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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/992/2021

ATAS/747/2021 du 08.07.2021 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/992/2021 ATAS/747/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 8 juillet 2021

5ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Daniela LINHARES

 

 

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, Service juridique, sis rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en 1979 au Portugal, établi en Suisse depuis 1994, s’est inscrit auprès de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE ou l’intimé) le 4 octobre 2019. Un délai-cadre d’indemnisation a été ouvert en sa faveur dès cette date.

2.        L’OCE a rendu plusieurs décisions de sanction, non contestées, suspendant le droit à l’indemnité de l’assuré durant :

-          5 jours en raison de recherches personnelles d’emploi remises hors délai pour la période de contrôle du mois de décembre 2019 (décision du 21 janvier 2020) ;

-          6 jours en raison de recherches personnelles d’emploi insuffisantes quantitativement pour la période unique de contrôle Covid-19 des mois de mars à août 2020, aucune recherche n’ayant été effectuée durant les mois de juin, juillet et août 2020 (décision du 23 septembre 2020) ;

-          11 jours en raison de son absence injustifiée à l’entretien de conseil téléphonique du 21 septembre 2020 à 9h30 (décision du 29 septembre 2020) ;

-          15 jours en raison de son absence injustifiée à l’entretien de conseil téléphonique du 29 septembre 2020 à 10h30 (décision du 7 octobre 2020) ;

-          25 jours en raison de son absence injustifiée à l’entretien de conseil téléphonique du 9 octobre 2020 à 14h00 ; à cette occasion, son attention a été expressément attirée sur le fait que tout nouveau manquement entrainerait l’examen de son aptitude au placement (décision du 19 octobre 2020) ;

-          20 jours en raison de l’absence de toute recherche personnelle d’emploi pendant le mois de septembre 2020 ; cette décision rappelle qu’en cas de nouveau manquement, l’aptitude au placement sera examinée selon l’art. 15 LACI (décision du 1er décembre 2020).

3.        Le 23 novembre 2020 à 9h00, l’assuré a une nouvelle fois failli à son entretien de conseil téléphonique. À cette date, il n’avait en outre toujours pas remis ses recherches d’emploi pour le mois d’octobre 2020.

4.        Par décision du 2 décembre 2020, l’OCE a déclaré l’assuré inapte au placement dès le 1er octobre 2020. Il a constaté que l’intéressé avait commis deux nouveaux manquements. D’une part, il n’avait pas remis le formulaire de ses recherches personnelles d’emploi pour la période de contrôle du mois d’octobre 2020 dans le délai imparti au 5 novembre 2020. D’autre part, il n’avait pas répondu à l’appel téléphonique de l’ORP du 23 novembre 2020 à 9h00, et ce sans motif valable. Il ne s’était donc, à nouveau, pas conformé aux instructions de l’office régional de placement, en dépit des différentes suspensions dont il avait fait l’objet et l’avertissement figurant dans la décision du 19 octobre 2020.

5.        Cette décision, envoyée par courrier recommandé non réclamé, a été adressée à l’assuré, par pli simple, le 16 décembre 2020.

6.        Le 9 décembre 2020, l’assuré a envoyé ses recherches personnelles d’emploi pour les périodes de contrôle des mois d’octobre et de novembre 2020.

7.        Le 6 janvier 2021, l’assuré a formé opposition à l’encontre de la décision du
2 décembre 2020. Il a allégué avoir eu des difficultés à assumer son rôle de chômeur et ajouté que les démarches n’étaient pas toujours très compréhensibles. En outre, il avait dû partir au Portugal pour un décès dans sa famille, et avait dû y rester en raison de la quarantaine. Il avait, par ailleurs, traversé une petite période dépressive. Faute d’assurance-maladie à jour, il n’avait pas pu consulter de médecin en Suisse et était donc resté dans son pays afin de s’y reposer et de se soigner.

8.        Par décision sur opposition du 8 février 2021, envoyée par pli recommandé, l’OCE a confirmé sa décision du 2 décembre 2020. Il a rappelé que l’intéressé avait failli à plusieurs reprises à ses obligations depuis son inscription le 4 octobre 2019, qu’il avait fait l’objet de diverses sanctions totalisant 82 jours de suspension, qu’il avait persisté dans son attitude malgré les sanctions et l’avertissement, en rendant ses recherches personnelles d’emploi du mois d’octobre 2020 hors délai et en ne répondant pas à l’appel téléphonique du 23 novembre 2020. La situation personnelle n’était pas à prendre en considération et il incombait à l’assuré de se faire aider par son entourage s’il avait des difficultés d’organisation ou de compréhension quant aux tâches qu’il devait accomplir en tant que demandeur d’emploi. L’intéressé n’avait pas démontré qu’il avait l’intention de changer de comportement et de respecter ses obligations.

9.        Par acte du 17 mars 2021, l’assuré, représenté par une avocate, a interjeté recours contre cette décision. Il a conclu, sous suite de frais et dépens, préalablement, à ce qu’une comparution personnelle soit ordonnée, principalement, à l’annulation de la décision et au renvoi de la cause à l’intimé pour nouvelle instruction, notamment chez le médecin-conseil. Subsidiairement, il a conclu à ce qu’il soit déclaré apte au placement et à ce que l’intimé soit condamné à lui verser des indemnités de chômage dès le 1er janvier 2021. En substance, le recourant a contesté avoir été absent de manière injustifiée à plusieurs entretiens téléphoniques avec son conseiller en personnel. Il avait effectivement rendu ses recherches d’emploi tardivement, mais ce retard était dû à son état dépressif pour lequel il était en traitement chez un psychiatre depuis plusieurs mois. L’intimé aurait dû vérifier sa capacité de travail avant de prononcer son inaptitude au placement, en le convoquant pour une visite chez le médecin-conseil.

10.    Dans sa réponse du 19 avril 2021, l’intimé a conclu au rejet du recours. Il a relevé que le recourant n’avait jamais déclaré s’être absenté de Genève ou être en incapacité de travail dans ses formulaires IPA (pour « Indications de la personne assurée ») entre les mois d’août 2020 et mars 2021. Il n’y avait donc aucune raison que le service juridique examine son aptitude au placement d’un autre point de vue que celui des manquements réitérés. Au surplus, les éléments nouveaux allégués n’auraient fait que renforcer son inaptitude, dès lors qu’il ne remplissait plus la condition du domicile à Genève et éventuellement celle de la capacité de travail. Il était évident que l’état de santé du recourant ne l’empêchait nullement d’informer l’intimé de sa situation, dès lors qu’il avait toujours été apte à transmettre ses formulaires IPA afin de réclamer ses indemnités de chômage. Partant, l’argument du recourant tombait à faux et ne saurait être suivi, ce d’autant plus qu’il n’était appuyé par aucune pièce. Concernant les entretiens téléphoniques, il se contentait de prétendre y avoir participé, sans transmettre de preuve en ce sens.

L’intimé a joint le dossier du recourant, dont :

-          les formulaires IPA réceptionnés par la caisse cantonale genevoise de compensation pour les mois d’août 2020 à mars 2021 ; il en ressort que l’intéressé avait indiqué qu’il n’avait pas été en incapacité de travail durant les mois en question, qu’il n’avait pas pris de vacances et qu’il n’avait pas été absent pour d’autres raisons ;

-          les procès-verbaux d’entretien de conseil, consignant notamment que l’intéressé n’était pas joignable le 23 novembre 2020.

11.    Sur demande de la chambre de céans, l’intimé a versé au dossier l'extrait du suivi des envois de la Poste suisse.

12.    Par écriture du 17 mai 2021, le recourant a persisté dans les termes de son recours.

13.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        a. Aux termes de l'art. 60 LPGA, le recours doit être déposé dans les trente jours suivant la notification de la décision sujette à recours (al. 1). Les art. 38 à 41 sont applicables par analogie (al. 2). Selon l'art. 38 al. 1 LPGA, si le délai, compté par jours ou par mois, doit être communiqué aux parties, il commence à courir le lendemain de la communication.

Lorsque la notification intervient par pli recommandé, elle est réputée parfaite lorsque l'intéressé ou toute personne qui le représente ou dont on peut légitimement penser qu'elle le représente a reçu le pli ou l'a retiré au guichet postal en cas d'absence lors du passage du facteur (ATF 110 V 36 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral C 24/05 du 11 avril 2005 consid. 4.1). Un envoi recommandé qui n'a pas pu être distribué est réputé notifié, avec les conséquences procédurales que cela implique, le dernier jour du délai de garde de sept jours suivant la remise de l'avis d'arrivée dans la boîte aux lettres ou la case postale de son destinataire
(ATF 137 III 208 consid. 3.1.2 ; ATF 134 V 49 consid. 4 ; ATF 130 III 396
consid. 1.2.3).

b. En l'occurrence, selon l'extrait du suivi des envois de la Poste suisse versé au dossier, la décision litigieuse, envoyée le 8 février 2021 par pli recommandé, a fait l'objet d'une invitation à retirer l'envoi le lendemain. Elle n’a pas été distribuée avant le 16 février 2021, date de l’échéance du délai de garde de sept jours. Le délai de recours a donc commencé à courir le 17 février 2021 et est arrivé à échéance le
18 mars 2021.

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours du 17 mars 2021 est recevable.

3.        Le litige porte sur le bien-fondé de la décision litigieuse par laquelle l’intimé a prononcé l’inaptitude au placement du recourant à compter du 1er octobre 2020.

4.        a. En vertu de l’art. 8 al. 1 LACI, l’assuré a droit à l’indemnité de chômage s’il est sans emploi ou partiellement sans emploi (let. a), s’il a subi une perte de travail à prendre en considération (let. b), s’il est domicilié en Suisse (let. c), s’il a achevé sa scolarité obligatoire, qu’il n’a pas encore atteint l’âge donnant droit à une rente AVS et ne touche pas de rente de vieillesse de l’AVS (let. d), s’il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré (let. e), s’il est apte au placement (let. f) et s’il satisfait aux exigences du contrôle (let. g).

Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 218 consid. 2). Elles sont précisées par plusieurs dispositions de la LACI et de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (OACI -
RS 837.02), ainsi que - dans les limites d'admissibilité de telles directives administratives (ATF 144 V 202 ; ATF 144 V 195 ; ATAS/509/2021 du
18 novembre 2014 consid. 4 et les références citées) - par les instructions édictées par le Secrétariat d'État à l'économie (ci-après : SECO) en sa qualité d'autorité de surveillance de l'assurance-chômage chargée d'assurer une application uniforme du droit (art. 110 LACI), notamment par le biais du Bulletin relatif à l'indemnité de chômage (Bulletin LACI IC).

b. L’art. 15 LACI dispose qu’est réputé apte à être placé le chômeur qui est disposé à accepter un travail convenable et à participer à des mesures d’intégration et qui est en mesure et en droit de le faire (al. 1). S’il existe des doutes sérieux quant à la capacité de travail d’un chômeur, l’autorité cantonale peut ordonner qu’il soit examiné par un médecin-conseil, aux frais de l’assurance (al. 3).

L’aptitude au placement comprend deux éléments : la capacité de travail d’une part, c’est-à-dire la faculté de fournir un travail – plus précisément d’exercer une activité lucrative salariée – sans que l’assuré en soit empêché pour des causes inhérentes à sa personne, et d’autre part la disposition à accepter un travail convenable au sens de l’art. 16 LACI, ce qui implique non seulement la volonté de prendre un tel travail s’il se présente, mais aussi une disponibilité suffisante quant au temps que l’assuré peut consacrer à un emploi et quant au nombre des employeurs potentiels (ATF 125 V 51 consid. 6a). L’aptitude au placement peut dès lors être niée notamment en raison de recherches d’emploi continuellement insuffisantes, en cas de refus réitéré d’accepter un travail convenable, ou encore lorsque l’assuré limite ses démarches à un domaine d’activité dans lequel il n’a, concrètement, qu’une très faible chance de trouver un emploi (ATF 120 V 392 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_330/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

Par mesures d'intégration, on entend toutes les mesures ordonnées par l'ORP, c'est-à-dire aussi bien les assignations à participer à des mesures de marché du travail que les rendez-vous pour les entretiens de conseil à l'ORP (Boris RUBIN, Assurance-chômage, Droit fédéral, Survol des mesures cantonales, procédure,
2ème éd., Zurich 2006, n. 3.9.6 p. 209). L'assuré doit en outre se conformer aux prescriptions de contrôle.

c. En vertu de l'art. 17 LACI, l'assuré qui fait valoir des prestations d'assurance doit, avec l'assistance de l'office du travail compétent, entreprendre tout ce qu'on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage ou l'abréger. Il lui incombe, en particulier, de chercher du travail, au besoin en dehors de la profession qu'il exerçait précédemment. Il doit pouvoir apporter la preuve des efforts qu'il a fournis (al. 1). En vue de son placement, l'assuré est tenu de se présenter à sa commune de domicile ou à l'autorité compétente aussitôt que possible, mais au plus tard le premier jour pour lequel il prétend à l'indemnité de chômage ; il doit ensuite se conformer aux prescriptions de contrôle édictées par le Conseil fédéral (al. 2). L’assuré est tenu d’accepter tout travail convenable qui lui est proposé. Il a notamment l’obligation, lorsque l’autorité compétente le lui enjoint, de participer aux entretiens de conseil, aux réunions d’information et aux consultations spécialisées visées à l’al. 5 (al. 3 let. b).

Selon l'art. 22 al. 2 OACI, l'office compétent mène un entretien de conseil et de contrôle avec chaque assuré à intervalles pertinents mais au moins tous les deux mois. Lors de cet entretien, il contrôle l'aptitude et la disponibilité au placement de l'assuré.

Le Bulletin LACI précise que les prescriptions de contrôle englobent, entre autres, les entretiens de conseil et de contrôle auprès de l’ORP (Bulletin LACI IC,
B328). Les entretiens de conseil et de contrôle sont menés par l'ORP en charge du dossier de l'assuré (Bulletin LACI IC, B330). L'ORP a un entretien de conseil et de contrôle à intervalles raisonnables, mais au moins tous les 2 mois avec chaque assuré. Ces entretiens permettent en premier lieu de contrôler si l'assuré est apte et disposé à être placé, de vérifier ses recherches d'emploi ainsi que de lui assigner un travail convenable ou une mesure relative au marché du travail (Bulletin LACI IC, B341).

5.        a. Conformément à l’art. 30 al. 1 LACI, le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi que celui-ci ne fait pas tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail convenable (let. c), n’observe pas les prescriptions de contrôle du chômage ou les instructions de l’autorité compétente, notamment refuse un travail convenable, ne se présente pas à une mesure de marché du travail ou l’interrompt sans motif valable, ou encore compromet ou empêche, par son comportement, le déroulement de la mesure ou la réalisation de son but (let. d), a donné des indications fausses ou incomplètes ou a enfreint, de quelque autre manière, l’obligation de fournir des renseignements spontanément ou sur demande et d’aviser (let. e). L’art. 30 al. 2 LACI prévoit que l’autorité cantonale prononce les suspensions au sens de l’al. 1 let. c, d et g, de même qu’au sens de l’al. 1 let. e, lorsqu’il s’agit d’une violation de l’obligation de fournir des renseignements à ladite autorité ou à l’office du travail, ou de les aviser. Dans les autres cas, les caisses statuent. Selon l’art 30 al. 3, 3ème phrase LACI, la durée de la suspension est proportionnelle à la gravité de la faute et ne peut excéder, par motif de suspension, 60 jours, et dans le cas de l'al. 1 let. g, 25 jours.

En vertu de l’art. 45 OACI, le délai de suspension dans l’exercice du droit à l’indemnité prend effet à partir du premier jour qui suit l’acte ou la négligence qui fait l’objet de la décision (al. 1 let. b) La suspension dure de, 1 à 15 jours en cas de faute légère (al. 3 let. a), de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne (al. 3 let. b), et de 31 à 60 jours en cas de faute grave (al. 3 let. c). Si l'assuré est suspendu de façon répétée dans son droit à l'indemnité, la durée de suspension est prolongée en conséquence. Les suspensions subies pendant les deux dernières années sont prises en compte dans le calcul de la prolongation (al. 5).

b. Le droit à l’indemnité de chômage a pour corollaire un certain nombre de devoirs qui découlent de l’obligation générale des assurés de réduire le dommage
(ATF 123 V 88 et les références citées). En font notamment partie les prescriptions de contrôle et les instructions de l’office du travail prévues à l’art. 17 LACI. Lorsqu’un assuré ne les respecte pas, il adopte un comportement qui, de manière générale, est de nature à prolonger la durée de son chômage. Afin justement de prévenir ce risque, l’art. 30 al. 1 let. d LACI sanctionne en particulier l’assuré qui n’observe pas les prescriptions de contrôle ou les instructions de l’office du travail par la suspension de son droit à l’indemnité de chômage. Jurisprudence et doctrine s’accordent à dire qu’une telle mesure constitue une manière appropriée et adéquate de faire participer l’assuré au dommage qu’il cause à l’assurance-chômage en raison d’une attitude contraire à ses obligations (ATF 125 V 197 consid. 6a ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 208/06 du 3 août 2007 consid. 3).

Si le chômeur se soustrait à ses devoirs d'assuré, il ne sera en principe pas d'emblée privé de prestations. Il sera tout d'abord sanctionné (art. 30 al. 1 let. c ou d LACI) puis, en cas de réitération, déclaré inapte au placement (art. 8 al. 1 let. f et
15 LACI). En vertu du principe de la proportionnalité, l'aptitude au placement ne peut être niée qu'en présence de manquements répétés et au terme d'un processus de sanctions de plus en plus longues, et pour autant que les fautes aient été commises en quelques semaines, voire en quelques mois. Il faut qu'un ou plusieurs manquements au moins correspondent à des fautes moyennes ou graves. Il n'est pas possible de constater l'inaptitude au placement seulement si quelques fautes légères ont été commises. L'assuré doit pouvoir se rendre compte, au vu de la gradation des sanctions endurées, que son comportement compromet de plus en plus son droit à l'indemnité. En cas de cumul de manquements sanctionnés, l'inaptitude prend effet le premier jour qui suit le manquement qui entraîne la constatation de l'inaptitude au placement (arrêt du Tribunal fédéral 8C_65/2020 du 24 juin 2020 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_816/2018 du 5 décembre 2019 consid. 6.1 et les références).

6.        a. En tant qu'autorité de surveillance, le SECO a adopté un barème (indicatif) à l'intention des organes d'exécution. Un tel barème constitue un instrument précieux pour ces organes d'exécution lors de la fixation de la sanction et contribue à une application plus égalitaire dans les différents cantons. Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d'apprécier le comportement de l'assuré compte tenu de toutes les circonstances - tant objectives que subjectives - du cas concret, notamment des circonstances personnelles, en particulier celles qui ont trait au comportement de l'intéressé au regard de ses devoirs généraux d'assuré qui fait valoir son droit à des prestations (8C_708/2019 du 10 janvier 2020 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_601/2012 du 26 février 2013 consid. 4.1 et les références).

b. L’échelle du SECO prévoit notamment que, lorsque l'assuré ne se présente pas à un entretien de conseil ou de contrôle sans motif valable, la faute est légère et la sanction se situe entre 5 et 8 jours s'il s'agit du premier manquement, entre 9 et
15 jours s’il s’agit du deuxième manquement. À partir du troisième manquement, le dossier est renvoyé à l’autorité cantonale pour décision (Bulletin LACI IC, D79
ch. 3.A).

Lorsque l’assuré remet ses recherches d’emploi trop tard, la faute est qualifiée de légère et la sanction se situe entre 5 et 9 jours de suspension lorsqu’il s’agit de la première fois, la faute est légère à moyenne et la sanction se situe entre 10 et
19 jours lorsqu’il s’agit de la deuxième fois. Dès la troisième fois, le dossier est renvoyé à l’autorité cantonale pour décision (Bulletin LACI IC, D79 ch. 1.E).

En cas d’absence de recherches d’emploi pendant la période de contrôle, pour la première fois, la faute est légère et la sanction comprise entre 5 et 9 jours de suspension. La deuxième fois, la faute est légère à moyenne et la suspension entre 10 et 19 jours. À partir de la troisième fois, le dossier est renvoyé à l’autorité cantonale pour décision (Bulletin LACI IC, D79 ch. 1.D),

c. Selon la jurisprudence, l'assuré qui a oublié de se rendre à un entretien et qui s'en excuse spontanément, ne peut être suspendu dans l'exercice de son droit à l'indemnité s'il prend par ailleurs ses obligations de chômeur et de bénéficiaire de prestations très au sérieux. Tel est le cas, notamment, s'il a rempli de façon irréprochable ses obligations à l'égard de l'assurance-chômage durant les douze mois précédant cet oubli (arrêt du Tribunal fédéral 8C_447/2008 du
16 octobre 2008 consid. 5.1, in DTA 2009 p. 271 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_675/2014 du 12 décembre 2014 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_834/2010 du 11 mai 2011 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_469/2010 du 9 février 2011 consid. 2.2). Il suffit que l'assuré ait déjà commis une faute, de quelque nature qu'elle soit, sanctionnée ou non, pour qu'une sanction se justifie en cas d'absence injustifiée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_777/2017 du 2 août 2018 consid. 3.2 ; DTA 2013 p. 185).

Le Tribunal fédéral a considéré inapte au placement un assuré qui avait fait l'objet de quatre suspensions du droit à l'indemnité de chômage entre les mois de février et septembre 2017, la première fois en raison de recherches insuffisantes et les fois suivantes pour non-participation sans excuse valable à des entretiens de conseil. S'il s'agissait certes de fautes légères dans les trois premiers cas, la quatrième suspension avait quant à elle été prononcée en raison d'une faute de gravité moyenne (art. 45 al. 3 let. a et b OACI). En outre, il y avait eu une gradation dans la durée des suspensions, puisque les quatre suspensions avaient duré respectivement 5, 11, 15 et 25 jours. L'assuré avait finalement été déclaré inapte au placement dès le 29 septembre 2017, soit le premier jour suivant l'interruption, par sa faute, du stage de requalification. Mis à part le premier manquement de l'assuré, les quatre suivants concernaient des mesures d'intégration (entretiens à l'ORP et mesure de marché du travail). Or, l'obligation de participer aux mesures d'intégration avait été renforcée lors de la 3ème révision de la LACI. Alors qu'avant celle-ci, le refus systématique ou du moins répété des mesures d'intégration conduisait à une privation des prestations, ce principe avait été transféré à l'art. 15 LACI (arrêt du Tribunal fédéral 8C_816/2018 précité consid. 6.2).

7.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré
(ATF 126 V 322 consid. 5a).

Dans le domaine des assurances sociales, la procédure est régie par la maxime inquisitoire selon laquelle les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire (art. 61 let. c LPGA). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 I 183 consid. 3.2). Le devoir du juge de constater les faits pertinents ne dispense donc pas les parties de collaborer à l'administration des preuves en donnant des indications sur les faits de la cause ou en désignant des moyens de preuve (ATF 130 I 184 consid. 3.2 ; ATF 128 III 411 consid. 3.2).

Autrement dit, si la maxime inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, elle ne les libère pas du fardeau de la preuve. En cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences (ATF 117 V 264 consid. 3), sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à son adverse partie (ATF 124 V 375 consid. 3).

8.        a. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le recourant a fait l’objet de plusieurs décisions de sanction. Ainsi, il s’est vu infliger 5 jours de suspension pour remise tardive de ses recherches d’emploi de décembre 2019, puis 6 jours de suspension en raison de recherches d’emploi insuffisantes pour la période unique de contrôle des mois de mars à août 2020, avec l’absence de toute recherche durant les mois de juin, juillet et août 2020. Il a ensuite manqué sans justification trois entretiens de conseils téléphoniques, les 21 et 29 septembre, et 9 octobre 2020. Ces nouveaux manquements ont donné lieu, respectivement, à 11, 15 et 25 jours de suspension. Dans sa décision du 19 octobre 2020 relative à la suspension de
25 jours, l’intimé a expressément mis en garde le recourant sur le fait que tout nouveau manquement entraînerait l’examen de son aptitude au placement. Enfin, le 1er décembre 2020, une suspension de 20 jours a été prononcée en raison de l’absence de toute recherche d’emploi pour le mois de septembre 2020. À nouveau, l’attention de l’intéressé a été attirée sur l’examen de son aptitude au placement en cas de nouveau manquement.

Le recourant a donc reçu six décisions de suspension du droit à l’indemnité de chômage entre les mois de janvier et décembre 2020. La durée des sanctions a augmenté à chaque nouveau manquement, pour atteindre un total de 82 jours de suspension. En outre, les deux dernières décisions précisent clairement qu’en cas de nouvelle carence, l’aptitude au placement sera examinée.

C’est le lieu de relever que les allégations du recourant, lequel conteste avoir été absent de manière injustifiée à des entretiens téléphoniques, ne sont étayées par aucune pièce et que chacun des manquements précités a donné lieu à une décision formelle, entrée en force en l’absence de toute opposition.

b. La décision litigieuse du 8 février 2021, par laquelle le recourant a été déclaré inapte au placement, est motivée par deux nouveaux manquements, soit la remise avec plus d’un mois de retard des recherches d’emploi pour le mois d’octobre 2020 et l’absence injustifiée à un entretien téléphonique planifié le 23 novembre 2020.

Les explications livrées par l’intéressé pour tenter d’excuser ses carences ne lui sont d’aucun secours. Il a en effet exposé qu’il s’était rendu au Portugal suite à un décès dans sa famille, et qu’il avait dû y rester en raison de la quarantaine liée au Covid-19. Il a également soutenu avoir traversé une période dépressive et s’être reposé et soigné au Portugal, faute d’assurance-maladie à jour. Le recourant aurait toutefois dû informer l’intimé de son absence de Genève, ce qu’il n’a pas fait avant son courrier d’opposition du 6 janvier 2021. Au contraire, il a faussement indiqué dans les questionnaires IPA qu’il ne s’était pas absenté et qu’il n’avait pas pris de vacances. De plus, on ne voit pas en quoi l’obligation de se soumettre à une quarantaine lors de son entrée en Suisse l’aurait empêché de quitter le Portugal et de respecter ses obligations vis-à-vis de l’intimé. Il en va de même de l’état dépressif, étant souligné que le recourant a été en mesure de restituer les formulaires IPA afin de recevoir ses indemnités. On perçoit donc mal la raison pour laquelle le recourant n’aurait pas pu restituer ses recherches d’emploi dans les délais ou répondre aux entretiens de conseil. Quant au prétendu défaut de couverture d’assurance-maladie obligatoire, il ne justifie aucunement l’attitude du recourant.

Enfin, il sera relevé à l’attention du recourant que l’intimé n’avait aucune raison de douter de sa capacité de travail, et donc de le faire convoquer chez son médecin-conseil. En effet, l’intéressé n’a jamais fait état d’une quelconque atteinte à la santé avant son opposition du 6 janvier 2021 et n’a produit aucun document médical attestant d’une affection ayant des effets sur sa capacité de travail. Il sera en outre rappelé qu’il a continuellement déclaré, dans les questionnaires IPA, qu’il disposait d’une entière capacité de travail.

c. Force est donc de constater que le recourant a fait l’objet de plusieurs sanctions pour des manquements commis entre décembre 2019 et octobre 2020. Les suspensions, de plus en plus longues, totalisent 82 jours, soit une durée suffisamment importante pour justifier le prononcé subséquent d'une inaptitude au placement. Il a encore commis deux nouveaux manquements en ne produisant pas ses recherches d’emploi du mois d’octobre 2020 dans les délais et en ne répondant pas à l’entretien téléphonique du 23 novembre 2020, empêchant ainsi une nouvelle fois son conseiller en personnel de contrôler son aptitude et sa disponibilité au placement.

Par son comportement constant depuis son inscription au chômage, l’intéressé a montré son incapacité à prendre ses obligations au sérieux. La décision de prononcer son inaptitude au placement n'apparait ainsi pas critiquable.

9.        Cela étant, et bien que ce point ne soit pas litigieux, la chambre de céans relèvera que la décision sur opposition du 8 février 2021 ne peut pas être confirmée en tant qu’elle déclare le recourant inapte au placement dès le 1er octobre 2020.

En effet, en cas de cumul de manquements sanctionnés, l'inaptitude prend effet le premier jour qui suit le manquement qui entraîne la constatation de l'inaptitude au placement. Ainsi, le reproche de ne pas avoir répondu à l’entretien téléphonique du 23 novembre 2020 ne saurait justifier le prononcé d’une inaptitude à partir du
1er octobre 2020. Quant au reproche de ne pas avoir remis le formulaire de recherches d'emploi correspondant au mois d'octobre 2020, il sied de relever que, selon l'art. 26 al. 2 OACI, la preuve des recherches d'emploi doit être remise au plus tard le cinq du mois suivant ou le premier jour ouvrable qui suit cette date. Par conséquent, l'inaptitude au placement ne peut déployer ses effets qu'à partir du
6 novembre 2020, et non du 1er octobre 2020.

La décision du 8 février 2021 doit donc être modifiée sur ce point.

10.    Partant, le recours sera partiellement admis et la décision litigieuse réformée dans le sens que l'inaptitude au placement du recourant est prononcée dès le
6 novembre 2020.

Vu l'issue du litige, une indemnité de CHF 500.- sera accordée au recourant à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]), à charge de l'intimé.

Pour le surplus, la procédure est gratuite.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.      L'admet partiellement.

3.      Réforme la décision de l'intimé du 8 février 2021 dans le sens que l'inaptitude au placement du recourant est prononcée dès le 6 novembre 2020.

4.      Condamne l'intimé à verser au recourant la somme de CHF 500.- à titre de participation à ses frais et dépens.

5.      Dit que la procédure est gratuite.

6.      Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le