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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4102/2015

ATAS/943/2016 du 16.11.2016 ( LPP ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4102/2015 ATAS/943/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 16 novembre 2016

4ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A_______, domicilié c/o B_______, à VERSOIX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Daniel MEYER

 

 

demandeur

contre

CAP Fondation de prévoyance intercommunale de droit public de la Ville de Genève, des services industriels de Genève et des communes genevoises affiliées ainsi que d’autres employeurs affiliés conventionnellement, sise rue de Lyon 93, GENÈVE

 

 

défenderesse

 


EN FAIT

1.        Monsieur A_______ (ci-après l’assuré ou le demandeur), né le ______ 1927, a travaillé en qualité d’éboueur pour la commune de C_______ jusqu’en décembre 1988, avant de prendre sa retraite.

2.        Le 23 novembre 2015, l’assuré a déposé une demande en paiement à l’encontre de la CAP Fondation de prévoyance intercommunale de droit public de la Ville de Genève, des services industriels de Genève et des communes genevoises affiliées ainsi que d’autres employeurs affiliés conventionnellement (ci-après la défenderesse). Il a conclu, sous suite de dépens, à ce qu’il soit constaté que la retenue de CHF 360.- sur sa pension de retraite mensuelle devait cesser avec effet immédiat, et au versement par la défenderesse de la somme de CHF 58'920.-, majorée d’intérêts à 5 % l’an dès le 9 septembre 2015, à titre de remboursement du trop-perçu par la défenderesse correspondant le 1er novembre 2015 à la retenue mensuelle sur la pension de retraite du demandeur de CHF 360.- depuis le 1er mars 2002.

Le demandeur a exposé qu’il avait travaillé en qualité d’éboueur à la voirie de la commune de C_______ entre 1962 et 1989 et qu’il avait été affilié à ce titre auprès de la défenderesse pour la prévoyance professionnelle. Au mois de mai 1988, il s’était renseigné auprès de la défenderesse sur la possibilité de prendre une retraite anticipée en raison de son état de santé fragile. La défenderesse lui avait adressé une fiche individuelle de renseignements sur la situation de ses avoirs de prévoyance professionnelle, contenant une projection de la pension qui lui serait versée en cas de retraite anticipée à 62 ans. Cette fiche indiquait que sa rente s’élèverait à 70 % de son traitement mensuel assuré en cas de retraite anticipée, ainsi qu’à une avance AVS élevant sa rente à 77 % du traitement mensuel assuré. La ligne relative à l’avance AVS comprenait la mention « Avec remb. viager ». Cette information était pour le moins lacunaire. La notion « Avec remb. viager » n’y était pas définie, ni ses modalités et ses conséquences sur la mise au bénéfice d’une retraite anticipée. La demande de renseignements en mai 1988 n’avait aucun caractère formel. Le demandeur n’avait pas souvenir d’avoir eu un entretien avec un interlocuteur de la défenderesse, ni avec un membre de la mairie de la commune de C_______. Une proposition de pension prévoyant une pension de retraite de 70 % du traitement mensuel assuré ainsi qu’une avance AVS élevant sa rente à 76 % du traitement mensuel assuré lui avait ensuite été adressée le 1er décembre 1988. Elle contenait également sous le titre d’avance AVS la mention « (remboursement viager) ». Il s’agissait de la seule explication qui avait été donnée au demandeur sur les modalités de remboursement qui lui seraient imposées en cas de retraite anticipée. Aucun interlocuteur ne l’avait avisé de l’alternative offerte aux futurs retraités de choisir un remboursement mensuel de l’avance AVS sur une période de douze ans dès l’âge de 65 ans. En outre, le demandeur n’avait jamais formulé de demande de retraite anticipée, ni demandé d’avance AVS. Il n’avait obtenu aucun renseignement à ce titre. La proposition du 1er décembre 1988 se référait à une lettre de la commune de C______ du 8 octobre 1988. Or, ni cette lettre, ni aucun autre document permettant de justifier la décision d’une avance AVS remboursable en viager ne lui avaient été transmis. Le demandeur avait pris une retraite anticipée le 1er janvier 1989. Il avait perçu une avance AVS de CHF 1'140.- par mois du 1er janvier 1989 au 1er mars 1992, soit au total CHF 43'320.- sur une période de trois ans et deux mois. Un montant mensuel de CHF 360.- avait été retenu dès le 23 mars 1992 sur sa pension, à titre de remboursement de l’avance AVS perçue. Les statuts lui auraient permis de choisir un remboursement sur douze ans selon les modalités suivantes: 72 % de l’avance AVS, à savoir un montant de CHF 1'080.- (CHF 18'000.- x 72 %) au lieu de CHF 1'140.- et un taux de remboursement de 28 %, soit CHF 420.- par mois jusqu’à l’âge de 77 ans, au lieu d’un remboursement viager de CHF 360.- par mois. Interpellé par le fils du demandeur, la défenderesse lui avait indiqué le 25 juin 2015 que l’avance était remboursable à vie. Ainsi, le demandeur avait payé depuis le 30 mars 1992 un montant total de CHF 102'240.-, correspondant à 2.36 fois le capital avancé. Son droit aux prestations complémentaires était calculé en fonction de sa retraite complète, sans tenir compte de la réduction mensuelle de CHF 360.-, ce qui par effet de seuil le conduisait à s’acquitter de CHF 600.- supplémentaires par mois pour ses frais d’hébergement en EMS. La défenderesse avait soutenu qu’un de ses collaborateurs avait eu un entretien avec lui le 18 mai 1988, date à laquelle la fiche de renseignements lui avait été remise. Il était pour le moins curieux qu’aucun autre document soumis à signature ne lui ait été présenté à cette occasion, ni aucune explication sur le principe du remboursement viager et ses alternatives.

Le demandeur a soutenu que le remboursement viager violait de manière arbitraire les statuts de la défenderesse. Il était insoutenable et choquant de déduire de sa déclaration de volonté en mai 1988 qu’il connaissait les possibilités de remboursement du pont AVS et qu’il voulait bénéficier d’une avance AVS avec remboursement viager. Le refus d’un pont AVS et du remboursement en viager devaient revêtir la forme écrite selon les statuts de la défenderesse. Cette dernière avait ainsi requis du demandeur le respect de la forme écrite, qu’elle n’avait elle-même pas appliquée. En l’absence d’explications de la défenderesse, le demandeur ne pouvait savoir en quoi consistait le remboursement viager. Il se l’était vu imposer. La position de la défenderesse était également contraire au principe de la protection de la bonne foi. Le demandeur a relevé que selon un arrêt de la chambre de céans du 29 novembre 2011, la question de savoir si la défenderesse avait donné des informations lacunaires s'agissant du remboursement de l'avance AVS pouvait rester ouverte, dès lors qu’une des conditions du droit à la protection de la bonne foi n’était pas remplie. En effet, la chambre de céans avait considéré qu’il appartenait à l’assuré de se renseigner sur la durée du remboursement à assumer. La situation du demandeur se distinguait toutefois de l’état de fait à la base de cet arrêt, en ce sens que des problèmes de santé l’avaient contraint à prendre une retraite anticipée. De plus, dès lors qu’il ne nourrissait aucun doute quant à la durée du remboursement puisqu’il en ignorait même le principe, il n’avait pas à se renseigner à ce sujet. Si le demandeur avait pu choisir un remboursement sur douze ans, d’un montant de CHF 420.- plutôt que CHF 360.- par mois, il était certain qu’il l’aurait fait, dès lors qu’il ne s’agissait pas d’un montant beaucoup plus élevé. L’absence d’informations par la défenderesse était ainsi la condition sine qua non de la déclaration de volonté du demandeur.

Par surabondance, le demandeur a fait valoir qu’il avait contracté alors qu’il était dans une erreur essentielle, les éléments liés au remboursement viager constituant un élément objectivement essentiel au contrat.

Le demandeur a notamment produit les pièces suivantes à l’appui de sa demande:

a.       fiche de renseignements-situation au 18 mai 1988 établie par la défenderesse, comprenant notamment les indications suivantes sous la rubrique « Prestations futures » :

 

Pension mensuelle de retraite à 62 ans 70 % CHF 2'231.25

Avance AVS 77 % de CHF 1'500.- (avec remb. viager) CHF 1'155.-

Pension mensuelle brute totale CHF 3'386.25

b.      proposition de pension de la défenderesse du 1er décembre 1988, mentionnant une pension de retraité de 70 % de CHF 39'057.-, soit CHF 27'040.20, ainsi qu’une avance AVS (remboursement viager) de 76 % de CHF 18'000.-, soit CHF 13'680.-, la pension totale étant ainsi de CHF 51'020.- dès le 1er janvier 1989. Dite proposition se référait à titre de pièce justificative à une lettre de la commune de C_______ du 8 octobre 1988 ;

c.       courrier de la défenderesse du 17 mars 1992 au demandeur, indiquant que l’avance AVS versée devait être remboursée viagèrement dès le 65ème anniversaire du demandeur, accompagnant le plan de calcul détaillé de la pension modifiée dès cette date – cette dernière pièce n’étant pas produite par le demandeur ;

d.      attestation de pension de la défenderesse du 8 janvier 2015, faisant état d’une rente de CHF 39'650.40 pour 2014, sur laquelle était retenue la somme de CHF 4'320.- à titre de remboursement viager de l’avance;

e.       courrier de la défenderesse au demandeur du 25 juin 2015, l’informant qu’il avait bénéficié d’une avance mensuelle remboursable en viager de CHF 1'140.- du 1er janvier 1989 au 28 février 1992, laquelle était remboursable à vie ;

f.       courrier du 30 juin 2015 du fils du demandeur à la défenderesse, dans laquelle il s’étonnait de ce que le montant de l’avance ait déjà été remboursé deux fois, ce qui avait en outre une incidence sur son droit aux prestations complémentaires;

g.      courriel du 5 août 2015 de la défenderesse au fils du demandeur, rappelant que les statuts dans leur version au 1er janvier 1985 prévoyaient que la renonciation à l’avance AVS et le remboursement en douze ans plutôt que de manière viagère devaient faire l’objet d’un avis écrit;

h.      courrier du 9 septembre 2015 du demandeur, par son mandataire, à la défenderesse, affirmant qu’il avait été induit en erreur et n’avait pas compris la portée de son engagement. Il avait déjà remboursé deux fois l’avance AVS et il était choquant et insoutenable de persister à retenir un montant mensuel de CHF 360.-. Il sommait la défenderesse de renoncer immédiatement à cette retenue et de lui rembourser le trop-perçu.

i.        courrier de la défenderesse du 21 septembre 2015 au demandeur, rappelant la teneur des statuts et affirmant que le demandeur s’était vu remettre la fiche de renseignements du 18 mai 1988 à l’issue de son entretien à la même date avec un administrateur de la défenderesse. Cette fiche mentionnait expressément le versement d’une avance AVS et précisait la nature du remboursement. La proposition du 1er décembre 1988 précisait également le versement d’une avance AVS et son remboursement viager. Le caractère viager avait également été rappelé au demandeur par courrier du 17 mars 1992. Ce dernier n’avait jamais requis la renonciation à l’avance AVS, ni un remboursement sur douze ans, alors que les statuts l’y autorisaient. Le demandeur était ainsi parfaitement au courant du caractère viager du remboursement de l’avance AVS. En outre, selon les statuts, l’assuré pouvait en tout temps demander à rembourser l’avance reçue en capital en lieu et place des annuités viagères, le montant à restituer étant alors établi par un calcul actuariel.

3.        Dans sa réponse du 21 décembre 2015, la défenderesse a conclu au rejet de la demande. Elle a précisé que le demandeur avait été affilié durant vingt ans auprès d’elle pour la prévoyance professionnelle. La fiche de renseignements du 18 mai 1988 avait été remise au demandeur à cette date par un administrateur de la défenderesse, selon une note manuscrite amenée à ce document. Cette fiche indiquait le montant de la retraite à 62 ans comme pension ordinaire et non anticipée. En effet, le plan de prévoyance était conçu pour atteindre un taux de rente maximum de 70 % à l’âge de 62 ans. C’était en raison de la différence d’âge avec celui de la rente AVS que la possibilité de disposer d’une avance AVS avait été prévue. Le demandeur avait pu disposer des statuts et d’informations y relatives. En effet, les statuts avaient été communiqués aux assurés après leur adoption au 1er janvier 1985. Ils avaient également été rappelés dans une publication adressée à l’ensemble des assurés en mai 1986. Les statuts avaient au demeurant été l’aboutissement d’un long processus démocratique, avec un référendum municipal s’étant conclu par une votation populaire. Ils avaient ainsi été largement publicisés. La fiche de renseignement présentait en outre les droits du demandeur de manière chiffrée et ne prêtait guère à confusion. La décision relative à la retraite anticipée n’était pas du ressort de la défenderesse. L’employeur avait communiqué à la défenderesse par courrier du 8 octobre 1988 que le demandeur faisait valoir ses droits à la retraite. Quant à la forme écrite, les statuts ne prévoyaient son utilisation que pour renoncer à l’avance AVS.

Les statuts de 1985 étaient applicables à la situation du demandeur. Ce dernier ne contestait pas les avoir reçus. Il n’était donc pas censé ignorer les modalités liées à la mise à sa retraite. L’avance AVS était une prestation facultative octroyée par la défenderesse. Son financement reposait sur un remboursement calculé de manière actuarielle, soit selon des bases techniques prenant en compte notamment les probabilités de décès et de survie. Il était usuel et reconnu qu’une telle prestation se rembourse soit en viager, soit sur une période fixe moyennant une annuité plus importante. Il ne s’agissait ainsi pas d’un remboursement financier mais d’un remboursement actuariel, tel que pratiqué d’ailleurs par l’AVS, qui prévoyait une réduction viagère de la rente de vieillesse en cas de retraite anticipée. Le demandeur n’avait pas demandé à renoncer à l’avance AVS entre le mois de mai 1988, date à laquelle il avait à nouveau eu connaissance du remboursement viager, et la date de sa demande officielle de mise à la retraite.

S’agissant de la bonne foi, le demandeur ne s’était jamais manifesté sur la nature viagère du remboursement de l’avance AVS, ni en mai 1988, ni en mars 1992. Ce n’était qu’en juin 2015, soit plus de vingt-cinq ans après sa mise à la retraite, qu’il avait interpellé la défenderesse. Cette dernière s’est en outre référée à l’arrêt du 29 novembre 2011 de la chambre de céans, invoqué par le demandeur, dont elle a affirmé qu’il lui était applicable nonobstant son état de santé et son niveau de formation. Il était en effet difficile de croire que le demandeur n’avait pas obtenu d’informations sur l’ensemble des points liés à la retraite lors de son entretien avec l’administrateur de la défenderesse en mai 1988. En outre, ses problèmes de santé et son niveau de formation ne le dispensaient pas de se préoccuper de la durée du remboursement de l’avance. Il avait toujours disposé d’une pleine capacité de discernement, lui permettant de comprendre parfaitement la signification du mot viager ou d’en demander l’explication. En outre, au vu de l’état de santé du demandeur, il n’était pas possible de conclure qu’il aurait nécessairement opté pour le remboursement en douze ans malgré les mensualités plus élevées. Il existait en effet un lien intrinsèque entre l’espérance de vie et la durée du remboursement.

La défenderesse a notamment produit le courrier que lui avait adressé la commune de C_______ en octobre 1988, l’informant du fait que le demandeur avait fait valoir ses droits à la retraite au 31 décembre 1988, ainsi que la fiche de renseignements du 18 mai 1988, portant l’annotation manuscrite « Vu le 18.5.88 – prendra sa retraite à fin déc. 88 à 61 ans 10 mois – demander à la commune si d’accord de prendre en charge ½ cotis AVS et particip. cotis. CM. », et la communication n° 1 de la défenderesse à ses assurés de mai 1986, rappelant l’entrée en vigueur au 1er janvier 1985 des statuts et commentant une des dispositions ayant trait au versement partiel en capital de la prestation de vieillesse pour acquérir un logement.

4.        La chambre de céans a entendu les parties le 24 janvier 2016.

Le demandeur a confirmé qu’il avait voulu prendre une retraite anticipée en 1988 en raison de problèmes de santé. Il avait saisi cette occasion car il se sentait fatigué. Il ne se rappelait pas, mais ne croyait pas avoir eu un entretien avec un collaborateur de la défenderesse. Il n’avait pas souvenir d’avoir demandé des renseignements quant au montant et aux conditions de sa rente de prévoyance. Il savait qu’il devait rembourser le pont AVS, mais pas toute sa vie. Il se souvenait qu’il était noté « En viager », mais il ne savait pas trop ce que cela voulait dire. Il ne comprenait pas que la défenderesse prélève encore de l’argent. Au vu de toutes les années, cela représentait une jolie somme. Il n’avait à l’époque pas non plus eu connaissance de l’alternative prévoyant un remboursement en douze ans. Il ne savait pas ce qu’il avait reçu comme renseignements écrits à l’époque. Il pensait que ce devait être la fiche du 18 mai 1988. S’agissant du courrier de mars 1992, il s’agissait non pas d’une interpellation sur le caractère viager du remboursement mais d’une mise devant le fait accompli. Il n’avait pas pris connaissance des statuts au moment où il avait pris sa retraite anticipée. Il a précisé que le service des prestations complémentaires avait repris le calcul de son droit aux prestations au 1er février 2015 en tenant compte du fait que sa retraite anticipée était dictée par des motifs de santé. Selon ses calculs, s’il avait demandé un remboursement sur douze ans, le remboursement mensuel aurait été de CHF 420.-

Le représentant de la défenderesse a exposé qu’à l’époque, les assurés qui souhaitaient prendre une retraite anticipée n’étaient pas reçus systématiquement par la caisse de pension. En revanche, ils recevaient chaque année la fiche individuelle de renseignements, qui était toujours datée du 1er janvier de l’année en cours. En l’espèce, la fiche du 18 mai avait été établie à la requête du demandeur. Le remboursement viager de l’avance AVS était la règle selon les statuts en vigueur à l’époque. Il n’y avait alors pas de calculs comparatifs. La défenderesse avait respecté son devoir d’information en établissant la fiche de renseignements du 18 mai 1988 et en adressant le courrier du 17 mars 1992. Le demandeur aurait dû réagir à l’époque. N’importe quel pensionné pouvait demander de mettre un terme au remboursement viager, et la demanderesse procédait alors à un calcul actuariel pour le solde de l’avance. Compte tenu de la maladie du demandeur, il y avait tout lieu de croire qu’il aurait opté pour un remboursement viager.

5.        Dans sa réplique du 4 avril 2016, le demandeur a persisté dans ses conclusions. Il a contesté avoir rencontré un administrateur de la défenderesse et a nié le caractère très clair des statuts de la défenderesse. Il était malaisé à leur lecture de comprendre la forme que devaient prendre les déclarations de volonté concernant la renonciation à l’avance AVS et au mode de remboursement. Son état de santé ne lui permettait quoi qu’il en soit pas de comprendre les statuts sans explications préalables. La communication de mai 1986 n’était pas de nature à informer le demandeur sur les dispositions des statuts le concernant. Les assurés avaient à l’époque moins accès aux informations liées au processus législatif, si bien que le demandeur n’avait pu être informé de l’entrée en force des statuts.

Le demandeur ne contestait pas l’applicabilité des statuts entrés en vigueur le 1er janvier 1985. Il niait en revanche les avoir reçus et en avoir pris connaissance. La défenderesse n’avait pas fourni toutes les informations nécessaires à un consentement éclairé du demandeur, notamment s’agissant des conséquences financières. Il a contesté que le remboursement viager d’une avance AVS soit usuel et reconnu. Quand bien même il s’agirait d’un principe usuel, il ne saurait être appliqué à un assuré sans que son attention ait été attirée sur la méthode de remboursement et sur les autres alternatives. Tel n’avait pas été le cas en l’espèce.

6.        Dans sa duplique du 20 mai 2016, la défenderesse a conclu au rejet de la demande, sous suite de frais.

Elle a allégué que le demandeur n’avait pas réfuté avoir rencontré un administrateur de la défenderesse. Il avait indiqué au contraire ne pas s’en souvenir lors de son audition du 24 février 2016. Elle a contesté le manque de clarté des dispositions statutaires sur la forme des déclarations de volonté concernant la renonciation à l’avance AVS et le choix du mode de remboursement. En effet, leurs termes étaient clairs, et il n’y avait pas besoin de formation spécifique pour comprendre l’action « avis écrit », la durée du remboursement « soit viagèrement, soit sur 12 ans ». La rédaction des statuts était donc parfaitement intelligible et ne prêtait pas à interprétation. Si le demandeur avait eu des doutes sur ces dispositions malgré leur précision, il lui incombait de faire diligence et de questionner la défenderesse. Il était évident que l’on ne saurait exiger d’une institution de prévoyance qu’elle rédige ses statuts selon le niveau de formation de chacun de ses assurés. Ainsi, la rédaction de statuts et autres dispositions réglementaires devait répondre à un devoir d’information collectif, c’est-à-dire destiné à un nombre indéterminé de personnes. Le demandeur confondait manifestement devoir d’information et conseil individualisé, lequel ne pouvait au demeurant être prodigué qu’en réponse à une demande individuelle spécifique. C’était la raison pour laquelle il appartenait à chacun en cas d’incompréhension ou de doute sur un texte d’interpeller sa caisse de pension pour obtenir des explications. La production au dossier de la communication n° 1 de la défenderesse avait pour objectif de prouver qu’elle avait bien procédé à diverses communications à ses assurés depuis l’entrée en vigueur des statuts. Au vu de ces éléments, la défenderesse persistait à affirmer que les explications et les informations nécessaires avaient été correctement et complètement communiquées au demandeur. La fiche de renseignements du 18 mai 1988 constituait un résumé chiffré, et les chiffres n’étaient pas de nature à exiger une formation spécifique pour être lus et compris, s’agissant du montant de la rente qui serait versée. Cette fiche n’avait pas pour but de retranscrire toutes les options offertes par le plan de prévoyance, mais de communiquer des montants individualisés et donc propres à l’assuré concerné. Cette fiche n’avait d’ailleurs en l’espèce pas interféré dans le processus ayant conduit le demandeur à prendre sa retraite. Quant à l’accès aux informations relatives au processus législatif, les médias et les communications publiques existaient bien avant l’apparition d’internet, tout comme les rapports d’activité adressés chaque année aux membres assurés depuis 1985 par la défenderesse ainsi que les publications sur les panneaux d’affichage des délibérations des communes. La communication des statuts, des rapports d’activités et du référendum avait été faite, qui plus est de manière personnalisée, à tous les assurés. Que le demandeur prétende ne pas avoir pris connaissance des statuts dûment adressés et rappelés dans les rapports d’activité annuels n’était pas imputable à la défenderesse.

La défenderesse a déclaré prendre acte du fait que le demandeur avait compris les conditions imposées par les statuts pour renoncer à l’avance AVS et au remboursement viager.

Elle a précisé qu’en l’espèce, le capital constitué pour verser la rente de retraite avait été totalement épuisé. À titre indicatif, la prestation de sortie acquise au 1er janvier 1989 par le demandeur s’élevait à CHF 374'850.- alors même que la somme des rentes de retraite versées jusqu’au 1er janvier 2016 s’élevait à CHF 976'812.-. La défenderesse est en outre revenue sur les avantages conférés par l’avance AVS à ses assurés. Elle a répété que le demandeur aurait dû s’étonner du caractère viager du remboursement au plus tard à réception du courrier de mars 1992. Le demandeur avait d’ailleurs indiqué lors de sa comparution se souvenir que « c’était marqué en viager ».

La défenderesse a répété qu’elle avait adressé les statuts à ses assurés en janvier 1985. Elle ne pouvait d’autant moins faillir à cette obligation que c’était à cette date que la législation sur la prévoyance professionnelle était entrée en vigueur. Le demandeur ne pouvait ainsi pas sérieusement prétendre ne pas les avoir reçus, au vu de l’importance de cette révolution législative. Cela étant, avant le 1er janvier 2005, la loi ne contenait pas de dispositions relatives à l’information des assurés. Un certain devoir d’information ressortait d’autres textes légaux, mais il était limité. Le Conseil fédéral avait édicté une directive le 11 mai 1988 sur le devoir d’information, précisant les renseignements minimaux à donner aux assurés sur demande. Le Tribunal fédéral avait en outre retenu que le principe de la bonne foi en droit public ne pouvait être invoqué à défaut de devoir légal d’information des assurés, car ce principe ne faisait qu’assimiler au renseignement inexact l’omission de renseigner violant les obligations légales d’information. En conclusion, aucun manquement au devoir d’information ne pouvait être imputé à la défenderesse.

7.        La chambre de céans a transmis copie de cette écriture au demandeur en date du 23  mai 2016.

8.        Par courrier du 30 mai 2016, la chambre de céans a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce, ainsi qu’aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du Code des obligations [CO - RS 220]; art. 52, 56a, al. 1, et art. 73 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 [LPP - RS 831.40]; art. 142 du Code civil [CC - RS 210]).

Selon l’art. 73 al. 3 LPP, le for est au siège ou domicile suisse du défendeur ou au lieu de l'exploitation dans laquelle l'assuré a été engagé.

En l’espèce, l’employeur du demandeur était sis à Genève.

La compétence de la chambre de céans pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        L’ouverture de l’action prévue à l’art. 73 al. 1 LPP n’est soumise, comme telle, à l’observation d’aucun délai (Raymond SPIRA, Le contentieux des assurances sociales fédérales et la procédure cantonale, Recueil de jurisprudence neuchâteloise, 1984).

La demande respecte en outre la forme prévue à l'art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

On relèvera encore que malgré leur libellé, les conclusions du demandeur ont une nature condamnatoire et non constatatoire, puisqu’elles tendent à la cessation de la retenue opérée sur la pension et à la restitution d’une partie des montants retenus. Il ne s’agit dès lors pas d’une action en constatation, laquelle ne serait pas recevable en raison de son caractère subsidiaire par rapport à une action formatrice (ATF 129 V 289 consid. 2.1, arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 149/06 du 11 juin 2007 consid. 5.2).

Partant, la demande est recevable.

3.        S'agissant du droit applicable ratione temporis, on applique, en cas de changement de règles de droit, les dispositions en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques. Ces principes valent également en cas de changement de dispositions réglementaires ou statutaires des institutions de prévoyance (ATF 138 V 176 consid. 7.1 ; ATF 121 V 97 consid. 1a).

Par conséquent, les statuts dans leur version en vigueur au 1er janvier 1985 sont applicables au présent litige, point sur lequel les parties s’accordent d’ailleurs. Les dispositions légales pertinentes sont celles en force en 1988.

4.        Le litige porte sur le remboursement viager de l’avance AVS.

5.        Dès lors que la défenderesse est une institution de prévoyance de droit public, ses dispositions statutaires doivent être interprétées selon les règles d'interprétation des règles légales (SVR 1997 BVG n° 79 p. 243 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_613/2013 du 30 décembre 2013 consid. 5.1).

La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre. Il n'y a lieu de déroger au sens littéral d'un texte clair par voie d'interprétation que lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause. De tels motifs peuvent découler des travaux préparatoires, du but et du sens de la disposition, ainsi que de la systématique de la loi (ATF 129 II 234 consid. 2.4). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires, du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (ATF 130 V 479 consid. 5.2 et les références citées).

6.        L’art. 31 des statuts dans leur version en vigueur au 1er janvier 1985 prévoyait que la pension de retraite est calculée en fonction des années d’assurance, du dernier traitement assuré et du taux moyen d’activité. Chaque année d’assurance donne droit à une pension de retraite égale à 2 % du dernier traitement assuré. Si l’assuré fait valoir son droit à la pension de retraite avant l’âge de 60 ans révolus, le montant de la pension est réduit de 5 % de son montant pour chaque année complète de différence entre l’âge de l’intéressé au premier jour du mois au cours duquel débute le service de la pension et l’âge de 60 ans révolus. La réduction pour une fraction d’année est calculée prorata temporis. Le taux maximum de la pension de retraite n’excédera en aucun cas 70 %.

Aux termes de l’art. 33 des statuts, le bénéficiaire d’une pension de retraite a droit jusqu’à l’ouverture de son droit aux prestations de l’AVS à une avance non réversible calculée en fonction de la rente de vieillesse annuelle simple complète maximum de l’AVS. Cette avance n’est versée que pour autant que le montant des annuités prévues pour son remboursement ultérieur n’excède pas celui de la pension annuelle de retraite. L’assuré peut, par avis écrit donné à son administration avant la mise au bénéfice de la pension de retraite, renoncer à l’avance.

L’art. 34 précise que les montants versés au titre d’avance AVS sont remboursables soit viagèrement, soit en 12 ans, dès que le pensionné a droit à la rente de vieillesse AVS. Si l’assuré ne se détermine pas par avis écrit donné à son administration quant à la durée du remboursement de l’avance AVS avant la mise au bénéfice de la pension de retraite, le remboursement se fera viagèrement.

L’art. 35 des statuts contient les échelles de remboursement de l’avance. En cas de remboursement de l’avance en 12 ans (let. a), cette disposition prévoit notamment ce qui suit pour les hommes : en cas de retraite à 60 ans un taux de remboursement de 41 % pour un taux d’avance de 59 %, en cas de retraite à 61 ans un taux de remboursement de 35 % pour un taux d’avance de 65 %, en cas de retraite à 62 ans un taux de remboursement de 28 % pour un taux d’avance de 72 %, en cas de retraite à 63 ans un taux de remboursement de 20 % pour un taux d’avance de 80 %, en cas de retraite à 64 ans un taux de remboursement de 11 % pour un taux d’avance de 89 %. S’agissant du remboursement viager, l’art. 35 let. b des statuts arrête pour les hommes en cas de retraite à 60 ans un taux d’avance de 66 % et un taux de remboursement de 34 %, en cas de retraite à 61 ans un taux d’avance de 71 % et un taux de remboursement de 29 %, en cas de retraite à 62 ans un taux d’avance de 77 % et un taux de remboursement de 23 %, en cas de retraite à 63 ans un taux d’avance de 84 % et un taux de remboursement de 16 % et en cas de retraite à 64 ans un taux d’avance de 91 % et un taux de remboursement de 9 %.

Aux termes de l’art. 79 des statuts, chaque année, le comité de gestion informe les assurés et pensionnés de la Caisse sur la marche de cette dernière en leur remettant un rapport d’activité.

7.        Force est de constater à la lecture des dispositions réglementaires qui précèdent que le versement d’une avance AVS à rembourser de manière viagère y est prévu de manière parfaitement claire, et que les statuts ne souffrent d’aucune ambiguïté sur ce point.

Le principe même de l’avance ainsi que les modalités viagères de son remboursement constituent d’ailleurs la solution réglementaire « par défaut », puisqu’elle est appliquée sauf renonciation écrite à l’avance AVS ou demande écrite de remboursement en douze ans.

Le versement de l’avance AVS et son remboursement à vie sont ainsi conformes aux dispositions statutaires applicables.

On ajoutera que la rente-pont AVS et son remboursement viager sont des institutions usuelles en prévoyance professionnelle. Ainsi, dans l’ouvrage de conseils pratiques édité par Beobachter, il est souligné qu’en cas de retraite anticipée, certaines caisses de pension proposent une rente-pont, ce qui signifie qu’elles versent une prestation supplémentaire jusqu’à ce que l’assuré atteigne l’âge de la rente AVS. Les auteurs recommandent dans un tel cas de s’intéresser au financement de cette prestation, qui est dans la plupart des cas déduite de l’avoir de vieillesse, ce qui signifie qu’elle est financée par l’assuré. Le versement d’une rente-pont conduit alors à ce qu’une rente de vieillesse réduite soit versée dès l’âge AVS. A cette date, la caisse de pension procède à un nouveau calcul en déduisant de l’avoir de vieillesse le montant consacré à la rente-pont. L’avoir de vieillesse ainsi diminué conduit au versement viager d’une rente réduite (Ueli KIESER / Jürg SENN, Pensionskasse, Vorsorge, Finanzierung, Sicherheit, Leistung, Zurich 2009 pp. 139-140).

On précisera enfin que si une telle solution est avantageuse pour certains pensionnés alors qu’elle ne l’est pas pour d’autres, la nature même des retraites anticipées impose de prévoir des solutions générales qui peuvent avoir des effets différents pour les intéressés selon l’âge et la durée d’assurance, sans que cela ne porte atteinte au principe d’égalité de traitement (ATF 127 V 252 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 31/02 du 10 octobre 2002 consid. 1.4).

8.        Le demandeur affirme qu’il n’a pas saisi la portée des statuts, qu’il n’aurait d’ailleurs pas reçus, et reproche à la défenderesse de ne pas l’avoir informé sur les alternatives au remboursement viager de l’avance AVS.

a) L’art. 86b LPP, régissant l’information des assurés, a été introduit par la première révision LPP ; il est entré en vigueur le 1er janvier 2005 pour son 1er alinéa et le 1er avril 2004 pour son 2ème alinéa. Cette disposition prévoit que l’institution de prévoyance renseigne chaque année ses assurés de manière adéquate sur: leurs droits aux prestations, le salaire coordonné, le taux de cotisation et l'avoir de vieillesse (let. a); l'organisation et le financement (let. b); les membres de l'organe paritaire selon l'art. 51 (let. c) (al. 1). Les assurés peuvent demander la remise des comptes annuels et du rapport annuel. L'institution de prévoyance doit en outre informer les assurés qui le demandent sur le rendement du capital, l'évolution du risque actuariel, les frais d'administration, les principes de calcul du capital de couverture, les provisions supplémentaires et le degré de couverture (al. 2). Les institutions de prévoyance collectives ou communes doivent informer l'organe paritaire, sur demande, des cotisations non transférées par l'employeur. L'institution de prévoyance doit informer d'office l'organe paritaire lorsque les cotisations réglementaires n'ont pas été transférées dans les trois mois suivant le terme d'échéance convenu (al. 3). L'art. 75 est applicable (al. 4).

L’entrée en vigueur de cette disposition est toutefois postérieure à la survenance du cas de prévoyance du demandeur, si bien qu’il ne peut s’en prévaloir conformément aux principes de droit intertemporel rappelés ci-dessus.

b) Jusqu’à la première révision LPP, seul existait un devoir d’information de l’employeur, tenu en vertu de l’art. 331 al. 4 CO de donner au travailleur les renseignements nécessaires sur ses droits envers une institution de prévoyance professionnelle ou en faveur du personnel ou envers un assureur. Le Conseil fédéral avait en outre émis des directives sur l'obligation pour les institutions de prévoyance enregistrées de renseigner leurs assurés, datées du 11 mai 1988 (FF 1988 II p. 629). Ces directives prévoyaient notamment que les institutions de prévoyance renseignent les assurés sur le montant et les bases de calcul du droit aux prestations de prévoyance lors de la réalisation du risque assuré (chiffre 221). Quant aux institutions de prévoyance, avant l’introduction de l’art. 86b LPP, leurs obligations d’informer portaient uniquement sur la possibilité de conclure une assurance complémentaire en cas de mise en gage ou de versement anticipé (art. 30f let. e aLPP dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2004), et sur la prestation de sortie réglementaire (art. 24 al. 1 de la loi fédérale sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité [LFLP - RS 831.42] dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 2004). Ces deux dispositions n’ont au demeurant été introduites que le 1er janvier 1995 (cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 61/02 du 17 août 2005 consid. 5.3).

Ainsi, jusqu’à l’entrée en vigueur de l’art. 86b LPP, exception faite des points qui précèdent, l’obligation des institutions de prévoyance de renseigner leurs assurés avait pour unique fondement le devoir de loyauté découlant du principe de la confiance ancré à l’art. 2 al. 1 CC, qui commande aux cocontractants de se comporter de manière loyale et avec les égards mutuels. En tant qu’il fonde une obligation de renseigner, ce devoir de loyauté présuppose que la partie tenue d’informer reconnaisse le besoin d’information du cocontractant et puisse lui fournir sans autre les informations nécessaires (ATF 136 V 331 consid. 4.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 160/06 du 7 novembre 2007 consid. 4.3.1).

c) En l’espèce, la rente-pont AVS et son remboursement ne font pas partie des points sur lesquels l’institution de prévoyance était tenue de renseigner les assurés avant l’entrée en vigueur de l’art. 86b LPP. En outre, il n’apparaît pas que le demandeur ait manifesté un besoin d’information particulier, que la défenderesse aurait dû satisfaire conformément au principe de la bonne foi. Il n’allègue en particulier pas avoir exigé des explications sur la notion de remboursement viager, dont il a déclaré se souvenir lors de son audition. Or, à l’instar de ce que la chambre de céans a retenu dans son arrêt du 29 novembre 2011 (ATAS/1160/2011 consid. 14), il appartenait au demandeur de se renseigner sur la durée du remboursement, quel qu’ait été son état de santé à ce moment. Dès lors qu’il n’a pas interpellé la défenderesse sur la signification de la mention du remboursement viager, celle-ci était fondée à considérer qu’il en avait saisi la portée. C’est d’ailleurs le lieu de relever que le terme « viager », s’il n’est peut-être pas fréquemment usité, fait néanmoins partie du vocabulaire usuel et que son acception juridique ne diffère pas de son sens courant. Il ne s’agit ainsi pas d’une expression technique que les profanes ne sont pas à même de comprendre sans explications complémentaires.

Partant, aucune violation de l’obligation de renseigner ne peut être retenue dans le cas d’espèce.

d) S’agissant enfin du point de savoir si le demandeur a obtenu un exemplaire des statuts, il peut rester ouvert en l’espèce. En effet, le principe fondamental qui gouverne les rapports entre les administrés et l'administration est celui selon lequel « nul n'est censé ignorer la loi ». Le citoyen devant avoir la possibilité de connaître le droit pour s'y soumettre, la publication des lois, règlements et arrêtés est en principe une condition nécessaire pour qu'ils soient applicables et juridiquement contraignants. La forme de la publication qui est exigée dépend de la législation de l'entité publique. Lorsqu'aucun mode de publication officielle n'est prévu, il faut tout de même, pour que les obligations figurant dans un texte ayant force obligatoire puissent être opposables aux intéressés, que ceux-ci aient pu en avoir connaissance (arrêt du Tribunal fédéral 2C_951/2014 du 16 avril 2015 consid. 3.1.1). Le Tribunal fédéral a certes considéré que l’obligation d’informer au sens de l’art. 86b LPP prime sur la règle selon laquelle les lois sont réputées connues par leur publication officielle et que nul ne peut se prévaloir de son ignorance (ATF 136 V 331 consid. 4.3.2.1, cf. également dans les domaines régis par la LPGA dont l’art. 27 a une portée similaire à l’art. 86b LPP l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_97/2009 du 14 octobre 2009 consid. 3.3). Cependant, eu égard au fait que l’art. 86b LPP n’est pas applicable en l’espèce, le demandeur doit se voir opposer le contenu des statuts dès lors que ces derniers ont été publiés, sans qu’il soit nécessaire qu’il en ait reçu un exemplaire.

9.        Le demandeur ne peut pas non plus se prévaloir du principe de la bonne foi.

Découlant directement de l'art. 9 de la Constitution (Cst – RS 101) et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration. Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 131 II 627 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_674/2014 du 24 avril 2015 consid. 5.2).

Cependant, la protection de la confiance en tant que principe de droit public n’assimile l’omission de renseigner à une information erronée que lorsque l’obligation de renseigner est prévue dans la loi (ATF 124 V 215 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 61/02 du 17 août 2005 consid. 5.3 ; Kurt PÄRLI, Commentaire LPP et LFLP, 2010, n. 8 ad art. 86b LPP).

Ainsi, en l’absence de devoir statutaire de renseigner sur les options s’offrant en cas de retraite avant l’âge AVS et d’obligation légale de renseigner, le principe de la bonne foi n’est d’aucun secours au demandeur.

Par surabondance, il n’est pas inutile de souligner qu’opter pour un remboursement viager de l’avance plutôt que sur douze ans n’est pas en soi préjudiciable. Ce n’est en effet qu’au cas où l’assuré est encore en vie lorsque les retenues mensuelles sur sa pension atteignent le montant de l’avance AVS que ce choix s’avère défavorable au plan financier. Or, la longévité relève d’un aléa en règle générale très difficilement prédictible à l’âge auquel l’assuré doit opérer ce choix, qu’il ne peut de surcroît pas véritablement influencer. Partant, on peut douter du lien de causalité entre un éventuel défaut d’information sur le remboursement viager et les dispositions prises par l’assuré qui entraînent un dommage – si tant est qu’on puisse considérer que le fait d’être en vie constitue un dommage.

Enfin, dans le cas d’espèce, rien ne permet de démontrer au degré de la vraisemblance prépondérante applicable en assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b) que le demandeur aurait en l’espèce choisi un remboursement de l’avance AVS sur douze ans plutôt qu’à vie s’il avait été informé des alternatives possibles, notamment eu égard aux allégations sur son état de santé en 1988.

10.    Le demandeur invoque encore l’erreur.

Selon l'art. 23 CO, le contrat n'oblige pas celle des parties qui, au moment de le conclure, était dans une erreur essentielle. Les cas d'erreur essentielle sont énumérés à l'art. 24 CO. Est une erreur essentielle, notamment, l'erreur dite de base telle que l'entend l'art. 24 al. 1 ch. 4 CO. Un contractant peut invoquer cette erreur s'il s'est trompé sur un point déterminé qu'il considérait comme un élément nécessaire du contrat et dont l'autre partie a reconnu ou pouvait reconnaître qu'il avait un tel caractère; il faut encore que l'erreur concerne un fait qu'il est objectivement justifié de considérer comme un élément essentiel. L'erreur peut aussi consister dans la méconnaissance d'une situation juridique (ATF 118 II 58 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 92/00 du 26 septembre 2001 consid. 3c). Le contrat entaché d'une erreur essentielle est tenu pour ratifié lorsque la partie qu'il n'oblige point a laissé s'écouler une année, à compter du moment où l'erreur a été découverte, sans déclarer à l'autre sa résolution de ne pas le maintenir, ou sans répéter ce qu'elle a payé (art. 31 al. 1 et 2 CO).

En l’espèce, le point de savoir s’il y avait bien erreur essentielle peut être laissé ouvert dès lors qu’en toute hypothèse, le demandeur serait forclos à l’invoquer. En effet, selon les calculs du demandeur – que la défenderesse ne conteste pas sur ce point – il a bénéficié d’une avance AVS de CHF 43'320.-. Compte tenu de la retenue de CHF 360.- opérée mensuellement dès mars 1992, cette avance a été complètement remboursée en dix ans et un mois. C’est ainsi au plus tard dès mai 2002 que le demandeur, constatant que le montant de CHF 360.- continuait d’être prélevé sur sa pension malgré le remboursement complet de l’avance, qu’il a pu se rendre compte de la nature viagère de ce remboursement. C’est ainsi à cette date au plus tard que commençait à courir le délai d’une année prévu à l’art. 31 CO. L’invocation de ce vice dans son écriture du 23 novembre 2015 est ainsi tardive.

11.    Compte tenu des éléments qui précèdent, la demande doit être rejetée.

Le demandeur, qui succombe, n’a pas droit à des dépens (art. 89H LPA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 73 al. 2 LPP).


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande recevable.

Au fond :

2.        La rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Juliana BALDÉ

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le