Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/795/2025 du 22.07.2025 ( FORMA ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1373/2025-FORMA ATA/795/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 22 juillet 2025 2ème section |
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dans la cause
A______ recourante
contre
UNIVERSITÉ DE GENÈVE intimée
A. a. Après avoir été éliminée du baccalauréat en psychologie à l’issue de l’année académique 2020-2021, A______ été admise conditionnellement au baccalauréat universitaire en biologie à la Faculté des sciences de l'Université de Genève en septembre 2021. La condition portait sur l’obligation de réussir les deux premiers semestres au plus tard à la session d’août-septembre 2022, sans possibilité de redoubler.
b. Par décision du 23 septembre 2022 du doyen de la faculté de biologie, A______ a été éliminée du baccalauréat en biologie au motif qu’elle n’avait pas réussi les deux premiers semestres, n’ayant validé que 42 crédits ECTS.
c. L’opposition de l’étudiante, qui avait fait valoir le décès d’un proche, des problèmes familiaux, le divorce de ses parents et des problèmes psychologiques (anxiété aux examens), a été admise et elle a été autorisée à représenter trois examens en janvier 2023, qu’elle a réussis.
d. En juin 2023, elle a validé trois cours obligatoires de deuxième année.
e. À l’issue de la session d’examens d’août-septembre 2024, l’étudiante avait trois notes en-dessous de 4, à savoir un 3.75 en seconde tentative en Biostatistiques II, un 3.25 en seconde tentative pour Développement animal et un 3 en première tentative pour Génétique générale. Selon le règlement d’études, elle pouvait refaire deux des trois examens auxquels elle avait échoué pour obtenir des notes suffisantes lui permettant de poursuivre ses études en baccalauréat.
f. Lors de la session de janvier-février 2025, elle a obtenu en dernière tentative la note de 3.25 en Génétique générale, ce qui a entraîné son élimination du baccalauréat en biologie.
g. Par décision du 20 mars 2025, déclarée exécutoire nonobstant recours, la doyenne de la faculté a rejeté l'opposition. Les éléments avancés par l'intéressée, à savoir le stress lié au décès de son oncle en février 2024 et sa situation économique précaire, ne relevaient pas de « circonstances exceptionnelles » prévues par l'art. 58 al. 4 du statut de l'université, entré en vigueur le 24 juillet 2011 (ci-après : statut).
B. a. Par acte expédié le 17 avril 2025 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______ a recouru contre cette décision, dont elle a demandé l’annulation. Elle a conclu, préalablement, à ce qu’il lui soit donné accès au dossier de la faculté relatif à la décision rendue sur opposition et, principalement, à lui permettre de se représenter aux examens auxquels elle avait obtenu une note inférieure à 4.
Son oncle, dont elle était proche, était décédé le 26 février 2024. Ce décès l’avait grandement affectée, ce d’autant plus que sa situation familiale était « peu stable ». Une semaine avant le début des examens d’août-septembre 2024, son père avait dû être hospitalisé pour une crise rénale aiguë. La décision attaquée violait l’art. 58 du statut. Les circonstances précitées constituaient une situation exceptionnelle au sens de cette disposition et justifiaient de lui accorder la possibilité de présenter à nouveau l’examen Développement animal.
La modification du plan d’études en cours d’études avait eu une influence significative pour elle. Elle l’avait contrainte à devoir utiliser sa troisième tentative pour passer l’examen de Biostatistiques en 2025. En outre, n’ayant été informée du changement du règlement d’études du baccalauréat universitaire en biologie (ci-après : REB) qu’en cours d’études, elle n’avait pas pu choisir de commencer sa deuxième année au semestre d’automne 2023, ce qui aurait été plus avantageux pour elle. La décision violait l’interdiction de l’arbitraire et la sécurité du droit.
b. L’université a conclu au rejet du recours.
Le changement du règlement d'études général de la faculté du 20 septembre 2021 (ci-après : REG-21) et du REB n’avait eu aucun impact sur la recourante, celle-ci restant soumise au règlement d’études en vigueur lorsqu’elle avait commencé sa formation, à savoir le REG-21.
c. La recourante ne s’est pas manifestée dans le délai imparti pour répliquer.
d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. L’intimée a produit le dossier de la recourante, de sorte que le chef de conclusions y relatif est devenu sans objet. La recourante n’a d’ailleurs pas fait valoir que des éléments de son dossier seraient manquants.
3. Se pose la question de savoir quel règlement est applicable à la recourante.
3.1 Le REB, comme le REG-2021, est entré en vigueur le 20 septembre 2021 et s'applique à tous les étudiants. La modification du REB, entrée en vigueur en septembre 2023, ne s’applique pas aux étudiantes, qui comme la recourante, avaient alors déjà commencé leur deuxième ou troisième année d’études (art. 8 novies al. 2 REB).
3.2 Partant et contrairement à ce que soutient l’intéressée, la modification du REB ne l’a nullement affectée, ni contrainte à devoir modifier ses choix, notamment celui d’utiliser la troisième tentative pour une branche en particulier. Il s’ensuit également qu’elle ne peut se prévaloir d’avoir subi un préjudice lié à la sécurité du droit, celui-ci étant resté inchangé en ce qui la concerne.
4. Il convient encore d’examiner le bien-fondé de la décision prononçant l’élimination de la recourante du programme de baccalauréat en biologie.
4.1 Selon l’art. 8ter al.1 REB et 5 al. 3 let. a REG-2021, l’étudiante doit acquérir 180 crédits ETCS en six semestres, La durée maximale d’études ne peut dépasser dix semestres. Les examens sont réussis si la candidate obtient pour chaque épreuve une note au moins égale à 4 ; exceptionnellement les règlements d'études de chaque titre peuvent admettre des notes inférieures à 4, mais en tout cas pas inférieures à 2 ; cependant, dans tous les cas, la moyenne des notes doit être égale ou supérieure à 4 (art. 14 ch. 1 REG-2021).
Selon l'art. A8 septies al. 5 REB, pour les étudiantes en deuxième année, une note de branches inférieures à 4 mais supérieures ou égales à 3 est admise. Chaque évaluation ne peut être répétée qu’une seule fois. L’étudiante dispose toutefois d’une troisième tentative pour une seule branche, par année réglementaire d’études (art. 13 ch. 2 RE). Est notamment éliminé du titre brigué l'étudiant qui ne peut plus répéter l’évaluation d’un enseignement des études de base (art. 19 al. 1 ch. 1 REG-2021).
4.2 En l'espèce, l'élimination de la recourante a été prononcée en application des art. 8 septies al. 5 REB et art. 19 al. 1 let. b REG-2021. À l’issue de la session d’août-septembre 2024, la recourante avait trois notes insuffisantes, à savoir dans les deux branches présentées en deuxième tentative un 3.75 en Biostatistiques II et un 3.25 en Développement animal, et la note de 3 en Génétique générale. Elle a choisi de se présenter, à la session de janvier-février 2025, en troisième tentative en Biostatistiques II, de conserver la note en Développement animal et de se présenter en seconde tentative pour Génétique générale.
Elle n’a toutefois pas obtenu une note supérieure à 4 pour la branche Génétique générale. Elle accusait ainsi deux notes en dessous de 4, à savoir Génétique générale et Développement animal. Ne remplissant pas les conditions de réussite de la deuxième année de baccalauréat en biologie, son élimination de celui-ci a été prononcée à bon droit.
5. La recourante fait état d’une situation exceptionnelle.
5.1 À teneur de l'art. 58 al. 3 du statut, l'étudiant qui échoue à un examen ou à une session d'examens auxquels il ne peut plus se présenter en vertu du règlement d'études est éliminé (let. a). La décision d'élimination est prise par le doyen de l'unité principale d'enseignement et de recherche, lequel tient compte des situations exceptionnelles (art. 58 al. 4 du statut).
5.2 Selon la jurisprudence, l'admission d'une situation exceptionnelle au sens de cette disposition doit se faire avec restriction. Il en va de l'égalité de traitement entre tous les étudiants s'agissant du nombre de tentatives qu'ils sont autorisés à effectuer pour réussir leurs examens. N'est ainsi exceptionnelle que la situation particulièrement grave et difficile pour l'étudiant, tant d'un point de vue subjectif qu'objectif. Les effets perturbateurs doivent avoir été dûment prouvés par l'étudiant et être en lien de causalité avec l'événement. Les autorités facultaires disposent dans ce cadre d'un large pouvoir d'appréciation, dont l'autorité de recours ne censure que l'abus. La chambre de céans n'annule donc le prononcé attaqué que si l'autorité intimée s'est laissée guider par des motifs sans rapport avec l'examen ou d'une autre manière manifestement insoutenable (ATF 136 I 229 consid. 6.2 ; ATA/768/2024 du 25 juin 2024 consid. 3 ; ATA/185/2023 du 28 février 2023 consid. 4.1 ; ATA/128/2023 du 7 février 2023 consid. 2.2).
5.3 Ont été considérées comme des situations exceptionnelles le décès d'un proche s'il est établi qu'il a causé un effet perturbateur en lien de causalité avec l'échec de l'étudiant, de graves problèmes de santé ou encore l'éclatement d'une guerre civile avec de très graves répercussions sur la famille de l'étudiant. En revanche, des difficultés financières, économiques ou familiales ainsi que l'obligation d'exercer une activité lucrative en sus des études ne constituent pas des circonstances exceptionnelles, même si elles représentent une contrainte. Ces difficultés sont certes regrettables, mais font partie d'une réalité commune à de très nombreux étudiants (ATA/768/2024 précité consid. 3.6 ; ATA/185/2023 précité consid. 4.1 ; ATA/128/2023 précité consid. 2.2.1 ; ATA/250/2020 du 3 mars 2020 consid. 4b).
5.4 Dans l'exercice de ses compétences, toute autorité administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, que ce respect soit imposé par l'art. 36 al. 3 Cst. ou, de manière plus générale, par l'art. 5 al. 2 Cst., dans ses trois composantes, à savoir l'aptitude, la nécessité et la proportionnalité au sens étroit. Ainsi, une mesure étatique doit être apte à atteindre le but d'intérêt public visé, être nécessaire pour que ce but puisse être réalisé, et enfin être dans un rapport raisonnable avec l'atteinte aux droits des particuliers qu'elle entraîne (ATF 136 I 87 consid. 3.2 ; 135 I 176 consid. 8.1).
5.5 En l’espèce, le décès de l’oncle de la recourante est survenu le 26 février 2024. Or, les examens échoués en dernière tentative ont été présentés en janvier-février 2025. Compte tenu de l’écoulement du temps, il ne peut plus être retenu que le décès de ce proche aurait eu un effet perturbateur en lien de causalité avec l'échec de l'étudiante aux examens présentés une année plus tard. Il en va de même des problèmes de santé rencontrés en août 2024 par le père de la recourante, soit plusieurs mois avant la session d’examens de début 2025, et dont il n’est pas allégué qu’ils auraient alors encore été d’actualité. En outre, la recourante disposait de suffisamment de temps pour requérir, si elle estimait que son état de santé psychique le justifiait, un report de la session d’examens, ce qu’elle n’a pas fait.
Enfin, même s’il n’y a pas lieu de minimiser les difficultés traversées par la recourante, y compris sa situation familiale qu’elle décrit comme « peu stable », il ne peut être considéré que les éléments qui précèdent, même cumulés, constituent des circonstances exceptionnelles au sens de l’art. 58 al. 4 statut. En effet, ceux-ci n’atteignent pas un degré de gravité, subjectif et objectif, susceptible d’avoir un effet perturbateur en lien de causalité avec l'échec de l'étudiante.
Par conséquent, l’autorité intimée n’a pas violé le droit ni abusé de son large pouvoir d’appréciation en retenant que la situation de la recourante ne remplissait pas la condition d’une situation exceptionnelle au sens de l’art. 58 al. 4 du statut.
Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.
6. Vu l’issue de litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante, qui ne peut se voir allouer d’indemnité de procédure (art. 87 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 17 avril 2025 par A______ contre la décision de l’Université de Genève du 20 mars 2025 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;
- par la voie du recours en matière de droit public ;
- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;
le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'Université de Genève.
Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière-juriste :
S. HÜSLER ENZ
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| la présidente siégeant :
F. KRAUSKOPF |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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