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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2361/2024

ATA/747/2025 du 08.07.2025 ( FPUBL ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2361/2024-FPUBL ATA/747/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 juillet 2025

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Saskia DITISHEIM, avocate

contre

COMMUNE DE B______ intimée
représentée par Me Stéphane GRODECKI, avocat

 



EN FAIT

A. a. A______ a été nommé sapeur-pompier volontaire de la Compagnie 21 (ci‑après : la Compagnie) de la commune de B______ (ci‑après : la commune) en octobre 2009.

b. Il a été nommé capitaine en janvier 2021.

B. a. Début juin 2024, le Conseil administratif de la commune a fait procéder à une investigation comptable des dépenses et des activités de la compagnie. Il a mandaté la fiduciaire C______ SA (ci-après : C______) – qui a rendu un rapport le 20 juin 2024 – et a confié, dans un second temps, un audit opérationnel de la Compagnie à la société D______ (ci‑après : D______).

b. Par courrier du 13 juin 2024, la commune a invité A______, le premier‑lieutenant E______ et le sergent-major F______ à se déterminer sur les éléments suivants :

« 1. Achat aux frais de la Compagnie, et donc de la Commune, de 90 bouteilles de champagne pour les années 2023 et 2024. Le total d'acquisition de champagne/vin pour la période est de CHF 6'097.62 Selon l'auditeur, s'il n'est pas exclu que la Compagnie ait pu "offrir" du champagne lors de l'organisation du 125ème de la FGSP, aucune refacturation n'a été identifiée dans les décomptes concernant cette organisation. Une grande partie de ce champagne ne semble pas en lien avec cette manifestation.

2. Achat aux frais de la Compagnie, et donc de la Commune, de 10 bouteilles d'alcool fort pour les années 2023 et 2024. Il ressort de la comptabilité que sur 2023 et 2024, le total de la rubrique "alcool fort" est de CHF 1'753.77, et comporte des achats importants de bière.

3. Remboursement d'un ticket de CHF 475.- de la boîte de nuit "Le Village du Soir" dans la soirée du 1er au 2 décembre 2023.

4. Présence dans la comptabilité de factures de restaurant pour 2023 et 2024 pour CHF 9'236.- pour un total de 181 convives, soit CH 51.- par personne en moyenne, montant qui est élevé pour une collectivité publique. Il est par ailleurs impossible d'effectuer un quelconque contrôle, car il n'existe aucune indication sur les personnes ou pompiers présents, ni surtout le motif justifiant la prise en charge, contrairement aux prescriptions fiscales.

Ces différentes dépenses semblent, prima facie, incompatibles avec une utilisation rationnelle des deniers publics. Elles ne semblent pas non plus compatibles avec l'activité d'une Compagnie de pompiers. Les quantités d'alcool consommées aux frais de la collectivité semblent en effet très problématiques.

5. Vente d'un véhicule de pompiers le 29 avril 2024 pour un montant de CHF 1'000.- au garage G______, soit un membre de la famille d'un membre de la Compagnie, alors que ce véhicule a été immédiatement remis sur le marché pour CHF 13'000.  D'autres éléments suspicieux existent dans cette vente (réparation pour plus de CHF 1.- chez l'acheteur juste avant la vente, et refus de prévoir un contrat de reprise de véhicule lors de l'achat du véhicule de remplacement). Cette opération semble favoriser sans droit un proche de la Compagnie ».

c. Dans des observations conjointes du 23 juin 2024, les intéressés ont contesté les faits reprochés :

- s'agissant des chiffres 1 et 2, les dépenses avaient été effectuées au moyen d'un compte appartenant aux membres actifs de la Compagnie, dont celle-ci avait libre disposition, et non au moyen de fonds communaux ;

- s'agissant du chiffre 3, il s'agissait d'un simple repas, organisé pour les membres de l'état-major et de leurs compagnes, chaque fin d'année civile. Dans ce cadre, ils étaient allés manger au « Refuge », restaurant à fondues qui se situe à l'intérieur de l'enceinte du village du Soir ; c'était la raison pour laquelle la facture émanait de cette entité qui n'était au demeurant pas une boîte de nuit, mais un lieu culturel ouvert en journée. Si cette coutume devait désormais ne plus être admise, ils appliqueraient la nouvelle procédure dès qu'elle leur serait communiquée ;

- s'agissant du chiffre 4, il s'agissait d'un fonctionnement historique connu de la commune ;

- enfin, s'agissant de la vente du véhicule vétuste, la commune était non seulement informée du processus de remplacement mais elle avait validé l'acheteur. En outre, le véhicule avait en réalité été revendu au prix de CHF 2'500.-, non de CHF 13'000.- comme mentionné.

d. Par décision du 24 juin 2024, déclarée exécutoire nonobstant recours, la commune a, « statuant sur mesures provisionnelles » et se fondant sur l'art. 21 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et les art. 20 al. 1 et 28 al. 1 let. c de la loi sur la prévention des sinistres, l’organisation et l’intervention des sapeurs-pompiers du 25 janvier 1990 (LPSSP - F 4 05), ordonné la suspension immédiate de A______, valable durant la durée des investigations et jusqu'à prise de décision finale sur le fond, mais au maximum douze mois, lui a fait interdiction de porter l'uniforme, lui a ordonné de remettre immédiatement à la Mairie les moyens de communication à disposition, avec l'intégralité des données, ainsi que tous les moyens d'accès mis à disposition.

Les achats reprochés avaient été passés à la charge de la Compagnie, donc de la commune, dans le compte 4'200. La position des intéressés démontrait, à tout le moins, un mélange comptable dans les comptes de la commune, entre dépenses privées et publiques.

Il était retenu que « la mauvaise gestion financière et la culture de la consommation d'alcool de la compagnie devaient être considérées comme une violation des règles de discipline, à tout le moins ; que l'absence de toute compréhension du problème dans les observations du 23 juin 2024 démontrait que la gestion de la compagnie n'était plus assurée ».

Les éléments relatifs au chiffre 5 étaient toutefois peu clairs et ne pouvaient dès lors être retenus à ce stade.

Aussi, seule une suspension immédiate durant la suite des investigations était susceptible de garantir la poursuite de la gestion de la Compagnie, et ainsi de la sauvegarde de la sécurité publique.

C. a. Par acte du 4 juillet 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à l'octroi d'une indemnité de procédure. Préalablement, l'effet suspensif devait être restitué et la comparution personnelle des parties ordonnée.

La décision prononcée était finale et non incidente, dès lors qu'elle prononçait une sanction. Si par impossible la chambre administrative devait considérer cette décision comme incidente, celle-ci lui causait à l'évidence un dommage irréparable. En effet, l'indemnité mensuelle de CHF 1'500.- qu'il percevait comme commandant de la compagnie constituait une partie de son salaire, sans lequel il ne pouvait couvrir son minimum vital. Par dévouement pour les sapeurs-pompiers, il avait même baissé son taux d'activité chez H______, son employeur principal. De plus, sa suspension entraînait la suppression de la prise en compte de l'année de service correspondante, qu'il devrait rattraper après l'âge de 50 ans.

Son droit d'être entendu avait été violé. Le délai de six jours qui lui avait été donné pour se déterminer était trop court pour le faire efficacement, alors qu'il n'y avait aucune urgence à statuer. Le rapport comptable 2024 ne lui avait jamais été transmis, alors qu'il figurait dans le dossier administratif de la commune et avait vraisemblablement été pris en compte lors de la prise de décision. Enfin, sa suspension l'empêchait de participer aux investigations complémentaires annoncées par la commune.

La suspension à titre provisionnel d'un sapeur-pompier n'était prévue ni par la LPSSP, ni par le règlement du personnel communal de B______ du 21 avril 2016 (LC 12 151, ci-après : le règlement), et il ne s'agissait pas d'une lacune authentique.

La décision de suspension querellée constituait ainsi une sanction déguisée. La commune n'était pas en droit, sous l'angle du principe de la légalité, de prononcer une suspension immédiate, à savoir une mesure provisionnelle, en se basant sur l'art. 28 LPSSP, dès lors que cette disposition énumérait des sanctions disciplinaires, soit des sanctions finales. La décision violait également le principe de la proportionnalité, des investigations complémentaires étant en réalité inutiles et, concernant la consommation d'alcool, une interdiction stricte de consommation dans les locaux avait déjà été prononcée par la commune.

b. Par décision du 25 septembre 2024, la présidence de la chambre administrative a restitué l'effet suspensif au recours et a réservé le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond.

c. Le 27 septembre 2024, la commune a indiqué au recourant que si l'effet suspensif lui avait été accordé, elle n'avait pas encore statué sur sa position au sein de la compagnie, étant précisé qu'un commandant ad interim avait été nommé et était toujours en fonction.

d. La commune a formellement réintégré A______ au sein de la compagnie le 4 octobre 2024.

e. Dans sa réponse sur le fond du 7 octobre 2024, la commune a conclu, à la forme, à l'irrecevabilité du recours et, au fond, à son rejet.

La décision querellée constituait une décision incidente et A______ n'avait aucunement justifié son prétendu préjudice. Le rapport final d'audit de la société D______ du 10 septembre 2024 achevait de démontrer que la commune était légitimée à le suspendre provisoirement jusqu'à l'issue des investigations, qui avaient confirmé les reproches soulevés à son égard.

La décision était fondée sur les art. 21 LPA et 28 LPSSP, de sorte que le principe de la légalité était respecté. Il en allait de même du principe de la proportionnalité. La commune avait informé A______ de l'audit opérationnel et avait indiqué dans sa décision quels éléments demeuraient à établir. Les éléments déjà établis étaient suffisamment graves pour remettre en cause la gestion de la Compagnie et commandait son éloignement provisoire, afin de permettre la poursuite des investigations sans mettre en péril la sécurité des sapeurs-pompiers, celle de la sécurité publique, ainsi que la bonne gestion de la Compagnie.

f. Par décision du 11 décembre 2024, sur requête commune des parties, la chambre de céans a prononcé la suspension de la procédure.

g. Le 6 janvier 2025, la commune a sollicité la reprise de la procédure et informé la chambre de céans avoir rendu une décision au fond le 19 décembre 2024, par laquelle elle levait la suspension provisoire du 24 juin 2024 et prononçait l'exclusion du Commandant A______. Elle estimait dès lors que la présente cause était devenue sans objet.

h. Le 27 janvier 2025, la chambre de céans a prononcé la reprise de la procédure.

i. Par réplique du 24 février 2025, A______ a persisté dans ses conclusions.

La commune s'était d'abord refusée à le réintégrer dans la compagnie malgré la décision sur effet suspensif. Elle l'avait fait en octobre 2024, en assortissant cette réintégration de nombreuses conditions, la rendant de facto ineffective, d'autant plus que la compagnie était devenue non opérationnelle. La commune avait de plus refusé de lui verser les salaires et indemnités auxquels il avait droit ; un recours était pendant devant la chambre administrative.

Il conservait un intérêt actuel au recours. La décision du 19 décembre 2024 ne « levait » sa suspension que pour prononcer son exclusion, ce qui correspondait à une péjoration de sa situation juridique. La sanction initiale l'avait privé de son statut de capitaine, l'avait atteint dans son honneur et sa réputation et lui avait causé un préjudice financier, la commune refusant toujours de lui verser salaires et indemnités. Le recours était ainsi recevable.

La référence explicitée par la commune à l'art. 28 LPSSP constituait précisément la violation invoquée du principe de la légalité : la suspension provisoire prévue par cette base légale constituait une sanction disciplinaire sur le fond car la loi et son règlement d'application ne prévoyaient absolument pas qu'un sapeur-pompier volontaire puisse être suspendu en attendant le résultat d'investigations. Non seulement cette sanction n'avait rien de « provisionnelle », mais elle était l'une des plus sévères prévues par la loi et le règlement applicables.

La commune persistait à affirmer que les éléments établis étaient suffisamment graves pour commander un éloignement provisoire, alors que la décision sur effet suspensif retenait qu'aucun motif n'imposait sa suspension immédiate. La commune n'arrivait même pas à justifier a posteriori sa décision par les éléments ressortant de l'audit opérationnel.

j. La commune ayant déjà indiqué, le 3 février 2025, ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires si ce n'était que le recours était devenu sans objet, la cause a été gardée à juger.


 

EN DROIT

1.             Le litige concerne la suspension immédiate de A______, prononcée le 24 juin 2024 par la commune, « valable durant la durée des investigations et jusqu'à prise de décision finale sur le fond, mais au maximum douze mois », qu'elle a levée par décision du 19 décembre 2024.

2.             L'autorité intimée conclut à l'irrecevabilité du recours, soutenant que cette décision de suspension constituait une décision incidente et que le recourant ne pouvait pas faire valoir de préjudice irréparable au sens de l'art. 57 let. c in initio LPA. De l'avis de ce dernier, la décision querellée constituait au contraire une sanction finale et, pour ce motif déjà, devait être annulée car elle avait été rendue en violation du principe de la légalité.

2.1    La chambre administrative examine d’office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (art. 11 al. 2 LPA ; ATA/370/2025 du 1er avril 2025 consid. 1 ; ATA/646/2023 du 20 juin 2023 consid. 1).

2.2    Quelle que soit la qualification de la décision querellée (incidente ou finale), le recours a été interjeté en temps utile (car dans un délai de dix jours suivant sa notification) devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. b LPA).

2.3    Constitue une décision finale au sens de l’art. 90 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) et de l’art. 57 let. a LPA celle qui met un point final à la procédure, qu’il s’agisse d’une décision sur le fond ou d’une décision qui clôt l’affaire en raison d’un motif tiré des règles de la procédure (ATA/487/2023 du 9 mai 2023 consid. 2a et les références citées). Est en revanche une décision incidente (art. 4 al. 2 LPA) celle qui est prise pendant le cours de la procédure et ne représente qu’une étape vers la décision finale (ATA/487/2023 du 9 mai 2023 consid. 2a) ; elle peut avoir pour objet une question formelle ou matérielle, jugée préalablement à la décision finale (ATF 139 V 42 consid. 2.3 ; ATA/115/2023 du 7 février 2023 consid. 1b).

2.4    Selon l'art. 57 let. c in initio LPA, les décisions incidentes peuvent faire l'objet d'un recours si elles risquent de causer un préjudice irréparable. Selon la même disposition in fine, elles peuvent également faire l'objet d'un tel recours si cela conduirait immédiatement à une solution qui éviterait une procédure probatoire longue et coûteuse.

2.5    Selon l'art. 21 al. 1 LPA, l’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés.

La législation prévoit parfois expressément la suspension d'une activité en tant que mesure provisoire. C'est ainsi le cas des art. 13 al. 5 du concordat sur les entreprises de sécurité du 18 octobre 1996 (CES - I 2 14), 28 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), 144 de la loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10) ou 39 de la loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol - F 1 05).

On trouve également dans la législation le terme de suspension comme sanction équivalant à une interdiction temporaire de pratiquer (vocable plus utilisé dans la législation fédérale, voir p. ex. art. 43 al. 1 let. d de la loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 - LPMéd - RS 811.11 ; 17 al. 1 let. c de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 - LLCA - RS 935.61). C'est le cas des art. 98 al. 1 let. c de la loi sur l'administration des communes du 13 avril 1984 (LAC - B 6 05) ; 44 al. 1 let. b de la loi sur l'université du 13 juin 2008 (LU - C 1 30) ; 11 al. 2 de la loi sur la profession d'huissier judiciaire du 19 mars 2010 (LHJ - E 6 15) ; 12 al. 2 let. c de la loi sur les agents intermédiaires du 20 mai 1950 (LAInt - I 2 12) ou 10 al. 2 de la loi sur les traducteurs-jurés du 7 juin 2013 (LTJ - I 2 46).

Une loi cantonale prévoit même les deux types de suspension de manière expresse, en les différenciant (art. 50 al. 1 et 57 de la loi sur le notariat du 25 novembre 1988 - LNot - E 6 05).

2.6    La LPSSP vise à régler le domaine de la prévention incendie ainsi que l’organisation et le fonctionnement de la défense contre les sinistres (art. 1 LPSSP).

Selon l'art. 21 al. 1 LPSSP cité dans la décision querellée, l’exécutif communal ou l’organe statutairement compétent du groupement intercommunal nomme, sur préavis du département chargé de la sécurité, le commandant et les officiers.

2.7    Selon l'art. 28 al. 1 LPSSP, toute infraction à la loi, aux règlements et aux règles de discipline d’un sapeur-pompier volontaire entraîne les sanctions suivantes :

a) l'avertissement;

b) le blâme ;

c) la suspension d'activité pour une durée maximale de 12 mois ;

d) l'exclusion.

L'art. 30 al. 1 du règlement d’application de la loi sur la prévention des sinistres, l’organisation et l’intervention des sapeurs-pompiers du 25 juillet 1990 (RPSSP - F 4 05.01) prévoit quant à lui que toute infraction à la loi, au RPSSP et aux règles de discipline entraîne les sanctions suivantes :

a) l’avertissement, notamment pour une absence non motivée à un exercice ;

b) le blâme écrit ;

c) la suspension d’activité impliquant une déduction de 12 mois sur le temps réglementaire fixé pour l’obtention de la prime d’ancienneté ; le service de remplacement s’effectue obligatoirement après l’âge de 50 ans révolus ;

d) l’exclusion, notamment pour absence non motivée à 3 exercices.

2.8    En l'espèce, la décision de suspension querellée dit se fonder tant sur l'art. 21 LPA, intitulé « mesures provisionnelles », que sur l'art. 28 al. 1 let. c LPSSP relatif aux « sanctions disciplinaires ».

Or cette disposition ne constitue pas une « sanction provisoire » comme l'autorité le soutient dans sa réponse mais une sanction qui constitue une décision finale, prévue dans le catalogue exhaustif des sanctions disciplinaires prévues par l'art. 28 LPSSP et qui s'apparente à une interdiction temporaire de pratiquer une profession réglementée.

2.9    L'art. 21 LPA invoqué – également – par la commune ne lui est d'aucun secours.

En effet, une mesure provisionnelle ne saurait, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, p. 265 ; ATA/578/2025 du 23 mai 2025 consid. 2.2 ; ATA/624/2025 du 3 juin 2025 consid. 4).

Or, la sanction immédiate prise à l'encontre du recourant, qui a été exécutée, équivaut, conformément à ce qui précède, à une condamnation sur le fond, du moins pendant une certaine durée.

2.10 Il ressort de ce qui précède que la décision querellée constitue une décision finale (art. 57 let. a LPA) et non une décision incidente au sens de l'art. 57 let. c LPA. La recevabilité du recours n'est par conséquent ni soumise à l'existence d'un préjudice irréparable ni à la condition que l'admission du recours puisse conduire immédiatement à une décision finale qui permettrait d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.

3.             L'autorité intimée soutient que le recours est devenu sans objet, dans la mesure où la suspension a été levée en raison de la fin des investigations préliminaires.

3.1    Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid 1.3 Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd. 2018, n. 1367). L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1). Il peut toutefois être renoncé à l'exigence d'un tel intérêt, dans la mesure où cette condition ferait obstacle au contrôle de la légalité d'un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l'autorité de recours (ATF 139 I 206 consid. 1.1 ; ATA/220/2019 du 5 mars 2019 consid. 2).

Le Tribunal fédéral ajoute une condition supplémentaire, à savoir qu'en raison de sa portée de principe, il existe un intérêt public suffisamment important à la solution de la question litigieuse (ATF 137 I 23 consid. 1.3.1 ; 136 II 101 consid. 1.1 et les arrêts cités) ou lorsqu'une décision n'est pas susceptible de se renouveler mais que les intérêts des recourants sont particulièrement touchés avec des effets qui perdureront (ATF 136 II 101 ; 135 I 79).

3.2    En l’espèce, il convient d'admettre que le recourant dispose d'un intérêt digne de protection à recourir contre la décision litigieuse, quand bien même elle a été levée par décision du 19 décembre 2024 et qu'elle a été entièrement exécutée. Constituant une sanction disciplinaire, elle pourrait en effet être considérée comme un antécédent et sera inscrite dans le dossier du recourant.

Le recours est ainsi recevable, si bien qu'il convient d'entrer en matière sur le fond.

4.             Le principe de la légalité, consacré à l’art. 5 al. 1 Cst., exige que les autorités n’agissent que dans le cadre fixé par la loi (ATF 147 I 1 consid. 4.3.1) et que la base légale revête une certaine densité normative, c'est-à-dire qu'elle présente des garanties suffisantes de clarté, de précision et de transparence (ATF 131 II 13 consid. 6.5 ; 129 I 161 consid. 2.2).

4.1    Dans sa réponse, l'autorité intimée indique que la LPSSP prévoit spécifiquement la suspension provisoire en son art. 28 al. 1 let. c LPSSP, de sorte qu'il existe une « base légale formelle ».

Or comme on l'a vu précédemment, cette disposition constitue une sanction disciplinaire finale et la commune ne pouvait prononcer une mesure provisoire sur cette base, sauf à violer le principe de la légalité.

Cette sanction finale ne repose par ailleurs sur aucun motif fondé puisque comme l'autorité intimée l'admet, au moment du prononcé de la décision querellée, les faits reprochés n'étaient pas établis et elle avait limité cette suspension dans l'attente du résultat des investigations. Il sera ainsi constaté que la décision querellée consacre une violation de la loi.

Le recours sera donc admis et la décision querellée sera annulée.

4.2    Les considérants qui précèdent rendent sans objet les actes d'instruction requis par les parties.

5.             Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument, l’autorité intimée en étant dispensée de par la loi (art. 87 al. 1 2e phr. LPA). Le recourant ayant obtenu gain de cause tant sur le fond que sur mesures provisionnelles et superprovisionnelles, une indemnité de procédure de CHF 1'500.- lui sera accordée, à la charge de la commune de B______ (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 juillet 2024 par A______ contre la décision de la commune de B______ du 24 juin 2024 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision du 24 juin 2024 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à A______ une indemnité de CHF 1'500.- à la charge de la commune de B______ ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

communique le présent arrêt à Me Saskia DITISHEIM, avocate du recourant, ainsi qu'à Me Stéphane GRODECKI, avocat de la commune de B______.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, Michèle PERNET, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :