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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1257/2025

ATA/720/2025 du 25.06.2025 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1257/2025-PRISON ATA/720/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 juin 2025

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

ÉTABLISSEMENT FERMÉ DE LA BRENAZ intimé



EN FAIT

A. a. A______ est détenu à l’Établissement fermé de La Brenaz depuis le 27 février 2025.

b. Selon le rapport d’incident du 2 avril 2025, A______ avait été vu, alors qu’il se trouvait en salle de sport, « s’agripper fermement » à un autre détenu. Il était ressorti des images de vidéosurveillance que trois détenus s’étaient à de nombreuses reprises bousculés.

Entendu sur les faits, A______ a indiqué qu’il y avait eu « une petite querelle » entre ses deux autres codétenus. Ensuite, l’un d’eux avait voulu s’en prendre à lui verbalement et « pour finir », ils avaient voulu « faire un corps à corps » pour jouer et rigoler. L’un des autres codétenus impliqués a déclaré n’avoir « tapé personne ». L’autre codétenu a déclaré qu’alors qu’il pratiquait son sport, un détenu l’avait menacé et A______ était intervenu pour apaiser la situation, mais le détenu en question s’était montré agressif envers ce dernier, essayant de l’amener au sol ; le détenu avait alors interrompu la pratique du son sport pour empêcher que A______ se retrouve au sol.

c. Le même jour, une sanction de suppression pendant 30 jours des activités de sport a été infligée à chacun des trois détenus impliqués pour comportement inadéquat lors du sport, trouble à l’ordre ou à la tranquillité de l’établissement et comportement contraire au but de celui-ci. La sanction a été notifiée à A______ également le même jour.

B. a. Par acte expédié le 15 avril 2024 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______ a recouru contre cette décision dont il a demandé l’annulation.

Alors qu’il se trouvait à la salle de sport, un codétenu avait refusé de « faire sa sortie à la machine », de sorte que les choses s’étaient « emballées » verbalement. Un autre détenu s’était alors approché pour éviter que cela ne dégénère. Il avait emmené le détenu à l’autre bout de salle pour qu’il se calme. Celui-ci s’en était alors pris à lui verbalement et physiquement, ce qu’il n’avait pas du tout apprécié. Puis il s’était calmé et était retourné à la machine de sport. Au moment où il s’était levé pour se reposer, le détenu l’avait « attrapé en corps à corps » pour tenter de l’amener au sol. Les surveillants étaient ensuite arrivés.

La sanction était trop sévère. Il n’avait vraiment rien fait. Il avait voulu bien faire pour que les autres n’aient pas de problème. Il demandait que la chambre administrative visionne les images de vidéosurveillance.

b. La prison a conclu au rejet du recours.

c. Le recourant ne s’est pas manifesté dans le délai imparti pour répliquer.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

e. La chambre administrative a visionné les images de vidéosurveillance.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant conteste la sanction, faisant valoir qu’il n’avait rien fait.

2.1 Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l’autorité dispose à l’égard d’une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d’obligations, font l’objet d’une surveillance spéciale. Il s’applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d’abord par la nature des obligations qu’il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l’administration et les intéressés. L’administration dispose d’un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

2.2 Le statut des personnes incarcérées à La Brenaz est régi par le règlement relatif aux établissements ouverts ou fermés d’exécution des peines et des sanctions disciplinaires du 25 juillet 2007 (REPSD - F 1 50.08), dont les dispositions doivent être respectées par les détenus (art. 42 REPSD). En toute circonstance, ceux-ci doivent observer une attitude correcte à l’égard du personnel, des autres détenus et des tiers (art. 43 REPSD).

2.3 Selon l’art. 43 REPSD, la personne détenue doit observer une attitude correcte à l'égard du personnel, des autres personnes détenues et des tiers. Selon l’art. 44 REPSD, il est interdit notamment d'exercer une violence physique ou verbale à l'égard du personnel, des autres personnes détenues et des tiers (let. h), de troubler l'ordre ou la tranquillité dans l'établissement ou les environs immédiats (let. i) et d'une façon générale, d'adopter un comportement contraire au but de l'établissement (let. j).

2.4 Si un détenu enfreint le REPSD, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu’à la nature et à la gravité de l’infraction, lui est infligée (art. 46 al. 1 REPSD). Avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu (art. 46 al. 2 REPSD). Le directeur de l’établissement et son suppléant en son absence sont compétents pour prononcer : a) un avertissement écrit b) la suppression, complète ou partielle, pour une durée maximum de trois mois, des autorisations de sortie, des loisirs, des visites et de la possibilité de disposer des ressources financières c) l’amende jusqu’à CHF 1'000.- et d) les arrêts pour dix jours au plus (art. 46 al. 3 REPSD).

2.5 Le directeur de l’établissement peut déléguer la compétence de prononcer les sanctions prévues à l’art. 46 al. 3 REPSD, autres que le placement en cellule forte pour plus de cinq jours, à d’autres membres du personnel gradé de l’établissement. Les modalités de la délégation sont prévues dans un ordre de service (art. 46 al. 7 REPSD). À teneur de l’art. 40 al. 1 du règlement sur l’organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaire du 22 février 2017 (ROPP – F 1 50.01) qui définit les grades et fonctions des agents de détention, un gardien-chef adjoint et un sous‑chef sont des officiers (let. f). Le sous-chef ayant prononcé la sanction querellée était donc habilité à le faire.

2.6 Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé – , de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATA/439/2024 du 27 mars 2024 consid. 3.6 ; ATA/679/2023 du 26 juin 2023 consid. 5.4).

2.7 En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le pouvoir d’examen de la chambre administrative se limitant à l’excès ou l’abus de ce pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/439/2024 précité consid. 3.7 ; ATA/97/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4f).

2.8 En l’espèce, il ressort des images de vidéosurveillance qu’une dispute a éclaté entre plusieurs codétenus au sujet de l’utilisation d’une machine de musculation à la salle de sport. Lors d’un premier épisode au cours duquel deux détenus en sont venus aux mains, le recourant est intervenu pour les séparer. Par la suite, les deux détenus précités étaient très agités, ponctuant leurs paroles de gestes d’énervement. Après une nouvelle altercation physique entre ces deux détenus qu’à nouveau le recourant, avec le concours d’un autre détenu, a séparés, l’un de ces deux détenus a poussé le recourant. Dans un premier temps, le recourant s’est borné à le retenir. Il s’est, cependant, par la suite également mis à pousser le détenu violemment, à plusieurs reprises, au point où un autre codétenu est intervenu pour les séparer. Le recourant est alors resté très énervé, semblant crier à l’attention du détenu dont il venait d’être séparé et faisant des allers-retours d’un pas agacé dans la salle de sport. Enfin, les deux hommes se sont à nouveau poussés mutuellement, le détenu tentant de faire tomber à terre le recourant. Avant l’arrivée des agents de détention, deux autres détenus présents ont séparé le recourant du détenu qui avait cherché à le faire tomber.

Il ressort de ces images que, certes, le recourant n’a pas été l’agresseur physique dans les différentes altercations et qu’il n’a été mêlé à certaines qu’en séparant d’autres détenus qui en étaient venus aux mains. Il n’en demeure pas moins qu’il s’est montré agressif verbalement à l’encontre d’un autre détenu et qu’il a également poussé celui-ci violemment. Contrairement à ce qu’il soutient, leur « corps à corps » ne relevait ni d’un jeu ni d’une plaisanterie. Leurs visages étaient tendus et leurs gestes n’avaient rien d’amusant ni de plaisant. Il sera donc retenu que le recourant s’en est pris verbalement et physiquement à un codétenu.

Un tel comportement est contraire à l’art. 44 let. h, i et j REPSD, qui interdisent d'exercer une violence physique ou verbale à l'égard des autres personnes détenues, de troubler l'ordre ou la tranquillité dans l'établissement ou les environs immédiats et d'une façon générale, d'adopter un comportement contraire au but de l'établissement.

Le comportement du recourant est inadmissible et ne saurait être toléré. Le prononcé d’une sanction était ainsi justifié. La sanction, qui l’a éloigné de la salle de sport pendant 30 jours, est apte à lui faire prendre conscience de l’importance d’adopter, lorsqu’il se trouve en salle de sport, un comportement adéquat envers ses codétenus, nécessaire pour protéger ces derniers de tout acte de violence physique et verbale de sa part, et tient dûment compte de la gravité de sa faute ainsi que de l’absence d’antécédents disciplinaires.

L’autorité intimée, qui jouit d’un large pouvoir d’appréciation en la matière, n’a ainsi pas abusé de son pouvoir d’appréciation en privant le recourant pendant 30 jours des activités de sport.

Mal fondé, le recours sera ainsi rejeté.

3.             La procédure étant gratuite, il ne sera pas perçu d’émolument. Le recourant succombant, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 avril 2025 par A______ contre la décision de l’Établissement fermé de la Brenaz du 2 avril 2025 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'Établissement fermé de la Brenaz.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

 

la greffière :

 

N. DESCHAMPS

 

 

le président siégeant :

 

C. MASCOTTO

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :