Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/901/2025

ATA/441/2025 du 17.04.2025 sur JTAPI/303/2025 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/901/2025-MC ATA/441/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 avril 2025

en section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Philippe CURRAT, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 mars 2025 (JTAPI/303/2025)


EN FAIT

A. a. A______ (alias B______), né le ______ 1999, est originaire du Maroc ; il est démuni de tout document d'identité.

b. Entre le 1er juin 2017 et le 3 mai 2023, A______ a fait l'objet de douze condamnations pénales en Suisse, en particulier pour délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), opposition aux actes de l'autorité (art. 286 de l'ancienne teneur du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 [CP - RS 311.0]), non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 [LEI - RS 142.20]), pour avoir violé la mesure d'assignation territoriale à la commune de Vernier prononcée à son encontre par le commissaire de police le 8 mai 2021, violation de domicile (art. 186 CP), vol (art. 139 ch. 1 CP), recel (art. 160 ch. 1 al. 1 CP) et rupture de ban (art. 291 al. 1 CP). Deux mesures d'expulsion judiciaire ont été prononcées à son encontre, la première, d'une durée de cinq ans, par jugement du Tribunal régional de l'Oberland bernois du 22 mai 2018, et la seconde, pour une durée de cinq ans également, par jugement du Tribunal de police de Genève du 31 octobre 2018, mesure dont l'autorité administrative genevoise compétente a décidé de ne pas reporter l'exécution.

c. Le 1er décembre 2024, le commissaire de police a émis à son encontre un ordre de mise en détention administrative pour une durée de quatre mois, en application de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, renvoyant à l’art. 75 al. 1 let. b, c et h LEI.

d. Par jugement du 4 décembre 2024, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a confirmé cet ordre de mise en détention pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 31 mars 2025.

e. Par arrêt du 26 décembre 2024, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours formé par A______ contre ce jugement.

Les conditions d'une mise en détention administrative prévues par les art. 76 al. 1 let. b ch. 1 et 75 al. 1 let. b et g LEI étaient réalisées. Il ne pouvait par ailleurs être retenu que le recourant souffrirait d'une pathologie psychiatrique ou physique qui l'exposerait, en cas de retour dans son pays d'origine, à un risque pour sa vie ou, compte tenu des possibilités d'accéder à des soins dans son pays d'origine, à un risque réel d'être exposé à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou une réduction significative de son espérance de vie ; l'exécution de son renvoi ne violait donc pas les art. 83 al. 3 et 4 LEI ni 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Enfin, le principe de la proportionnalité était respecté au regard de l'intérêt public important à l'exécution du renvoi, de l'absence d'alternative permettant d'assurer la présence du recourant le moment venu et de la durée de la détention, encore largement inférieure à celle de 18 mois prévue à certaines conditions par l'art. 78 al. 2 LEI.

f. Postérieurement à cet arrêt, A______ a sollicité sa libération à trois reprises.

Une première demande de mise en liberté, formée le 10 janvier 2025, a été rejetée par jugement du TAPI du 21 janvier 2025.

Le TAPI a refusé de donner suite à une deuxième demande de mise en liberté formée le 5 février 2025 par voie électronique, au motif qu'un tel mode de transmission n'était pas prévu par la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Le recours pour déni de justice interjeté le 6 février 2025 contre ce refus de statuer auprès de la chambre administrative a été rejeté par arrêt du 17 février 2025.

Une troisième demande de mise en liberté, formée le 18 février 2025, a été rejetée par jugement du TAPI du 25 février 2025.

g. Le 17 mars 2025, l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) a requis la prolongation de la détention administrative pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 30 juin 2025.

La demande d'asile présentée par A______ était toujours en cours d'instruction par le secrétariat d'état aux migrations (ci-après : SEM) ; une audition prévue le 7 mars 2025 avait dû être annulée en raison du transfert de l'intéressé à l'hôpital.

h. À réception de cette requête, le TAPI a fixé au 25 mars 2025 une audience aux fins de procéder à l'audition de A______, de son conseil et du représentant de l'OCPM. Par lettre du 18 mars 2025, le conseil de l'intéressé a toutefois informé le TAPI que son mandant, alors hospitalisé au sein de l'unité hospitalière de psychiatrie pénitentiaire (UHPP) de l'établissement fermé Curabilis (ci-après : Curabilis), ne se déplaçait qu'en chaise roulante ; l'audience devrait dès lors être tenue dans une salle accessible par un tel mode de locomotion. Un certificat médical établi le 13 mars 2025 par le docteur C______, médecin chef de clinique au sein de l'UHPP, faisant état d'une indication médicale à l'utilisation d'un fauteuil roulant pour la période du 13 mars au 14 avril 2025, était annexé.

Au vu de cette information, le TAPI a annulé l'audience initialement prévue et en a fixé une nouvelle, dans une salle accessible en fauteuil roulant, le 24 mars 2025 à 11h00.

Par message du 19 mars 2025, le greffe du TAPI a invité la brigade de sécurité et des audiences (ci-après : BSA), chargée du convoyage des personnes détenues entre leur lieu de détention et les divers locaux du Pouvoir judiciaire, à organiser le transfert de A______ de Curabilis à la salle où devait se tenir l'audience nouvellement fixée. L'attention de la BSA était attirée sur le fait que la personne concernée ne se déplaçait qu'en chaise roulante.

i. Selon un courriel adressé le 10 avril 2025 par le gardien principal responsable du greffe et de la centrale de Curabilis à l'OCPM, il avait reçu le 21 mars 2025 – trois jours avant l'audience – un appel du chargé de planification de la BSA, lequel souhaitait savoir si A______ pouvait être transporté dans un fourgon cellulaire « classique ». Après s'être renseigné auprès du médecin interne responsable de l'intéressé, la docteure D______, il avait répondu que celui‑ci était au bénéfice d'une prescription médicale pour l'usage d'une chaise roulante dans les espaces de vie de l'unité mais qu'aucune prescription n'imposait un transport en ambulance, un transport en fourgon cellulaire « classique » étant, selon la Dre D______, tout à fait possible. Le chargé de planification de la BSA lui avait alors indiqué que, « à des fins pratiques », il affecterait au transport un « petit véhicule de type voiture ».

j. Le 24 mars 2025, jour de l'audience, A______ a refusé d'être transporté de Curabilis aux locaux du Pouvoir judiciaire où devait se dérouler l'audience.

Selon les pièces du dossier, il a motivé ce refus par le caractère à ses yeux inapproprié du véhicule devant le transporter, paraissant exiger d'être transporté en ambulance et rappelant qu'il ne pouvait se déplacer qu'en chaise roulante. Le dossier ne permet pas de déterminer si, lors de l'expression de ce refus, A______ avait vu le, ou avait été informé du, véhicule effectivement prévu pour son transport.

k. Informé de ce refus, le TAPI a décidé de maintenir l'audience, laquelle s'est tenue en présence de l'avocat de l'intéressé et d'une représentante de l'OCPM. À cette occasion, l'avocat de l'intéressé a requis principalement que le report de l'audience soit ordonné ou, subsidiairement, que son mandant soit entendu à Curabilis. Son absence n'était pas due à une renonciation de sa part à être entendu, mais au fait que les mesures nécessaires à son transport en chaise roulante n'avaient pas été prises.

La représentante de l'OCPM a conclu à la prolongation de la détention en vue du renvoi pour une durée de trois mois. Le conseil de A______ a pour sa part renoncé à s'exprimer, indiquant ne pas être en mesure de plaider.

l. Dans un échange de courriels intervenu peu après la fin de l'audience, la BSA a confirmé au TAPI, à sa demande, que le véhicule prévu (« VHC______ BMW ») aurait permis à A______ d'être transporté à l'audience en chaise roulante.

m. Par jugement du 24 mars 2025, le TAPI a prolongé la détention administrative de A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 30 juin 2025.

Alors qu'il avait la possibilité de se rendre à l'audience en chaise roulante, la BSA ayant commandé un véhicule spécial pour ce faire, il avait délibérément choisi de ne pas s'y rendre, exigeant même d'être transporté en ambulance sans que sa condition médicale le justifie. Son absence lors de l'audience de jugement lui était donc entièrement imputable, de telle sorte qu'il ne pouvait se plaindre d'une violation de son droit d'être entendu, ce d'autant moins que son conseil, qui était présent, avait pu assurer une défense efficace.

Sur le fond, les conditions de la détention administrative prévues par les art. 76 al. 1 let. b ch. 1 et 75 al. 1 let. b et g LEI étaient toujours réalisées. Les autorités chargées de l'exécution du renvoi avaient agi avec célérité et diligence, compte tenu de la procédure d'asile engagée par A______. Le principe de proportionnalité demeurait respecté au vu de l'intérêt public à l'exécution du renvoi, du fait que la détention constituait le seul moyen de s'assurer de la disponibilité de l'intéressé au moment de cette exécution et de la durée de la détention, encore très inférieure à celle de 18 mois prévue par l'art. 78 al. 2 LEI. Enfin, la situation médicale de l'intéressé paraissait inchangée depuis le prononcé de l'arrêt du 26 décembre 2024, avec pour conséquence que le renvoi était exigible.

B. a. Par acte adressé le 7 avril 2025 à la chambre administrative, A______ a formé recours contre ce jugement, concluant à son annulation et à sa mise en liberté.

Son droit d'être entendu avait été violé en ce qu'il n'avait pas eu la possibilité de comparaître personnellement lors de l'audience fixée au 24 mars 2025 à 11h00 faute de transport adapté. Il avait vu le véhicule prévu pour son transfert, soit un fourgon cellulaire « normal » dans lequel les gardiens refusaient la prise en charge d'une chaise roulante, et n'avait jamais été informé de la disponibilité d'un transport adapté. Dans le cas contraire, il n'aurait pas refusé d'être transporté. Les faits pertinents n'avaient pas été établis de manière complète.

b. Dans ses observations du 8 avril 2025, le TAPI a indiqué que, au vu de l'affirmation par le conseil de A______, lors de l'audience du 24 mars 2025, que l'absence de son mandant était due au fait que les mesures nécessaires à son transport en chaise roulante n'avaient pas été prises, il avait requis immédiatement après l'audience de la part de la BSA la confirmation qu'un véhicule adapté avait bien été prévu, et l'avait reçue. Aucun véhicule spécifique n'avait au demeurant été initialement requis par le conseil de l'intéressé en vue de son transfert, et celui-ci n'avait pas démontré ne pouvoir voyager sur un siège de véhicule.

c. Par observations du 10 avril 2025, l'OCPM a conclu au rejet du recours. Il ressortait des pièces que A______ avait, sans raison légitime, refusé d'être transporté à bord du véhicule spécialement prévu à cet effet par la BSA, renonçant ainsi intentionnellement à exercer personnellement son droit d'être entendu.

d. Dans ses écritures en réplique du 14 avril 2025, le recourant a persisté dans ses conclusions. Le TAPI avait violé son obligation d'instruire d'office les faits pertinents et avait admis à tort que les dispositions nécessaires avaient été prises pour assurer son transport, compte tenu de son état médical. C'était donc également à tort que le TAPI avait retenu qu'il avait délibérément fait le choix de ne pas exercer personnellement son droit d'être entendu lors de l'audience du 24 mars 2025.

e. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Selon l'art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 8 avril 2025 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

À teneur dudit art. 10 LaLEtr, elle est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2e phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée.

3.             Le recourant se plaint en premier lieu d'une constatation incomplète et inexacte des faits.

 

3.1 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d'office (art. 19 LPA, qui parle à tort de maxime d’office). Ce principe n'est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 128 II 139 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_454/2017 du 16 mai 2018 consid. 1.4 ; ATA/214/2025 du 4 mars 2025).

En procédure administrative genevoise, l’autorité réunit les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision ; elle apprécie les moyens de preuve des parties (art. 20 al. 1 LPA) ; elle recourt s’il y a lieu notamment aux témoignages et renseignements de tiers (art. 20 al. 2 let. c LPA) ou à l’expertise (art. 20 al. 2 let. e LPA).

3.2 Selon le principe de la libre appréciation des preuves, qui s’applique en procédure administrative, le juge apprécie librement les preuves, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des pièces. Dès lors, le juge doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si le dossier à disposition permet de porter un jugement valable sur le droit litigieux (ATA/722/2012 du 30 octobre 2012 consid. 3a et les arrêts cités).

3.3 Selon l'art. 9 al. 4 LaLEtr, le TAPI est tenu de statuer dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine sur les requêtes de prolongation de détention de l'OCPM. Le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l'étranger.

3.4 En l'occurrence, le TAPI a été saisi par l'OCPM le 17 mars 2025 ; il disposait donc d'un délai expirant le 25 mars 2025, soit le lendemain de l'audience, pour rendre sa décision. Dans la mesure où ce court laps de temps ne lui permettait à l'évidence pas de procéder à une administration approfondie des preuves, c'est à juste titre qu'il s'est fondé sur les éléments de preuve immédiatement disponibles, soit essentiellement les pièces figurant au dossier ainsi que les renseignements obtenus après l'audience de la BSA, pour établir les faits pertinents.

Il n'apparaît pas, pour le surplus, que l'administration d'autres preuves se serait avérée nécessaire quand bien même le temps à disposition aurait été suffisant. Les démarches entreprises par les collaborateurs de la BSA, de même que les constatations auxquelles ont procédé les collaborateurs de Curabilis, résultent en effet de manière suffisamment probante des échanges de courriels et pièces versés à la procédure. Le recourant lui-même a eu l'occasion de présenter sa version des faits dans ses écritures de recours et de réplique et n'explicite pas quels éléments nouveaux son audition serait susceptible de fournir s'agissant de son refus d'être transporté à l'audience. Les éléments de fait ne ressortant pas du dossier – p. ex. le degré d'information du recourant sur les modalités du transport prévu ou les caractéristiques exactes du véhicule au moyen duquel il devait être transporté – ne sont pour leur part, comme on le verra ci-dessous, pas pertinents.

Il ne peut donc être reproché au TAPI d'avoir établi les faits de manière incomplète.

3.5 Se fondant sur les éléments de preuve figurant au dossier, le TAPI a retenu en fait que, se prévalant du certificat médical du Dr C______ faisant état d'une indication médicale à l'utilisation d'un fauteuil roulant, le recourant a refusé d'être transporté dans les locaux du Pouvoir judiciaire pour y participer à l'audience du 24 mars 2025, alors même qu'un transport adapté à son état médical avait été prévu.

Le refus de transport exprimé par le recourant, dûment documenté, n'est ni contesté ni contestable. Il n'est pas non plus contesté qu'il connaissait le but de ce transfert, soit sa participation à l'audience du 24 mars 2025 à 11h00, consacrée à l'examen de la requête de prolongation de la détention administrative formée par l'OCPM.

Le caractère adapté à l'état médical du recourant du transport prévu ressort pour sa part des pièces du dossier. Il en résulte en effet que la Dre D______, médecin interne responsable de l'intéressé et, à ce titre, au fait des limitations fonctionnelles liées à son état médical, a confirmé au personnel de Curabilis l'absence de prescription médicale pour son transport, lequel pouvait ainsi se dérouler, notamment, dans un fourgon cellulaire « normal ». Cette appréciation médicale correspond au demeurant à l'expérience générale de la vie relative au transport par véhicule de personnes devant se déplacer en fauteuil roulant, selon laquelle ces personnes peuvent être amenées par ce mode de locomotion à proximité immédiate d'un véhicule offrant des places assises suffisamment spacieuses, à l'intérieur duquel elles peuvent prendre place pendant le transfert, avant d'être réinstallées sur leur fauteuil roulant à destination. Les échanges de courriels produits permettent à cet égard de retenir que le chargé de planification de la BSA, après s'être assuré plusieurs jours avant l'audience que l'état de santé du recourant ne requérait pas l'usage d'un véhicule spécifique, avait finalement décidé, « à des fins pratiques », d'affecter au transport un « petit véhicule de type voiture », vraisemblablement plus confortable qu'un fourgon cellulaire. À en juger par les références du véhicule effectivement engagé le 24 mars 2025 (VHC______ BMW), celui-ci était d'une marque réputée pour offrir à ses occupants un certain confort.

Le recourant pour sa part n'explique nullement en quoi, concrètement, le moyen de transport engagé par la BSA n'aurait pas été adapté à son état de santé ou n'aurait pas respecté la prescription médicale du Dr C______. Il n'explique pas davantage en quoi, contrairement aux indications données par la Dre D______, son état de santé aurait rendu nécessaire un transport médicalisé alors même que, le jour de l'audience, il semble avoir exigé d'être transporté en ambulance. Il ne soutient plus dans ses écritures en réplique avoir « vu » le véhicule dans lequel il devait être transporté et constaté qu'il s'agissait d'un fourgon cellulaire, cette allégation étant au demeurant contredite par les pièces du dossier (étant en outre rappelé qu'un tel véhicule ne pouvait être considéré comme inadapté).

Le recourant ne saurait par ailleurs justifier a posteriori son refus en alléguant que le personnel de la BSA n'aurait pas pu ou pas voulu emmener son fauteuil roulant, avec pour conséquence que, nonobstant l'indication médicale à l'usage de cet appareil, il aurait été contraint de se déplacer à pieds à sa destination. Il ne s'agit en effet là que d'une pure conjecture, qui plus est dénuée de vraisemblance : il est en effet notoire que de nombreux modèles de chaises roulantes sont pliables, et peuvent donc être transportés sans difficulté dans un coffre de voiture, et rien ne permet en tout état de considérer que la BSA ne disposerait pas de chaises roulantes dans les locaux du Pouvoir judiciaire.

C'est enfin à tort que le recourant se plaint de ne pas avoir été informé à l'avance des dispositions prises pour son transport, aucune disposition légale ou règlementaire ne prévoyant une telle information, laquelle pourrait au contraire se révéler inadéquate sous un angle médical ou sécuritaire.

Le TAPI a donc correctement apprécié les preuves figurant au dossier pour retenir que le recourant avait refusé, le 24 mars 2025, d'être transporté depuis son lieu de détention pour assister à l'audience prévue le même jour à 11h00, ce alors que son transport, dans des conditions permettant de préserver son état de santé, avait été organisé.

4.             Le recourant se plaint en second lieu d'une violation de son droit d'être entendu, faute pour lui d'avoir pu s'exprimer lors de l'audience du 24 mars 2025.

4.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_157/2018 du 28 mai 2018 consid. 3.1 et les références citées).

4.2 L'art. 80 al. 2 1ère phr. LEI prévoit que le contrôle de la légalité et de l'adéquation de la détention, au sens des art. 75 à 79 LEI, s'effectue au terme d'une procédure orale. Bien que cette injonction ne concerne à rigueur de texte que l'ordre de mise en détention, elle s'applique également aux procédures subséquentes portant sur les requêtes de prolongation de la détention soumises par l'autorité chargée de l'exécution du renvoi (ATF 121 II 110 consid. 1).

Le but de la procédure orale consiste à garantir le droit d'être entendu de la personne concernée, confrontée à une atteinte grave à sa liberté personnelle. Elle ne doit toutefois pas se limiter à une simple audition de l'étranger mais doit comprendre un débat contradictoire entre, d'une part, un représentant de l'autorité compétente qui soit à même de renseigner de façon complète le juge en cours d'audience et, d'autre part, l'étranger, le cas échéant assisté de son conseil. Les débats doivent ainsi permettre au juge de la détention de se faire une impression personnelle de l'étranger, de sa situation et de sa crédibilité (ATF 139 I 206 consid. 3.4.2 ; 122 II 154 consid. 2b ; Gregor CHATTON et Laurent MERZ, Code annoté de droit des migrations, tome II, 2017, n. 28 ad art. 80 LEtr ; Beat JUCKER, in Ausländer- und Integrationsgesetz (AIG), 2024, n. 9 et 10 ad art. 80 AIG).

Le principe de l'oralité des débats constitue une garantie procédurale cruciale, à laquelle l'étranger ne peut en principe renoncer et dont la violation devrait, sous réserve d'un intérêt public prépondérant, entraîner sa libération (ATF 122 II 154 consid. 2 et 3 ; CHATTON/MERZ, op. cit., n. 30 ad art. 80 LEtr). La loi prévoit toutefois des exceptions, par exemple lorsque la détention a été ordonnée en application de l'art. 77 LEI. Par ailleurs, et même en l'absence d'un cas permettant de déroger au principe de l'oralité, il n'apparaît ni utile ni proportionné pour le juge de la détention de contraindre par la force un étranger refusant de se présenter à une audience ou de s'y faire conduire à y assister contre son gré. Dans une telle hypothèse, il pourra y être représenté par son conseil (JUCKER, op. cit., n. 11 ad art. 80 LEI ; CHATTON/MERZ, op. cit., n. 30 ad art. 80 LEtr).

4.3 Le principe d'oralité de la procédure de vérification des conditions de la détention administrative résulte également de l'art. 9 al. 5 LaLEtr.

4.4 Dans le cas d'espèce, il est établi que le recourant a refusé d'être conduit à l'audience fixée par le TAPI en application des art. 80 al. 2 LEI et 9 al. 5 LaLEtr. Il est également établi que ce refus ne se fondait sur aucun motif légitime, toutes les dispositions utiles à un acheminement du recourant de son lieu de détention à la salle d'audience respectueux de son état de santé et de ses limitations fonctionnelles ayant été prises.

Il ne peut dans ces conditions être reproché au TAPI de ne pas avoir fait amener le recourant par la force, un tel usage de la contrainte apparaissant manifestement disproportionné au regard de l'atteinte à sa liberté personnelle qui en serait résulté, ainsi que des risques d'aggravation de son état de santé liés. Le recourant ne lui reproche du reste pas d'avoir renoncé à une telle démarche. Il ne pouvait non plus être attendu du TAPI, compte tenu du caractère infondé du refus d'être transporté du recourant et des contraintes organisationnelles liées à la charge de travail des juridictions administratives, qu'il fixe une nouvelle audience ou se déplace à Curabilis avant l'échéance, le lendemain, du délai de l'art. 9 al. 4 LaLEtr.

C'est ainsi à juste titre que le TAPI a tenu l'audience dûment fixée le 24 mars 2025 en l'absence du recourant, lequel y était toutefois représenté par son conseil, lequel a eu la possibilité d'intervenir pour sa défense et de plaider.

Le grief de violation du droit d'être entendu sous l'angle de l'oralité des débats est en conséquence mal fondé.

5.             Le recourant ne soulève pour le surplus aucun grief relatif au raisonnement ayant conduit le TAPI à retenir que les conditions d'une prolongation de la détention administrative étaient réalisées, que l'autorité chargée de l'exécution du renvoi avait agi avec célérité et diligence, que l'exécution du renvoi était exigible et que le principe de la proportionnalité demeurait respecté. Il ne critique pas non plus la durée de la prolongation ordonnée.

Cette motivation étant conforme à la loi et à la jurisprudence, il peut y être renvoyé.

Le recours devra en conséquence être rejeté.

6.             La procédure étant gratuite (art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), aucun émolument de procédure ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 avril 2025 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 mars 2025 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Philippe CURRAT, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'à l'établissement concordataire de détention administrative Frambois LMC, pour information.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.


 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. GANTENBEIN

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :