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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3939/2024

ATA/701/2025 du 24.06.2025 ( AIDSO ) , REJETE

Descripteurs : OBLIGATION D'ENTRETIEN;PLACEMENT D'ENFANTS;CONTRIBUTION AUX FRAIS DE PENSION;FRAIS D'ENTRETIEN;CALCUL;REVENU DÉTERMINANT;RÉDUCTION(EN GÉNÉRAL)
Normes : CC.276.al1; CC.276.al2; CC.277.al1; CC.285.al1; LaCC.81.al2; LEJ.36; RPFFPM.1; RPFFPM.2.leta; RPFFPM.4.letc; RPFFPM.5.al1; RPFFPM.7.al2; LRDU.4.al1.letm; LRDU.5.al1; LRDU.9.al1; LRDU.1.al2; RPFFPM.8.al2; RPFFPM.8.al3; RPFFPM.3.al3
Résumé : Rejet du recours d'une mère contre le montant de sa participation financière aux frais de placement de ses trois enfants, calculé sur la base du RDU ressortant de sa taxation fiscale définitive de 2022. Rien ne permet de mettre en cause la quotité du rabais de 20% accordé par le SPMi. Pas d’actualisation du RDU concernant les prestations tarifaires, ni de prise en compte des dépenses de la famille. Les charges de la recourante ne peuvent être prises en compte que par le biais d'un arrangement de paiement.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3939/2024-AIDSO ATA/701/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 juin 2025

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Ghita DINSFRIEND-DJEDIDI, avocate

contre

SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS intimé

 



EN FAIT

A. a. A______ est la mère de B______, C______ et D______, nés respectivement les ______ 2012, ______ 2016 et ______ 2019 de son mariage avec E______.

b. Les époux vivent séparés depuis le 17 décembre 2020.

c. A______ avait la garde exclusive de leurs enfants avant leur placement.

d. Par arrêt du 10 mai 2022, la chambre civile de la Cour de justice a confirmé la condamnation de E______ à verser à A______ CHF 500.- à titre de contribution à son propre entretien et l'a par ailleurs condamné à lui verser, à compter du 1er septembre 2022, CHF 2'950.- pour B______, CHF 2'370.- pour C______ et CHF 2'030.- pour D______ à titre de contributions d'entretien.

B. a. Par ordonnance du 7 août 2024, le Tribunal de première instance (ci-après : TPI), « [v]u l'accord des parties [y] relatif », a invité le service de protection des mineurs (ci-après : SPMi) à se prononcer sur les modalités du placement des enfants auprès de leurs tante et oncle.

b. Ce placement est devenu effectif le 14 août 2024.

c. Par ordonnance du 2 octobre 2024, le TPI a, notamment, pris acte du placement des enfants et l'a ordonné à toutes fins utiles. Il a par ailleurs « donn[é] acte aux parties de leur accord de réduire les contributions d'entretien en faveur des mineurs à la charge de E______ et versées en mains de A______ » à CHF 2'000.- pour B______, CHF 2'000.- pour C______ et CHF 1'500.- pour D______.

d. Par décision du 8 octobre 2024, le SPMi a fixé à CHF 31.55 par jour par enfant (soit CHF 39.45 moins une réduction de 20%) dès le 14 août 2024 la participation financière de A______ aux frais de placement.

C. a. Par acte remis à la poste le 22 novembre 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision.

Elle a conclu à la restitution de l'effet suspensif au recours et à l'annulation de la décision attaquée. Elle se plaignait d'une constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents ainsi que d'une fixation erronée de sa participation financière.

Elle rencontrait des difficultés financières. Vu sa longue période d'inactivité depuis qu'elle avait cessé de pratiquer toute activité lucrative en 2013 afin de se concentrer sur l'éducation des enfants, les postulations qu'elle avait soumises restaient sans succès. Dès lors, elle n'avait aucune entrée d'argent hormis les contributions d'entretien s'élevant à CHF 6'000.- par mois, revenu qui ne lui permettait toutefois pas d'assumer ses charges actuelles. Son recours comprenait un tableau récapitulant ses dépenses mensuelles. Elle produisait de nombreuses pièces attestant des charges alléguées.

De surcroît, elle précisait que la réduction des contributions d'entretien du 7 (recte : 2) octobre 2024 avait « fortement compliqué » sa situation financière. La différence entre les contributions d'entretien fixées le 10 mai 2022 et celles nouvellement arrêtées était déjà versée à la famille nourricière. Cette somme ne suffisait toutefois pas à la prise en charge de tous les besoins des enfants, qui ne se voyaient pas offrir d'habits adéquats. Elle prenait donc en charge, même si elle n'en avait pas les moyens, leurs besoins non couverts. Ainsi, elle ne voyait pas dans quelle mesure elle devrait participer davantage à leur entretien que ce qu'elle faisait déjà.

b. Le 10 décembre 2024, le SPMi a conclu au « maint[ien] sans effet suspensif » de sa décision du 8 octobre 2024.

Contrairement aux prestations catégorielles et de comblement dont les bases légales imposaient la prise en compte du revenu actuel, il ne devait tenir compte pour ses prestations tarifaires que du revenu déterminant unifié (ci-après : RDU) calculé sur la base de la dernière taxation fiscale définitive. La loi sur le revenu déterminant unifié du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06) ne prévoyait ni que le calcul du code tarif puisse se faire sur le RDU actualisé, ni que puisse être pris en compte le budget des dépenses de la famille.

Il était néanmoins possible à l'administrée de demander un arrangement de paiement.

c. Invitées à formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, les parties ne se sont pas manifestées, si bien que la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La recourante demande d'annuler sa participation financière aux frais de placement de ses enfants, en raison de sa situation financière difficile ne lui permettant pas d'assumer ses charges.

2.1 Les père et mère contribuent ensemble, chacun selon ses facultés, à l'entretien convenable de l'enfant et assument en particulier les frais de sa prise en charge, de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger (art. 276 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC ‑ RS 210). L'entretien est assuré par les soins, l'éducation et des prestations pécuniaires (art. 276 al. 1 CC). Cette obligation dure jusqu'à la majorité de l'enfant (art. 277 al. 1 CC). La contribution d'entretien doit correspondre aux besoins de l'enfant ainsi qu'à la situation et aux ressources de ses père et mère ; il est tenu compte de la fortune et des revenus de l'enfant (art. 285 al. 1 CC).

2.2 Lorsque l'enfant est placé, l'office cantonal de l'enfance et de la jeunesse perçoit une contribution financière aux frais de pension et d'entretien personnel auprès des père et mère du mineur (art. 81 al. 2 de la loi d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 - LaCC - E 1 05 ; art. 36 al. 1 de la loi sur l'enfance et la jeunesse du 1er mars 2018 - LEJ - J 6 01). Le type de prestations pour lesquelles une participation financière peut être demandée ainsi que le montant des contributions y relatives sont fixés par voie réglementaire (art. 36 al. 2 LEJ).

2.3 Les frais de placement résidentiel, ainsi que les repas en structures d'enseignement spécialisé ou à caractère résidentiel et les autres frais mentionnés par le règlement fixant la participation financière des père et mère aux frais de placement, ainsi qu'aux mesures de soutien et de protection du mineur du 2 décembre 2020 (RPFFPM - J 6 26.04), sont à la charge de l'État, dans la mesure où ils ne sont pas couverts par la participation financière des père et mère (art. 1 RPFFPM).

Le RPFFPM a notamment pour but de fixer la participation financière des père et mère lors de placements résidentiels (art. 2 let. a RPFFPM).

Il est perçu une participation financière lorsque le mineur est placé, notamment, auprès de parents nourriciers au sens de l'ordonnance fédérale sur le placement d'enfants, du 19 octobre 1977, lorsque ces derniers sont rémunérés par l'office cantonal de l'enfance et de la jeunesse (art. 4 let. c RPFFPM).

Lors de placements résidentiels, la participation financière aux frais de placement et d'entretien est de CHF 39.45 par jour et par mineur (art. 5 al. 1 RPFFPM).

Lorsque les père et mère ne font pas ménage commun, la participation financière est perçue auprès du dernier parent qui avait la garde de fait du mineur et qui, le cas échéant, perçoit les contributions d'entretien fixées judiciairement, les rentes et les éventuels droits pécuniaires auxquels le mineur a droit (art. 7 al. 2 RPFFPM).

2.4 Le socle du RDU comprend l’ensemble des revenus, notamment les prestations reçues en vertu d'une obligation d'entretien ou d'assistance fondée sur le droit de la famille (art. 4 al. 1 let. m LRDU).

Les déductions à prendre en compte sont exhaustivement énumérées à l’art. 5 al. 1 LRDU. Il s’agit, en résumé, des versements de prévoyance, des cotisations à l’AVS (let. a), à l'assurance-accidents non professionnels (let. b), à des institutions de prévoyance professionnelle liée (let. c), des frais professionnels, des frais de formation et de perfectionnement, des frais justifiés par l'usage commercial et professionnel pour les personnes exerçant une activité lucrative indépendante (let. d), des frais de garde des enfants (let. e), des pensions alimentaires et des contributions d'entretien (let. f), des frais liés à un handicap (let. g) et des frais médicaux et dentaires à charge (let. h).

2.5 Selon l’art. 9 al. 1 LRDU, le socle du RDU est calculé automatiquement sur la base de la dernière taxation fiscale définitive. Il n’est, en principe, pas procédé à sa réactualisation. Ce procédé permet, en matière de prestations tarifaires – comme le sont les frais de placement –, de répondre aux buts de la LRDU visant la simplification de l’accès aux prestations sociales cantonales et l’allègement des procédures (art. 1 al. 2 LRDU). Cela garantit aussi l’égalité de traitement entre les bénéficiaires de prestations tarifaires du SPMi (ATA/593/2025 du 27 mai 2025 consid. 2.5 ; ATA/397/2023 du 18 avril 2023 consid. 3.3).

L’art. 8 al. 2 RPFFPM prévoit qu’un rabais est accordé aux père et mère en fonction du montant de leur RDU et du nombre d’enfants à charge. Ainsi, un rabais de 20% est accordé pour une limite du revenu familial pour un enfant entre CHF 95'001.- et CHF 150'000.-. Dès le deuxième enfant à charge, un montant de CHF 7'500.- doit être ajouté par enfant pour déterminer la limite du revenu familial.

Ces limites de revenus sont calculées en application de la LRDU (art. 8 al. 3 RPFFPM).

2.6 Le SPMi est compétent pour les aides financières apportées aux mineurs qui font l’objet d’une mesure de protection ou d’une décision de placement ordonnée par le pouvoir judiciaire (art. 3 al. 3 RPFFPM)

2.7 En l’espèce, les enfants de la recourante ont été placés par ordonnance du TPI.

Partant, dans la mesure où le placement fait suite à une décision judiciaire, il appartient in casu au dernier parent qui avait la garde des enfants de participer aux frais d’entretien liés audit placement, soit la recourante.

Le montant de la participation est fondé sur le RDU, lequel est calculé sur la dernière taxation fiscale. Le SPMi a tenu compte du fait que la recourante avait trois enfants à charge et que le RDU ressortant de sa taxation fiscale définitive de 2022 se situait dans la fourchette qui prévoyait un rabais de 20%.

Même si la recourante estime que « le calcul opéré par l'autorité pour ne retenir qu'une réduction de 20% du tarif de base est difficilement explicable » et indique « doute[r] de l'exactitude ou de l'actualité des documents » ayant servi de base de calcul, elle ne conteste pas explicitement le montant du RDU retenu – supérieur à CHF 110'001.- et inférieur à CHF 165'000.- –, ni n'explique quel code tarif aurait plutôt dû être appliqué. Rien ne permet, au demeurant, de mettre en cause la quotité du rabais accordé.

Au surplus, la recourante se plaint que « certaines dépenses ne semblent pas avoir été prises en compte dans le calcul de [la] participation financière ». Or, comme l'a rappelé l'intimé dans sa réponse au recours – avec indication des coordonnées de la personne à contacter –, en l'absence de toute base légale ou réglementaire en ce sens, les charges de la débitrice des frais de placement ne peuvent être prises en compte que par le biais d'un arrangement de paiement, lequel avait du reste déjà été proposé dans la décision attaquée.

Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

Le prononcé du présent arrêt rend en outre sans objet la demande d'effet suspensif.

3.             Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Compte tenu de l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 novembre 2024 par A______ contre la décision du service de protection des mineurs du 8 octobre 2024 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature de la recourante ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Ghita DINSFRIEND-DJEDIDI, avocate de la recourante, ainsi qu'au service de protection des mineurs.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Jean-Marc VERNIORY, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :