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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/480/2021

ATAS/764/2021 du 13.07.2021 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/480/2021 ATAS/764/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 13 juillet 2021

15ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, p.a. B______, ______, ______, à JUSSY

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L’EMPLOI, sis rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

A. a. L’entreprise individuelle B______, ______ exploite un café-restaurant à Jussy, dans le canton de Genève. Sa titulaire est Madame A______ (ci-après : l’employeuse ou la recourante).

b. Le 24 mars 2020, l’employeuse a fait parvenir à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) un premier formulaire de préavis de réduction de l’horaire de travail (ci-après : RHT), daté du 19 mars 2020, annonçant une perte de travail du 16 mars au 19 avril 2020. Par décision du 15 avril 2020, l’OCE a indiqué qu’il ne s’opposait pas au préavis et que l’indemnité pouvait être accordée du 17 mars 2020 au 21 juin 2020.

c. Par courrier daté du 4 novembre 2020, mais expédié le 5 novembre 2020 (date du timbre postal), l’employeuse a fait parvenir à l’OCE un nouveau formulaire de préavis de RHT dans lequel elle annonçait une perte de travail de 100 % pour toute l’entreprise, soit quatre employés, du 2 au 29 novembre 2020.

B. a. Par décision du 19 novembre 2020, l’OCE a accepté la demande d’indemnité en cas de RHT, mais uniquement pour la période courant du 8 novembre 2020 au 7 février 2021, au motif que le délai de préavis était exceptionnellement de trois jours lorsque l’employeur prouvait que la RHT devait être instaurée en raison de circonstances subites et imprévisibles, ce qui était le cas en l’espèce.

b. Par courrier du 26 novembre 2020, l’assurée a formé opposition contre la décision précitée, en arguant du fait que la date à partir de laquelle l’indemnité lui était accordée, soit celle du 8 novembre 2020, avait pour conséquence de la soumettre à un délai d’attente de cinq jours. Son courrier daté du 4 novembre 2020 avait certes été expédié le 5 novembre 2020, mais elle avait parallèlement envoyé à l’OCE un courriel le 4 novembre 2020. Or, selon un courriel qu’elle avait reçu de Gastrosuisse le 2 novembre 2020, aucun délai de préavis n’était requis pour les demandes déposées jusqu’au 4 novembre 2020 inclus. À l’appui de son opposition, l’assurée a produit une copie du courriel qu’elle avait envoyé à l’OCE le 4 novembre 2020, à l’adresse « info@oce.etat.ge.ch », auquel elle avait joint une copie du formulaire de RHT et un organigramme de l’entreprise.

c. Par décision sur opposition du 14 janvier 2021, l’OCE a confirmé sa décision du 19 novembre 2020. L’employeuse n’avait pas démontré avoir envoyé son préavis à l’administration au plus tard le 4 novembre 2020, de manière à ne pas subir un délai de préavis. L’adresse électronique valable pour les RHT était en effet « rht@etat.ge.ch » et non « info@oce-etat.ge.ch ». Un message envoyé à l’adresse « info@oce-etat.ge.ch » générait un message d’erreur, de sorte que l’employeuse aurait dû savoir que sa demande n’était pas parvenue à l’autorité et réitérer sa demande. C’était à bon droit que l’OCE n’avait accordé l’indemnité en cas de RHT qu’à partir du 8 novembre 2020, soit trois jours après le dépôt, le 5 novembre 2020, du formulaire de préavis de RHT.

C. a. Le 10 février 2021, l’assurée a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la CJCAS) d’un recours contre la décision sur opposition précitée. Elle n’avait eu qu’un délai extrêmement court pour déposer sa demande, puisque l’OCE l’avait avisée de l’obligation de fermer l’établissement par courriel le 2 novembre 2020 (à 15h06). Comme elle n’avait pas de secrétaire et était occupée à faire du rangement (trier, laver, mettre sous vide et mettre à l’abri de la poussière la nourriture, la vaisselle et le matériel de cuisine), elle n’avait vu le courriel de l’OCE que le lendemain. Ne sachant pas ce qu’était un « organigramme », elle avait demandé à la société des cafetiers de la renseigner, puis avait dû réaliser l’organigramme requis. Elle avait finalement envoyé son courriel le 4 novembre 2020, mais à une adresse incorrecte, et, occupée à finaliser son envoi postal, elle n’avait pas vu que le courriel lui avait été retourné. C’était de bonne foi qu’elle pensait avoir envoyé son courriel le 4 novembre 2020, mais en-dehors des heures de bureau. S’agissant de son courrier postal, il n’était parti que le 5 novembre 2020 au matin, dans la mesure où elle l’avait déposé dans une boîte aux lettres après la fermeture de la Poste. Le délai de deux jours dont elle avait disposé pour déposer son préavis de RHT – alors qu’elle paraît au plus pressé pour fermer son restaurant et ne maîtrisait pas bien l’informatique – était extrêmement court et elle demandait de la compréhension.

b. Dans sa réponse du 26 février 2021, l’intimé a conclu au rejet du recours, persistant dans les termes de sa décision sur opposition.

c. Le 22 avril 2021, l’OCE a transmis à la CJCAS, pour objet de sa compétence, copie d’une « demande de modification de l’autorisation de réduction de l’horaire de travail » qui lui avait été adressée par l’employeuse. Cette dernière y sollicitait l’octroi de l’indemnité en cas de RHT rétroactivement dès le « 2 novembre 2020 au soir ».

EN DROIT

1.        Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

3.        Le litige porte sur la date à partir de laquelle la recourante a droit à une indemnité en cas de RHT, date que l’intimé a fixée en l’espèce au 8 novembre 2020.

4.        Pour lutter contre l’épidémie de coronavirus (ci-après : COVID-19) qui a atteint la Suisse début 2020, le Conseil fédéral a pris une série de mesures urgentes. En ce qui concerne la période ici litigieuse, on rappellera qu’à compter du 29 octobre 2020, le Conseil fédéral a notamment prévu que, les clients des établissements de restauration, des bars et des boîtes de nuit étaient tenus de s’asseoir et que la taille des groupes ne pouvait excéder quatre clients par table (art. 5a de l’ordonnance du 19 juin 2020 sur les mesures destinées à lutter contre l’épidémie de COVID-19 en situation particulière - ordonnance COVID-19 situation particulière - RS 818.101.26, dans son état le 19 octobre 2020). Le Conseil fédéral a réservé la possibilité pour les cantons de prévoir temporairement des mesures plus strictes (art. 8 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière).

C’est ainsi qu’en application de l’ordonnance précitée, le Conseil d’État genevois a adopté un arrêté le 1er novembre 2020. Par cet arrêté, entré en vigueur le 2 novembre 2020 (à 19h00), le Conseil d’État a ordonné la fermeture, notamment, des installations et établissements offrant des consommations, notamment des bars, des cafés-restaurants, cafeterias, buvettes et établissements assimilés ouverts au public, à l’exception des cantines d’entreprise, d’établissements de formation ouverts et de structures d’accueil, moyennant un plan de protection (art. 11 let. d de l’arrêté du 1er novembre 2020).

5.        a. Selon l’art. 36 al. 1 LACI, lorsqu’un employeur a l’intention de requérir une indemnité en faveur de ses travailleurs, il est tenu d’en aviser l’autorité cantonale par écrit dix jours au moins avant le début de la réduction de l’horaire de travail. Le Conseil fédéral peut prévoir des délais plus courts dans des cas exceptionnels. Le préavis est renouvelé lorsque la réduction de l’horaire de travail dure plus de trois mois.

b. Selon l’art. 58 al. 1 de l’ordonnance sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 31 août 1983 (ordonnance sur l’assurance-chômage, OACI - RS 837.02), le délai de préavis en cas de réduction de l’horaire de travail est exceptionnellement de trois jours lorsque l’employeur prouve que la réduction de l’horaire de travail doit être instaurée en raison de circonstances subites et imprévisibles. Par ailleurs, selon l’art. 58 al. 4 OACI, lorsque l’employeur n’a pas remis le préavis de réduction de son horaire de travail dans le délai imparti sans excuse valable, la perte de travail n’est prise en considération qu’à partir du moment où le délai imparti pour le préavis s’est écoulé.

Il en résulte que le respect des délais de préavis est une condition formelle du droit. Il s’agit d’un délai de déchéance (ATF 110 V 335 ; RUBIN, op. cit., n° 11 ad art. 36 ; Bulletin LACI RHT G7 ad art. 36). Le délai de préavis ne peut être ni prolongé ni suspendu mais il peut être restitué en présence d’une raison valable (RUBIN, op. cit., n° 11 ad art. 36 ; Bulletin LACI RHT G7 ad art. 36). L’inobservation du délai n’entraîne toutefois pas la péremption générale du droit mais uniquement son extinction pour la période donnée, le début du droit étant reporté de la durée du retard (ATF 110 V 335 ; voir également arrêt du Tribunal fédéral des assurances C_20/98 du 15 septembre 2000 consid. 1c ; RUBIN, op. cit., n° 11 ad art. 36 ; Bulletin LACI RHT G7 ad art. 36). Dans l’hypothèse d’un préavis tardif, il appartient à l’autorité cantonale de s’opposer partiellement au versement de l’indemnité (RUBIN, op. cit., n° 11 ad art. 36 ; Bulletin LACI RHT G7 ad art. 36).

c. Le 19 mars 2021, l’Assemblée fédérale a adopté l’art. 17b de la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de COVID-19 (loi COVID-19 - RS 818.102). D’après son alinéa 1er, en dérogation à l’art. 36 al. 1 LACI, aucun délai de préavis ne doit être observé pour la RHT. Le préavis doit être renouvelé lorsque la RHT dure plus de six mois. À partir du 1er juillet 2021, une RHT pour une durée de plus de trois mois ne peut être autorisée que jusqu’au 31 décembre 2021 au plus tard. Toute modification rétroactive d’un préavis existant doit faire l’objet d’une demande auprès de l’autorité cantonale jusqu’au 30 avril 2021 au plus tard.

L’alinéa 2 stipule que pour les entreprises concernées par une réduction de l’horaire de travail en raison des mesures ordonnées par les autorités depuis le 18 décembre 2020, le début de la réduction de l’horaire de travail est autorisé, à leur demande, avec effet rétroactif à la date de l’entrée en vigueur de la mesure correspondante, en dérogation à l’art. 36 al. 1 LACI. La demande doit être déposée le 30 avril 2021 au plus tard auprès de l’autorité cantonale.

L’alinéa 3 précise qu’en dérogation à l’art. 38 al. 1 LACI, l’entreprise doit faire valoir le nouveau droit aux indemnités découlant des al. 1 et 2 le 30 avril 2021 au plus tard, auprès de la caisse de chômage compétente.

D’après le ch. III al. 7 de la modification du 19 mars 2021 à la loi COVID-19 (RO 2021 153), l’art. 17b al. 1 entre en vigueur rétroactivement le 1er septembre 2020 et a effet jusqu’au 31 décembre 2021.

Il ressort du message du Conseil fédéral relatif à une modification de la loi COVID-19 du 17 février 2021 que l’art. 17b crée une disposition directement applicable qui, après son entrée en vigueur, n’a pas besoin d’être mise en œuvre dans l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage. L’al. 1 1ère phrase supprime totalement le délai de préavis pour toutes les entreprises. Le début de la réduction de l’horaire de travail pourra être autorisé à partir de la date du préavis pour autant que toutes les autres conditions dont dépend le droit à l’indemnité soient remplies. Par ailleurs, selon l’art. 36 al. 1 LACI, le préavis doit être renouvelé et la réduction de l’horaire de travail autorisée de nouveau si celle-ci dure plus de trois mois. L’alinéa 1, 2ème phr. de l’art. 17b de la loi COVID-19 prévoit que l’autorisation de réduction de l’horaire de travail émise par l’autorité cantonale sera désormais valable pendant six mois. Autrement dit, l’entreprise ne devra renouveler le préavis que si la réduction de l’horaire de travail dure plus de six mois. Cette réglementation allègera la charge administrative des entreprises et des organes d’exécution (FF 2021 285, p. 29s.).

6.        a. Selon l’art. 29 al. 3 LPGA, si une demande ne respecte pas les exigences de forme ou si elle est remise à un organe incompétent, la date à laquelle elle a été remise à la Poste ou déposée auprès de cet organe est déterminante quant à l’observation des délais et aux effets juridiques de la demande. L’art. 30 LPGA précise que tous les organes de mise en œuvre des assurances sociales ont l’obligation d’accepter les demandes, requêtes ou autres documents qui leur parviennent par erreur. Ils en enregistrent la date de réception et les transmettent à l’organe compétent. Par ailleurs, en vertu de l’art. 39 al. 2 LPGA, lorsqu’une partie s’adresse en temps utile à un assureur incompétent, le délai est réputé observé. Cette disposition rappelle une règle générale en matière de procédure administrative, voulant que le délai soit également considéré comme respecté lorsque l’assuré s’adresse à temps à une autorité incompétente. Il la limite toutefois, dans ce sens que seul le fait de s’adresser à un assureur social incompétent permet de considérer le délai comme respecté, et non pas le fait de s’adresser à n’importe quelle autorité. Il faut cependant interpréter la notion d’ « assureur social » dans un sens large et entendre par ces termes toutes les entités organisationnelles qui participent à l’administration d’une ou de plusieurs branches d’assurances sociales. Il peut ainsi s’agir, par exemple, d’une caisse de compensation, d’un office d’assurance-invalidité, d’une caisse de chômage ou d’un assureur-maladie (DUPONT / MOSER-SZELESS, Commentaire romand de la Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, p. 511, n° 12).

b. Aux termes de l’art. 39 al. 1 LPGA, applicable à la procédure en matière d’assurance-chômage par renvoi de l’art. 1 al. 1 LACI, les écrits doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai à l’assureur ou, à son adresse, à La Poste suisse ou une représentation diplomatique ou consulaire suisse.

À l’instar d’autres dispositions de droit fédéral relatives à l’observation des délais ayant une teneur équivalente (cf. art. 21 al. 1 PA [RS 172.021] ; art. 48 al. 1 LTF ; art. 143 al. 1 CPC [RS 272] ; art. 91 al. 2 CPP [RS 312.0]), l’art. 39 al. 1 LPGA pose le principe de l’expédition pour les envois d’une partie à l’autorité administrative ou judiciaire. Ainsi, lorsque l’envoi se fait par voie postale, ce qui en pratique est la règle, le critère déterminant pour l’observation du délai n’est pas le fait que l’écrit soit arrivé le dernier jour du délai auprès de l’autorité (principe de réception) mais qu’il ait été remis à la Poste suisse le dernier jour du délai (cf. arrêt 5A_536/2018 du 21 septembre 2018 consid. 3.2, in Pra 2019 n° 4 p. 36). Dans ce dernier cas, c’est le sceau postal qui permettra de prouver le dépôt de l’envoi avant l’échéance du délai. Dans l’hypothèse où l’assuré dépose son envoi dans une boîte aux lettres publique après l’heure de la dernière levée, l’envoi portera le cachet postal du lendemain, ce qui ne lui permettra pas d’apporter la preuve du respect du délai. Dans ce cas, l’assuré est autorisé à apporter la preuve du respect du délai au moyen de témoignages (ATF 124 V 372 consid. 3b p. 375 ; cf. aussi Anne-Sylvie DUPONT, in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, nos 8 s. ad art. 39 LPGA).

En cas de transmission d’un écrit par la voie électronique, les lois fédérales (cf. art. 21a al. 3 PA, 48 al. 2 LTF, 143 al. 2 CPC, 91 al. 3 CPP) prévoient que le délai est réputé observé lorsque le système informatique de l’autorité destinataire en a confirmé la réception par voie électronique au plus tard le dernier jour du délai (cf. notamment la teneur de l’art. 21a al. 3 PA, aux termes duquel le moment déterminant pour l’observation d’un délai est celui où est établi l’accusé de réception qui confirme que la partie ou son mandataire ont accompli toutes les étapes nécessaires à la transmission). Contrairement aux autres cas, ne sont donc pas déterminantes la date et l’heure de l’envoi, mais la date et l’heure de confirmation de la réception de l’envoi par le système informatique de l’autorité (voir ATF 139 IV 257 consid. 3.1 p. 259 et les références citées). Cette condition s’impose pour des raisons de preuve intrinsèques à une expédition par voie électronique. Il ne suffit donc pas que la partie ou son mandataire constate sur le fichier des envois de sa messagerie que l’acte a été expédié (Jean-Maurice FRÉSARD, in Commentaire de la LTF, 2ème éd. 2014, n° 8 ad art. 48 LTF). La confirmation de la réception par le système informatique de l’autorité se fait en général immédiatement. Elle sert de preuve à l’expéditeur s’agissant de la date d’arrivée de l’acte sur la plateforme informatique du destinataire. Si la partie ne reçoit pas confirmation de la réception, elle doit mettre son pli à la Poste encore dans le délai. Cela signifie que la partie qui utilise la voie électronique ne pourra guère prendre le risque d’envoyer l’écrit à minuit, voire quelques minutes avant, n’ayant pas la garantie que le système informatique répondra dans la minute ou la seconde qui suit. Même si l’ordinateur est programmé pour donner immédiatement confirmation de la réception, il n’est jamais à l’abri d’une panne informatique, technique ou électrique (voir ATF 139 IV 257 consid. 3.1 p. 259 s. et les références citées).

Dans l’ATF 145 V 90, le Tribunal fédéral a jugé que l’envoi d’une liste de recherches d’emploi à l’autorité par courrier électronique était admissible. Toutefois, compte tenu des difficultés liées à la preuve de l’arrivée d’un message électronique dans la sphère de contrôle du destinataire, l’expéditeur d’un courriel était invité à requérir du destinataire une confirmation de réception de son envoi (y compris des pièces annexées au courriel), et de réagir en l’absence de cette dernière en déposant son pli auprès de la Poste ou en réessayant de l’envoyer par voie électronique (cf. arrêt 2C_699/2012 du 22 octobre 2012 consid. 4.2, in Plädoyer 2013 1 p. 61 ; arrêt 8C_339/2016 du 29 juin 2016 consid. 4.4). Il appartenait en effet à l’expéditeur de prendre certaines précautions sans quoi il devait assumer le risque, conformément aux règles sur la répartition du fardeau de la preuve, que la liste de ses preuves de recherches d’emploi ne parvienne ou pas dans le délai légal auprès de l’autorité compétente (ATF 145 V 90 consid. 6.2.2).

7.        a. En l’espèce, l’intimé a fondé sa décision du 14 janvier 2021 sur les dispositions en vigueur au moment où elle a statué, soit les art. 36 al. 1 LACI et art 58 OACI. Ces dispositions prévoient en effet que le délai de préavis en cas de RHT est exceptionnellement de trois jours lorsque l’employeur prouve que la réduction de l’horaire de travail doit être instaurée en raison de circonstances subites et imprévisibles.

Toutefois, l’entrée en vigueur, en date du 1er avril 2021, de l’art. 17b de la loi COVID-19 a introduit un système dérogatoire à l’art. 36 al. 1 LACI, supprimant l’exigence du délai de préavis, avec effet rétroactif au 1er septembre 2020, pour autant qu’une demande soit déposée par l’employeur auprès de l’autorité cantonale jusqu’au 30 avril 2021 au plus tard. C’est précisément ce que la recourante a fait en transmettant, le 19 avril 2021, le formulaire « demande de modification de réduction de l’horaire de travail », dans lequel elle a sollicité le « recul » de la date de début de validité de l’autorisation de RHT.

Compte tenu de la suppression du délai de préavis rétroactivement au 1er septembre 2020, c’est dès la date du dépôt du préavis que l’indemnité en cas de RHT doit être accordée (cf. ATAS/531/2021 du 27 mai 2021 consid. 17a ; ATAS/521/2021 du 25 mai 2021 consid. 4). Il convient donc de déterminer quand le préavis a été déposé dans le cas d’espèce.

b. L’intimé soutient que le préavis de RHT a été déposé le 5 novembre 2020, c’est-à-dire dès la date à laquelle il a été expédié par courrier (date du timbre postal). De son côté, la recourante rappelle avoir adressé, le 4 novembre 2020, un courriel à l’adresse « info@oce.etat.ge.ch », à l’appui duquel elle a transmis une copie du formulaire de RHT ainsi qu’un organigramme de l’entreprise.

Contrairement à ce que la recourante semble faire valoir, on ne saurait admettre que le préavis a été valablement déposé par courriel le 4 novembre 2020. En effet, l’intimé a retenu dans sa décision sur opposition que ce courriel ne lui était pas parvenu et que l’adresse électronique utilisée par la recourante avait généré un message d’erreur. La recourante ne remet pas en question ce constat, puisqu’elle précise dans son recours ne pas avoir vu – alors qu’elle était occupée à finaliser son envoi postal – que le courriel lui avait été retourné. En outre, on relèvera que l’employeuse n’a annexé à son recours aucune confirmation de réception de son courriel. Le courriel du 4 novembre 2020 ne figure pas non plus dans le dossier de l’intimé, où l’on ne trouve a fortiori pas davantage de confirmation de réception de l’envoi. La recourante échoue ainsi à démontrer que son courrier électronique a été réceptionné par le système informatique de l’intimé ou par celui d’une autre autorité (auquel cas l’autorité incompétente aurait dû transmettre le courriel à l’intimé, conformément à l’art. 30 LPGA), de sorte qu’elle supporte les conséquences d’une absence de preuve en ce qui concerne le préavis qu’elle a adressé par courriel (ATF 145 V 90 consid. 6.3 ; pour un autre cas concernant un préavis de RHT adressé par courriel, cf. également l’arrêt du Tribunal cantonal neuchâtelois CDP.2020.255 du 6 janvier 2021 consid. 4, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_123/2021 du 7 avril 2021 consid. 4).

c. En conclusion, il convient de retenir que le préavis de RHT a été déposé le 5 novembre 2020, date à laquelle il a été expédié par courrier, conformément au timbre postal apposé sur l’enveloppe figurant dans le dossier. Compte tenu de la suppression du délai de préavis, conformément à l’art. 17b de la loi COVID-19, l’indemnité en cas de RHT est due depuis cette date (et non depuis le 8 novembre 2020, comme l’a retenu l’intimé).

8.        Partant, le recours doit être partiellement admis et la décision sur opposition réformée, en ce sens que le droit à l’indemnité en cas de RHT est reconnu depuis le 5 novembre 2020.

La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA et 89H al. 1 LPA).

******

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement et réforme la décision sur opposition du 14 janvier 2021, en ce sens que le droit à l’indemnité en cas de RHT est reconnu dès le 5 novembre 2020.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d’État à l’économie par le greffe le