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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/807/2020

ATAS/398/2021 du 30.04.2021 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/807/2020 ATAS/398/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d'expertise du 30 avril 2021

4ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, à ______ Bellevue, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Sandra BERNASCONI SOLNA

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après l'assurée ou la recourante) est née le ______ 1985, de nationalité portugaise, mariée et mère d'un enfant né le ______ 2013. Elle est entrée en Suisse en août 2009 et n'a pas de formation.

2.        En décembre 2016, elle a formé une demande de prestations de l'assurance-invalidité, indiquant avoir travaillé comme femme de ménage de mars 2012 à mars 2013, au tarif horaire de CHF 26.68. Depuis 2013, elle était femme au foyer. Comme atteintes à la santé, elle a mentionné une maladie rhumatismale chronique et une maladie inflammatoire chronique de l'intestin depuis 2010.

3.        Dans son rapport du 22 décembre 2016, la doctoresse B______, médecine interne et rhumatologie FMH, a posé les diagnostics de spondylarthrite séronégative HLA-B-27 négative et de proctite RCUH. Elle suivait l'assurée depuis le 17 novembre 2014. Dans l'anamnèse, elle a mentionné des douleurs rachidiennes, une polyarthralgie et des douleurs abdominales. À l'examen clinique, elle avait constaté une asthénie et un syndrome lombo-vertébral, sans synovite. Le pronostic était moyen. Il s'agissait d'une maladie articulaire et digestive mal contrôlée pour le moment. L'assurée était femme au foyer. On pouvait s'attendre à une reprise de l'activité professionnelle en fonction de la réponse au traitement. L'assurée souffrait aussi d'un probable état dépressif.

4.        Le 10 janvier 2017, la doctoresse C______, spécialiste FMH en gastro-entérologie et en médecine interne générale, a attesté que les examens endoscopiques montraient une guérison complète de la muqueuse colique et rectale.

5.        Dans son rapport adressé à la même date à l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après l'OAI ou l'intimé), la Dresse C______ a indiqué suivre l'assurée en raison d'une longue maladie qui avait débuté le 17 février 2015. Elle posait le diagnostic de rectocolite ulcéro-hémorragique (ci-après RUH) et de spondylarthrite ankylosante. L'activité exercée était encore exigible à 50% avec des mesures adaptées et un rendement réduit de 50%. L'assurée présentait une fatigue et des douleurs ainsi que des diarrhées. Elle nécessitait un travail sans port de lourdes charges, en position assise et à proximité de toilettes. Il n'était pas possible dans l'immédiat de déterminer si l'on pouvait s'attendre à une reprise de l'activité professionnelle.

6.        Dans un rapport non daté et non signé reçu par l'OAI le 20 janvier 2017, la doctoresse D______, spécialiste en médecine interne FMH, du Groupe Médical de Versoix, a confirmé les diagnostics des Dresses B______ et C______, ajoutant que l'assurée souffrait aussi depuis 2016 d'un état dépressif réactionnel, sans répercussion sur la capacité de travail. Les atteintes se manifestaient par des lombalgies, des polyarthralgies, des douleurs abdominales et une accélération du transit. Le pronostic était réservé. En fonction de la réponse au traitement, on pouvait s'attendre à une reprise de l'activité professionnelle.

7.        Dans un rapport du 29 mai 2017, la Dresse C______ a attesté que depuis l'introduction du traitement de Remicade le 4 février 2016, l'assurée présentait une évolution favorable sur le plan digestif. Elle se plaignait encore de douleurs abdominales basses intermittentes ainsi que d'une dyspepsie attribuable à une composante fonctionnelle. Une endoscopie de contrôle effectuée le 27 décembre 2016 avait mis en évidence une rémission endoscopique sous traitement de Remicade. Actuellement, il n'y avait aucune limitation fonctionnelle au niveau de la maladie inflammatoire chronique de l'intestin (ci-après MICI). L'assurée présentait toutefois encore des symptômes digestifs bas, probablement en lien avec un trouble fonctionnel digestif, qui pouvaient se chevaucher avec une MICI et diminuer le rendement du travail de 30%. Il y avait un absentéisme prévisible en raison des douleurs ainsi qu'une limitation à la mobilisation et à l'effort physique sur les plans quantitatif et qualitatif. Un examen médical complémentaire évaluant l'état de santé global de l'assurée était à envisager, afin de déterminer sa capacité de travail. Sur le plan extra-digestif, l'assurée souffrait également d'une fatigue et d'une arthropathie séronégative en lien avec la MICI, diminuant la capacité de travail et devant faire l'objet d'une évaluation médicale complémentaire.

8.        Le 29 mai 2017, la Dresse B______ a attesté que l'état de santé de l'assurée s'était discrètement amélioré suite à l'introduction du médicament Remicade. Par contre, les céphalées post perfusion étaient en augmentation (décrites comme effet secondaire) dans l'intensité et la durée (jusqu'à quinze jours). Un dernier essai aurait lieu fin juin. Si les céphalées persistaient, le traitement devrait être stoppé. Les limitations fonctionnelles étaient des douleurs, une fatigue et une fatigabilité. La compliance était optimale. L'assurée souffrait d'un état dépressif réactionnel, traité depuis quelques semaines (Venlafaxine 75 mg). Une reprise du travail pourrait être envisagée ultérieurement, probablement à 50% pour commencer, puis à réévaluer.

9.        Le 30 mai 2017, la Dresse C______ a également attesté que l'état de santé de l'assurée s'était amélioré.

10.    Dans son rapport du 18 juin 2017, la Dresse D______ a attesté que l'état de santé de l'assurée s'était aggravé, un état dépressif s'étant ajouté aux autres diagnostics. L'assurée présentait des douleurs articulaires périphériques, des rachialgies, des céphalées de tension et un status post Remicade depuis mai 2017. Le pronostic était réservé, le Remicade devant être interrompu en cas de récidive de céphalées lors de la prochaine perfusion. Les troubles psychiques ne nécessitaient pour l'instant pas de prise en charge psychiatrique.

11.    Dans un avis médical du 20 février 2018, la doctoresse E______, du service médical régional pour la Suisse romande de l'assurance-invalidité (ci-après SMR), a constaté une rémission des maladies intestinale et articulaire sous traitement de Remicade introduit en février 2016. Dans ce contexte, le gastro-entérologue a estimé que l'assurée pouvait exercer une activité adaptée à 50% dès le 27 décembre 2016 et à 100% avec baisse de rendement de 30% dès le 29 mai 2017 (en lien avec la dyspepsie). D'un point de vue rhumatologique, l'évolution était plus lente, mais progressivement favorable, avec une amélioration des douleurs articulaires périphériques et du rachis. La Dresse B______ ne retenait pas d'argument objectif en faveur d'une inflammation articulaire persistante. L'assurée présentait toutefois des céphalées survenant après les perfusions de Remicade toutes les huit semaines. Aucune limitation fonctionnelle ne pouvait être reconnue dans la sphère ménagère.

12.    Le 27 février 2018, l'OAI a informé l'assurée qu'il avait l'intention de lui refuser le droit aux prestations de l'assurance-invalidité, son état de santé n'entraînant aucune limitation fonctionnelle dans l'exercice de ses travaux habituels.

13.    Par décision du 3 avril 2018, l'OAI a confirmé sa décision.

14.    Dans un rapport du 26 avril 2018, la Dresse D______ a mentionné que l'assurée était connue pour une RHU depuis 2015, actuellement bien contrôlée sur le plan digestif par un traitement combiné de Remicade tous les deux mois et de Méthotrexate. Parallèlement, elle présentait des douleurs articulaires rachidiennes et périphériques invalidantes qui, au vu du diagnostic gastro-entérologique associé, avaient été mises sur le compte d'une spondylarthrite séronégative, bien que tous les critères diagnostiques ne fussent pas réunis. À cela s'ajoutait un état dépressif actuellement traité avec une bonne réponse clinique. L'assurée avait eu une activité professionnelle en Suisse entre 2012 et 2013 qu'elle avait dû interrompre en raison des douleurs articulaires. Actuellement, elle était désireuse de reprendre une activité professionnelle, ce qui serait envisageable et même thérapeutique par certains aspects. Toutefois, elle pourrait tout au plus exercer une activité professionnelle adaptée à sa situation médicale à 50%.

15.    Par acte du 8 mai 2018, l'assurée a formé recours contre la décision de l'OAI, concluant à son annulation et au renvoi de la cause à l'intimé pour un complément d'instruction sur son statut et son état de santé, ainsi que nouvelle décision sur son droit à des mesures d'ordre professionnel et à une rente d'invalidité, sous suite de dépens. Elle a fait valoir que sans atteinte à la santé, elle travaillerait à 75%.

16.    Dans sa réponse du 6 juin 2018, l'intimé a conclu au rejet du recours, confirmant qu'un statut de ménagère à 100% devait être retenu pour l'assurée.

17.    Par arrêt du 17 janvier 2019 (ATAS/27/2019), la chambre de céans a annulé la décision du 3 avril 2018 et renvoyé la cause à l'intimé pour qu'il mette en oeuvre une expertise bidisciplinaire par un rhumatologue et un gastro-entérologue et rende une nouvelle décision sur le droit de l'assurée à une rente et à des mesures d'ordre professionnel, notamment une orientation professionnelle, sur la base d'un statut mixte, de 75% d'activité lucrative et de 25% d'activités habituelles dans le ménage, qui devait être retenu dès septembre 2017.

18.    Le CEMEDEX a ensuite procédé à une expertise pluridisciplinaire de l'assurée. À teneur de son rapport du 19 août 2019, l'expertise a été diligentée par le docteur F______, rhumatologie, le docteur G______, gastro-entérologie et le docteur H______, médecine interne générale. Selon l'évaluation consensuelle des experts, les diagnostics avec impact sur la capacité de travail étaient :

-      une spondylarthropathie avec atteinte périphérique sur rectocolite hémorragique (ci-après RCH) (M46.9) ;

-      des douleurs lombaires avec arthrose postérieure (M51.9) ;

-      une RCH avec atteinte rectale (classification de Montréal E1 ; CIM K512) dès 2015 ;

-      un intestin irritable (CIM K58).

Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : pas d'effort de soulèvement de plus de 5 kg, pas de porte-à-faux du buste, pas de mouvements en rotation du buste, port de charges limité à 5 kg, pas de position à genoux ou accroupie, pas de travail en hauteur (échelle, escabeau, tabouret), éviter les escaliers, nécessité de pauses régulières pour changements de position, nécessité de passages plus ou moins fréquents et/ou prolongés aux toilettes, selon l'activité de la rectite avec les épreintes, les ténesmes, la fréquence des besoins et, partiellement, l'intestin irritable avec les douleurs et les ballonnements abdominaux.

L'expertisée ne pouvait plus effectuer son travail de femme de ménage, étant donné les efforts demandés et les mauvaises positions adoptées. Elle n'avait pas de formation professionnelle. Elle présentait des ressources personnelles et familiales. Elle parlait parfaitement bien le français et en avait une très bonne compréhension. Elle avait une vie familiale positive ainsi qu'une vie sociale. Elle apparaissait apte à gérer la situation gastro-entérologique. Les difficultés seraient la survenue de crises digestives et rhumatologiques et des difficultés à obtenir une rémission. Il n'y avait pas d'incohérence et les douleurs étaient plausibles. L'asthénie était habituelle dans les pathologies inflammatoires rhumatologiques.

L'assurée était totalement incapable de travailler comme femme de ménage depuis 2013 en raison de la pathologie articulaire. Du point de vue de la médecine interne générale et de la gastro-entérologie, sa capacité de travail était de 100%. Par compte, les troubles de l'exonération dont la fréquence augmentait avec les épreintes, les ténesmes et occasionnellement la diarrhée constituaient une limitation fonctionnelle qui diminuait le rendement, cas échéant, à hauteur de 20% pour 2019. L'assurée était capable de travailler à 80% dans une activité adaptée, soit à 100% avec une baisse de rendement de 20% depuis 2013 (pour le gastro-entérologue). Il fallait admettre qu'elle pourrait avoir des interruptions de travail si sa maladie était en poussée. La motivation de nature rhumatologique dans son activité antérieure, rhumatologique et gastro-entérologique pour une activité adaptée se traduisait par une diminution du rendement de 20% pour tenir compte de l'asthénie secondaire à la pathologie inflammatoire et des troubles digestifs.

L'expertisée avait parfaitement été prise en charge et était traitée par 20 mg de Méthotrexate par semaine et 300 mg de Remicade toutes les quatre semaines. Ce traitement devait être poursuivi. Il fallait reprendre la physiothérapie, car ce traitement était indispensable pour les spondylarthropathies, si possible en piscine. La prise en charge de la rectocolite avait été bonne. Elle était coordonnée à la prise en charge rhumatologique. Toutefois, pour 2019, il y avait une réactivation inflammatoire symptomatique qui n'avait pas encore fait l'objet d'une consultation spécialisée. L'expertisée en était consciente et allait prendre des mesures.

19.    Selon un extrait du compte individuel de l'assurée, elle a gagné CHF 4'482.- de mars à décembre 2012 et CHF 3'030.- de juin à septembre 2013.

20.    À teneur de la note relative à la détermination du degré d'invalidité du 13 novembre 2019, l'OAI a pris en compte pour 2017 - compte tenu du statut depuis 2017 et du fait que le SMR retenait une incapacité de travail de 100% et une baisse de rendement de 20% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles depuis 2014 - le tableau TA1, tous secteurs confondus (total) de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après ESS) 2016, qui indiquait qu'une femme travaillant dans une activité de niveau 1 (simple et répétitive) pouvait espérer réaliser un revenu annuel de CHF 55'045.-. Indexé à 2018 au moyen des indices suisses des salaires (ci-après ISS), le montant obtenu était CHF 39'632.-, en tenant compte du rendement de 20% et avec une réduction supplémentaire de 10%, du fait que seule une activité légère était possible. Les autres critères de réduction n'entraient pas en ligne de compte.

S'agissant du revenu sans invalidité, l'assurée avait indiqué avoir travaillé comme femme de ménage pour un revenu de CHF 26.68 de l'heure entre 2012 et 2013. Selon son compte individuel, entre mars et décembre 2012, elle avait obtenu un revenu de CHF 4'482.-. Il convenait de déterminer le revenu sans invalidité selon les ESS. Un statut de 75% pour la part active était retenu depuis 2017. Le revenu sans invalidité était de CHF 35'436.-, soit CHF 47'248.- x 0,75. Le revenu ESS 2016 TA1 (privé) pour une femme exerçant dans le domaine de travail correspondant à la ligne 81, dans une activité de niveau 1, s'élevait à CHF 3'745.-, ce qui correspondait à CHF 3'904.- en tenant compte de la durée normale hebdomadaire de travail de 41,7, à CHF 46'850.- annuellement et à CHF 47'248.- après indexation à 2018.

L'assurée ne remplissait pas les conditions pour un reclassement (20%). Par ailleurs, au vu du large éventail d'activités simples et répétitives que recouvrait le marché du travail en général, et le marché du travail équilibré en particulier, on devait admettre qu'un nombre significatif d'entre elles, ne nécessitant aucune formation spécifique, était adapté aux limitations fonctionnelles de l'assurée. Les conditions pour l'aide au placement n'étaient pas non plus remplies, car ce n'était pas des limitations spécifiques liées à l'état de santé qui la motivaient. En présence d'autres freins à la recherche d'un emploi (assèchement du marché, âge, langue), l'OAI n'avait pas à fournir un appui spécifique.

21.    Par projet de décision du 14 novembre 2019, l'OAI a rejeté la demande de prestations de l'assurée. À l'issue de l'instruction médicale complémentaire, il lui reconnaissait une incapacité de travail de 100% dans son activité habituelle depuis 2013 (début du délai d'attente d'un an). Dans une activité adaptée à son état de santé, il était d'avis que sa capacité de travail était de 100% dès cette date avec une baisse de rendement de 20%. Dans la sphère ménagère, les atteintes de l'assurée impactaient peu le fonctionnement des activités ménagères, en tenant compte de l'aide exigible de son mari. La chambre des assurances sociales avait estimé qu'il fallait retenir, dès le mois de septembre 2017, un statut mixte, avec une part professionnelle de 75% et une part pour les travaux habituels dans le ménage de 25%. Dès lors, jusqu'au 31 août 2017, l'invalidité devait être considérée comme nulle, au sens de la LAI.

L'invalidité de l'assurée dans la sphère professionnelle se calculait de la manière suivante :

- revenu sans invalidité CHF 35'436.-

- revenu avec invalidité CHF 39'632.-

soit une perte de gain de 0%.

Le taux d'invalidité global était également de 0% :

Activités

Part en %

Perte éco/Emp. en %

Invalidité en %

professionnelle

75%

0%

0%

travaux habituels

25%

0%

0%

Taux d'invalidité

 

 

0%

Dès janvier 2018, le revenu que l'assurée aurait pu obtenir de l'activité lucrative exercée à temps partiel était extrapolé pour la même activité exercée à plein temps.

Le taux invalidité dans la sphère professionnelle se calculait de la manière suivante :

- revenu sans invalidité CHF 47'248.-

- revenu avec invalidité CHF 39'632.-

soit une perte de gain de 16%.

Le taux d'invalidité global était de 12% :

Activités

Part en %

Perte éco/Emp. en %

Invalidité en %

professionnelle

75%

16%

12%

travaux habituels

25%

0%

0%

Taux d'invalidité

 

 

12%

La condition d'un taux d'invalidité de 20% n'étant pas remplie, l'assurée n'avait pas le droit à une mesure de reclassement professionnel.

22.    L'assurée a formé opposition au projet de décision précité. Les limitations fonctionnelles dont elle souffrait l'empêchaient de travailler dans une quelconque activité, compte tenu de son absence de formation. En effet, on peinait à imaginer quel type d'activité serait adapté pour elle, vu les diagnostics retenus dans l'expertise du CEMEDEX et ses limitations fonctionnelles. La tâche du médecin consistait à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré était incapable de travailler. Sur la base de ces informations, les services de réadaptation professionnelle déterminaient concrètement quels travaux on pouvait encore raisonnablement exiger (arrêt du Tribunal fédéral 9C_484/2016 du 10 février 2017). Le projet de décision ne mentionnait pas quelles activités pourraient être adaptées à ses limitations fonctionnelles. De plus, le comparatif des revenus sans et avec invalidité était lacunaire et ne permettait pas à l'assurée de se déterminer en toute connaissance de cause. Il était très fortement contesté qu'il y ait une activité qui puisse être adaptée à ses limitations fonctionnelles. De plus, elle ne disposait d'aucune formation et ne pourrait vraisemblablement pas occuper un poste à plein temps dans une activité légère, telle que le travail en usine. En effet, la nécessité de pauses régulières et les passages aux toilettes plus ou moins fréquents et de plus ou moins longue durée rendaient une telle occupation inadaptée.

23.    Par décision du 31 janvier 2020, l'OAI a confirmé son projet de décision.

24.    L'assurée a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice le 5 mars 2020. Elle a fait valoir que le rapport d'expertise comportait des contradictions entre l'anamnèse et les conclusions. Les experts relevaient une poussée de la RCUH dont elle souffrait ainsi qu'une non-réponse au traitement, un besoin d'aller à la selle trois à quatre fois par jour, s'accompagnant de ténesme, d'épreintes, de douleurs et de ballonnements abdominaux. Elle devait donc avoir un accès facile et rapide aux toilettes, pouvoir s'absenter de son poste à tout moment pour s'y rendre et y rester une longue durée. Les experts admettaient en outre que lorsque la maladie serait en poussée, il y aurait des incapacités de travail fréquentes. Ils retenaient également de nombreuses limitations fonctionnelles dues à ses douleurs articulaires, à savoir régulièrement alterner les positions, éviter d'être à genoux ou accroupie, le travail en hauteur, les positions en porte-à-faux ainsi que les mouvements de rotation du buste et de porter des charges de plus de 5 kg. Elle souffrait également de douleurs lombaires, dorsales et au niveau des genoux. Tous ses problèmes de santé provoquaient une asthénie importante. De plus, lorsqu'elle faisait des efforts, ses douleurs augmentaient. Tous ces éléments compromettaient grandement l'exercice d'une activité lucrative à plein temps. On peinait donc à suivre les experts, qui reconnaissaient ses problèmes de santé ainsi que l'aggravation de ceux-ci, mais estimaient néanmoins qu'elle pouvait travailler à plein temps, avec seulement une légère baisse de rendement. Les conclusions des experts étaient ainsi en contradiction avec l'anamnèse. Il fallait plutôt suivre l'avis des médecins traitants de la recourante et envisager l'exercice d'une activité lucrative à 50% au maximum, taux qui était beaucoup plus réaliste eu égard aux nombreuses limitations, qui lui permettrait de se reposer et qui limiterait le risque d'intensifier les douleurs et, en conséquence, les incapacités de travail. Si l'on retenait une capacité de travail de 50% et l'abattement de 10% appliqué par l'intimé, on obtenait une perte de gain de 40%, soit un degré d'invalidité de 30% pour la part active.Dans ces circonstances, un droit à un reclassement professionnel était ouvert. Par ailleurs, on peinait à suivre l'intimé sur le type de postes qu'elle pourrait occuper, sans bénéficier de soutien dans ses recherches. L'intimé considérait qu'elle pourrait occuper des postes dans les domaines de la surveillance, de l'accueil, de la vérification et du contrôle. Dans les domaines de la surveillance et de l'accueil, il paraissait compliqué de changer fréquemment de position et de s'absenter régulièrement de sa place de travail pendant des périodes plus ou moins longues pour aller aux toilettes. À la réception d'une entreprise, elle serait principalement assise et aurait peu d'occasions d'alterner les positions. Il paraissait en outre difficilement concevable qu'elle puisse s'absenter pour se rendre aux toilettes pendant longtemps. S'agissant d'un emploi dans les domaines de la vérification et du contrôle, plus à même de lui permettre de s'absenter de son poste de travail, encore fallait-il qu'elle puisse trouver un employeur conciliant, qui accepte ses absences et le fait qu'elle soit régulièrement en arrêt travail lorsque les douleurs étaient trop intenses, et ce, sans bénéficier de mesures d'ordre professionnel, telles qu'une aide au placement et/ou une allocation d'initiation au travail. Même dans les domaines de la vérification et du contrôle, il paraissait difficile d'envisager concrètement quel poste elle pourrait exercer, sans aide au placement ni aucune autre mesure d'ordre professionnel. En conséquence, on peinait à suivre l'intimé qui estimait que les conditions pour une aide au placement n'étaient pas remplies. Il paraissait en effet nécessaire de lui apporter un soutien dans ses recherches d'emploi afin de cerner les postes adaptés à son état de santé et qui respectaient ses limitations fonctionnelles, puisqu'elle ne pouvait plus travailler comme femme de ménage. En outre, il était essentiel qu'elle puisse bénéficier de l'aide de l'intimé pour expliquer à un employeur potentiel ses limitations fonctionnelles. L'aide au placement permettrait également de déterminer comment adapter la place de travail. S'agissant des problèmes gastro-entérologiques, il était encore plus important que la recourante puisse bénéficier d'un appui pour expliquer qu'elle devait pouvoir quitter son poste à tout moment pour se rendre aux toilettes et qu'elle pouvait y rester un long moment. Il s'agissait en effet de problème délicat à aborder lorsque l'on postulait à un emploi et il était incompréhensible que l'intimé refuse d'apporter une telle aide à la recourante.

À l'appui de son recours, cette dernière a produit :

-      un rapport établi le 28 janvier 2020 par la Dresse B______ indiquant que la recourante présentait actuellement des douleurs polyarticulaires, axiales et périphériques ainsi que des troubles digestifs mal contrôlés. Elle souffrait également d'un état dépressif avec un abaissement du seuil douloureux. Le traitement de Cimzia, instauré en octobre 2019 en raison d'une réponse partielle au Remicade, venait d'être stoppé en raison d'un manque d'efficacité. Il serait remplacé par un traitement de Xeljanz dont il faudrait évaluer l'efficacité au cours des prochains mois. La capacité de travail de la recourante était limitée à 50%. La capacité de travail retenue par les experts ne paraissait pas réaliste à ce jour. Tout dépendrait de la réponse au traitement récemment instauré. L'expertise rhumatologique comportait un certain nombre d'imprécisions, notamment la mention d'arthrite des genoux (jamais depuis 2014) et l'absence de bilan étiologique par le premier rhumatologue.

-      un rapport établi le 28 janvier 2020 par la Dresse D______ indiquant que la recourante présentait des douleurs articulaires diffuses et des troubles digestifs actuellement non contrôlés. De plus, elle souffrait d'un état dépressif chronique responsable, au moins en partie, d'un abaissement du seuil de la douleur. Le traitement nécessitait très probablement une adaptation. Actuellement, la situation n'était, à son avis, pas péjorée par rapport à 2017. La capacité de travail de la recourante n'excédait pas 50%.

-      un rapport établi le 5 février 2020 par la Dresse C______ indiquant qu'en résumé, l'assurée se trouvait actuellement dans une phase de poussée aiguë réfractaire à trois traitements RCUH. L'état général restait conservé, mais il était difficile de se prononcer sur l'évolution avec si peu de recul. Il venait d'être décidé de changer de traitement. Du point de vue gastro-entérologique, l'assurée présentait des selles sanguinolentes trois à quatre fois par jour, qui pourraient nécessiter qu'elle soit proche des toilettes. Elle aurait besoin de diminuer son activité afin d'avoir le temps de s'occuper de sa maladie et une interruption de son travail, en raison de la gêne occasionnée par les symptômes. Avec un nouveau traitement, il serait idéal que cette patiente puisse être à nouveau en rémission endoscopique et clinique, ce qui lui permettrait alors une capacité de travail de 80 ou 100% dans une fonction adaptée, du point de vue gastro-entérologie. Dans l'état actuel, le rendement était estimé à 60% dans une activité adaptée du point de vue gastro-entérologique en raison des potentielles absences, des symptômes contraignants et de la fatigue.

25.    Par réponse du 2 avril 2020, l'intimé a conclu au rejet du recours. Le rapport d'expertise bidisciplinaire du 19 août 2019 devait se voir reconnaître une pleine valeur probante. Le fait que les médecins traitants aient une opinion différente concernant l'état de santé de la recourante et sa capacité travail n'était pas déterminant selon la jurisprudence. La recourante n'amenait pas d'élément objectif nouveau qui n'aurait pas été pris en compte par les experts. Les simples imprécisions anamnestiques, qui reposaient en très grande partie sur les déclarations de l'expertisée, ne suffisaient pas à faire douter de la valeur probante d'un rapport d'expertise. Par ailleurs, la récidive invoquée avait eu lieu avant l'expertise et ne constituait dès lors pas un élément nouveau qui n'aurait pas été pris en compte. La baisse de rendement de 20% tenait compte de la nécessité de se rendre aux toilettes plus souvent que la moyenne pendant les périodes d'exacerbation de la pathologie digestive. Au moment de la réalisation de l'expertise, la fréquence moyenne était de cinq fois par jour. Cette baisse de rendement tenait également compte de l'asthénie dont souffrait la recourante. En ce qui concernait le droit à des mesures de placement, celui-ci exigeait que le handicap limite les possibilités de recherche d'emploi. La recourante ne se trouvait pas dans une telle situation.

26.    Par réplique du 13 mai 2020, la recourante a fait valoir que, comme l'indiquait la Dresse C______, la nouvelle poussée de sa maladie avait commencé au printemps 2019, soit peu de temps avant ses entretiens avec les experts, qui avaient eu lieu le 28 juin 2019. Le changement de traitement, le constat de l'inefficacité de celui-ci et la rectosigmoïdoscopie avaient eu lieu après. Seule une évaluation sur plusieurs mois permettait de se rendre compte de l'impact sur la capacité de travail. Il était difficile de se prononcer sur l'évolution avec si peu de recul.

Le fait que la recourante n'ait pas répondu favorablement au traitement avait une influence non seulement sur la capacité de travail, mais également sur les contraintes à un poste de travail. Évaluer que le seul impact était une baisse de rendement de 20% démontrait une contradiction avec l'anamnèse. Les différentes limitations fonctionnelles avaient un impact sur sa capacité de travail et non seulement sur son rendement. On peinait à imaginer comment elle pourrait travailler à plein temps avec ses douleurs, sans pouvoir se reposer avant le soir. Au contraire, des journées de travail plus courtes lui permettraient de se reposer après le travail avant de devoir s'occuper de sa fille et de ses tâches ménagères. Une journée de travail complète engendrerait inévitablement une fatigue plus grande que celle qu'elle ressentait actuellement. Il se justifiait dès lors de retenir une incapacité de travail de 50%, soit un degré d'invalidité de 30% pour la part active. En outre, son handicap limitait ses recherches d'emploi, dans le sens qu'elle ne pouvait pas occuper certains postes de travail qui ne répondaient pas à ses limitations fonctionnelles. Elle avait donc besoin d'aide pour rechercher un poste adapté.

27.    Lors d'une audience du 4 novembre 2020, tenue en l'absence de l'intimé, la recourante a déclaré : « Pour l'instant c'est un peu pareil. J'ai changé de médicament. Je prends maintenant du Xeljanz. Le Remicade n'a pas fait suffisamment effet. Au début ce médicament améliorait mon état mais par la suite mon corps s'est habitué à lui et ne réagissait plus. Je prends le nouveau médicament depuis environ huit mois, d'abord 5 mg puis maintenant 10 mg. Pour l'instant, il n'y a pas beaucoup d'amélioration de l'état. Dans ma vie quotidienne, ce qui m'empêche de travailler à 100% c'est que je dois aller aux toilettes plusieurs fois par jour, six ou plus. Je confirme qu'au moment de l'expertise c'était quatre à six fois dans la journée. Mon état s'est encore empiré depuis août 2019 au moment de l'expertise. En janvier 2020, au moment de la décision de l'OAI, mon état s'était aggravé par rapport à août 2019, au moment de l'expertise. Je me souviens que j'avais beaucoup de sang qui sortait et que j'ai donc fait des examens en janvier 2020. Quand je fais des crises, c'est une catastrophe. Par exemple, je vais aux toilettes trois ou quatre fois le matin et la même chose l'après-midi. La nuit, si je fais des crises, je me réveille et je dois aller aux toilettes. Il y a des nuits où je ne me lève pas. Sur une matinée par exemple, il y a environ deux fois où j'ai le besoin pressant d'aller aux toilettes mais inutilement. Je ne reste pas longtemps aux toilettes dans ces cas-là. Je dois toutefois y aller rapidement, car parfois cela n'est pas inutile. Je peux avoir des gaz avec des pertes de sang.

Entre 2015 et 2019, j'avais moins souvent des crises. Il y a des moments où je vivais presque normalement. Cela pouvait durer environ trois semaines au maximum, puis ensuite j'avais une crise. J'avais les deux genoux qui gonflaient, ce qui me posait le plus de problèmes car j'avais de la difficulté à marcher avec l'impression qu'ils allaient casser. Je précise que c'est encore le cas actuellement. Entre 2015 et 2019, j'avais des crampes à l'intestin, l'intestin irrité et toujours envie d'aller aux toilettes, mais de manière moins forte qu'en 2019. Ce n'est que depuis 2019 que je n'ai plus réussi à retenir mes selles. Entre 2015 et 2019, la durée des crises variait beaucoup, entre 1-3 jours à 15 jours. Dans les périodes de crises, de manière générale depuis 2015 et encore maintenant, je reste chez moi dans le canapé. Il me serait impossible de travailler, car j'ai envie de vomir, la tête qui tourne, des tremblements. Dans ces moments, je suis totalement incapable de travailler. Lorsque je conclus à une capacité de travail de 50%, cela concerne les périodes hors crises. Je ne peux en effet pas travailler plus, car j'ai mal au dos et le médicament que je prends n'a pas d'effet sur le mal de dos. Ce mal de dos est lié à la spondylarthropathie. Mon mal de dos est tout le temps là, il ne fait pas l'objet de poussées. J'ai davantage mal au dos pendant les crises.

Dès 2019, je n'ai plus eu de périodes de trois semaines sans problème. Je peux avoir une période d'une semaine où je vais bien et ensuite j'ai des crises qui sont comme avant de 1-3 à 15 jours. En revanche, les crises sont plus intenses.

Depuis 2015, lorsque je vais à la selle et que ce n'est pas une fausse alerte, je reste environ 20 à 30 minutes aux toilettes. Il est très rare que je ne reste que 10 minutes.

Mon état en 2020 est plus ou moins comme en 2019. Au début du mois de décembre, nous allons voir avec mon médecin, la Dresse B______, pour éventuellement changer de médicament. Elle collabore avec la Dresse C______, qui me suit en parallèle, pour décider de mon traitement. Je vois également mon médecin généraliste, la Dresse D______. Cette dernière me donne des antidépresseurs pour la douleur. En effet la Dresse B______ a posé le diagnostic de fibromyalgie et pense que les antidépresseurs peuvent agir contre la douleur. Je prends ces médicaments depuis longtemps et je n'ai pas l'impression qu'ils m'aident. Mes médecins vont m'en prescrire un nouveau.

Au niveau de mon moral, ça va, mais ce n'est pas facile. Ma vie personnelle va plutôt bien, mais mon mari et ma fille sont également malades. Nous sommes les trois à risque par rapport au Covid.

J'essaie de m'occuper de mon ménage. Ma fille a 7 ans. J'arrive à m'en occuper. C'est essentiellement moi qui m'en occupe. Quand je suis en période de crise, j'arrive quand même à l'amener à l'école, mais j'y vais en voiture et je ne m'arrête pas, alors qu'hors crise, je l'amène jusqu'à sa classe. Le déroulement d'une journée habituelle décrite en page 9 de l'expertise est valable tant pour les périodes de crise qu'hors crise. Quand je suis en crise, j'essaie de faire les choses, mais je les fais plus doucement. Il m'arrive toutefois d'avoir très très mal et, à ce moment, j'amène ma fille à l'école puis je reste couchée.

Cela ne me dérangerait pas de travailler dans un magasin ou dans une crèche à 50%. Vous me demandez si je pense pouvoir assurer un 50% de manière stable malgré des crises : je ne sais pas. Il ne me paraît pas possible de travailler un mois d'affilée sans interruption de quelques jours, voire de 15 jours.

Je suis fatiguée de manière constante, pas forcément au moment des crises. Je pense que c'est en raison du traitement médicamenteux qui est très lourd. C'est également en raison de mauvaises nuits, ce qui arrive environ deux jours par semaine en ce qui me concerne. Il peut aussi arriver que ma fille passe de mauvaises nuits, car elle fait des crises. Cela impacte également mes nuits. C'est en principe moi qui m'occupe de ma fille la nuit, car mon mari doit se lever tôt le matin pour aller travailler. Il a quelques douleurs, mais cela ne l'empêche pas de travailler.

J'ai régulièrement des maux de ventre en plus des maux de dos constants. Parfois ils sont seulement gênants et parfois c'est des piques plus douloureuses. Je prends des médicaments pour les douleurs du dos, des anti-inflammatoires pour toutes les douleurs en période de crise, plus un traitement une fois par semaine, le Xeljanz, pour la spondylarthrite et la rectite. Je n'ai pas de médicament particulier pour les piques plus douloureuses au ventre. Comme ce n'est pas tout le temps, j'essaie de ne pas prendre de médicament supplémentaire pour la douleur, car j'en prends déjà beaucoup. Dans ces cas-là je me repose et cela m'aide.

Aujourd'hui, je viens de sortir d'une crise de quinze jours et j'ai des douleurs que je situe à 5 sur 10, dans le dos et dans le bas ventre. Pendant ces quinze jours, je n'étais pas bien. Au début de la crise, la douleur est très forte (9/10), puis après moins. La douleur est constante dans la journée. Elle est plus forte si je fais des efforts. J'ai alors la tête qui tourne et des nausées.

Quand je suis en période de crise ou quand j'ai des douleurs, ce qui peut arriver hors crise, je dois me reposer entre deux tâches ménagères. Je ne pense pas que je pourrais travailler quatre heures non stop. Il me faudrait des pauses, au moins une demi-heure, plutôt deux fois 20 minutes sur une matinée. Il faudrait que je puisse m'allonger ou m'asseoir pas droite pour soulager mon ventre. Je ne pourrais pas travailler une journée entière avec un rendement de 50%. Lorsque je ressens le besoin d'aller aux toilettes, cela ne peut pas attendre. Je ne pourrais par exemple pas attendre le retour d'un collègue. J'évalue à deux à trois le nombre de crises par mois. Avant que mon état de santé s'aggrave, j'en avais une ou deux par mois. Je ne pense pas que les crises durent plus longtemps maintenant qu'avant l'aggravation. J'ai parfois des crises qui touchent l'intestin, parfois l'aspect rhumatologique, parfois les deux en même temps. En cas de crise, je ne pense pas pouvoir aller travailler quelle que soit son intensité ».

28.    L'intimé a persisté dans ses conclusions, sur la base d'un avis du SMR du 12 décembre 2020, considérant que l'audition de la recourante n'amenait pas de nouvel élément objectif, celle-ci décrivant une symptomatologie variable.

29.    Par courrier du 12 mars 2021, la chambre de céans a informé les parties de son intention de mettre en oeuvre une expertise rhumatologique et gastroentérologique et leur a communiqué le nom des experts pressentis, ainsi que les questions qu'elle avait l'intention de leur poser, en leur impartissant un délai pour faire valoir une éventuelle cause de récusation et se déterminer sur les questions posées.

30.    L'intimé a demandé l'ajout à la mission d'expertise de la question suivante : « en cas de diagnostic de fibromyalgie ou de trouble somatoforme douloureux, demander une expertise psychiatrique et évaluer les indicateurs standards jurisprudentiels de gravité ».

31.    La recourante a requis deux compléments à la liste des questions. Elle demandait que la question 7.2 soit ainsi libellée : « Propositions thérapeutiques et analyse de leurs effets, - à court, moyen et long cours -, sur la capacité de travail de l'assurée ». S'agissant des questions 8.1, 8.2, 8.3 et 8.4, elle souhaitait l'ajout suivant : « Dans quelle mesure et pour quel(s) motif(s) ? ».

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

3.        Le litige porte sur le droit de la recourante à des prestations de l'assurance-invalidité.

4.        Aux termes de l'art. 8 al. 1 LPGA, est réputée invalidité l'incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée. Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain. De plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2).

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l'assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d'au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu'au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l'échéance d'une période de six mois à compter de la date à laquelle l'assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l'art. 29 al. 1 LPGA. Selon l'art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

5.        Dans un arrêt du 3 novembre 2015 (9C_153/2015), le Tribunal fédéral a jugé, s'agissant d'une personne souffrant d'un rhumatisme psoriasique, que lorsqu'il s'agissait de déterminer la capacité résiduelle de travail d'une personne atteinte d'une maladie qui évolue par poussées, il convient d'intégrer dans le cadre de la réflexion la question de l'évolution dans le temps de la maladie, soit de tenir compte notamment de la fréquence et de l'intensité des poussées. Il n'est pas suffisant de se fonder sur une évaluation médicale qui ne reflète qu'une image instantanée de la situation; celle-ci doit bien au contraire tracer de manière précise l'évolution - passée et future - de la capacité de travail. L'expert doit se prononcer sur l'évolution chronologique de la pathologie et apprécier, dans une perspective à long terme, le retentissement global que celle-ci a sur la capacité de travail du recourant.

6.        a. Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, le juge a besoin de documents qu'un médecin, éventuellement d'autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

b. Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

c. Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, en principe, lorsqu'au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

En cas de divergence d'opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en oeuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. A cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

7.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

8.        Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en oeuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en oeuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l'administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

9.        En l'espèce, selon l'évaluation consensuelle de l'expertise du 19 août 2019, la capacité de travail de la recourante dans une activité adaptée était de 100% avec une baisse de rendement de 20% depuis 2013, pour tenir compte de l'asthénie secondaire à la pathologie inflammatoire et aux troubles digestifs. Les experts ont ensuite relevé que l'assurée pourrait avoir des interruptions de travail si la maladie était en poussée et qu'on assistait depuis le début de l'année 2019 à une péjoration de l'état de santé de la recourante, mais sans en tenir compte dans l'appréciation de la capacité de travail. L'expertise souffre ainsi d'un défaut important, de sorte qu'elle ne peut se voir reconnaître une pleine valeur probante. Il se justifie en conséquence de faire procéder à une nouvelle expertise gastroentérologique et rhumatologique. Il n'apparaît pas d'emblée nécessaire de faire procéder également à une expertise psychiatrique. Si nécessaire, en particulier si les diagnostics de fibromyalgie ou de troubles somatoformes sont posés ou évoqués par les experts, une telle expertise sera ordonnée en complément, afin notamment que soient examinés les indicateurs jurisprudentiels de gravité.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant préparatoirement :

I.                   Ordonne une expertise gastroentérologique et rhumatologique de Madame A______.

II.                   Commet à ces fins le docteur I______, sous la supervision du professeur J______, spécialistes FMH en rhumatologie et le docteur K______, sous la supervision du professeur L______, spécialiste FMH en gastroentérologie.

III.                   Dit que la mission d'expertise sera la suivante :

A. Prendre connaissance du dossier de la cause.

B. Si nécessaire prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité  l'assurée.

C. Examiner l'assurée et, si nécessaire, ordonner d'autres examens.

IV.                   Charge chacun des experts d'établir un rapport détaillé et de répondre aux questions suivantes :

1. Anamnèse détaillée

2. Plaintes de l'assurée

3. Status et constatations objectives

4. Diagnostics

4.1 Avec répercussion sur la capacité de travail

4.1.1 Dates d'apparition

4.2 Sans répercussion sur la capacité de travail

4.2.2 Dates d'apparition

5. Limitations fonctionnelles

5.1. Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic

5.1.2 Date d'apparition

6. Capacité de travail

6.1 L'assurée est-elle capable d'exercer son ancienne activité lucrative ?

6.1.2 Si non, ou seulement partiellement, pourquoi ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

6.1.3 Depuis quelle date sa capacité de travail est-elle réduite/ nulle ? (tenir compte notamment de la fréquence et de l'intensité des poussées. Il n'est pas suffisant de se fonder sur une évaluation médicale qui ne reflète qu'une image instantanée de la situation; celle-ci doit bien au contraire tracer de manière précise l'évolution - passée et future - de la capacité de travail. L'expert doit se prononcer sur l'évolution chronologique de la pathologie et apprécier, dans une perspective à long terme, le retentissement global que celle-ci a sur la capacité de travail du recourant selon la jurisprudence.)

6.2 L'assurée est-elle capable d'exercer une activité lucrative adaptée à ses limitations fonctionnelles ? 

6.2.1 Si non ou dans une mesure restreinte, pour quels motifs ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

6.2.2 Si oui, quelle activité lucrative ? À quel taux ? Depuis quelle date ?

6.3 Des mesures médicales sont-elles nécessaires préalablement à la reprise d'une activité lucrative ? Si oui, lesquelles ?

6.4 Comment la capacité de travail de l'assurée a-t-elle évolué depuis décembre 2016?

6.5 Quel est votre pronostic quant à l'exigibilité de la reprise d'une activité lucrative ?

7. Traitement

7.1 Examen du traitement suivi par l'assurée et analyse de son adéquation.

7.2 Propositions thérapeutiques et analyse de leurs effets - à court, moyen et long cours - sur la capacité de travail de l'assurée.

8. Appréciation d'avis médicaux du dossier

8.1 Êtes-vous d'accord avec le rapport du CEMEDEX du 19 août 2019 ?

8.2 Êtes-vous d'accord les rapports établis les 29 mai 2017 et 28 janvier 2020 par la Dresse B______ ? Dans quelle mesure et pour quel(s) motif(s) ?

8.3 Êtes-vous d'accord les rapports établis les 26 avril 2018 et 28 janvier 2020 par la Dresse D______ ? Dans quelle mesure et pour quel(s) motif(s) ?

8.4 Êtes-vous d'accord les rapports établis les 10 janvier 2017, 29 mai 2017 et 5 février 2020 par la Dresse C______ ? Dans quelle mesure et pour quel(s) motif(s) ?

9. Quel est le pronostic ?

10. Des mesures de réadaptation professionnelle sont-elles envisageables ?

11. Faire toutes autres observations ou suggestions utiles, en particulier estimez-vous qu'une expertise complémentaire devrait être ordonnée sur le plan rhumatologique, notamment ?

V.                   Invite les experts à faire une appréciation consensuelle du cas s'agissant de toutes les problématiques ayant des interférences entre elles, notamment l'appréciation de la capacité de travail résiduelle.

VI.                   Invite les experts à déposer, dans les meilleurs délais, un rapport en trois exemplaires à la chambre de céans.

VII.                   Réserve le sort des frais jusqu'à droit jugé au fond.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme de la présente ordonnance est notifiée aux parties par le greffe le