Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/754/2025 du 08.07.2025 sur JTAPI/972/2024 ( PE ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1070/2024-PE ATA/754/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 8 juillet 2025 2ème section |
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dans la cause
A______ recourante
représentée par Mes Olivier PETER et Emma LIDEN, avocats
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er octobre 2024 (JTAPI/972/2024)
A. a. A______, née le ______ 1974, est ressortissante des Philippines.
b. Le 29 décembre 2021, elle a porté plainte pour agression contre B______ et son épouse, C______, qui lui louaient une chambre.
À teneur d’un constat médical établi le 28 décembre 2021 par la docteure D______ des Hôpitaux universitaires de Genève, elle souffrait de stress post-traumatique et d’une contracture para-vertébrale droite T4‑T7.
c. Lors de son audition par la police, le 29 décembre 2021, A______ a indiqué qu'elle séjournait en Suisse depuis le 3 février 2018, sans autorisation de séjour. Elle n'y avait aucune famille mais vivait chez un ami qui l'hébergeait. Elle travaillait dans le domaine de l'économie domestique. Elle était célibataire et sans enfants. Elle était retournée aux Philippines durant l'épidémie de COVID. Son père était décédé. Sa mère, qui avait eu une opération du cœur, sa sœur et ses frères vivaient aux Philippines.
d. Le même jour, elle a été entendue par le service protection, asile et retour de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) au sujet d’une mesure d’éloignement qui était susceptible d'être prononcée à son encontre. Dans ce cadre, elle a déclaré qu’elle n’avait pas d’objection à formuler quant à son renvoi ou au prononcé d’une interdiction d’entrée.
e. Par décision du 19 avril 2023, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’OCPM a prononcé le renvoi de A______, au motif qu’elle séjournait en Suisse depuis le 3 février 2019 (recte : 2018) et qu’elle exerçait une activité lucrative sans autorisation.
B. a. Par acte du 26 avril 2023, A______ a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). Elle a conclu à la restitution de l’effet suspensif et à l’annulation de la décision précitée.
Un renvoi lèserait gravement ses intérêts. Elle résidait depuis longtemps en Suisse et sa présence se justifiait afin de permettre la reconnaissance de la violation de ses droits fondamentaux dans le cadre de procédures pendantes devant le Ministère public (ci-après : MP). En conséquence, le TAPI devait accorder l’effet suspensif à son recours.
La procédure pénale intentée contre elle, qui avait abouti à renseigner l’OCPM sur sa situation administrative, résultait de son choix de dénoncer les infractions dont elle avait été victime et de solliciter l’aide des autorités. La position adoptée par la police, consistant à poursuivre pour séjour illégal une victime d’agression, ainsi que le renvoi prononcé par l’OCPM enfreignaient le droit de toute victime d’accéder à la justice et l’interdiction des pratiques discriminatoires.
b. Le 4 octobre 2023, le TAPI a rejeté le recours contre la décision du 19 avril 2023.
C. a. Par acte du 6 novembre 2023, A______ a recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative.
b. Le 10 novembre 2023, elle a interpellé la conseillère d'État en charge du département des institutions et du numérique (ci-après : DIN), en déposant une demande de reconsidération de la décision de renvoi et une demande de permis de séjour.
Elle a notamment rappelé sa situation, les procédures pénales et administratives en cours, la violation de ses droits fondamentaux et demandé réparation sous la forme de l'octroi d'un permis au sens de l'art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).
c. Le 13 décembre 2023, la conseillère d'État en charge du DIN lui a répondu que sa situation lui était connue depuis son intervention auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'Homme et des autres organisations internationales à Genève. La Mission permanente de la Suisse auprès de l'Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève avait répondu aux préoccupations du Haut-Commissariat, lui rappelant les bases légales fédérales régissant les échanges d'informations entre autorités de même que les mesures prises au plan national et cantonal pour lutter contre la traite d'êtres humains. Le MP et le Conseil d'État avaient également pu faire part de leurs observations sur son cas particulier. Il ressortait de ces différents courriers que les autorités précitées considéraient que ses droits fondamentaux n'avaient pas été violés. Dès lors, sa demande de « protection et de réparation sous la forme de l'octroi d'un permis au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI » en raison de la violation de ses « droits fondamentaux, notamment en entravant son droit d'accès à la justice sur la base de son statut administratif, ce qui constituait un traitement discriminatoire » était sans objet.
Pour le surplus, elle transmettait sa demande d'autorisation de séjour à l'OCPM.
d. Le 24 novembre 2023, l'OCPM a informé A______ de son intention de refuser sa demande d'autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse. Il lui a accordé un délai de 30 jours pour exercer son droit d'être entendue.
e. Le 27 novembre 2023, l'OCPM a annulé sa décision de renvoi du 19 avril 2023.
f. Le 18 décembre 2023, la chambre administrative a rendu une décision précisant que vu l'annulation de la décision litigieuse, le recours était devenu sans objet et la cause était rayée du rôle.
g. Par courrier du 22 janvier 2024, A______ a exercé son droit d'être entendue à la suite du courrier du 24 novembre 2023 de l'OCPM.
h. Par décision du 23 février 2024, l'OCPM a refusé d'accéder à sa requête du 10 novembre 2023 et, par conséquent, de soumettre son dossier avec un préavis positif au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM). Il a en outre prononcé son renvoi de Suisse dans un délai fixé au 23 mai 2024.
L'intéressée résidait en Suisse depuis le 3 février 2018 et avait travaillé dans le domaine de l'économie domestique. Elle avait été agressée par ses logeurs en décembre 2021 et avait souffert ou souffrait d'un stress post-traumatique ainsi que de lombalgies. Elle était partie à une procédure de recours auprès du Tribunal fédéral pour l'aspect pénal de son affaire.
Elle ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d'extrême gravité. En effet, elle n'avait pas démontré une très longue durée de séjour en Suisse ni une intégration socioculturelle particulièrement remarquable. Elle n'avait pas non plus démontré avoir de graves problèmes de santé nécessitant, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales d'urgence indisponibles dans son pays d'origine. De plus, elle n'avait pas démontré qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place, d'autant que sa mère ainsi que ses frères et sœur y résidaient.
Comme cela avait été indiqué dans les observations du Conseil d'État du 11 septembre 2023, elle n'avait jamais fourni de documents d'un tribunal pénal attestant que sa présence était nécessaire en Suisse durant le temps de la procédure pénale, ce qui aurait permis à l'OCPM de lui délivrer un titre de séjour temporaire en application des art. 31 et 32 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Enfin, l'argumentation en lien avec l'accès à la justice n'était pas un élément permettant à lui seul de reconnaître l'existence d'un cas de rigueur.
Par ailleurs, elle n'invoquait ni n'avait démontré l'existence d'obstacles au retour dans son pays d'origine. Le dossier ne faisait pas non plus apparaître que l'exécution de son renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigée au sens de l'art. 83 LEI.
D. a. Par acte du 27 mars 2024, A______ a recouru contre cette décision auprès du TAPI. Elle a conclu principalement à ce que le TAPI constate une violation du droit d'accès à la justice, conjointement avec le droit de ne pas être victime d'un traitement discriminatoire, qu'elle « tombait dans un cas individuel d'extrême gravité et/ou sous un intérêt public majeur », à l'annulation de la décision du 23 février 2024, et cela fait au renvoi du dossier à l'OCPM afin qu'il rende un préavis positif à l'intention du SEM.
b. Le 30 mai 2024, l'OCPM a conclu au rejet du recours.
Les arguments invoqués par la requérante n'étaient pas de nature à modifier sa position. Celle-ci ne satisfaisait pas aux conditions nécessaires à l'octroi d'un permis humanitaire. En effet, la durée de son séjour en Suisse – depuis 2019 (recte : 2018) – et son intégration ne permettaient pas la réalisation des conditions des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA, l'intéressée n'ayant en outre pas démontré que son retour dans son pays d'origine la placerait dans une situation d'extrême détresse au sens de la jurisprudence.
En l'absence par ailleurs d'attaches significatives avec la Suisse et vu la possibilité de retourner dans son pays d'origine, il confirmait la décision querellée.
S'agissant des allégations de violation du droit d'accès à la justice (art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentale du 4 novembre 1950 ‑ CEDH ‑ RS 0.101), conjointement avec le droit de ne pas être victime d'un traitement discriminatoire (art. 14 CEDH), ces griefs avaient fait l'objet de plusieurs examens et interventions de la part de l'intéressée auprès d'autorités internationales et nationales. Il ressortait des différents courriers de réponse de ces autorités que les droits fondamentaux de la requérante n'avaient pas été violés. Dans cette même perspective, l'intéressée se prévalait également d'une violation de l'art. 5 de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (Convention d'Istanbul ‑ RS 0.311.35). Cet argumentaire ne lui était d'aucun secours, dès lors que cette convention ne créait pas de droits subjectifs en faveur des particuliers, mais seulement des obligations à l'égard des États parties. Tel que par ailleurs exposé par la chambre pénale de recours de la Cour de justice (ci-après : la chambre pénale de recours) dans son arrêt du 21 mars 2023 impliquant l'intéressée (ACPR/203/2023), l'argumentation en lien avec la procédure pénale en cours n'était pas du ressort de l'OCPM. Pour finir, aucun document au dossier n'attestait que sa présence serait nécessaire sur le plan pénal.
c. Le 10 juillet 2024, la requérante a souligné que criminaliser et expulser une femme dans sa situation était manifestement contraire à l'intérêt public, aux obligations internationales de la Suisse et constituait une violation de ses droits fondamentaux.
d. Le 22 juillet 2024, l'OCPM a indiqué au TAPI qu'il n'avait pas d'observation complémentaire à formuler.
e. Par jugement du 1er octobre 2024, le TAPI a rejeté le recours contre la décision du 23 février 2024.
L'intéressée ne pouvait prétendre à une autorisation de séjour pour cas de rigueur. En effet, elle séjournait en Suisse depuis un peu plus de six ans, durée insuffisante pour justifier, à elle seule, l'octroi d'une telle autorisation. La requérante ne pouvait pas non plus se prévaloir d'une intégration socio-professionnelle remarquable. En outre, elle n'avait produit aucune pièce apte à démontrer que sa présence en Suisse se révélait indispensable pour faire valoir ses droits dans le cadre des procédures pénales auxquelles elle était partie, étant représentée par un avocat.
E. a. Par acte du 4 novembre 2024, A______ a recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative. Elle a conclu à ce que celle-ci constate une violation du droit d'accès à la justice, conjointement avec le droit de ne pas être victime d'un traitement discriminatoire, qu'elle « tomb[ait] dans un cas individuel d'extrême gravité et/ou sous un intérêt public majeur », à l'annulation du jugement du 1er octobre 2024 et au renvoi du dossier à l'OCPM afin qu'il rende un préavis positif à l'intention du SEM.
Le TAPI avait omis les faits relatifs aux violations de ses droits fondamentaux tant dans la procédure pénale que dans la procédure administrative, lesquels étaient centraux à l'appréciation de sa demande de permis.
En ignorant la communication des experts de l'ONU du 7 août 2023 – qui, notamment, sans préjuger de l'exactitude des allégations, se disaient préoccupés par les informations reçues selon lesquelles son statut d'immigration avait constitué un obstacle à son accès à la justice, sa plainte n'ayant pas fait l'objet d'une enquête, et que, bien qu'elle eût été reconnue comme victime par le Centre d'aide aux victimes à Genève, elle était devenue suspecte et avait été condamnée par une autorité censée la protéger et faire respecter ses droits –, le TAPI n'avait pas apprécié les faits dans leur ensemble, et ce faisant, n'appréciait pas la singularité de la situation dans laquelle elle se trouvait, de sorte qu'il était arrivé à une conclusion erronée.
Le TAPI s'était reposé sur les conclusions inexactes de la conseillère d'État.
Pourtant, elle présentait de multiples vulnérabilités en raison de son statut de femme, migrante, en situation d'irrégularité, de précarité financière, ne parlant pas le français, et victime de violences, souffrant de ce fait d'un traumatisme durable.
Le TAPI avait ignoré sa volonté de participer activement à la procédure pénale la concernant. L'idée selon laquelle la seule volonté de participer activement à la procédure pénale ne suffisait pas à obtenir un titre de séjour, ce droit dépendant d'une décision du MP qui devait estimer si la présence de la victime était « nécessaire » à la procédure, était discriminatoire. Toutes ces inexactitudes et omissions factuelles avaient contribué à une appréciation erronée de sa demande de permis, de sorte que pour ces raisons déjà, la décision devait être annulée.
Le TAPI avait fait abstraction de la complexité de sa situation, soit le fait qu'elle était une femme, migrante, indigente, sans statut légal et victime de violences. C'était pourtant à ce titre qu'elle s'était adressée aux autorités cantonales, pour que sa qualité de victime soit constatée, que les auteurs soient sanctionnés, qu'une réparation pour les dommages subis lui soit octroyée et que la garantie de non‑répétition lui soit offerte. Son statut était interprété de manière arbitraire par les autorités genevoises, puisqu'il constituait un obstacle à son accès à la justice.
Les questions posées par la police au sujet de son séjour en Suisse, l'ouverture d'une instruction pour infraction à la LEI, la communication de ces informations par le MP à l'OCPM, avant la clôture de la procédure pénale, le prononcé d'une décision de renvoi sur la base d'un état de fait lacunaire, ainsi que le refus du TAPI d'octroyer l'effet suspensif à son recours constituaient un enchaînement de violations sérieuses et graves à l'obligation de la protéger. Ces mesures avaient eu pour effet de la traumatiser à nouveau, de la dissuader de poursuivre ses démarches pour obtenir la reconnaissance de ses droits, ainsi que de l'empêcher de prendre part aux audiences qui devraient être convoquées, afin qu'elle puisse être confrontée à ses agresseurs. En outre, son renvoi aboutirait à la rupture du lien avec ses thérapeutes, entravant ainsi la réparation du dommage subi. Elle serait en outre désavantagée par rapport aux autres parties, soit B______ et C______, le MP et l'OCPM.
Le refus de l'autorisation de séjour et son renvoi impliquaient une violation de son droit à pouvoir présenter ses prétentions civiles dans des conditions équitables, ainsi que celui de faire procéder à une enquête effective sur les violences subies. Ces atteintes découlant de son appartenance à un groupe vulnérable, il était indispensable qu'une décision judiciaire qualifiant la décision de l'OCPM d'illicite soit prononcée, à défaut de quoi cette criminalisation et ce renvoi pourraient se reproduire pour toute femme migrante sans statut légal qui chercherait aide et protection auprès des autorités genevoises. Ces violations du droit international rendaient son renvoi illicite.
Il existait finalement un intérêt public majeur à ce que les personnes vulnérables, même lorsqu'elles ne se trouvaient pas en Suisse de manière régulière, puissent dénoncer les violences subies, qu'elles obtiennent la protection des autorités suisses et qu'elles puissent avoir accès à la justice au même titre qu'une autre victime en situation régulière.
b. Le 22 novembre 2024, la recourante a produit l'arrêt rendu par la chambre pénale de recours le 9 juin 2023. En ce qui concernait les autres aspects pertinents des procédures pénales, elle soulignait que la procédure d'opposition à l'ordonnance pénale prononcée à son encontre restait pendante.
c. Le 9 janvier 2025, l'OCPM a conclu au rejet du recours. À titre liminaire, il a confirmé que la recourante était tolérée en Suisse le temps de la procédure, la décision querellée n'ayant pas été déclarée exécutoire nonobstant recours. Les arguments invoqués par l'intéressée ne permettaient pas de modifier son appréciation. Celle-ci ne satisfaisait pas aux conditions strictes de l'art. 31 OASA et de la jurisprudence en la matière.
d. Le juge délégué a fixé aux parties un délai au 28 février 2025 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.
e. L'OCPM a indiqué à la chambre administrative qu'il n'avait pas d'observation complémentaire à formuler.
f. Le 28 février 2025, A______ a fait valoir qu'outre « l'intérêt public majeur à ne pas poursuivre pénalement ni expulser les personnes migrantes victimes de violences qui saisissaient les autorités pénales et la justice pour obtenir protection », la loi reconnaissait, depuis la réforme entrée en vigueur le 1er janvier 2025, que les femmes victimes de violences domestiques pouvaient bénéficier de la protection offerte par l'art. 31 OASA en lien avec les art. 50 al. 1 LEI et 77f let. c ch. 4 OASA. Ce changement législatif constituait, selon elle, un élément nouveau. Dès lors, elle remplissait également les conditions du cas de rigueur sur cette base.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. La recourante invoque une violation de son droit d'accès à la justice et à une enquête effective (art. 6 § 1 CEDH) et de l'interdiction de discriminer (art. 8 al. 1 et 2 Cst. ; art. 14 CEDH), au motif que le refus de lui octroyer une autorisation de séjour l'empêcherait, en sa qualité de victime de violences, de faire valoir ses droits.
2.1 L'art. 6 CEDH traite du droit à un procès équitable. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera notamment des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (art. 6 § 1 phr. 1 CEDH).
2.2 Selon l'art. 8 Cst., tous les êtres humains sont égaux devant la loi (al. 1). Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d'une déficience corporelle, mentale ou psychique (al. 2).
En vertu de l'art. 14 CEDH, la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. D'après la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l'Homme (ci-après : CourEDH), l'art. 14 CEDH complète les autres clauses normatives de la Convention et des Protocoles. Il n'a pas d'existence indépendante puisqu'il vaut uniquement pour « la jouissance des droits et libertés » qu'elles garantissent. Certes, il peut entrer en jeu même sans un manquement à leurs exigences et, dans cette mesure, possède une portée autonome, mais il ne saurait trouver à s'appliquer si les faits du litige ne tombent pas sous l'empire de l'une au moins desdites clauses (arrêt de la CourEDH Glor c. Suisse du 30 avril 2009, § 45 ; ATF 139 I 257 consid. 5.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_396/2012 du 23 novembre 2012 consid. 2.3 ; 9C_521/2008 du 5 octobre 2009 consid. 4.2).
2.3 En l'espèce, la recourante se plaint en particulier que son statut de migrante aurait « été interprété par les autorités genevoises – tant pénales qu'administratives – de manière totalement arbitraire, au point de devenir un obstacle à [son] accès […] à la justice ». De surcroît, le fait que son droit de participer activement à la procédure pénale dépende d'une décision du MP, qui devait évaluer si sa présence était jugée nécessaire à la procédure, serait « fondamentalement discriminatoire ».
À cet égard, il y a lieu de noter que l'intéressée a pu faire valoir ses droits dans le cadre de la présente procédure administrative, laquelle porte exclusivement sur le refus d’une autorisation de séjour. Pour le surplus, il n’appartient pas à la chambre administrative de se déterminer sur les droits procéduraux pénaux, et leur hypothétique violation, dans le cadre du présent recours, étant toutefois précisé que la recourante a pu, d'une part, saisir efficacement la chambre pénale de recours ainsi que le Tribunal fédéral afin de contester les ordonnances de non-entrée en matière rendues à l'encontre de ses logeurs et, d'autre part, former opposition à l'ordonnance pénale prononcée à son encontre.
La recourante soutient que sa seule volonté de participer activement à la procédure pénale devrait suffire à lui permettre de rester en Suisse. L'art. 6 CEDH, pas plus du reste qu'une autre disposition de la CEDH, ne consacre toutefois pas de droit à l'obtention d'un titre de séjour du seul fait d'être partie à une procédure pénale en Suisse.
Par ailleurs, l'on ne voit pas en quoi le fait d'exiger que la présence de l'intéressée soit nécessaire à la procédure pénale la placerait dans une situation discriminatoire. Or, il ne peut être retenu que sa présence à Genève serait nécessaire in casu, les pièces utiles figurant au dossier et un conseil la représentant devant les autorités et les juridictions compétentes.
Le grief sera dès lors écarté.
3. Est litigieux le bien-fondé de la décision de l'OCPM, confirmée par le TAPI, refusant d'accorder à la recourante une autorisation de séjour pour cas de rigueur et ordonnant son renvoi de Suisse.
3.1 La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 al. 1 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants des Philippines.
3.2 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.
3.3 À teneur de l'art. 31 al. 1 OASA, lors de l'appréciation de l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d'intégration définis à l'art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).
Selon l'art. 58a al. 1 LEI, pour évaluer l’intégration, l’autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l’ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution (let. b), les compétences linguistiques (let. c) et la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation (let. d).
L'autorité compétente tient compte de manière appropriée de la situation particulière de l'étranger lors de l'appréciation des critères d'intégration énumérés à l'art. 58a al. 1 let. c et d LEI. Il est notamment possible de déroger à ces critères lorsque l'étranger ne peut pas les remplir ou ne peut les remplir que difficilement pour d'autres raisons personnelles majeures, telles que les conséquences négatives de la violence domestique ou du mariage forcé (art. 77f let. c ch. 4 OASA).
Les critères énumérés à l'art. 31 al. 1 OASA, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 [ci‑après : directives LEI], état au 1er juin 2025, ch. 5.6.10).
Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/700/2025 du 24 juin 2025 consid. 4.6 ; directives LEI, ch. 5.6).
L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/700/2025 précité consid. 4.9).
La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).
La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).
La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269). Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci‑après : ATAF] C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269). Après un séjour régulier et légal de dix ans, il faut en principe présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8). La durée d'un séjour illégal, ainsi qu'un séjour précaire, ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte (ATF 130 II 39 consid. 3 ; ATAF 2007/45 consid. 4.4 et 6.3 ; 2007/44 consid. 5.2).
Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).
S'agissant de l'intégration, le Tribunal administratif fédéral a considéré que, d'une manière générale, lorsqu'une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, elle y reste encore attachée dans une large mesure. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l'âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d'origine (ATAF F‑646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).
3.4 Selon la jurisprudence, des motifs médicaux peuvent, selon les circonstances, conduire à la reconnaissance d'un cas de rigueur lorsque la personne concernée démontre souffrir d'une sérieuse atteinte à la santé qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d'urgence, indisponibles dans le pays d'origine, de sorte qu'un départ de Suisse serait susceptible d'entraîner de graves conséquences pour sa santé. En revanche, le seul fait d'obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d'origine ne suffit pas à justifier une exception aux mesures de limitation. De même, la personne étrangère qui entre pour la première fois en Suisse en souffrant déjà d'une sérieuse atteinte à la santé ne saurait se fonder uniquement sur ce motif médical pour réclamer une telle exemption (ATF 128 II 200 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_861/2015 du 11 février 2016 consid. 4.2 ; ATA/619/2025 du 3 juin 2025 consid. 2.7).
En l'absence de liens d'une certaine intensité avec la Suisse, l'aspect médical et les éventuelles difficultés de réintégration de la personne concernée dans le pays d'origine ne sauraient justifier, à eux seuls, l'octroi d'un permis humanitaire pour cas de rigueur. Le cas échéant, ces critères ne peuvent en effet être pris en considération que dans le cadre de l'examen de la licéité et de l'exigibilité de l'exécution du renvoi (ATA/619/2025 précité consid. 2.7 ; ATA/506/2023 du 16 mai 2023 consid. 7.7).
3.5 Dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI). L'autorité compétente dispose d'un très large pouvoir d'appréciation dans le cadre de l'examen des conditions de l'art. 31 al. 1 OASA.
3.6 Selon l'art. 32 al. 1 OASA, une autorisation de courte durée ou une autorisation de séjour peut être accordée en vue de préserver des intérêts publics majeurs. Lors de l'appréciation, il convient notamment de tenir compte des motifs d'ordre politique (let. b) et de la nécessité de la présence d'un étranger dans une procédure pénale (let. d).
3.7 L’expression « intérêts publics majeurs » au sens de l’art. 30 al. 1 let. b LEI et de l’art. 32 OASA constitue une notion juridique indéterminée. Une application trop large serait incompatible avec la LEI et l’OASA (directives LEI, ch. 5.5).
Les dispositions énoncées à l’art. 30 al. 1 LEI sont des dispositions potestatives. Par conséquent, l’autorité compétente est libre de décider, sur la base des conditions d’admission, si l’autorisation correspondante peut être délivrée. Elle dispose, à cet égard, d’une large marge d’appréciation (ATAF F-4448/2023 du 11 juin 2024 consid. 6.1).
Dans des cas particuliers, le canton peut accorder à un étranger une autorisation de séjour. L’autorité cantonale doit cependant démontrer qu’elle a un intérêt particulièrement important, notamment dans le domaine culturel, économique ou fiscal, à l’octroi d’une telle autorisation (directives LEI, ch. 5.5).
Des motifs de politique générale peuvent également être invoqués, par exemple lorsqu’un refus de délivrer une autorisation de séjour aurait de graves conséquences sur les relations internationales de la Suisse (art. 32 al. 1 let. b OASA ; directives LEI, ch. 5.5).
3.8 La jurisprudence admet un droit de séjour pour violence domestique lorsque l'auteur inflige des mauvais traitements systématiques à la victime pour affirmer sa supériorité et exercer un contrôle sur elle (ATF 138 II 229 consid. 3.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_295/2012 du 5 septembre 2012 consid. 3.2). La violence domestique peut être de nature tant physique que psychique. Il faut qu'il soit établi que l'on ne peut exiger plus longtemps de la personne admise dans le cadre du regroupement familial qu'elle poursuive l'union conjugale à cause de cette violence. Tel est le cas lorsque la personnalité de l'étranger venu en Suisse au titre du regroupement familial est sérieusement menacée du fait de la vie commune et que la poursuite de l'union conjugale ne peut être raisonnablement exigée d'elle (arrêt du Tribunal fédéral 2C_554/2009 du 12 mars 2010 consid. 2.1).
L'octroi à une victime de violence domestique d'une autorisation de séjour qui lui est propre permet d'éviter qu'elle ne reste dans une communauté conjugale devenue objectivement insupportable pour elle dans le seul but d'éviter les conséquences négatives qu'aurait la séparation pour son droit de rester en Suisse (ATF 138 II 229 consid. 3.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_777/2018 du 8 avril 2019 consid. 4.3).
3.9 Depuis le 1er janvier 2025, les dispositions de l'art. 50 LEI s'appliquent non seulement au conjoint et aux enfants d'un ressortissant suisse ou du titulaire d'une autorisation d'établissement, mais aussi au conjoint et aux enfants du titulaire d'une autorisation de séjour ou de courte durée ou du bénéficiaire d'une admission provisoire. Elles s'appliquent également aux concubins qui, en vertu de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, ont obtenu une autorisation de séjour pour rester avec leur partenaire en raison d'un cas individuel d'une extrême gravité (directives LEI, ch. 6.15.3.3).
Le nouveau droit prévoit aussi que l'examen et la décision établissant l'existence ou non d'une violence domestique dans un cas individuel en vertu de la jurisprudence précitée relèvent de la compétence des autorités migratoires cantonales (directives LEI, ch. 6.15.3.3).
En présence de déficits d'intégration dont il est établi qu'ils sont directement imputables à la violence domestique, la victime ne doit pas être défavorisée. La situation particulière de l'étranger doit donc être prise en compte de manière appropriée lors de l'appréciation des critères d'intégration. Les conséquences négatives de la violence domestique, notamment, justifient de déroger à ces critères (art. 77f let. c ch. 4 OASA ; directives LEI, ch. 6.15.3.3).
4. En l'espèce, la recourante se prévaut d'une constatation inexacte ou incomplète des faits ainsi que d'un abus du pouvoir d'appréciation. Elle invoque, par ailleurs, une violation des art. 30 al. 1 let. b LEI, 31 et 32 OASA, et 83 LEI.
4.1 L'intéressée se borne à réitérer sa version des faits, en arguant que le cas « impose de rappeler le contexte dans son ensemble ». Elle n'expose toutefois pas en quoi l'OCPM, puis le TAPI, auraient incorrectement établi les faits. Or, rien ne permet de retenir que les autorités précédentes auraient omis de tenir compte de faits pertinents susceptibles d'influencer l'issue du litige.
4.2 La recourante a déclaré à la police être arrivée en Suisse en 2018. Elle ne peut dès lors se prévaloir d'un séjour de longue durée. La durée de ce séjour doit en outre être relativisée au regard du fait qu’il a été effectué dans l’illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance. La condition du long séjour faisant défaut, il y a lieu d'examiner si les autres critères d'évaluation seraient de nature à admettre qu'un départ de ce pays la placerait dans une situation excessivement rigoureuse.
L'intégration sociale de l'intéressée ne peut être qualifiée d'exceptionnelle ou de particulièrement réussie au sens de la jurisprudence. La recourante ne soutient pas avoir noué à Genève des liens affectifs ou amicaux particulièrement intenses, ni ne démontre maîtriser le français. Il n'apparaît pas non plus qu'elle se soit investie dans la vie associative ou culturelle genevoise durant son séjour.
Comme l'a relevé à juste titre le TAPI, l'intégration professionnelle de la recourante, qui travaille dans le secteur de l'économie domestique, ne saurait non plus être qualifiée de remarquable. Celle-ci ne fait pas valoir qu'elle aurait acquis en Suisse des connaissances si spécifiques qu'elle ne pourrait en tirer profit dans un autre pays. Cette activité ne présente pas non plus un degré de réussite tel qu'il ne pourrait être exigé de sa part de la poursuivre dans son pays d'origine.
L'intéressée est âgée de 50 ans et ses possibilités de réintégration dans son pays d'origine n'apparaissent pas compromises. Plusieurs membres de sa famille vivent aux Philippines, notamment sa mère, sa sœur et ses frères, étant rappelé qu'elle a quitté le pays à l'âge de 44 ans et qu'elle y a donc vécu la plus grande partie de sa vie. Elle en connaît ainsi les us et coutumes et en parle la langue. De surcroît, elle y est retournée lors de l'épidémie de COVID, alors qu'elle n'avait plus de travail. Si elle traversera une nécessaire phase de réadaptation à son retour, aucun élément ne permet de retenir que ce dernier constituerait un déracinement ou entraînerait pour elle une détresse profonde.
S'il n'est pas contesté que la recourante présentait un état de stress post‑traumatique à teneur de constats médicaux établis les 28 décembre 2021 et 23 mars 2022, elle ne démontre pas la gravité de ses problèmes de santé, ni que ces derniers nécessiteraient encore un traitement, lequel ne pourrait être prodigué dans son pays d'origine. Au contraire, elle explique « a[voir] longtemps souffert de [trouble de stress post-traumatique] et d'un état psychologique fragile ». Dans tous les cas, une grave maladie ne saurait justifier, à elle seule, la reconnaissance d'un cas de rigueur, l'aspect médical ne constituant qu'un élément parmi d'autres. Or, force est de constater que les autres éléments d’appréciation au sens de l’art. 31 al. 1 OASA ne plaident pas en faveur de la reconnaissance d’un cas individuel d’une extrême gravité.
4.3 À défaut d'un cas individuel d'extrême gravité, la recourante soutient qu'il conviendrait de retenir un intérêt public majeur. Ce dernier serait d'autant plus important qu'il concerne une femme, migrante, victime de violence domestique.
L'intéressée ne peut être suivie. Force est de constater que sa situation n'est pas comparable à celle d'une victime de violence conjugale – à laquelle il faudrait permettre de se séparer de son partenaire sans craindre de subir des conséquences négatives sur son droit de rester en Suisse. Même à considérer que son altercation avec ses logeurs devrait être prise en compte au titre de violence domestique telle que reconnue par la jurisprudence, le caractère unique de l'épisode relaté ne permettrait pas de retenir des mauvais traitements systématiques.
Il y a en outre lieu de relever que le Tribunal fédéral a jugé, dans l'aspect pénal de son affaire, que les rapports médicaux versés au dossier ne permettaient pas de fonder des soupçons suffisants d'agression, ne donnant aucune indication sur l'origine des atteintes. Les causes les plus diverses pouvaient être à l'origine des symptômes présentés (arrêt du Tribunal fédéral 7B_107/2023 du 20 novembre 2024 consid. 2.4.3).
Vu l'arrêt précité, rendu le 20 novembre 2024, et contrairement à ce qu'affirme la recourante, il n'existe pas non plus un intérêt public majeur justifiant que cette dernière demeure en Suisse durant la « procédure pénale ouverte pour des faits de violence ».
Pour le surplus, la recourante n'allègue ni n'établit que ses déficits d'intégration seraient directement imputables à la violence domestique dont elle allègue avoir été victime au mois de décembre 2021.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'OCPM n'a pas violé le droit ni abusé de son large pouvoir d'appréciation en retenant que la recourante ne remplissait pas les conditions restrictives permettant l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur.
5. Reste à examiner si le renvoi de l'intéressée est conforme au droit.
5.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation.
5.2 Le SEM décide d'admettre provisoirement l'étranger si l'exécution du renvoi n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). Ces trois conditions susceptibles d’empêcher l’exécution du renvoi sont de nature alternative : il suffit que l’une d’elles soit réalisée pour que le renvoi soit inexécutable (ATA/139/2025 du 4 février 2025 consid. 7.2).
5.3 L'exécution du renvoi n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son État d'origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (art. 83 al. 3 LEI). Cette disposition vise notamment l’étranger pouvant démontrer qu’il serait exposé à un traitement prohibé par l’art. 3 CEDH ou l’art. 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (Conv. torture - RS 0.105 ; ATA/270/2025 du 18 mars 2025 consid. 5.2).
5.4 En l'espèce, dès lors que l'intimé a, à juste titre, refusé de soumettre le dossier de la recourante au SEM en vue de la délivrance d’une autorisation de séjour, il devait prononcer son renvoi de Suisse.
Les arguments que la recourante soulève ont déjà été examinés plus haut, et celle‑ci ne fournit aucun autre élément permettant de retenir que son renvoi aux Philippines serait illicite, impossible ou inexigible, ou d'une quelconque manière contraire aux engagements internationaux de la Suisse. Il ne ressort pas non plus du dossier que tel serait le cas, étant rappelé que c'est à Genève qu'elle a rencontré et que vivent les personnes contre lesquelles elle a porté plainte.
En particulier, l'intéressée invoque en vain la Convention d'Istanbul, dès lors que celle-ci n'est pas self-executing, les dispositions de cette dernière ne créant pas de droits subjectifs en faveur des particuliers, mais seulement des obligations à l'égard des États parties (arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2021 du 19 août 2021 consid. 2.3 ; 6B_1015/2019 du 4 décembre 2019 consid. 5.5.7).
Le grief sera donc également écarté. Il s'ensuit que le recours, mal fondé, sera rejeté.
6. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), qui ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 4 novembre 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er octobre 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;
dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;
dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante invoquées comme moyens de preuve doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à Mes Olivier PETER et Emma LIDEN, avocats de la recourante, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.
Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| la présidente siégeant :
F. KRAUSKOPF |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
|
| la greffière :
|
Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html
Recours en matière de droit public | Recours constitutionnel subsidiaire |
Art. 82 Principe Le Tribunal fédéral connaît des recours : a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ; … Art. 83 Exceptions Le recours est irrecevable contre : … c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent : 1. l’entrée en Suisse, 2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit, 3. l’admission provisoire, 4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi, 5. les dérogations aux conditions d’admission, 6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ; d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues : 1. par le Tribunal administratif fédéral, 2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ; … Art. 89 Qualité pour recourir 1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque : a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ; b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. … Art. 95 Droit suisse Le recours peut être formé pour violation : a. du droit fédéral ; b. du droit international ; c. de droits constitutionnels cantonaux ; d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ; e. du droit intercantonal. Art. 100 Recours contre une décision1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. ______________________________________________ | Art. 113 Principe Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89. Art. 115 Qualité pour recourir A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque : a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée. Art. 116 Motifs de recours Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels. Art. 100 Recours contre une décision 1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. ___________________________________________
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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)
1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.
2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.
3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.