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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3764/2023

ATA/571/2025 du 20.05.2025 sur JTAPI/1197/2024 ( ICCIFD ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 27.06.2025, 9C_371/2025
Descripteurs : IMPÔT;IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT;PRESCRIPTION;SOUSTRACTION D'IMPÔT;TENTATIVE(DROIT PÉNAL);FIXATION DE L'AMENDE;NE BIS IN IDEM
Normes : LIFD.175.al1; LIFD.175.al2; LPFisc.69.al1; LPFisc.69.al2
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3764/2023-ICCIFD ATA/571/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 mai 2025

4ème section

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants
représentés par Me Stanislas CRAMER, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
11 novembre 2024 (JTAPI/1197/2024)


EN FAIT

A. a. A______ était à la tête d’un groupe actif dans le domaine du luxe. Il était actionnaire unique de la quasi-totalité des entités du groupe, notamment de C______ SA, en liquidation (ci-après : la société), inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis le 21 janvier 2013, dont il avait la signature individuelle. Il en avait signé les déclarations fiscales, les bilans et les comptes de pertes et profits.

b. De 2009 à 2015, les époux A______ B______ ont été taxés d’office par l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE). De 2013 à 2015, après avoir été taxés d’office, ils l’ont été sur la base de leurs déclarations fiscales remises lors de la procédure en réclamation. En 2016, ils ont été taxés sur la base de leur déclaration fiscale. Ces bordereaux, non contestés, sont entrés en force.

B. a. La société du contribuable a fait l’objet d’une procédure en rappel d’impôt, en soustraction d’impôt (années 2013-2015) et en tentative de soustraction d’impôt (années 2016-2017).

À la suite d’un contrôle effectué par l'AFC-GE dans le cadre des taxations 2016‑2017, il était en effet apparu que la société avait effectué, en faveur de son actionnaire unique, des distributions dissimulées de bénéfices en faisant bénéficier des entités proches ou sœurs de prestations appréciables en argent par le biais de comptabilisation de charges excessives dans ses comptes, en consentant des prêts considérés comme simulés à des entités sœurs et en ne comptabilisant pas une partie des actifs.

Les éléments suivants ressortaient notamment des pièces figurant au dossier et des explications fournies par le directeur administratif de la société :

-          celle-ci faisait partie d’un groupe international, en constituait la direction et effectuait les tâches des entités du groupe tels que le marketing, la publicité, le développement des collections, le financement, l’acquisition et le suivi de la clientèle, la comptabilité ou encore la gestion du stock du groupe ;

-          le contribuable, à la tête du groupe, était actionnaire unique de la plupart des entités le composant, dont la société. Il était la seule personne autorisée à obtenir les documents bancaires de plusieurs sociétés du groupe. Avec ses enfants, il était en charge d’établir la stratégie, de prendre les décisions et de piloter le groupe. Il prenait l’ensemble des décisions liées à la stratégie de développement et au marketing de la marque et supervisait les points de ventes. Il planifiait et coordonnait les achats et la production, effectuait le suivi de la clientèle, la facturation et l’encaissement ;

-          le contribuable avait signé le contrat de consignation ainsi que les contrats de prêts ;

-          des factures étaient adressées au nom du contribuable pour le compte d’autres entités du groupe et plusieurs factures étaient directement payées par celui-ci au travers des entités filiales.

Par arrêt du 18 juillet 2023, la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : la chambre administrative) a confirmé que les organes de la société avaient intentionnellement commis une soustraction fiscale. Les circonstances aggravantes, le montant des impôts soustraits, la périodicité de la soustraction et la faute grave de la société s’agissant de la négligence dans la gestion de ses affaires importantes ne permettaient pas d’atténuer la quotité des amendes.

b. En parallèle à la procédure précitée, l’AFC-GE a ouvert une procédure à l’encontre du contribuable pour instigation, complicité et participation à la procédure en soustraction d’impôt de la société pour les années 2014 et 2015, respectivement en tentative, pour l’année 2016. Il lui était reproché d’avoir, en qualité d'organe, intentionnellement prêté son assistance à la société pour commettre des soustractions ainsi que des tentatives de soustractions d’impôt.

Par jugement du 4 septembre 2023, entré en force, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a jugé que le contribuable, en sa qualité d'administrateur avec signature individuelle, ne pouvait ignorer la manière dont les affaires de la société étaient gérées, ce d’autant plus qu’il la qualifiait lui-même de petite organisation familiale. Il signait les contrats avec les entités du groupe ainsi que ses états financiers et ses déclarations fiscales. La structure de son groupe, comprenant de nombreuses sociétés offshores dont il détenait la totalité du capital social, tendait à démontrer ses capacités à mettre en place des stratégies commerciales visant à réduire ses charges fiscales. Dans ces circonstances, l’on pouvait considérer avec une sécurité suffisante qu'il avait conscience que diverses opérations et écritures comptables de la société n’étaient pas justifiées commercialement et fiscalement et que les informations données à l’AFC-GE dans le cadre de la taxation de sa société étaient incorrectes ou incomplètes. En sa qualité d’organe, il avait donc contribué intentionnellement ou du moins par dol éventuel à la soustraction d’impôt en 2014-2015 et à la tentative de soustraction d’impôt en 2016 commises par cette dernière.

C. a. Le 25 septembre 2020, l’AFC-GE a informé les époux A______ B______ de l’ouverture à leur encontre d'une procédure en rappel et soustraction d’impôt pour les années 2009-2016.

Dans le cadre du contrôle fiscal opéré auprès de la société, il avait été mis en évidence qu'il avait bénéficié de prestations appréciables en argent sous la forme de prêts simulés, octroyés par cette dernière à des entités sœurs et sous la forme de charges non justifiées commercialement. Certains éléments, tels que des comptes bancaires et des participations dans diverses sociétés étrangères, n’avaient pas été déclarés dans les états des titres de la déclaration des contribuables. Un certain nombre de documents leur était demandé afin de vérifier leur imposition.

b. Le 11 novembre 2022, à la fin de l’instruction du dossier et à la suite de divers échanges de courriers et de documents, l’AFC-GE a notifié aux époux A______ B______ des bordereaux de rappel d’impôt pour les années fiscales 2009-2016 et des bordereaux amendes pour les années 2012-2016 (soit CHF 1'107'118.- à titre d’amende ICC 2016 ; CHF 399'372.- à titre d’amende IFD 2016 ; CHF 69'924.15 à titre d’amende ICC 2015 ; CHF 4'804.- à titre d’amende IFD 2015 ; CHF 86'610.- à titre d’amende ICC 2014 ; CHF 25'213.- à titre d’amende IFD 2014 ; CHF 48'319.- à titre d’amende ICC 2013 ; CHF 2'530.- à titre d’amende IFD 2013 et CHF 50'951.- à titre d’amende ICC 2012), les procédures pénales pour soustraction des années 2009-2011 étant prescrites.

Les reprises concernaient principalement des distributions dissimulées de bénéfice par la société, sous la forme de prestations appréciables en argent et de prêts simulés en faveur du contribuable, ainsi que des comptes bancaires non déclarés.

La quotité des amendes était fixée à une fois le montant de l’impôt soustrait.

c. Par décision sur réclamation du 10 octobre 2023, l’AFC-GE a partiellement modifié les bordereaux de rappel d'impôt pour tenir compte de certains ajustements tout en maintenant le principe et la quotité des amendes.

La quotité de l’amende tenait compte du caractère répétitif de la soustraction, des montants en jeu (circonstances aggravantes) et de l’incidence financière de la peine sur la situation du contribuable (circonstance atténuante). Le critère de la bonne collaboration n’était pas retenu, compte tenu des nombreuses relances et report de certains délais pour obtenir des informations, parfois incomplètes.

Les amendes étaient fixées comme suit : CHF 198’385.- à titre d’amende ICC 2016 ; CHF 77’982.- à titre d’amende IFD 2016 ; CHF 24'197.- à titre d’amende ICC 2015 ; CHF 60’546.- à titre d’amende ICC 2014 ; CHF 15’993.- à titre d’amende ICC 2013 et CHF 13'044.- à titre d’amende ICC 2012.

D. a. Par acte du 9 novembre 2023, les contribuables ont interjeté recours contre cette décision auprès du TAPI, concluant d’une part, à ce que les dettes de rappel d’impôt soient déduites de la fortune imposable et à ce que les intérêts sur rappel d’impôt soient déduits du revenu imposable, et d’autre part, à ce que la quotité des amendes soit réduite à la moitié du montant des rappels d’impôts.

Le montant des reprises d'impôt n'était plus contesté.

De manière générale, les années 2020-2022 avaient été particulièrement difficiles, le contribuable ayant vu ses affaires compromises par la crise du Covid et la guerre en Ukraine. Les troubles régnant au Liban (où il détenait des avoirs bancaires et une part d’immeuble abritant une boutique), et plus particulièrement la crise bancaire traversée par ce pays, avaient fortement compliqué l’accès aux informations bancaires. Outre l’opération et le traitement médical qu’il avait dû subir entre 2020 et 2021, A______ avait été confronté, au début de l’année 2022, à d’importants problèmes de santé de son fils, puis au décès de celui-ci en juillet de la même année.

S’agissant de la quotité de l’amende, fixée à tort à une fois le montant de l’impôt soustrait, la décision querellée ne contenait aucune motivation sur les éléments qui permettraient de retenir l'intention. Que ce soit dans le cadre des procédures de contrôle le concernant ou visant la société, ses explications avaient été constantes et cohérentes : accaparé par la conduite de ses affaires, il n’avait pas prêté une attention suffisante à ses affaires fiscales et à celles de la société. Rien ne permettait de remettre en cause ses déclarations. Près de 80% des impôts repris étaient liés à des prestations appréciables en argent entre entités sœurs (« prêts simulés », « frais de représentation » et « prix d’achat des marchandises excessifs »). Or, le caractère de prestations appréciables en argent de transactions entre entités sœurs en application de la théorie du triangle était très difficilement identifiable pour une personne non rompue à la fiscalité ; il n’était pas aussi facilement reconnaissable que la prise en charge par une société de dépenses privées par exemple, puisque l’actionnaire n’en bénéficiait pas effectivement lui-même. Autrement dit, ce n’était pas parce qu’une prestation appréciable en argent entre entités sœurs était reconnaissable par les organes de la société prestataire, comme retenu dans la procédure concernant les rappels d’impôt visant la société, que l’obligation de déclarer un revenu correspondant par l’actionnaire commun de ces entités soit évidente au point qu’un défaut de déclaration doive nécessairement être attribué à un comportement intentionnel. Les « prêts simulés », qui représentaient à eux seuls environ 50% de l’impôt concerné par les rappels, n’étaient pas non plus aisément identifiables en tant que prestations appréciables en sa faveur ; les prêts consentis par la société à d’autres entités du groupe lui étaient apparus comme la solution la plus simple pour financer les entités ayant besoin de fonds et n’étaient dictés que par des soucis économiques. La reprise relative aux « frais de représentation » relevait pour une grande part d’appréciation. À nouveau, il ne suffisait pas qu’une prestation de la société à des entités sœurs ait été identifiable comme prestation appréciable en argent pour en déduire qu’il aurait consciemment omis de déclarer, dans son propre chef, un revenu découlant de cette prestation.

Ces considérations concernant la théorie du triangle ne valaient certes pas pour l’omission de déclarer certaines entités, mais outre l’impact relativement faible de cette omission au regard de l’ensemble des reprises, rien ne permettait de considérer que ce défaut de déclaration relevait d’autre chose que de la simple négligence : pour la plupart sans activités et sans actifs notables, ces entités n’avaient pas d’importance réelle pour le contribuable. S’il avait cherché à les cacher, il aurait fait en sorte que les paiements à – ou de – ces entités ne passent pas directement par les comptes de la société, ce qui les rendait facilement identifiables au premier contrôle fiscal. Au regard de ces éléments, il n’y avait pas lieu de lui imputer un comportement intentionnel.

Ne pas retenir sa bonne collaboration comme facteur d’atténuation de la peine ne rendait pas justice aux efforts qu’il avait consentis pour répondre aux demandes de l’AFC-GE dans un contexte particulièrement difficile. Malgré cette situation, il s’était toujours efforcé de répondre aux demandes de l’AFC-GE, s’était adjoint à cette fin les services d’un mandataire, dont il avait suivi de manière diligente l’activité, et avait transmis de manière transparente toutes les informations qu’il avait pu obtenir.

b. L’AFC-GE a conclu à ce qu’il lui soit donné acte qu’elle acceptait de déduire des revenus et de la fortune les dettes de rappel d’impôt et les intérêts sur rappel d’impôt et de recalculer les amendes en fonction des nouveaux bordereaux de rappel d’impôt tenant compte de la déduction des dettes de rappel d’impôt et des intérêts sur rappel d’impôt. Elle concluait au rejet du recours pour le surplus. Les reprises s’élevaient ainsi, en ICC à CHF 341'589.25 et, en IFD, à CHF 109'401.45.

Les contribuables ne contestaient pas en tant que telles les reprises, et notamment pas l’application de la théorie du triangle, de sorte que le litige portait sur le principe et la quotité des amendes pour soustraction d’impôt.

À cet égard, les époux A______ B______ admettaient avoir causé un dommage financier au détriment de la collectivité publique. Ce dommage résultait du fait qu'ils n’avaient pas déclaré des comptes bancaires, des valeurs mobilières et des participations détenues, et qu’ils avaient fait bénéficier d’avantages leurs entités. En sa qualité d’administrateur de la société et en occupant une position dominante au sein du groupe, le contribuable avait lui-même décidé de l’octroi de prêts et des facturations à des prix de faveur, dans des conditions s’écartant manifestement de celles qui prévaudraient entre tiers. De par ses connaissances professionnelles et sa fonction, il ne pouvait pas ignorer les conséquences fiscales de tels procédés. Ainsi, en ne déclarant pas les prestations appréciables en argent fondées sur ses rapports de participations dans les entités du groupe, il avait agi de manière intentionnelle, c’est-à-dire avec pleine conscience et volonté. Sa participation à l’infraction de la société avait d’ailleurs été confirmée par le TAPI dans un jugement du 4 septembre 2023. Il ne pouvait en outre pas ignorer avoir omis de déclarer, dans ses déclarations fiscales, des participations et des comptes bancaires qu’il détenait.

On ne pouvait par ailleurs pas retenir une bonne collaboration de sa part dans la mesure où de nombreuses relances avaient dû être effectuées pour obtenir les pièces demandées, sans les recueillir de manière complète. De plus, compte tenu du montant des reprises et de la périodicité de la soustraction, d’autres motifs d’atténuation de la peine ne pouvaient être pris en considération, autre que celui déjà retenu, à savoir celui de l’incidence financière.

c. Par réplique du 10 mai 2024, les contribuables ont indiqué que le raisonnement de l’AFC-GE, selon lequel le contribuable aurait, de par sa position, dû s’apercevoir du fait que la société effectuait certaines prestations non conformes au principe de pleine concurrence, était contraire au droit. D’une part, il violait le principe ne bis in idem, le contribuable ayant déjà été condamné pénalement pour ses agissements en tant qu’organe de la société. D’autre part, il violait un principe de base du droit civil, l’indépendance de la personne morale, qui exigeait de séparer les actes d’une société de ceux de son actionnaire. À moins de se trouver dans un cas où la théorie de la levée du voile corporatif (« Durchgriff ») trouvait application, il était contraire au droit de se fonder sur des actes commis par la personne morale (représentée par ses organes) pour en tirer des conséquences au niveau de son actionnaire. En l’espèce, il convenait de distinguer clairement entre, d’une part, les actes commis par la société (parfois représentée par le contribuable), et, d’autre part, ceux réalisés par celui-ci en sa qualité de personne physique. En motivant sa culpabilité exclusivement sur la base d’actes commis par la société, respectivement ses organes, et aucunement sur des actes commis par le recourant à titre privé, la décision entreprise violait le droit fédéral et cantonal.

La motivation pour refuser la circonstance atténuante de la bonne collaboration était lacunaire et insuffisante. En outre, elle omettait de prendre en compte la situation personnelle du recourant et les circonstances particulières, telles qu’exposées dans le recours et le fait que son fils décédé l’épaulait grandement dans la gestion des affaires courantes de la société, l’ayant empêché de fournir les informations aussi vite qu’il l’aurait souhaité. Les pièces produites avaient permis à l’AFC-GE de clore le dossier et de procéder aux reprises d’impôt dans un délai de deux ans, lequel apparaissait raisonnable dans le contexte d’un tel dossier.

d. Par duplique du 4 juin 2024, l’AFC-GE a rappelé qu’en sa qualité d’organe, le contribuable avait été poursuivi pour la soustraction et la tentative de soustraction en matière d’impôt sur le bénéfice et le capital de la société. Il était ainsi, dans le cadre de l’infraction commise par la personne morale, participant accessoire. Or, dans le cadre de la présente procédure, il était poursuivi en raison d’une soustraction en matière d’impôt sur son revenu et sur sa fortune dont il était l’auteur principal. On était donc en présence de deux comportements distincts punissables, justifiant à chaque fois une sanction, sans que le principe ne bis in idem ne soit violé.

e. Par jugement du 11 novembre 2024, le TAPI a admis partiellement le recours pour les points concernant la déduction des revenus et fortunes des dettes de rappel d’impôt et des intérêts sur rappel d’impôt et le recalcul des amendes en fonction de ces nouveaux bordereaux de rappel d’impôt. Il a rejeté le recours pour le surplus.

Les déclarations d’impôt des époux A______ B______ pour les années en cause étaient irrégulières et incomplètes, puisque ne contenant pas tous les éléments de leurs revenus et fortune devant être déclarés, dont en particulier les prestations appréciables en argent, ainsi que des comptes bancaires. Le dommage subi par la collectivité était équivalent au montant des rappels d’impôt, qui n'était pas contestés. Par conséquent, les éléments objectifs de la soustraction étaient réunis.

L’élément subjectif de la soustraction fiscale, soit la faute, était également donné. Au vu de l’ensemble des éléments figurant au dossier, le TAPI ne pouvait que reprendre son analyse effectuée dans son jugement du 4 septembre 2023, à savoir que le contribuable avait eu conscience que diverses opérations et écritures comptables de la société n’étaient pas justifiées commercialement et fiscalement et que les informations données à l’AFC-GE étaient incorrectes ou incomplètes. En omettant de déclarer les prestations appréciables en argent fondées sur les opérations entre la société et les entités sœurs concernées et certains comptes bancaires, le contribuable avait agi de manière intentionnelle, c’est-à-dire avec pleine conscience et volonté. Les amendes étaient ainsi parfaitement justifiées dans leur principe.

Concernant le grief relatif à la bonne collaboration des contribuables, il ressortait du dossier qu'A______ avait collaboré de manière active et du mieux qu’il avait pu, compte tenu des circonstances détaillées dans ses écritures. Cette deuxième circonstance atténuante en leur faveur ne justifiait toutefois pas encore une diminution de la quotité retenue par l’AFC-GE eu égard au fait que la soustraction s'était déroulée sur plusieurs exercices et pour un montant cumulé non négligeable. Les circonstances atténuantes étant contrebalancées par celles aggravantes, force était de constater que l’AFC-GE, en ne s’écartant pas du quantum ordinaire, n’avait pas abusé de son pouvoir d’appréciation dans la fixation de la quotité des amendes et cette dernière était confirmée.

Enfin, c’était en vain que les époux se plaignaient de la violation du principe ne bis in idem. La procédure poursuivait le contribuable en raison d’une soustraction en matière d’impôt sur ses revenus et sa fortune, dont il était l’auteur principal, tandis qu’il avait été poursuivi, dans le cadre de l’infraction commise par la société, en sa qualité d’organe, participant accessoire. On se trouvait dès lors en présence de deux comportements distincts punissables qui justifiaient à chaque fois une sanction, sans que le principe ne bis in idem ne soit violé.

E. a. Par acte du 8 janvier 2025, les époux A______ B______ ont interjeté recours par devant la chambre administrative à l'encontre de ce jugement, en concluant à l’annulation des bordereaux de rappel d’impôts concernant la période fiscale 2009 et à celle de l’ensemble des bordereaux d’amende, subsidiairement à ce que la quotité des amendes concernant l’ensemble des bordereaux entrepris soit réduite à 50% du montant des impôts soustraits.

Le droit de procéder au rappel d'impôt s'éteignait quinze ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapportait, de sorte que la chambre administrative devait constater la péremption du droit de taxer et annuler les bordereaux en rappel et en soustraction d'impôts relatif à l'année fiscale 2009.

Les amendes avaient été infligées en violation du principe ne bis in idem. Ils n'avaient commis, à titre privé, aucune infraction et les manquements commis en qualité d'administrateur avaient déjà été punis par le jugement du TAPI du 4 septembre 2023 dans le cadre de la procédure ouverte à l'encontre du contribuable pour participation à la soustraction d'impôt commise par sa société. Il existait ainsi une identité d'objet, d'auteur et de comportement entre la présente procédure et celle relative à sa participation à la soustraction d'impôt commise par sa société.

La quotité des amendes devait être diminuée à la moitié des impôts soustraits, le contribuable ayant agi par négligence et le TAPI ayant qualifié sa collaboration d'exemplaire. Il a repris pour l’essentiel l’argumentation déjà présentée devant le TAPI.

b. Dans sa réponse du 6 février 2025, l'AFC-GE a conclu à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle s'engageait à annuler les bordereaux de rappel d'impôt ICC et IFD 2009 en raison de leur péremption.

L'AFC-GE concluait au rejet du recours pour le surplus, en reprenant l'argumentation présentée dans sa réponse au TAPI.

c. Le 17 mars 2025, les contribuables ont persisté dans leurs conclusions.

d. Le même jour, la chambre administrative a informé les parties que la cause était gardée à juger.

Pour le surplus, les griefs et arguments formulés par les parties, ainsi que les éléments résultant des pièces versées à la procédure, seront repris et discutés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » ci-dessous.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Se pose la question de la prescription du droit de taxer la période 2009.

2.1 La prescription ou la péremption sont des questions de droit matériel que la chambre administrative examine d'office (ATF 138 II 169 consid. 3.2 ; ATA/976/2021 du 21 septembre 2021 consid. 2a) tant pour l'IFD que les ICC, lorsque celles-ci se fondent sur le droit fédéral (ATF 138 II 169 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 4).

L'art. 152 al. 1 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) prévoit que le droit d'introduire une procédure de rappel d'impôt s'éteint dix ans après la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'a pas été effectuée, alors qu'elle aurait dû l'être, ou pour laquelle la taxation entrée en force était incomplète. Le droit de procéder au rappel d'impôt s'éteint quinze ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapporte (art. 152 al. 3 LIFD ; ATF 140 I 68 consid. 6.1). Les art. 61 al. 1 et 3 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17) et 53 al. 2 et 3 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990
(LHID - RS 642.14) posent les mêmes principes. La problématique peut donc être examinée conjointement pour l'IFD et l’ICC (ATA/761/2023 du 11 juillet 2023 consid. 4.1, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_578/2023 du 27 novembre 2023).

2.2 En l'espèce, dans la mesure où le droit de procéder au rappel d'impôt s'éteint quinze ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapporte, la prescription du droit de procéder au rappel d'impôt pour la période 2009 est acquise, comme l'a relevé l'AFC-GE dans sa réponse.

Le recours doit dès lors être admis sur ce point.

3.             Le recours porte sur les amendes infligées au recourant pour soustraction d’impôt pour les années 2012-2016. Les reprises opérées, après la déduction des dettes de rappel d’impôt et des intérêts sur rappel d’impôt, ne sont plus contestées devant la chambre administrative.

4.             Le recourant se prévaut en premier lieu d’une violation du principe ne bis in idem. Il existait une identité d'objet, de faits et de personne visée entre la présente procédure et celle intentée à son encontre pour participation à la soustraction d'impôt commise par sa société, pour laquelle il avait déjà été condamné.

4.1 Selon le principe ne bis in idem, qui est un corollaire de l’autorité de chose jugée, nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État. Ce droit, qui appartient avant tout au droit pénal fédéral matériel, découle en outre implicitement de la Constitution fédérale, à savoir des art. 8 al. 1 et 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et est également garanti par l’art. 4 ch. 1 du Protocole additionnel n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (RS 0.101.07) et l’art. 14 par. 7 du Pacte ONU II (RS 0.103.2). L’autorité de chose jugée et le principe ne bis in idem requièrent qu’il y ait identité de l’objet de la procédure, de la personne visée et des faits retenus (ATF 149 II 74 consid. 8.1 ; 145 IV 383 consid. 2.2 ; 144 IV 136 consid. 10.1 ; 137 I 363 consid. 2.1 ; 125 II 257 consid. 5a).

Concernant le cas spécifique de l'infraction de soustraction d'impôt, la doctrine précise que lorsque l’état de fait constitue à la fois une soustraction en matière d’impôt sur le bénéfice et une soustraction en matière d’impôt sur le revenu (par exemple en cas de distribution dissimulée de dividende en faveur de l’actionnaire unique et seul membre du Conseil d’administration), l’on est en présence de deux comportements distincts punissables justifiant à chaque fois une sanction sans que le principe ne bis in idem ne soit violé (Daniel DE VRIES REILINGH/Iliriana DRENI, Commentaire de l’ATF 149 II 74, in RDAF 2023 II 287, p. 290).

4.2 En l’espèce, dans le cadre de la présente procédure, le recourant est poursuivi en qualité d'auteur principal en raison d’une soustraction en matière d’impôt sur le revenus et la fortune, tandis qu’il a, par le passé, été poursuivi dans le cadre de l’infraction commise par sa société, en sa qualité d’organe, en tant que participant accessoire.

Il n’y a dès lors pas d’identité d'objet, ni de faits dans cette situation, car le fondement des poursuites n’est pas le même : une partie de l’état de fait concerne la situation fiscale irrégulière de l’individu, notamment sa propre déclaration fiscale, ses revenus et sa fortune, alors que l’autre concerne la situation fiscale irrégulière de la personne morale, notamment son bénéfice et son capital.

Par conséquent, l’on est en présence de deux comportements distincts punissables justifiant à chaque fois une sanction sans que le principe ne bis in idem ne soit violé.

Partant, le grief est rejeté.

5.             Le recourant sollicite la réduction de la quotité des amendes à la moitié des impôts soustraits, au regard de son absence d'intention et de sa bonne collaboration.

5.1 Le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète, est puni d'une amende (art. 175 al. 1 LIFD ; art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 1 LPFisc).

Pour qu'une soustraction fiscale soit réalisée, trois éléments doivent être réunis : la soustraction d'un montant d'impôt, la violation d'une obligation légale incombant au contribuable et la faute de ce dernier. Les deux premières conditions sont des éléments constitutifs objectifs de la soustraction fiscale, tandis que la faute en est un élément constitutif subjectif (arrêts du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 9.1 et 11 ; 2C_874/2018 du 17 avril 2019 consid. 10.1 ; ATA/1183/2023 du 31 octobre 2023 consid. 7.1).

En l’occurrence, la réalisation des éléments objectifs de la soustraction fiscale n’est pas remise en cause. Le recourant conteste uniquement avoir commis une faute.

5.2 La soustraction est punissable aussi bien intentionnellement que par négligence. La notion de négligence des art. 175 LIFD et 56 LHID est identique à celle de l'art. 12 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

La preuve d'un comportement intentionnel de la part du contribuable doit ainsi être considérée comme apportée lorsqu'il est établi avec une sécurité suffisante que celui-ci était conscient du caractère erroné ou incomplet des indications fournies. Si cette conscience est établie, il faut présumer qu'il a voulu tromper les autorités fiscales, afin d'obtenir une taxation plus favorable (arrêts du Tribunal fédéral 2C_792/2021 du 14 mars 2022 consid. 6.4.1 ; 2C_1052/2019 du 18 mai 2020 consid. 3.7.1). Cette présomption ne se laisse pas facilement renverser, car l'on peine à imaginer quel autre motif pourrait conduire un contribuable à fournir au fisc des informations qu'il sait incorrectes ou incomplètes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1066/2018 du 21 juin 2019 consid. 4.1 ; 2C_129/2018 du 24 septembre 2018 consid. 9.1). Le dol éventuel suffit pour retenir l'intention (arrêts du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_444/2018 du 31 mai 2019 consid. 9.2) : il suppose que l'auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins, parce qu'il s'en accommode au cas où il se produirait (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1073/2018 du 20 décembre 2019 consid. 17.3.1).

En revanche, agit par négligence celui qui, par une imprévoyance coupable, ne se rend pas compte ou ne tient pas compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable lorsque l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle, ce par quoi l'on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1052/2019 précité consid. 3.7.1 ; 2C_1066/2018 précité consid. 4.1). Si le contribuable a des doutes sur ses droits ou obligations, il doit faire en sorte de lever ce doute ou, au moins, en informer l'autorité fiscale (ATF 135 II 86 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_874/2018 précité consid. 10.1.3 ; 2C_129/2018 précité consid. 9.1).

Selon la jurisprudence, la conformité du comportement du contribuable à ses obligations légales s'examine de manière objective, et non suivant la représentation subjective que celui-ci avait des événements à l'époque (ATA/203/2014 du 1er avril 2014 consid. 6c). En outre, les administrés ne sauraient se prévaloir de leur méconnaissance du droit (ATF 126 V 308 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_716/2010 du 3 octobre 2011 consid. 6).

Le contribuable doit remplir la formule de déclaration d’impôt de manière conforme à la vérité et complète et y joindre les annexes (art. 124 al. 2 LIFD et 26 al. 2 LPFisc). Il doit faire tout ce qui est nécessaire pour assurer une taxation complète et exacte et, à la demande de l’autorité de taxation, fournir notamment des renseignements oraux ou écrits, présenter ses livres comptables, les pièces justificatives et autres attestations ainsi que les pièces concernant ses relations d’affaires (art. 126 al. 1 et 2 LIFD et 31 al. 1 et 2 LPFisc). Le contribuable est garant de ses déclarations, sur lesquelles l’autorité de taxation est en principe en droit de se fonder sans les vérifier et d’en présumer l’exactitude (arrêt du Tribunal fédéral 2C_104/2008 du 20 juin 2008 consid. 3.3). Lorsque le contribuable se heurte à une incertitude quant à un élément de fait, il ne doit pas la dissimuler, mais bien la signaler dans sa déclaration. Dans tous les cas, il doit décrire les faits de manière complète et objective (arrêt du Tribunal fédéral 2C_879/2008 du 20 avril 2009 consid. 5.1)

5.3 En cas de soustraction fiscale, en règle générale, l’amende est fixée au montant de l’impôt soustrait ; si la faute est légère, l’amende peut être réduite jusqu’au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD et 69 al. 2 LPFisc).

Le montant de l’impôt soustrait constitue le premier élément de fixation de la peine. Celle-ci doit ensuite être fixée selon le degré de la faute de l’auteur (ATF 143 IV 130 consid. 3.3). En présence d’une infraction intentionnelle sans circonstances particulières, l’amende équivaut en règle générale au montant de l’impôt soustrait (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_476/2014 du 21 novembre 2014 consid. 10.1 ; 2C_777/2014 du 13 octobre 2014 consid. 6.2 ; 2C_480/2009 du 16 mars 2010 consid. 6.2).

En cas de faute grave, l’amende doit en principe être supérieure à une fois l’impôt soustrait et peut être au plus triplée (art. 175 al. 2 in fine LIFD et 69 al. 2 in fine LPFisc ; ATF 144 IV 136 consid. 7.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_281/2019 du 26 septembre 2019 consid. 8.1). Par faute grave, il faut comprendre, entre autres, la récidive, de même que l’attitude continuellement récalcitrante du contribuable vis-à-vis des autorités fiscales. Il y a en particulier circonstance aggravante, lorsque la soustraction d’impôt s’étend sur plusieurs années et s’effectue selon différents procédés, en cas d’existence d’un compte bancaire non déclaré ou, par exemple, en cas de présentation planifiée et erronée de bilans, par une personne morale, sur plusieurs exercices (Pietro SANSONETTI/Danielle HOSTETTLER in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, Commentaire romand de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct, 2e édition, 2017, n. 54 ad art. 175).

En droit pénal fiscal, les éléments principaux à prendre en considération sont le montant de l’impôt éludé, la manière de procéder, les motivations, ainsi que les circonstances personnelles et économiques de l’auteur (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_180/2013 du 5 novembre 2013 consid. 9.1 ; 2C_851/2011 du 15 août 2012 consid. 3.3).

Le Tribunal fédéral considère que la bonne collaboration du contribuable dans le cadre la procédure en soustraction d'impôt constitue en principe un élément permettant de réduire la peine, tout comme la négligence (arrêts du Tribunal fédéral 9C_763/2023 du 25 juillet 2024 consid. 10.3 ; 2C_875/2018 du 17 avril 2019 consid. 8.2.2 ; 2C_1007/2012 du 15 mars 2013 consid. 5.2 ; Pietro SANSONETTI/Danielle HOSTETTLER in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], op. cit., n. 47 ad art. 175).

L’art. 175 al. 2 LIFD a vocation à s’appliquer à toutes les soustractions fiscales, y compris celles qui s’étendent sur plusieurs périodes fiscales, ce qui est du reste fréquemment le cas lorsque la soustraction est liée à un comportement durable, tel que la non-déclaration d’un compte bancaire (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.2 et 7.3.1).

5.4 Dans la mesure où elles respectent le cadre légal, les autorités fiscales cantonales, qui doivent faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi, disposent d’un large pouvoir d’appréciation lors de la fixation de l’amende, l’autorité de recours ne censurant que l’abus du pouvoir d’appréciation (ATF 144 IV 136 consid. 9.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_12/2017 du 23 mars 2018 consid. 7.2.1 ; ATA/376/2024 du 12 mars 2024 consid. 6.3). Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

5.5  

5.5.1 En l’espèce, il a été constaté que les déclarations d’impôt du recourant pour les années en cause étaient irrégulières et incomplètes, puisqu’elles ne contenaient pas tous les éléments de ses revenus et fortune devant être déclarés, dont en particulier les prestations appréciables en argent, ainsi que des comptes bancaires. Le dommage subi par la collectivité est équivalent au montant des rappels d’impôt, qui ne sont pas contestés. Par conséquent, les éléments objectifs de la soustraction réprimée par les art. 175 al. 1 LIFD et 69 al. 1 LPFisc sont réunis.

L’élément subjectif de la soustraction fiscale, soit la faute, apparaît aussi donné. En effet, au vu de l’ensemble des éléments figurant au dossier, la chambre administrative ne peut que reprendre l'analyse effectuée par le TAPI dans son jugement, à savoir que le recourant était actionnaire, directeur et administrateur de la société et qu'il ne pouvait dès lors pas ignorer la manière dont les affaires étaient gérées. Il était, en effet, en charge d'établir les stratégies commerciales, de prendre les décisions, de gérer la facturation et l'encaissement et signait les contrats de la société avec les autres entités du groupe, ainsi que ses états financiers et ses déclarations fiscales. Il avait en particulier décidé de l'octroi de prêts et de facturation à des prix de faveur et signé des contrats de consignation pour dissimuler des bénéfices.

Rompu aux affaires en raison sa fonction et ses connaissances professionnelles, il ne peut pas avoir agi par négligence, comme il le soutient en se fondant sur la soi‑disant complexité de la théorie du triangle. En effet, l'ensemble de l'architecture mise en place grâce à ses diverses sociétés, de même que les contrats conclus par sa propre signature, en dehors de toute logique commerciale usuelle, ne pouvaient avoir d’autre but que de réduire les éléments imposables de ses sociétés, et donc les siens propres, puisqu'il les détenait quasiment toutes en totalité. La structure de son groupe, comprenant de nombreuses sociétés offshores dont il détenait la totalité du capital social, tend également à démontrer ses capacités à mettre en place des stratégies commerciales visant à réduire ses charges fiscales. Au surplus, le fait que ni les comptes bancaires précités ni la possession du capital social de diverses sociétés n’ont été déclarés, éléments que tout contribuable doit savoir devoir déclarer, jette un doute sur son honnêteté et laisse également penser que celui-ci n’a pas agi simplement par négligence sur les autres éléments qui lui sont reprochés.

La chambre de céans considère ainsi que le recourant avait conscience que diverses opérations et écritures comptables de la société n’étaient pas justifiées commercialement et fiscalement et que les informations données à l’AFC-GE dans le cadre de sa propre déclaration d'impôts étaient incorrectes ou incomplètes. En omettant de déclarer les prestations appréciables en argent fondées sur les opérations entre la société et les entités sœurs concernées et certains comptes bancaires, le recourant a agi de manière intentionnelle, c’est-à-dire avec pleine conscience et volonté.

Les amendes sont ainsi parfaitement justifiées dans leur principe.

5.5.2 Reste à examiner leur quotité, contestée par le recourant, qui se prévaut de sa bonne collaboration et de sa négligence comme circonstances atténuantes.

Il résulte des éléments mentionnés supra, que le recourant a commis une soustraction d'impôt intentionnelle, si bien que la négligence ne peut pas être retenue comme circonstance atténuante à son égard.

Dans le cadre de la fixation des amendes, l’intimée a pris en considération l’impact financier des pénalités sur l’avenir de l’entreprise du recourant. Elle a toutefois refusé de tenir compte de sa bonne collaboration au regard des nombreuses relances pour obtenir les pièces demandées, auxquelles l’intéressé n’a que partiellement donné suite. La juridiction précédente ne l’a pas suivie sur ce point, estimant que le recourant avait collaboré activement et « du mieux qu’il a pu » compte tenu des circonstances personnelles détaillées dans ses écritures (blocage et difficultés économiques dus à la crise sanitaire et la guerre en Ukraine, comptes bancaires détenus au Liban, drame familial, ressources limitées de sa société). Elle a néanmoins considéré que les deux circonstances atténuantes ne justifiaient pas une diminution de la quotité des amendes, compte tenu de la durée de la soustraction et du montant cumulé non négligeable des reprises.

Cette appréciation n’est pas critiquable. Certes, la bonne collaboration du contribuable dans le cadre de la procédure en soustraction d'impôt constitue en principe un élément permettant de réduire la quotité de l’amende. Or, comme retenu par la juridiction précédente, la soustraction d’impôt s’est étendue sur plusieurs années – soit sur une période de sept ans – et porte sur des montants importants. Ainsi, en application de la jurisprudence précitée, et compte tenu du fait que le recourant a agi de manière intentionnelle et répétée, l’examen global des circonstances pertinentes permet de confirmer le résultat auquel a abouti l’autorité intimée.

La quotité des amendes sera ainsi confirmée.

En définitive, le recours sera partiellement admis. Les bordereaux de rappels d’impôt IFD et ICC 2009 seront annulés, compte tenu de la prescription.

6.             Au vu de l'issue du litige, un émolument de CHF 2’000.- sera mis à la charge solidaire des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA) et ne peuvent dès lors se voir allouer d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 janvier 2025 par A______ et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 novembre 2024 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 novembre 2024 en ce qui concerne les bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD 2009 ;

confirme le jugement entrepris pour le surplus ;

annule les bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD 2009 ;

met à la charge solidaire d'A______ et B______ un émolument de CHF 2’000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Stanislas CRAMER, mandataire des recourants, à l’administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Florence KRAUSKOPF, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MICHEL

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :