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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1354/2025

ATA/931/2025 du 26.08.2025 sur JTAPI/556/2025 ( ICC ) , ADMIS

Descripteurs : AVANCE DE FRAIS;FORMALISME EXCESSIF
Normes : LPA.86; Cst.29.al1
Résumé : Empêchement non fautif de retirer le courrier recommandé du TAPI et de s’acquitter de l’avance de frais. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1354/2025-ICC ATA/931/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 août 2025

4ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE intimée

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 mai 2025 (JTAPI/556/2025)


EN FAIT

A. a. Par décision sur réclamation du 11 mars 2025, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a refusé de faire droit à la réclamation d'A______ relative à l'année fiscale 2023.

b. Par acte du 8 avril 2025, A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

c. Par lettre recommandée du 22 avril 2025, le TAPI lui a imparti un délai échéant le 22 mai 2025 pour procéder au paiement d'une avance de frais de CHF 700.- sous peine d'irrecevabilité.

d. Cette lettre recommandée a été retournée par la Poste au TAPI le 5 mai 2025 avec comme indication la mention « non réclamé ».

e. Par jugement du 26 mai 2025, le TAPI a déclaré le recours irrecevable pour défaut de paiement de l'avance de frais dans le délai imparti.

Son courrier recommandé du 22 avril 2025, contenant l’invitation à s’acquitter de l’avance de frais de CHF 700.-, avait été retourné par la Poste avec la mention « non réclamé » à l’issue du délai de garde de sept jours. Conformément à la jurisprudence, la demande de paiement de l'avance de frais avait été notifiée de manière régulière le dernier jour du délai de garde, soit le 30 avril 2025, et A______ était réputée en avoir pris connaissance à cette date.

B. a. Par acte expédié le 10 juin 2025, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation.

Elle n'avait pas pu prendre connaissance du courrier recommandé du TAPI. Le 25 avril 2025, elle s'était rendue à l'épicerie postale de B______ (ci‑après : l'épicerie) avec son invitation à retirer une lettre recommandée déposée dans sa boîte aux lettres le 23 avril précédant. L'employé de l'épicerie n'avait pas trouvé ledit recommandé et lui avait demandé de revenir ultérieurement. Elle lui avait demandé de garder l'enveloppe jusqu'à son retour de vacances le lundi 5 mai 2025. Toutefois, ledit courrier avait été retourné à l'expéditeur le 2 mai 2025. Le nom de l'expéditeur lui étant inconnu, elle n'avait pas su auprès de qui se manifester.

b. À la suite d'une demande de renseignements de la juge déléguée, l'employé de l'épicerie en question, C______ a, par courrier reçu le 17 juillet 2025, confirmé qu'A______ s'était effectivement rendue le 25 avril 2025 à l'épicerie chercher un recommandé et qu'il lui avait été impossible de le trouver, étant précisé qu'il pouvait se trouver à D______ comme c'était souvent le cas avec les courriers officiels. Elle lui avait demandé de prolonger la date d'échéance avec une prolongation jusqu'au 5 mai 2025 et il devait demander à son patron de s'en occuper à son retour le lundi 28 avril 2025. Ils n'avaient toutefois pas l'autorisation d'effectuer de telles prolongations et A______ aurait dû elle-même faire cette demande à la « centrale » de D______. Il lui était impossible de savoir ce que ce courrier était devenu par la suite mais il avait certainement dû être retourné à l'expéditeur à la date du 3 ou 4 mai 2025.

c. Le 18 juillet 2025, la juge déléguée à transmis ce courrier aux parties en leur donnant un délai au 28 juillet 2025 pour faire part de leur éventuelle détermination, en suite de quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 23 juillet 2025, l'AFC a indiqué ne pas avoir de déterminations complémentaires à formuler.

e. A______ n'a quant à elle pas réagi à ce courrier.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Est litigieuse l’irrecevabilité du recours formé devant le TAPI pour non-paiement de l’avance de frais dans le délai imparti.

2.1 L'exigence de l'avance de frais et les conséquences juridiques en cas de non‑paiement de celle-ci relèvent du droit de procédure cantonal. Les cantons sont libres, dans le respect des garanties constitutionnelles, d'organiser cette matière à leur guise (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1022/2012 du 25 mars 2013 consid. 5.1 ; ATA/1080/2024 du 10 septembre 2024 consid. 2.1).

2.2 En vertu de l'art. 86 LPA, la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables ; elle fixe à cet effet un délai suffisant (al. 1). Si l'avance n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).

2.3 De jurisprudence constante (ATF 141 II 429 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_23/2023 du 3 février 2023 ; 2C_183/2022 du 31 mai 2022 consid. 3.1), lorsque le destinataire d'un envoi recommandé n'est pas atteint et qu'un avis de retrait est déposé dans sa boîte aux lettres ou dans sa case postale, cet envoi est considéré comme notifié au moment où il est retiré. Si le retrait n'a pas lieu dans le délai de garde de sept jours, l'envoi est réputé notifié le dernier jour de ce délai (fiction de la notification).

2.4 La jurisprudence a tiré de l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et de l’obligation d’agir de bonne foi à l’égard des justiciables (art. 5 et 9 Cst.) le principe de l’interdiction du déni de justice formel, qui comprend la prohibition de tout formalisme excessif. Un tel formalisme existe lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique sans raison objective la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 142 V 152 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_254/2016 du 9 mai 2016 consid. 5.2).

Il n'y a pas de rigueur excessive à ne pas entrer en matière sur un recours lorsque, conformément au droit de procédure applicable, la recevabilité de celui-ci est subordonnée au versement d'une avance de frais dans un délai déterminé. Il faut cependant que son auteur ait été averti de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le paiement et des conséquences de l'inobservation de ce délai (ATF 133 V 402 consid. 3.3; arrêt 2C_135/2024 du 7 mai 2024 consid. 3.2). La gravité des conséquences d'un retard dans le paiement de l'avance sur la situation du recourant n'est pas pertinente (arrêts du Tribunal fédéral 2C_703/2009 du 21 septembre 2010 consid. 4.4.2 ; 2C_645/2008 précité consid. 2.2).

2.5 En l'espèce, la recourante ne conteste pas ne pas s'être acquittée de l'avance de frais en faveur du TAPI dans le délai imparti. La correspondance du TAPI du 22 avril 2025 impartissant ledit délai a été envoyée par pli recommandé, à son adresse. La recourante n'ayant pas été atteinte, un avis de retrait a été déposé dans sa boîte aux lettres le mardi 23 avril 2025, selon ses indications. Le retrait n'ayant pas eu lieu dans le délai de garde échéant le 30 avril 2025, l'envoi est réputé notifié le dernier jour de celui-ci.

Devant la chambre de céans, la recourante invoque un empêchement non fautif de retirer son courrier et de s’acquitter de l’avance de frais, confirmé par la déclaration écrite de l'employé de l'épicerie. Elle s'était rendue le 25 avril 2025 à ladite épicerie chercher son recommandé mais l'employé ne l'avait pas trouvé et lui avait demandé de revenir ultérieurement. Elle lui avait demandé de prolonger la date d'échéance jusqu'au 5 mai 2025, ce qu'il avait accepté, alors que l'épicerie n'avait pas l'autorisation d'effectuer de telles prolongations, avec pour conséquence que ce courrier a été retourné à l'expéditeur à la date du 5 mai 2025.

Le fait de ne pas avoir pu retirer son recommandé doit être considéré comme non imputable à la faute de la recourante puisqu'elle s'est rendue le 25 avril 2025 à l'épicerie avec son invitation à retirer son recommandé mais que celui-ci n'a pas été trouvé par l'employé. Le fait pour la recourante d'avoir demandé de faire garder ce courrier jusqu'au 5 mai 2025 ne doit pas non plus lui être préjudiciable, s'étant à cet égard remise aux assurances de l'employé de l'épicerie. Dans ces circonstances exceptionnelles, il doit être retenu que c'est de manière non fautive que la recourante n'a pas acquitté l'avance de frais dans le délai imparti par le TAPI.

Le recours sera donc admis, le jugement attaqué annulé et la cause renvoyée au TAPI pour instruction et nouvelle décision.

3.             Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA). La recourante n'y concluant pas et n'ayant pas exposé de frais pour la défense de ses intérêts, il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 juin 2025 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 mai 2025 ;

au fond :

l’admet et annule le jugement précité ;

renvoie la cause au Tribunal administratif de première instance au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______, à l'administration fiscale cantonale, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Florence KRAUSKOPF, Michèle PERNET, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :