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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/819/2024

ATA/302/2025 du 25.03.2025 sur JTAPI/782/2024 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 15.05.2025, 2C_252/2025
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/819/2024-PE ATA/302/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 mars 2025

1ère section

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants
représentés par Me Sophie Bobillier, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 août 2024 (JTAPI/782/2024)


EN FAIT

A. a. A______, ressortissante érythréenne née le ______ 1966, est la mère de B______, ressortissant érythréen né le ______ 2000.

b. À teneur du registre informatisé Calvin de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), suite à son arrivée en Suisse le 11 janvier 2012, A______ a bénéficié d’une admission provisoire à compter du 12 août 2013 puis d’un permis de séjour dès le 10 octobre 2018, dont la validité est arrivée à échéance le 24 septembre 2024.

B. a. Arrivé en Suisse le 18 octobre 2021, B______ y a déposé une demande d’asile.

b. Entendu dans ce cadre par le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) le 22 novembre 2021, l’intéressé a notamment indiqué, à teneur du procès-verbal y relatif, qu’il attendait, pour venir en Suisse, que la demande de regroupement familial déposée par sa mère auprès des autorités helvétiques – toujours pendante à sa connaissance – aboutisse. Sur question de l’examinateur quant à la date à laquelle cette demande aurait été déposée, il a indiqué que sa mère avait commencé cette procédure lorsqu’il était arrivé au Soudan, pays dans lequel, selon ses explications ressortant du même procès-verbal, il était arrivé en septembre 2014. Il avait également expliqué aux autorités grecques, lors de son arrivée dans ce pays en août 2020, qu’une procédure de regroupement familial était en cours en Suisse. Celles-ci lui avait « demandé les papiers », qu’il leur avait donnés, et deux mois plus tard, sa requête avait été refusée par téléphone. Il risquait d’être contraint d’effectuer son service militaire en cas de retour en Érythrée. En outre, il n’y avait plus aucune famille et souhaitait vivre auprès de sa mère.

c. Par décision du 30 novembre 2021, le SEM a rejeté la demande d’asile déposée par B______, faute pour ce dernier de posséder la qualité de réfugié, et a prononcé son renvoi, dont l’exécution – qui incombait aux autorités fribourgeoises – était possible, licite et raisonnablement exigible. L’état de fait de cette décision précisait notamment que l’intéressé attendait que les démarches administratives de sa mère en Suisse aboutissent afin de la rejoindre via un regroupement familial.

Le recours interjeté par B______ contre cette décision a été rejeté par le Tribunal administratif fédéral par arrêt du 12 janvier 2022. Il ressort notamment de cet arrêt que B______ aurait séjourné plusieurs années au Soudan, dans l’espoir de rejoindre à terme sa mère en Suisse par le biais d’un regroupement familial.

C. a. Par courrier du 12 janvier 2023, le conseil de A______ et de B______ a indiqué au SEM que ses mandants l’avaient informé, lors d’un entretien du 19 décembre 2022, de l’existence d’une demande de regroupement familial datée du 17 septembre 2016 adressée au SEM alors que B______ était encore mineur. Nonobstant les courriers de relance de leur ancien mandataire, aucune décision y relative ne leur avait été notifiée. Il a requis l’accès au dossier ainsi que la notification de toute décision qui aurait été prise par le SEM suite à cette requête.

Était notamment jointe copie d’une demande de regroupement familial datée du 17 septembre 2016 portant : l’en-tête du C______ (ci-après : C______) et signée par D______, l’adresse du SEM comme destinataire ainsi que la mention « recommandé », par le biais de laquelle A______ sollicitait le regroupement familial en faveur de ses trois enfants, dont B______.

b. Par pli du 30 janvier 2023, le SEM a informé le conseil de A______ et de B______ n’avoir jamais reçu la demande de regroupement familial des précités ni leurs courriers ultérieurs.

Était jointe la correspondance adressée par le SEM le 26 janvier 2023 au C______, à teneur de laquelle un délai avait été imparti à ce dernier pour transmettre copie des récépissés postaux relatifs aux trois envois recommandés des 17 septembre 2016, 15 juin 2017 et 20 novembre 2017. Après avoir consulté ses registres, le SEM n’avait jamais reçu ni enregistré de demande de regroupement familial en faveur des enfants d’A______. Il ne pouvait en outre comprendre comment trois courriers recommandés, qui lui avaient été adressés à plusieurs mois d’intervalle et qui concernaient tous le même dossier, avaient pu disparaître. Il avait contacté l’OCPM, qui n’avait pas davantage trouvé trace de ces documents. Il était enfin étonnant que le C______, organisme spécialisé en droit des migrations, ait envoyé une demande de regroupement familial directement au SEM et non à l’autorité cantonale de police des étrangers, pourtant compétente selon la loi pour connaître de telles requêtes.

c. Par courrier du 14 février 2023, le C______, faisant suite à la demande de renseignements du 26 janvier 2023, a indiqué au SEM avoir dirigé B______, après son arrivée en Suisse en octobre 2021, vers le centre fédéral de procédure pour requérants d’asile de Suisse romande afin qu’il y dépose une demande d’asile, dans le cadre de laquelle il avait été représenté par E______. Tout en prenant note que les trois envois recommandés concernés n’étaient pas parvenus au SEM, le C______ a précisé qu’après recherches dans ses registres d’envois postaux, nulle trace de ceux-ci n’y figurait. Normalement, et à de rares exceptions près, tout envoi recommandé du C______ était inscrit dans un registre ad hoc, qui était conservé. Lesdits envois remontant à plusieurs années, le C______ n’était malheureusement pas en mesure de se rappeler ni de comprendre ce qui avait pu se passer.

d. Le 20 février 2023, faisant suite à ce courrier, le SEM a indiqué au conseil d’A______ et B______ que l’incapacité du C______ à répondre à des questions simples et précises sur la « (pseudo) demande de regroupement familial » déposée en septembre 2016 le confortait dans sa conviction qu’il n’avait commis aucun manquement ni négligence. Il n’engagerait aucune démarche et laissait à la précitée le soin de prendre toute initiative qu’elle jugerait opportune.

D. a. Par requête du 3 mars 2023, A______ et B______ ont indiqué à l’OCPM « réitérer » leur demande de regroupement familial effectuée le 17 septembre 2016.

Lors de l’octroi de son permis F, A______ était domiciliée à Genève, de sorte que l’OCPM était compétent pour traiter sa demande de regroupement familial. Saisi par erreur par le C______, le SEM aurait dû transmettre d’office ladite demande à l’OCPM pour raison de compétence.

Dès lors qu’A______ avait été mise au bénéfice d’une admission provisoire le 12 août 2013, sa demande de regroupement familial pouvait être déposée au plus tôt le 12 août 2016, au vu du délai de carence de trois ans. B______ ayant été, en août 2016, âgé de 15 ans, cette requête devait être déposée dans les douze mois suivants, soit au plus tard le 17 février 2017. Déposée le 17 septembre 2016, la demande respectait le délai légal. Quatre courriers subséquents avaient ensuite été adressés au SEM pour solliciter une réponse rapide. Il était inexplicable qu’aucun des envois du C______ n’ait été reçu par le SEM. Dans l’éventualité, peu vraisemblable, où le SEM n’aurait effectivement pas reçu cette demande, ce dernier avait, en tout état, été interpellé une première fois en automne 2017 par téléphone par F______, interprète, s’agissant de l’avancement de cette demande. B______ avait ensuite rappelé au SEM la demande de regroupement familial en cours lors de son audition sur les motifs d’asile du 22 novembre 2021.

Partant, A______ était fondée à considérer que le SEM avait connaissance de sa demande de regroupement familial. Cette instance avait d’ailleurs l’obligation, en application de la maxime d’office, de procéder à des investigations afin de retrouver sa requête. Faute pour le SEM d’avoir agi en ce sens, aucun élément au dossier ne permettait de savoir à quelle étape de la procédure ces correspondances avaient été perdues. Ainsi, il convenait de retenir que A______ avait déposé sa demande de regroupement familial dans le délai légal.

Pour le surplus, les conditions cumulatives d’une telle demande étaient remplies au moment où l’autorité aurait dû statuer. En effet, B______ était voué à faire ménage commun avec sa mère dès son arrivée en Suisse. Leur logement était de taille appropriée, A______ étant alors locataire d’un studio. En outre, elle n’émargeait plus à l’aide sociale depuis le 1er avril 2017 et ne bénéficiait pas de prestations complémentaires.

Subsidiairement, s’il devait être retenu que la demande initiale de regroupement familial n’avait pas été effectuée dans le délai, la restitution de celui-ci était requise, en application de l’art. 16 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). En effet, l’éventuelle perte des courriers d’A______, à quelque stade que ce soit, représentait un cas de force majeure non imputable à une quelconque faute de cette dernière, qui avait au contraire tout mis en œuvre pour respecter les conditions légales. Ainsi, dès réception de son permis F, elle avait mandaté le C______ en vue de déposer une demande de regroupement familial. Elle avait reçu confirmation qu’une requête en ce sens avait été envoyée au SEM le 17 septembre 2016 ainsi que les courriers de relance du C______ au SEM. Elle avait en outre informé ses enfants du dépôt de cette demande. De plus, confortée par les retours de D______, elle n’avait aucun moyen de savoir que ces courriers n’avaient jamais été enregistrés dans la base de données du SEM. Cette irrégularité leur causait un préjudice irréparable, les privant de leur vie de famille et condamnant B______ à un renvoi vers un pays présentant de sérieux déficits en matière de droits humains.

b. Plusieurs pièces étaient jointes, notamment trois courriers du C______ au SEM portant la mention « recommandé » datés respectivement des 15 juin et 20 novembre 2017, 10 novembre et 16 novembre 2018 se référant à la demande de regroupement familial du 17 septembre 2016.

c. Par courriers des 3 mars, 15 mai, 21 juin, 20 juillet et 19 septembre 2023, A______ et B______ ont relancé l’OCPM s’agissant de leur demande de regroupement familial.

d. Par échange de courriels du 1er au 21 juin 2023, B______ a sollicité des documents auprès de l’OCPM afin de pouvoir requérir l’octroi d’une aide d’urgence par l’Hospice général.

e. Par courrier du 25 septembre 2023, l’OCPM a informé A______ et B______ de son intention de refuser d’entrer en matière sur la demande de titre de séjour en faveur de ce dernier, en application du principe de l’exclusivité de la procédure d’asile. Un délai de 30 jours leur était imparti pour faire usage de leur droit d’être entendus.

En sus des motifs qui seront détaillés dans la décision attaquée ci-après, l’OCPM a précisé que, quand bien même une entrée en matière serait possible, les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour au sens des art. 44 et 85 al. 7 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), 74 al. 3 et 4 et 75 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) n’étaient pas remplies.

Il était en outre précisé que B______ demeurait tenu de quitter le territoire suisse sans délai, dans la mesure où il faisait l’objet d’une décision de rejet d’asile et de renvoi du SEM du 30 novembre 2021, actuellement exécutoire. Il était également tenu de s’adresser immédiatement aux autorités compétentes en matière d’asile de son canton d’attribution, soit Fribourg.

f. Faisant usage de leur droit d’être entendus dans la prolongation de délai de trois mois sollicitée avec succès, A______ et B______ ont demandé à l’OCPM d’entrer en matière sur leur requête de regroupement familial et de délivrer une autorisation de séjour à B______.

Ils avaient établi avec une vraisemblance prépondérante – en produisant la demande de regroupement familial de septembre 2016 signée par D______ ainsi que les quatre courriers de relance adressés par cette dernière au SEM les 15 juin et 20 novembre 2017 et 10 et 16 novembre 2018 – que ladite demande avait bien été envoyée au SEM le 17 septembre 2016. Ils avaient en outre proposé l’audition de F______, qui pouvait confirmer avoir téléphoné au SEM pour s’enquérir de l’avancée de la demande de regroupement familial, et ainsi avoir informé ce dernier de l’existence de ladite demande. Ils avaient également démontré que le SEM avait été informé par B______ de l’existence de cette demande lors de son audition en novembre 2021. Ladite demande émanait en outre du C______, habitué à effectuer des demandes de regroupement familial et dont il était raisonnable d’admettre qu’il envoyait les requêtes dans les temps, selon une procédure rôdée. D______ avait en outre confirmé par écrit, à de multiples reprises, que la demande avait bien été déposée.

g. Par décision du 5 février 2024, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur la demande d’octroi d’autorisation de séjour en faveur de B______.

Aucune demande de regroupement familial antérieure à la demande d’asile déposée en 2021 ne figurait dans son dossier, ni dans celui du SEM, comme attesté par ce dernier dans son courrier du 30 janvier 2023. Partant, le dépôt d’une telle requête avant la majorité du précité n’avait pas été démontré. Ainsi, la demande de regroupement familial reçue avait été déposée alors que B______ était majeur. Les conditions d’admission d’une telle demande n’étaient ainsi pas remplies. Pour ces mêmes motifs et eu égard à l’absence de lien de dépendance, le précité ne pouvait se prévaloir de l’art. 8 CEDH.

B______ ayant déposé une demande d’asile, il avait été attribué au canton de Fribourg et avait fait l’objet d’une décision de renvoi exécutoire rendue par le SEM le 30 novembre 2021. Il était ainsi tenu en premier lieu par cette procédure et devait se conformer à la décision de renvoi exécutoire, compte tenu de l’exclusivité de la procédure d’asile. Une éventuelle régularisation de ses conditions de séjour au sens de l’art. 14 al. 2 de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31) ne pouvait être examinée que par les autorités compétentes du canton de Fribourg.

Enfin, B______ demeurait tenu de quitter le territoire suisse sans délai, dans la mesure où il faisait l’objet de la décision de rejet d’asile et de renvoi du SEM du 30 novembre 2021, actuellement exécutoire. Il était tenu de s’adresser immédiatement aux autorités compétentes en matière d’asile de son canton d’attribution, soit Fribourg.

E. a. Par acte du 7 mars 2024, A______ et B______ ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) à l’encontre de cette décision.

L’intéressé et ses deux sœurs avaient quitté l’Érythrée pour le Soudan en 2014, soit trois ans après le départ de la recourante d’Érythrée pour venir en Suisse.

D______ avait envoyé au SEM, le 17 septembre 2016, pour le compte de A______, une demande de regroupement familial – produite en annexe – en faveur de trois de ses enfants, dont B______. Par courrier du 15 juin 2017, elle avait informé le SEM de la récente indépendance financière de la recourante. En automne 2017, F______ avait appelé le SEM, sur demande de A______, pour s’enquérir de l’avancée de la demande de regroupement familial ; à cette occasion, le SEM avait indiqué à F______ et à A______ qu’aucune demande de regroupement familial n’était enregistrée dans ses dossiers, ce que l’audition des précitées permettrait de confirmer. Le 20 novembre 2017, l’intéressée avait averti D______ que la demande n’avait manifestement pas été enregistrée par le SEM, ce qui pourrait également être confirmé par son audition et celle de F______. D______ lui avait alors transmis les deux courriers précédemment envoyés et avait adressé, le 20 novembre 2017, un courrier – produit en annexe – de relance au SEM demandant à ce dernier de statuer dans un délai raisonnable sur la demande de regroupement familial.

Dès lors qu’elle avait attiré l’attention de l’autorité sur l’existence de sa demande et que sa mandataire avait envoyé des courriers de relance, A______ avait la certitude que cette demande était désormais dûment enregistrée. Le 27 novembre 2017, A______ avait reçu du C______ copie de la demande de transformation de livret F en permis B adressée à l’OCPM. Le 20 mars 2018, F______ avait reçu du C______ copie de deux demandes de logement - mentionnant la demande de regroupement familial en cours – envoyées aux Fondations immobilières de droit public et à l’office cantonal du logement et de la planification foncière, pour le compte de la recourante. Par courrier du 10 novembre 2018, D______ avait informé le SEM de l’obtention par A______, en octobre 2018, d’un permis B puis avait sollicité, par pli du 16 novembre 2018, une décision urgente sur la demande de regroupement familial, se prévalant des problèmes de santé de l’une des filles de A______. Fin 2018, le recourant avait quitté le Soudan. Par courriel du 23 janvier 2019 produit en annexe, F______ avait demandé à D______ si cette dernière avait des nouvelles du SEM. Par courriel du 8 février 2019, D______ avait répondu à la précitée par la négative, tout en précisant qu’elle espérait en recevoir la semaine suivante. Durant l’été 2020, B______ était arrivé en Grèce, où il avait indiqué aux autorités qu’une procédure de regroupement familial était en cours en Suisse. A______ en avait informé le C______, qui avait contacté le G______, soit pour lui H______, par courriel et courrier du 27 juillet 2020 produits en annexe, pour l’informer de la procédure de regroupement familial en Suisse.

La décision attaquée constatait les faits de manière incomplète. L’OCPM n’avait pas mentionné plusieurs éléments parmi ceux détaillés supra, qui démontraient qu’une demande de regroupement familial avait bien été déposée avant la majorité du recourant ni, par conséquent, les motifs pour lesquels lesdits éléments devaient être écartés.

Pour le surplus, la preuve stricte de l’envoi recommandé du 17 septembre 2016 était impossible sans efforts démesurés et vraisemblablement irréalisables, qui consisteraient à demander à la poste suisse d’identifier tous les courriers recommandés adressés au SEM le 17 septembre 2016. En outre, conformément à la jurisprudence fédérale, hors phase contentieuse, la vraisemblance prépondérante était suffisante pour prouver la notification d’un acte par l’autorité. Or, il n’apparaissait pas justifié de traiter différemment l’établissement de degrés de preuves pour l’administré et l’autorité. Partant, il convenait de retenir qu’ils avaient démontré la vraisemblance prépondérante de l’envoi de la demande de regroupement familial au SEM en 2016.

Une violation de l’art. 85 al. 7 LEI était à déplorer dès lors qu’ils avaient prouvé que la demande de regroupement avait été déposée dans le délai légal. Ainsi, l’OCPM aurait dû retenir que l’envoi au SEM de la demande de regroupement familial le 17 septembre 2016, soit dans le délai légal, avait été établi avec une vraisemblance prépondérante et, partant, aurait dû entrer en matière sur cette dernière.

Subsidiairement, la décision attaquée violait les principes d’interdiction de l’arbitraire et de la bonne foi. L’autorité intimée aurait dû les protéger dans leur confiance quant au fait que leur demande était en cours d’instruction auprès du SEM et, partant, entrer en matière sur cette demande. À ce propos, ni le SEM, ni le Tribunal administratif fédéral au stade du recours, ne les avaient informés que leur demande de regroupement familial n’était toujours pas enregistrée. C’était ainsi de bonne foi qu’ils avaient considéré que leur demande de regroupement familial était en cours d’examen auprès du SEM, confortés par les explications du C______ selon lesquelles cette autorité avait l’obligation d’instruire leur demande mais qu’une telle instruction pouvait prendre du temps.

Plus subsidiairement, si l’OCPM devait avoir acquis, par des investigations complémentaires, la certitude que leur demande n’avait pas été effectuée dans le délai légal, il aurait dû accepter leur requête de restitution dudit délai, en application de l’art. 16 al. 1 LPA, sur laquelle il ne s’était d’ailleurs pas prononcée. L’éventuelle perte des envois adressés par le C______ au SEM, à quelque stade que ce soit, représentait en effet un cas de force majeure qui ne leur était pas imputable.

b. Par jugement du 19 août 2024, le TAPI a rejeté le recours.

Il n’était pas nécessaire de procéder aux demandes d'instruction requises. Une confirmation orale par F______ des éléments exposés dans le recours n’était pas nécessaire. L’audition de D______ n’aurait pas permis de prouver l’envoi de la demande de regroupement familial au SEM en septembre 2016. Son employeur avait explicitement précisé, après recherche dans ses registres, n’avoir trouvé aucune trace des envois recommandés concernés au SEM. Il avait également clairement indiqué que lesdits envois remontaient à plusieurs années, si bien qu’il n’était pas en mesure de se rappeler ni de comprendre ce qui avait pu se passer. Quant aux explications selon lesquelles A______ aurait été confortée, quant à l’existence d’un tel dépôt, par les retours de D______ à ce sujet, elles n’étaient pas déterminantes.

Par une décision du 30 novembre 2021, entrée en force, le SEM avait refusé la demande d’asile déposée par B______ et l’avait renvoyé de Suisse. Il convenait donc de déterminer si une demande de regroupement familial en sa faveur avait été valablement déposée antérieurement à sa demande d’asile, de sorte que le principe d’exclusivité en faveur de cette dernière ne s’appliquerait pas.

Or, à l’exception d’une copie de la demande de regroupement familial, établie par le C______, datée du 17 septembre 2016 et mentionnant le SEM comme destinataire, aucun élément ne permettait de retenir qu’une telle requête avait effectivement été adressée au SEM. Le fait que l’intéressé ait mentionné sa demande de regroupement dans le cadre de ses démarches en lien avec sa demande d’asile, ne démontrait en aucun cas le dépôt de cette demande de regroupement familial. Cela prouvait uniquement que ce dernier avait été informé par A______ dudit dépôt, dont elle pensait qu’il avait été effectué par son ancien conseil. Il en allait de même du fait que A______ avait mentionné l’existence de cette demande auprès d’autres organismes, par exemple afin de trouver un logement adapté à la venue de son fils. En outre, à compter de l’automne 2017, F______ avait été informée par le SEM qu’aucune demande de regroupement familial les concernant n’avait été enregistrée. Il ne pouvait ainsi être retenu que les intéressés, qui supportaient le fardeau de la preuve, avaient démontré avoir déposé une demande de regroupement familial auprès du SEM en 2016, soit antérieurement à la demande d’asile formulée en 2021.

Aucune promesse concrète quant à l’enregistrement d’une demande de regroupement familial en septembre 2016 n’avait été émise par le SEM. Au contraire, il ressortait des explications des intéressés que le SEM avait informé F______, en automne 2017 déjà, de l’absence d’enregistrement d’une telle demande. Ainsi, à compter de ce moment au plus tard, ils ne pouvaient ignorer l’existence d’un problème avec la demande de regroupement familial qu’ils pensaient avoir déposée par le truchement de leur conseil de l’époque. Quant aux assurances qu’ils indiquaient avoir reçues de leur propre conseil de l’époque s’agissant du dépôt de cette demande, qui relevaient d’un rapport de droit privé entre un mandant et son mandataire et non d’un rapport de droit public entre une administration et un administré, elles ne sauraient être examinées sous l’angle du principe de la bonne foi.

Enfin, B______ ne pouvait valablement se prévaloir d’une potentielle atteinte à son droit à la vie privée au sens des art. 8 CEDH et 13 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

F. a. Par acte du 20 septembre 2024, A______ et B______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) à l’encontre de ce jugement, concluant à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour en faveur de B______. Préalablement, ils ont requis leur audition, ainsi que celle de F______ et D______ et à ce que la Poste soit invitée à vérifier « l’envoi de tous les plis adressés au SEM le 17 septembre 2016 ».

Les auditions de F______ et D______ étaient indispensables pour déterminer ce qu’il s’était passé avec la demande de regroupement familial du 17 septembre 2016. Elles permettraient de démontrer que l’absence d’enregistrement ne leur était pas imputable.

Selon les dispositions applicables, la demande de regroupement familial envers B______ devait être déposée au plus tôt le 12 août 2016 – soit trois ans après l’admission provisoire d’A______ – et au plus tard le 12 février 2017. Ils avaient entrepris toutes les démarches possibles pour démontrer l’envoi de la demande de regroupement familial du 17 septembre 2016. Ils avaient produit la demande de regroupement familial, ainsi que les quatre courriers de relance des 15 juin 2017, 20 novembre 2017, 10 novembre 2018 et 16 novembre 2018. Ils avaient démontré que l’autorité fédérale avaient été informée une seconde fois par B______ de l’existence de cette demande lors de son audition pour des motifs d’asile. La demande provenait, au demeurant, d’un organisme habitué à effectuer ces démarches, si bien qu’il était raisonnable d’admettre que la demande avait été envoyée. D______ avait confirmé à trois reprises que la demande avait bien été déposée. Les autorités précédentes auraient dû retenir qu’il était établi avec une vraisemblance prépondérante que la demande de regroupement familial avait bien été envoyée au SEM le 17 septembre 2016, soit dans le délai.

Les autorités précédentes auraient dû accepter leur demande en restitution du délai L’éventuelle perte des courriers représentait un cas de force majeure non imputable à une faute. Il en allait de même de la faute grave de l’ancien mandataire.

Enfin, le jugement entrepris mettait à mal le droit à une vie familiale, en empêchant le regroupement familial.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Les recourants ont réitéré leurs demandes d’instruction.

d. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, y compris sur demande d’instruction, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2.             Selon l’art. 14 al. 1 LAsi, à moins qu’il n’y ait droit, un requérant d’asile débouté, comme le recourant, ne peut pas engager une procédure visant l’octroi d'une autorisation de séjour avant d’avoir quitté la Suisse (principe dit de l'exclusivité de la procédure d'asile ; ATF 128 II 200 consid. 2.1).

En l’espèce, le jugement attaqué confirme une décision par laquelle l’intimé, faisant application de l'art. 14 al. 1 LAsi, a refusé d'entrer en matière sur une demande d'autorisation de séjour déposée par le recourant. L'objet du présent litige ne porte donc pas sur l'octroi ou le refus d'une autorisation de séjour en tant que telle, mais uniquement sur l'existence potentielle d'un droit à une autorisation permettant, conformément à l'art. 14 al. 1 LAsi, de faire exception au principe de l'exclusivité de la procédure d'asile. Partant, les conclusions du recourant sont irrecevables en tant qu'elles tendent à l'octroi d'une autorisation de séjour ; elles doivent être interprétées comme visant à obtenir, outre l'annulation du jugement attaqué, l'ouverture d'une procédure en vue d'une autorisation de séjour (arrêts du Tribunal fédéral 2C_947/2016 du 17 mars 2017 consid. 1.2 ; 2C_349/2011 du 23 novembre 2011 consid. 1.1).

3.             Les recourants sollicitent leur audition, ainsi que celle de F______ et D______, et requièrent la production de tout renseignement par la Poste sur l’envoi des plis recommandés adressés au SEM le 17 septembre 2016. Ils invoquent une violation de leur droit d’être entendus du fait que le TAPI n’a pas procédé à ces actes d’instruction.

3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, il n'implique pas le droit à l’audition orale ni à celle de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

3.2 En l'espèce, les recourants ont apporté des pièces au dossier et fourni des explications détaillées tant devant l’OCPM que devant le TAPI et la chambre de céans. Leur audition n’apparaît ainsi pas susceptible d’apporter des éléments supplémentaires par rapport à leurs écritures et aux pièces qu’ils ont produites.

Le TAPI a dûment expliqué que l’audition de F______ servait à confirmer qu’en automne 2017, celle-ci avait contacté le SEM par téléphone pour s’enquérir de l’avancement de la demande de regroupement familial. Or, ce point n’était pas contesté, si bien que son audition n’apparaissait pas nécessaire. Les recourants contestent cette appréciation, mais ils n’expliquent pas en quoi le témoignage de l’intéressée serait pertinent pour d’autres motifs, en particulier pour attester de l’envoi au SEM des courriers litigieux. Quant à l’audition de D______, elle n’apparaît pas non plus susceptible de modifier la solution du présent litige. Le TAPI a notamment relevé que son employeur, le C______, avait clairement indiqué n’avoir trouvé aucune trace des envois recommandés au SEM. Par ailleurs, et comme on le verra ci-après, la seule déclaration de la partie concernée par l’envoi du document litigieux ne suffit pas à démontrer qu’il a été distribué à son destinataire. On ne se trouve enfin pas dans la situation dans laquelle son témoignage viendrait confirmer la date de l’envoi mentionnée sur l’enveloppe.

La chambre de céans ne donnera pas non plus suite à la demande visant à ce que la Poste vérifie « l’envoi de tous les plis adressés au SEM le 17 septembre 2016 ». Outre qu’il n’est pas certain qu’une telle demande puisse aboutir à un résultat, il appartient, comme on le verra, aux recourants de prouver ces faits dont ils entendent tirer des conséquences juridiques.

Il ne sera dès lors pas procédé aux actes d’instruction sollicités, et le grief de violation du droit d’être entendu par le TAPI sera écarté pour les mêmes motifs.

4.             Le litige porte sur le refus d’entrer en matière sur la demande d’octroi d’autorisation de séjour en faveur du recourant.

4.1 Comme indiqué, l’art. 14 al. 1 LAsi consacre le principe dit de l'exclusivité de la procédure d’asile. Il prévoit qu’à moins qu’il n’y ait droit, le requérant ne peut engager de procédure visant l’octroi d’une autorisation de séjour relevant du droit des étrangers entre le moment où il dépose une demande d’asile et celui où il quitte la Suisse suite à une décision de renvoi exécutoire.

Selon la jurisprudence, une exception au principe de l’exclusivité de la procédure d'asile n’est admise que si le droit à une autorisation de séjour requis par
l'art. 14 al. 1 LAsi apparaît « manifeste ». Tel n'est en principe pas le cas si le requérant invoque uniquement le droit à la protection de sa vie privée au sens de l'art. 8 par. 1 CEDH, car la reconnaissance d'un droit à une autorisation de séjour par ce biais revêt un caractère exceptionnel. En revanche, la jurisprudence admet que l'art. 8 par. 1 CEDH justifie de faire exception à l'art. 14 al. 1 LAsi lorsqu'il en va de la protection de la vie privée et familiale, notamment pour protéger les relations entre époux (ATF 137 I 351 consid. 3.1).  

Selon l’art. 14 al. 5 LAsi, toute procédure pendante déjà engagée en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour est annulée par le dépôt d’une demande d’asile
(art. 14 al. 5 LAsi). Le principe de l’exclusivité de la procédure d’asile s’en trouve renforcé. Il y a pourtant une exception à cette règle, quand il existe un droit au permis de séjour : dans ce cas, la possibilité d’une double procédure reste ouverte mutatis mutandis selon l’art. 14 al. 1 LAsi (Peter UEBERSAX, Code annoté de droit des migrations – Volume IV, 2015, p. 135 et les références citées).

4.2 Selon l’art. 85 al. 7 LEI, dans sa version en vigueur jusqu’au 31 mai 2024, le conjoint et les enfants célibataires de moins de 18 ans des personnes admises à titre provisoire, y compris les réfugiés admis à titre provisoire, peuvent bénéficier du regroupement familial et du même statut, au plus tôt trois ans après le prononcé de l’admission provisoire, aux conditions suivantes : ils vivent en ménage commun
(let. a) ; ils disposent d’un logement approprié (let. b) ; la famille ne dépend de l’aide sociale (let. c) ; ils sont aptes à communiquer dans la langue nationale parlée au lieu de domicile (let. d) ; la personne à l’origine de la demande de regroupement familial ne perçoit pas de prestations complémentaires annuelles au sens de la LPC ni ne pourrait en percevoir grâce au regroupement familial (let. e).

De par sa formulation potestative, la disposition en cause ne confère pas, en tant que telle, un droit à une admission provisoire, ce qui laisse aux autorités compétentes un large pouvoir d’appréciation (arrêts du TAF F-1705/2019 du 26 mars 2021 ; F-3192/2018 du 24 avril 2020 consid. 5.2 et les références citées).

Selon l’art. 74 OASA, dans sa version en vigueur jusqu’au 31 mai 2024, si les délais relatifs au regroupement familial prévus à l’art. 85 al. 7 LEI, sont respectés, la demande visant à inclure des membres de la famille dans l’admission provisoire doit être déposée dans les cinq ans. Les demandes de regroupement familial pour les enfants de plus de douze ans doivent être déposées dans les douze mois suivants. Si le lien familial n’est établi qu’après l’expiration du délai légal prévu à
l’art. 85 al. 7 LEI, les délais commencent à courir à cette date-là (al. 3). Passé ce délai, le regroupement familial différé ne peut être autorisé que pour des raisons familiales majeures (al. 4).

4.3 Un étranger peut, selon les circonstances, se prévaloir du droit au respect de sa vie familiale au sens de l'art. 8 par. 1 CEDH pour s’opposer à une éventuelle séparation de sa famille. Les relations familiales visées par l'art. 8 par. 1 CEDH sont avant tout celles qui concernent la famille dite nucléaire, soit celles qui existent entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (ATF 144 II 1 consid. 6.1). Encore faut-il, pour pouvoir invoquer cette disposition, que la relation entre l'étranger et une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse, ce qui suppose que cette personne ait la nationalité suisse, une autorisation d'établissement en Suisse ou un droit certain à une autorisation de séjour en Suisse (ATF 135 I 143 consid. 1.3.1 ; 130 II 281 consid. 3.1), soit étroite et effective (ATF 139 II 393 consid. 5.1). Les relations familiales qui peuvent fonder, en vertu de l'art. 8 par. 1 CEDH, un droit à une autorisation de police des étrangers sont avant tout les rapports entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant ensemble (ATF 135 I 143 consid. 1.3.2).

En dehors de ces relations nucléaires, il faut en principe un lien de dépendance particulier pour que soit admise l'existence d'une vie familiale entre un étranger et un proche parent au bénéfice d'un droit de présence assuré en Suisse (ATF 144 II 1 consid. 6.1). Un étranger majeur ne peut se prévaloir de l'art. 8 CEDH que s'il se trouve dans un état de dépendance particulier par rapport à des membres de sa famille résidant en Suisse en raison, par exemple, d'un handicap ou d'une maladie grave (ATF 129 II 11 consid. 2). 

4.4 La preuve de l'expédition d’un acte de procédure en temps utile incombe à la partie, respectivement à son avocat. La partie doit apporter la preuve certaine (ou stricte) de l'expédition de l'acte procédural en temps utile (ATF 142 V 389 consid. 2.2). Une telle preuve peut résulter du sceau postal, du récépissé de l'envoi posté en recommandé, de l'accusé de réception obtenu au guichet postal, de la quittance imprimée par l'automate MyPost 24 ou de tout autre moyen adéquat, tel le témoignage d'une ou de plusieurs personnes (ATF 142 V 389 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_972/2018 consid. 4). Une preuve stricte est exigée, à l'exclusion de la vraisemblance, même prépondérante (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1428/2021 du 9 janvier 2023 consid. 1.2.1 ; 6B_1244/2020 du 15 décembre 2020 consid. 1.1 ; 4A_374/2014 du 26 février 2015 consid. 3.2.2). Il convient en effet, en matière de délais, de s'en tenir à des principes simples et à des solutions claires, sous peine d'ouvrir la porte à de longues et oiseuses discussions, voire à des abus. Le pli recommandé est à cet égard une preuve aisée à établir, alors que, dans le cas d'un envoi par pli simple, la preuve peut être rapportée par différents moyens, en particulier par l’attestation de la date de l’envoi par un ou plusieurs témoins mentionnés sur l’enveloppe (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1317/2016 du 20 septembre 2017 consid. 3 ; 4A_374/2014 du 26 février 2015 consid. 3.2 ; 9C_564/2012 du 12 septembre 2012 consid. 2). La présence de signatures sur l'enveloppe n’est pas, en soi, un moyen de preuve du dépôt en temps utile, la preuve résidant dans le témoignage du ou des signataires ; il incombe dès lors à l'intéressé d’offrir cette preuve dans un délai adapté aux circonstances, en indiquant l’identité et l’adresse du ou des témoins (arrêt du Tribunal fédéral 6F_20/2022 du 24 août 2022 consid. 1.1 et les arrêts cités). Enfin, la seule déclaration de la partie concernée n’est pas suffisante (Yves Donzallaz, Loi sur le Tribunal fédéral, Berne 2008, ch. 1248, p. 534). 

4.5 Dans la décision entreprise, l’intimé a refusé d’entrer en matière sur la demande d’autorisation de séjour en raison de l’exclusivité de la procédure d’asile.

Il n’est pas contesté que le recourant, qui a formé une demande d’asile à son arrivée en Suisse le 18 octobre 2021, est un requérant d’asile débouté. Il n’est pas non plus remis en cause que ce dernier n’a pas quitté la Suisse après la décision refusant l’asile. L’intéressé se prévaut d’une demande de regroupement familial déposée en sa faveur le 17 septembre 2016. Il considère que, dans la mesure où la demande a été formée dans le délai prévu par l’art. 74 al. 3 OASA (cum art. 85 al. 7 LEI), alors qu’il avait moins de 18 ans, il se justifie de faire exception au principe d’exclusivité de l’art. 14 al. 1 LAsi.

Conformément aux dispositions précitées, le principe de l’exclusivité de la procédure d’asile fait obstacle à l’ouverture d’une procédure visant à l’octroi d’une autorisation de séjour aussi longtemps que le recourant n’a pas quitté la Suisse (art. 14 al. 1 LAsi). Ce principe vaut même si une procédure en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour a déjà été engagée au moment du dépôt de la demande d’asile. Dans ce cas, la procédure pendante en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour est annulée (art. 14 al. 5 LAsi). Ainsi, en principe, l’autorité saisie d’une procédure visant à l’octroi d’une autorisation de séjour alors qu’une demande d’asile a été déposée doit refuser d’entrer en matière aussi longtemps que le recourant n'a pas quitté la Suisse. Une exception à ce principe est toutefois admise si le droit à une autorisation de séjour requis par l'art. 14 al. 1 in initio LAsi apparaît « manifeste ». Il convient donc de déterminer si le recourant peut se prévaloir d’un droit « manifeste » à une autorisation de séjour au sens de cette disposition.

4.5.1 En l’occurrence, l’intéressé se prévaut des art. 74 al. 3 OASA (cum art. 85 al. 7 LEI) et 8 CEDH. Or, les art. 85 al. 7 LEI et 74 al. 3 OASA, qui régissent le séjour des enfants célibataires de moins de 18 ans des personnes admises à titre provisoire, sont formulés de manière potestative (« peuvent bénéficier du regroupement familial »). Ils ne donnent ainsi aucun droit à une autorisation de séjour au sens de l’art. 14 al. 1 LAsi. Peu importe à cet égard qu’une demande de regroupement familial ait été formée dans le délai de l’art. 74 al. 3 OASA, comme le prétendent les recourants, sans toutefois le démontrer (infra consid. 4.5.2). En effet, même à considérer qu’une procédure en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour était déjà engagée au moment où le recourant a formé sa demande d’asile, celle-ci aurait été annulée par le dépôt de la demande d’asile (art. 14 al. 5 LAsi). La seule exception à cette règle, à savoir l’existence d’un droit au permis de séjour, ne trouve pas application in casu, pour les motifs déjà exposés. Compte tenu de ce qui précède, il n’est pas nécessaire d’examiner si, comme le soutiennent les recourants, l’autorité intimée était tenue de restituer le délai de l’art. 74 al. 3 OASA en application de l’art. 16 LPA.

On relèvera, dans la mesure où la recourante bénéficie d’une autorisation de séjour depuis le 10 octobre 2018, que l’art. 44 LEI, qui régit le séjour des enfants célibataires étrangers de moins de 18 ans du titulaire d’une autorisation de séjour, ne confère pas non plus un droit de séjour au recourant. En effet, cette disposition est également formulée de manière potestative (« peuvent obtenir une autorisation de séjour »).

4.5.2 Il convient ensuite d’examiner si le recourant peut se prévaloir d’un droit à une autorisation de séjour en vertu de l’art. 8 CEDH. Comme on l’a vu, cette disposition peut conférer, à certaines conditions, un droit de séjourner en Suisse aux enfants étrangers encore mineurs, notamment si leurs parents disposent d'un droit certain à une autorisation de séjour. Or, au moment de leur demande de regroupement familial du 3 mars 2023, le recourant avait atteint la majorité. Dans cette mesure, il ne peut se prévaloir du droit au respect de la vie familiale avec un membre de sa famille nucléaire en Suisse. Aucun lien de dépendance au sens de la jurisprudence précitée avec sa mère n’a en outre été démontré.

Sous l’angle du droit au respect de la vie privée, le recourant ne séjourne en Suisse que depuis quatre ans. Depuis l’entrée en force de la décision de renvoi prononcée par le SEM le 30 novembre 2021, son séjour est illégal. Enfin, il n’apparaît pas, au vu du dossier, qu’il pourrait se prévaloir d’une forte intégration en Suisse, étant relevé qu’il n’a pas démontré y être intégré professionnellement ou socialement et qu’il a sollicité, en juin 2023, des documents auprès de l’OCPM pour requérir l’aide d’urgence de l’hospice général, ce qui tend à démontrer l’absence d’indépendance financière. Le recourant ne peut dès lors se prévaloir d’aucun droit à une autorisation de séjour sous l’angle du droit au respect de la vie privée.

Reste à examiner si l’intéressé peut se prévaloir d’un droit à une autorisation de séjour sur la base de la demande de regroupement familial qui, selon les recourants, aurait été formée le 17 septembre 2016, alors que le recourant était encore mineur.

On précisera d’emblée que lorsque le droit au regroupement familial se fonde sur l'art. 8 CEDH et contrairement à ce qui prévaut s’agissant des demandes de regroupement familial fondées sur la LEI, le Tribunal fédéral se base sur l’âge atteint par l’enfant au moment où il statue (ATF 145 I 227 consid. 3.1 et 6.7). La jurisprudence reconnaît que les tribunaux cantonaux doivent agir de même et tenir compte en principe, en matière de regroupement familial fondé sur l’art. 8 CEDH, de la situation telle qu’elle se présente au moment où l’instance judiciaire cantonale se prononce (arrêt du Tribunal fédéral 2C_347/2020 du 5 août 2020 consid. 3.7.1). Or, dans le cas présent, le recourant a atteint la majorité en octobre 2018. Ainsi, en application de la jurisprudence précitée, il ne saurait tirer un droit de l’art. 8 CEDH, sous l’angle du droit au respect de la vie familiale.

Enfin, et en toute hypothèse, les recourants ont échoué à apporter la preuve stricte, qui pourtant leur incombait, de la réception par le SEM de leur demande de regroupement familial datée du 17 septembre 2016. Contrairement à ce qu’ils prétendent, le degré de preuve requis en la matière ne saurait se limiter à la vraisemblance prépondérante. La jurisprudence citée par les recourants (ATF 121 V 5 consid. 3b ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_711/2009 du 26 février 2010 ; 9C_639/2007 du 25 février 2008) ne leur est d’aucun secours puisqu’elle s’applique au domaine des assurances sociales et qu’elle porte sur la question de la notification de décisions au stade de l’administration de masse. Les recourants devaient donc apporter la preuve stricte de la notification de leur demande de regroupement familial. Or, le seul fait que le dossier contient une demande de regroupement familial adressée au SEM et datée du 17 septembre 2016, suivie de quatre courriers, ne suffit pas. Bien que le terme « recommandé » figure dans l’en-tête de ces documents, les recourants n’ont apporté aucune preuve de leur distribution au destinataire. Le dossier ne contient d’ailleurs aucune réponse, ni accusé de réception, du SEM à ces différents courriers. Interpellé par F______ à l’automne 2017, l’autorité a clairement indiqué n’avoir enregistré aucune demande. La preuve stricte de la remise à la poste ne saurait au demeurant être considérée comme rapportée par la référence au cours ordinaire des choses quant à la prise en charge par un organisme habitué à effectuer des demandes de regroupement familial et dont il serait raisonnable d’admettre qu’il envoie les demandes dans les temps. Le C______ a du reste expressément indiqué qu’il conservait un registre de tout envoi recommandé et que celui-ci ne contenait aucune trace des quatre courriers en question. Par ailleurs, et comme l’a relevé la juridiction précédente, on peine à comprendre pourquoi la juriste du C______, pourtant rompue aux procédures en matière de droit des étrangers, aurait conseillé aux recourants de déposer une demande d’asile alors qu’une demande de regroupement familial avait été prétendument formée par ses soins quelques années plus tôt, qui plus est devant une autorité incompétente. Les recourants n’apportent enfin aucun autre élément probatoire, en particulier pas de témoins mentionnés sur les enveloppes des courriers litigieux qui seraient en mesure d’attester d’un tel dépôt à la date indiquée, étant rappelé que la seule déclaration de la partie concernée par l’envoi du document n’est pas suffisante.

Il s’ensuit que les recourants ne peuvent se prévaloir d’aucun droit, encore moins manifeste, à une autorisation de séjour au sens de l’art. 14 al. 1 LAsi. Ainsi, les conditions d’une exception au principe de l’exclusivité de la procédure ne sont pas réunies, ce que l’autorité intimée a retenu à juste titre.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Il ne sera pas perçu d’émolument, les recourants plaidant au bénéfice de l’assistance juridique (art. 87 al. 1 LPA cum art. 13 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue du litige, il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 septembre 2024 par A______ et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 août 2024 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Sophie Bobillier, avocate des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

P. CHENAUX

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.