisante par le biais du versement effectif de ses salaires. De plus, il restait inscrit au registre du commerce en tant qu’associé, sans signature et la société déployait encore ses activités.

B. a. L’assuré a formé opposition à la décision précitée concluant à son annulation et faisant valoir qu’il avait démissionné avec effet au 28 avril 2020, qu’il ne détenait qu’un quart des parts sociales de la société et qu’il n’était dès lors plus dans une situation professionnelle comparable à celle d’un employeur.

b. Par décision sur opposition du 10 décembre 2020, la caisse a constaté que suite à sa démission, l’assuré conservait le rôle d’associé, ce qui lui procurait un pouvoir décisionnel de par la loi excluant le droit aux indemnités de chômage.

C. a. L’assuré a formé recours contre la décision sur opposition précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, faisant valoir que dès le 28 avril 2020, il n’avait plus disposé d’un pouvoir déterminant dès sa démission, mais de la simple qualité d’associé minoritaire. Il avait créé la société avec un ancien collègue de travail et l’épouse de celui-ci. Ces derniers détenaient les trois quarts du capital social de la société. Il était dès lors exclu, à compter du 28 avril 2020, que ses parts sociales très minoritaires dans la société permettent de considérer qu’il occupait une position assimilable à celle d’un employeur ou qu’il disposait d’un pouvoir décisionnel dans la société. De plus, il entretenait une relation conflictuelle avec son ancien employeur. Il avait bien exercé une activité soumise à cotisations en tant que chef de cuisine pour la société quand bien même il n’avait pas été rémunéré. Il avait ainsi exercé une activité soumise à cotisations pendant plus de douze mois durant le délai cadre du 28 avril 2018 au 27 avril 2020 et avait droit aux indemnités de chômage à compter du 28 avril 2020.

b. Le 18 mars 2021, l’intimée a considéré que le recourant n’apportait aucun élément nouveau lui permettant de revoir sa position.

c. Le 23 mars 2021, le recourant a fait valoir que l’intimée faisait une confusion entre une Sàrl avec et sans associés-gérants. Dès le 28 avril 2020, il n’avait plus aucun pouvoir d’engager la société en tant qu’associé très minoritaire sans pouvoir de signature. Le bulletin LACI IC B17 se référait expressément au pouvoir de gestion, respectivement d’administration, du membre de l’organe dirigeant l’entreprise. La jurisprudence citée dans le Bulletin LACI n’avait pas la conséquence prétendue par l’intimée. Les arrêts du Tribunal fédéral 8C_776/2011 et 8C_729/2014 ne disaient pas que tout comme les membres du conseil d’administration, les associés et les associés-gérants d’une Sàrl disposaient, de par la loi, d’une influence prépondérante. Le recourant sollicitait cas échéant son audition pour éclaircir la situation de fait relative à la position qu’il occupait dans la société.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le présent recours est recevable (art. 56 à 60 LPGA).

3.        Le litige porte sur le droit du recourant à l’indemnité de chômage dès le 13 mars 2020.

4.        Selon l'art. 31 al. 3 let. c LACI, n'ont pas droit à l'indemnité de chômage les personnes qui fixent les décisions que prend l'employeur - ou peuvent les influencer considérablement - en qualité d'associé, de membre d'un organe dirigeant de l'entreprise ou encore de détenteur d'une participation financière à l'entreprise; il en va de même des conjoints de ces personnes, qui sont occupés dans l'entreprise.

L’art. 31 al. 3 let. c LACI vise à éviter les abus sous forme d’établissement par l’assuré lui-même des attestations nécessaires pour l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail, d’attestations de complaisance, d’influence sur la décision de réduire l’horaire de travail alors qu’il est impossible de contrôler la perte de travail (ATF 122 V 270 consid. 3).

D'après la jurisprudence, un travailleur qui jouit d'une situation professionnelle comparable à celle d'un employeur n'a pas droit à l'indemnité de chômage lorsque, bien que licencié formellement par une entreprise, il continue de fixer les décisions de l'employeur ou à influencer celles-ci de manière déterminante. Dans le cas contraire, en effet, on détournerait par le biais d'une disposition sur l'indemnité de chômage la réglementation en matière d'indemnités en cas de réduction de l'horaire de travail, en particulier l'art. 31 al. 3 let. c LACI. La situation est en revanche différente quand le salarié, se trouvant dans une position assimilable à celle de l'employeur, quitte définitivement l'entreprise en raison de la fermeture de celle-ci. Il en va de même lorsque l'entreprise continue d'exister mais que le salarié, par suite de la résiliation de son contrat, rompt définitivement tout lien avec la société. Dans un cas comme dans l'autre, l'intéressé peut en principe prétendre des indemnités de chômage (ATF 123 V 234 consid. 7b/bb p. 238; voir aussi DTA 2004 p. 259, C 65/04, consid. 2; SVR 2001 ALV no 14 p. 41 s., C 279/00, consid. 2a et DTA 2000 no 14 p. 70, C 208/99, consid. 2).

Lorsqu'il s'agit de déterminer quelle est la possibilité effective d'un dirigeant d'influencer le processus de décision de l'entreprise, il convient de prendre en compte les rapports internes existant dans l'entreprise. On établira l'étendue du pouvoir de décision en fonction des circonstances concrètes (DTA 1996/1997 n. 41 p. 227 s. consid. 1b et 2; SVR 1997 ALV no 101 p. 311 consid. 5c). La seule exception à ce principe concerne les membres des conseils d'administration, car ils disposent ex lege (art. 716 à 716b CO) d'un pouvoir déterminant au sens de l'art. 31 al. 3 let. c LACI (DTA 1996/1997 no 41 p. 226 consid. 1b et les références). Pour les membres du conseil d'administration, le droit aux prestations peut dès lors être exclu sans qu'il soit nécessaire de déterminer plus concrètement les responsabilités qu'ils exercent au sein de la société (ATF 122 V 270 consid. 3 p. 273; DTA 2004 no 21 p. 196 consid. 3.2, C 113/03). Il en va de même, des associés, respectivement des associés-gérants lorsqu'il en a été désigné d’une Sàrl, lesquels occupent collectivement une position comparable à celle du conseil d'administration d'une société anonyme (arrêts du Tribunal fédéral 8C_140/2010 du 12 octobre 2010, consid. 4.2 et arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 37/02 du 22 novembre 2002, consid. 4).

Dans l’arrêt C 37/02 du 22 novembre 2002 précité, le Tribunal fédéral des assurances a considéré que conformément à l'art. 811 al. 1 CO, s'il n'en était pas disposé autrement, les associés dans une Sàrl avaient non seulement le droit mais l'obligation de participer à la gestion de la société. En édictant cette disposition, le législateur était parti du principe que les personnes qui détiennent la société devaient également en assumer la direction. À ce titre, les associés, respectivement les associés-gérants lorsqu'il en avait été désigné, occupaient collectivement une position comparable à celle du conseil d'administration d'une société anonyme. Dans le cas d’espèce, en sa qualité d'associée-gérante, la recourante disposait ainsi ex lege du pouvoir de fixer les décisions que cette société était amenée à prendre comme employeur ou, à tout le moins, de les influencer considérablement au sens de l'art. 31 al. 3 let. c LACI. Rien n'avait changé au moment où elle était devenue simple associée, car il n'était pas établi que ses pouvoirs de représentation ou de gestion auraient été modifiés à cette occasion. Vis-à-vis des tiers et de l'assurance-chômage, la recourante apparaissait ainsi toujours comme une dirigeante de la Sàrl, habilitée à la représenter et elle avait toujours le pouvoir de signature individuelle. Cette circonstance permettait, à elle seule, d'exclure le droit aux indemnités de chômage pour la recourante, à moins qu'elle n'ait définitivement quitté l'entreprise en raison de la fermeture de celle-ci et rompu tout lien avec la Sàrl.

Dans l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_776/2011 du 14 novembre 2012, le recourant reprochait à la juridiction cantonale une appréciation arbitraire des preuves, en tant qu'elle s’était contentée de retenir qu'il disposait ex lege d'un pouvoir déterminant au sens de l'art. 31 al. 3 let. c LACI, du fait qu'il était toujours inscrit au registre du commerce en qualité d'associé de la Sàrl et faisait valoir qu’elle aurait dû tenir compte des circonstances concrètes, à savoir le fait qu'il ne participait plus aux assemblées générales et ne s'occupait plus des affaires de la société, ce qui aurait permis d'inférer qu'il ne disposait plus d'influence sur le processus de décision. Au surplus, sa part sociale était faible valeur et ne lui permettait que d'avoir une garantie quant à la perception du loyer mensuel des locaux dont il était le propriétaire. Le Tribunal fédéral a considéré que le recours ne contenait pas de démonstration du caractère arbitraire de l'état de fait du jugement attaqué et que le recourant n'avait pas exposé en quoi l'appréciation des preuves par les premiers juges était manifestement insoutenable. Au demeurant, on ne voyait guère que les allégations de l’intéressé soient de nature à remettre en cause le jugement attaqué. Tant que sa qualité d'associé n'avait pas pris fin, le droit de l'intéressé aux prestations pouvait être exclu sans qu'il soit nécessaire de déterminer plus concrètement les liens qu'il maintenait avec la société.

Dans son arrêt 8C_729/2014 du 18 novembre 2014, le Tribunal fédéral a retenu – s’agissant de savoir si un associé d'une Sàrl détenant une participation de 50% avait une position similaire à celle d'un employeur de par la loi même après la fin des rapports de travail – qu’une influence réelle ou intentionnelle sur le destin de l'entreprise n'était pas pertinente, car l’ATF 123 V 234 ne voulait pas seulement contrer l'abus avéré en soi, mais aussi prévenir le risque abstrait d'abus de droit, inhérent au versement d'indemnités journalières de chômage à des personnes assimilables à des employeurs. Il n’y avait pas lieu d'examiner quels étaient les pouvoirs de décision dont disposait l’associé concrètement, car dans le cas des Sàrl notamment, la possibilité d'influence décisive et donc la fonction d'employeur de chaque associé était donnée par la loi. Dans ces cas, la clarification des pouvoirs de décision concrets pouvait donc être omise sur la base de la structure opérationnelle interne. Dans le cas d’espèce, même après la fin du contrat de travail, l’intéressé avait continué à être inscrit au registre du commerce en tant qu'associé avec un pouvoir de signature unique. La question de savoir s'il s'agissait d'une simple autorisation « pro forma » n’avait pas à être examinée plus avant, car cet aspect était sans influence sur le droit aux allocations de chômage.

Selon la let. B17 du Bulletin LACI IC, les membres du conseil d'administration d'une société anonyme (art. 716 ss. CO) et les associés d’une société à responsabilité limitée (art. 804 ss. CO) disposent, de par la loi, d'une influence prépondérante. La caisse leur niera le droit à l'indemnité sans autre forme de vérification.

Selon Boris RUBIN, les associés d’une Sàrl qui n’occupent pas la fonction de gérant ne sont pas d’emblée exclus du droit et un examen de leur pouvoir effectif d’influencer les décisions de l’entreprise est nécessaire (Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, n. 25 ss ad art. 10). Il se réfère à ce sujet à un arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 267/05 du 19 décembre 2006 consid. 4. Cet arrêt reprend la jurisprudence précitée (arrêt C 37/02) au considérant 4.1 et retient que même si d'un point de vue formel, l’assuré ne faisait pas partie de l'organe de gestion de la Sàrl, dès lors que cette fonction avait expressément été attribuée à son frère (art. 811 al. 2 CO), il était, en tant que simple associé, vraisemblablement en mesure d'influencer le processus de décision au sein de la Sàrl. D'une part, les rapports internes étaient manifestement étroits, la société n'étant composée que de deux associés, soit le recourant et son propre frère et, d'autre part, l'intéressé assumait la fonction de directeur et de gérant du seul établissement public exploité par l'entreprise et s'occupait des tâches administratives relatives notamment à la gestion du personnel comme le démontrait l'attestation de l'employeur qu'il avait remplie, signée et remise à la caisse de chômage en y indiquant son numéro de téléphone portable. Il jouissait ainsi d'une position comparable à celle d'un employeur. Cela étant, le droit à l'indemnité de chômage ne pouvait en principe pas être nié lorsque le salarié, qui était placé dans une position assimilable à celle de l'employeur, quittait définitivement l'entreprise en raison de la fermeture de celle-ci ou rompait définitivement tout lien avec une entreprise qui continuait d'exister car en pareille circonstance, on ne pouvait parler d'un comportement visant à éluder la loi. Dans le cas d’une société radiée d'office du registre du commerce, il n'existait plus de risque d'abus, si bien que le droit à l'indemnité de chômage ne pouvait plus être nié à un assuré pour le motif qu'il avait joui d'une position analogue à celle d'un employeur (arrêt C 267/04 du 3 avril 2006).

5.        En l’espèce, le recourant a fait valoir en substance qu’en tant que simple associé, sa situation concrète devait être examinée pour déterminer s’il occupait réellement dans la société une position assimilable à celle de l'employeur, ce qu’il contestait.

L’intimé a estimé pour sa part que l’inscription formelle d’associé de la Sàrl suffisait à considérer que le recourant avait une telle position.

Force est de constater que les arrêts rendus par le Tribunal fédéral en la matière indiquent tous que les associés, gérants ou non, d’une Sàrl ont ex lege une position assimilable à un employeur. Dans certains arrêts, le Tribunal fédéral a néanmoins examiné la situation concrète des associés non gérants, ce qui peut laisser penser qu’il considérait que ceux-ci n’étaient en fait pas d’emblée exclus du droit, comme le soutient Boris RUBIN (arrêts C 267/05 et C 37/02 précités). Cela étant, aucun arrêt ne le dit expressément et des arrêts plus récents indiquent, dans le sens contraire, qu’il n’y a pas lieu d’examiner les circonstances concrètes (arrêts 8C_776/2011; 8C_729/2014 précités). Dans ces circonstances, il faut s’en tenir à la jurisprudence constante du Tribunal fédéral et considérer que la fonction d’associé d’une Sàrl exclut d’emblée le droit aux prestations du chômage, sans examen de la situation concrète de l’associé.

Il résulte de ce qui précède que le recourant n’avait pas droit aux prestations de l’assurance-chômage, dès lors qu’il était resté associé de la société, et que la décision querellée était justifiée.

6.        Infondé, le recours sera rejeté.

7.        La procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA dans sa version applicable jusqu’au 31 décembre 2020).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le