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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2654/2024

ATA/273/2025 du 18.03.2025 ( TAXIS ) , REJETE

Descripteurs : TAXI;DOMAINE PUBLIC;USAGE COMMUN ACCRU;AUTORISATION D'EXPLOITER UN SERVICE DE TAXI;SUPPRESSION(EN GÉNÉRAL)
Normes : LTVTC.13.al9.letd; OAC
Résumé : Rejet du recours formé par une entreprise de transport de taxis contre la caducité des autorisations d’usage accru du domaine public (AUADP) liées à cinq plaques d’immatriculation, déposées début 2023 par l’ancien gérant de la société auprès de l’office cantonal des véhicules, en l’absence d’usage effectif desdites AUADP pendant plus de six mois consécutifs. Pas de violation du principe de la primauté du droit fédéral sur le droit cantonal, les deux délais invoqués par la recourante (l’un de 1 an fixé par le droit fédéral et l’autre de 6 mois prévu par le droit cantonal) poursuivant des objectifs différents. Pas d’application du principe de la bonne foi en lien avec les déclarations des représentants de l’autorité compétente pendant les débats parlementaires du projet de la loi cantonale en cause, ces déclarations étant d’ordre général et ne visant pas une situation concrète à l’égard de personnes déterminées. Pas de fondement légal à l’argumentation de la recourante, selon laquelle le délai de six mois prévu à l’art. 13 al. 9 let. d LTVTC ne courrait pas en cas de dépôt des plaques d’immatriculation liées à des AUADP auprès de l’office cantonal des véhicules.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2654/2024-TAXIS ATA/273/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 mars 2025

1ère section

 

dans la cause

 

A______ Sàrl recourante
représentée par Me Joël CHEVALLAZ, avocat

contre

DIRECTION DE LA POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimée

_________



EN FAIT

A. a. A______ Sàrl (ci-après : la société), auparavant dénommée B______ Sàrl, est inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis janvier 2011, avec son siège à Genève. Elle a pour but l’exploitation d’une entreprise de taxis.

b. Entre septembre et décembre 2017, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir, devenu depuis lors la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a octroyé les autorisations d’usage accru du domaine public (ci-après : AUADP) à la société, liées aux plaques d’immatriculations GE 1______, GE 2______, GE 3______, GE 4______ et GE 5______, pour une durée de six ans.

c. La société a respectivement déposé, auprès de l’office cantonal des véhicules
(ci-après : OCV), lesdites plaques entre les 12 janvier et 7 février 2023.

d. Le 30 juin 2023, la PCTN a autorisé la société, sous sa nouvelle dénomination, à exploiter une entreprise de transport par taxi, conformément à la loi genevoise.

B. a. Par courriers A+ des 1er mars, 1er et 31 mai 2023, la PCTN a informé la société de l’arrivée à échéance desdites AUADP, du délai impératif pour leur renouvellement et des conséquences en l’absence de telles démarches, en particulier la fin desdites AUADP à la date de leur échéance.

b. La société a requis, en date des 5 juin, 25 juillet et 10 août 2023, le renouvellement des AUADP.

c. Par courriers distincts A+ du 19 décembre 2023, la PCTN a informé la société de son intention de constater la caducité des AUADP et de rejeter les demandes précitées, sur la base de l’art. 13 al. 9 let. d de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 28 janvier 2022 (LTVTC - H 1 31). La société n’avait pas utilisé les AUADP depuis plus de six mois consécutifs, puisque les plaques y relatives avaient été respectivement déposées auprès de l’OCV en date des 11 janvier et 1er, 2 et 7 février 2023. Elle lui a fixé un délai pour exprimer ses éventuelles observations, prolongé à deux reprises à la demande de la société.

d. La société a exercé son droit d’être entendue par courriers des 20 et 27 mars 2024 et sollicité le renouvellement des AUADP.

Elle admettait ne pas avoir effectivement utilisé les AUADP pendant six mois consécutifs, mais s’opposait à l’application de l’art. 13 al. 9 let. d LTVTC. Sa volonté d’en faire un usage effectif était constante et intacte. Le délai de six mois ne courrait pas lorsque les plaques d’immatriculation étaient déposées à l’OCV, ce qui avait été affirmé, lors des travaux parlementaires de ladite loi, par les représentants alors chargés du marché du travail et du commerce. Dans un tel cas, le titulaire de l’AUADP, respectivement de la plaque d’immatriculation y afférente, pourrait la récupérer jusqu’à une année après la date de dépôt, durée découlant d’une règle fédérale. Cette information était aussi donnée par l’OCV. Il fallait distinguer la situation où le titulaire de l’AUADP possédait les plaques d’immatriculation sans en faire un usage effectif, de celle où il les déposait à l’OCV. Le premier cas était soumis au délai de six mois de l’art. 13 al. 9 let. d LTVTC, tandis que dans le second cas, seul devait entrer en ligne de compte le délai d’une année dès le dépôt des plaques, prévu par l’art. 87 al. 1 de l’ordonnance réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 (OAC - RS 741.51).

e. Par décision du 14 juin 2024, la PCTN a constaté la caducité des AUADP, liées aux plaques d’immatriculation GE 1______, GE 2______, GE 3______, GE 4______ et GE 5______, avec respectivement effet aux 11 juillet et 1er, 2 et 7 août 2023, et dit que la société ne pourrait plus récupérer lesdites plaques déposées auprès de l’OCV.

La nouvelle loi devait prévoir des mesures garantissant une meilleure rotation des AUADP, dont le temps d’attente pour son obtention était trop long. L’art. 13 al. 9 let. d LTVTC répondait à cet objectif, en réduisant à six mois, au lieu de douze mois auparavant, la durée de non-usage de l’AUADP entraînant sa caducité, ce qui découlait clairement du texte de cette norme et des travaux préparatoires de la loi. L’objectif des deux délais mentionnés par la société était différent. Celui d’une année, appliqué par l’OCV et fixé par le droit fédéral, permettait au titulaire des plaques de les récupérer pendant un an, sans avoir à redemander à l’OCV une nouvelle immatriculation. Le délai de six mois prévu à l’art. 13 al. 9 let. d LTVTC conduisait au prononcé de caducité d’une AUADP pour non-usage pendant six mois consécutifs afin de garantir une meilleure rotation des AUADP au sein de la profession de chauffeur de taxi.

Par ailleurs, l’art. 17 al. 5 du règlement d'exécution de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 19 octobre 2022 (RTVTC - H 1 31 01) ne pouvait concrètement s’appliquer que lorsque les plaques d’immatriculation de l’AUADP étaient effectivement en circulation. Le seuil d’usage effectif, prévu dans cette règle, ne pouvait, à l’évidence, pas être atteint en cas de dépôt des plaques pour une durée aussi longue que six mois consécutifs, comme dans le cas de la société.

C. a. Par acte expédié le 16 août 2024, la société a formé recours contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant à son annulation ainsi que, principalement, au renouvellement des AUADP précitées et, subsidiairement, au renvoi de la cause à la PCTN pour nouvelle décision.

Elle ne contestait pas que les AUADP n’avaient pas été utilisées pendant six mois consécutifs. Reprenant son argumentation susmentionnée, elle invoquait que cela avait été impossible en raison du dépôt des plaques d’immatriculation liées aux AUADP, auprès de l’OCV, par l’ancien gérant, en janvier et février 2023. Ce moment faisait partir un délai de garde d’un an, durant lequel elle aurait dû être autorisée à récupérer lesdites plaques. Ainsi, l’art. 13 al. 9 let. d LTVTC s’appliquait dans tous les cas où le droit fédéral supérieur n’était pas applicable, mais devait céder le pas à l’art. 87 al. 1 OAC prévoyant le délai de garde d’une année, lorsque les plaques d’immatriculation étaient déposées. Ce raisonnement s’appuyait sur les propos des représentants responsables, évoqués plus haut, tenus lors des travaux parlementaires en lien avec la nouvelle LTVTC. Dès lors, le fait de déposer temporairement à l’OCV les plaques d’immatriculation liées aux AUADP permettait au titulaire de ne pas avoir à se soucier du délai de six mois fixé à l’art. 13 al. 9 let. d LTVTC, par exemple lorsqu’il devait faire face à une situation économique ou entrepreneuriale difficile. Tel était le cas des plaques litigieuses compte tenu des « grands changements » traversés par la société, rachetée par une société tierce. Ainsi, remplissant les conditions de délivrance de l’art. 13 al. 5 LTVTC, la société était en droit de retirer, dans le délai d’un an, les plaques déposées, ce qui lui avait été, à tort, refusé. Elle avait d’ailleurs démontré, à plusieurs reprises, notamment en réglant l’intégralité des taxes annuelles des AUADP, sa volonté de réutiliser celles-ci dans le délai d’une année.

b. La PCTN a conclu au rejet du recours.

c. La recourante a persisté dans ses conclusions.

La décision litigieuse se heurtait au droit fédéral supérieur qui primait le droit cantonal. La PCTN n’avait pas facilité le renouvellement des AUADP, en tardant plus de six mois, après le dépôt de la première demande de renouvellement, à lui communiquer son intention de prononcer la caducité des AUADP, alors qu’elle savait qu’elle voulait en faire usage.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La recourante se plaint que la décision litigieuse ne respecte pas le droit fédéral, plus particulièrement l’art. 87 al. 1 OAC. Le délai d’un an prévu par cette norme fédérale primerait le délai de six mois fixé par l’art. 13 al. 9 let. d LTVTC, en cas de dépôt des plaques d’immatriculation liées aux AUADP.

2.1 L’OAC règle l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière (art. 1 OAC), conformément à la loi fédérale qui régit la circulation sur la voie publique (art. 1 al. 1 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 - LCR - RS 741.01).

Les art. 82 à 87a OAC traitent des plaques de contrôle des véhicules. L’art. 82 OAC distingue plusieurs sortes de plaques, notamment les plaques avec lettres et chiffres noirs sur fond blanc pour les voitures automobiles (al. 1 let. a), et prévoit des signes spéciaux dans certains cas (al. 2). Elle impose le changement de plaques à certaines conditions (al. 3). Ces dispositions fédérales réglementent d’autres aspects des plaques de contrôle, notamment le matériau et la confection (art. 83 OAC), le système de numérotation (art. 84 OAC) ou certains sigles (art. 86 OAC).

L’art. 87 OAC porte sur la délivrance des plaques. Selon son al. 1, une fois qu’il a été attribué, le numéro de plaque reste réservé au détenteur. Lorsque les plaques sont déposées ou retirées depuis plus d’un an, l’attribution d’autres numéros est autorisée. Lorsqu’il perd les plaques, le détenteur doit en informer immédiatement l’autorité, qui lui délivre alors des plaques ayant un autre numéro ; elle peut annoncer le numéro des plaques perdues dans le RIPOL (art. 87 al. 2 OAC). À l’exception des plaques destinées à l’immatriculation provisoire, les plaques restent la propriété de l’autorité (art. 87 al. 5 OAC).

2.2 La LTVTC a pour objet de réglementer et de promouvoir un service de transport professionnel de personnes efficace, économique et de qualité (art. 1 al. 1). Elle vise à garantir la sécurité publique, l’ordre public, le respect de l’environnement et des règles relatives à l’utilisation du domaine public, la loyauté dans les transactions commerciales, la transparence des prix, ainsi que le respect des prescriptions en matière de conditions de travail, de normes sociales et de lutte contre le travail au noir, tout en préservant la liberté économique (art. 1 al. 2 LTVTC).

La LTVTC s’applique, en vertu de son art. 2 al. 1, aux activités exercées, sur le territoire cantonal, par les chauffeurs de taxi (let. a), les chauffeurs de voiture de transport avec chauffeur (ci-après : VTC ; let. b), les entreprises de transport (let. c) et les entreprises de diffusion de courses (let. d). Leur activité est soumise à autorisation préalable (art. 6 al. 1 LTVTC). Les voitures utilisées dans le cadre de ces activités doivent en outre être immatriculées conformément aux art. 12 et 14 LTVTC, le droit fédéral étant réservé (art. 6 al. 2 LTVTC). Les autorisations et immatriculations sont délivrées sur requête, moyennant le respect des conditions d’octroi (art. 6 al. 3 LTVTC).

Les art. 12 à 14 LTVTC régissent les immatriculations, en distinguant le cas des taxis (art. 12) et celui des VTC (art. 14). Les voitures de taxi sont immatriculées au moyen de plages de numéros qui leur sont spécialement dédiées (art. 12 al. 1 LTVTC). Selon l’art. 12 al. 2 LTVTC, les plaques d’immatriculation sont délivrées à une personne physique ou morale titulaire d’une AUADP au sens de l’art. 13 LTVTC. Chaque immatriculation correspond à une AUADP. L’art. 13 al. 1 LTVTC précise que les AUADP sont limitées en nombre et en durée, en vue d’assurer un bon fonctionnement des services de taxis, par une utilisation optimale du domaine public, et en vue de garantir la sécurité publique. Elles sont attribuées moyennant le respect des conditions de délivrance, selon des critères objectifs et non discriminatoires (art. 13 al. 2 LTVTC).

En vertu de l’art. 13 al. 3 LTVTC, les autorisations et les plaques d’immatriculation correspondantes sont strictement personnelles et intransmissibles ; elles ne peuvent être mises à la disposition d’entreprises ni de chauffeurs tiers. Le titulaire de l’autorisation doit en faire un usage personnel et effectif en tant que chauffeur indépendant ou entreprise au sens de l’art. 5 let. c ch. 1 LTVTC. La caducité des AUADP est traitée à l’art. 13 al. 9 LTVTC ; elle est constatée par le département lorsque son titulaire n’en fait pas un usage effectif, en tant que chauffeur, respectivement en tant qu’entreprise pendant six mois consécutifs. Est réservé le cas d’incapacité totale de travail provisoire du chauffeur titulaire de l’autorisation, dûment attestée par un certificat médical (let. d).

L’art. 13 al. 10 LTVTC régit le dépôt des plaques d’immatriculation liées à des AUADP. En cas de révocation ou de caducité, le département ordonne le dépôt des plaques d’immatriculation correspondantes auprès de l’autorité qui est compétente pour les délivrer.

2.3 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, en vertu du principe de la primauté du droit fédéral ancré à l'art. 49 al. 1 Cst., les cantons ne sont pas autorisés à légiférer dans les matières exhaustivement réglementées par le droit fédéral. Dans les autres domaines, ils peuvent édicter des règles de droit pour autant qu'elles ne violent ni le sens ni l'esprit du droit fédéral, et qu'elles n'en compromettent pas la réalisation. L'existence ou l'absence d'une législation fédérale exhaustive constitue donc le critère principal pour déterminer s'il y a conflit avec une règle cantonale. Cependant, même si la législation fédérale est considérée comme exhaustive dans un domaine donné, une loi cantonale peut subsister dans le même domaine en particulier si elle poursuit un autre but que celui recherché par le droit fédéral. Ce n'est que lorsque la législation fédérale exclut toute réglementation dans un domaine particulier que le canton perd toute compétence pour adopter des dispositions complétives, quand bien même celles-ci ne contrediraient pas le droit fédéral ou seraient même en accord avec celui-ci (ATF 145 IV 10 consid. 2.1 et les arrêts cités). En outre, même dans les domaines dans lesquels la législation fédérale a mis en œuvre une compétence non limitée aux principes de la Confédération, des compétences réservées ou déléguées en faveur des cantons peuvent néanmoins subsister ; ceux-ci peuvent de plus se voir attribuer des tâches résultant de l'exécution du droit fédéral en vertu de l'art. 46 Cst. (ATF 150 I 120 consid. 4.2 ; 143 I 109 consid. 4.2.2).

2.3.1 Selon le Tribunal fédéral, le fait que l’admission des véhicules automobiles à la circulation relève de la compétence exclusive de la Confédération ayant arrêté l’OAC, n’empêche pas les cantons d’établir des règles qui concernent d’autres domaines, tels que celui de l'exercice de la profession de chauffeur de taxi et de VTC comme les limousines. La compétence de l'art. 82 al. 1 Cst. est une compétence législative concurrente par rapport aux cantons. La jurisprudence a déjà eu l'occasion de relever que, ni les services de taxi, ni ceux de VTC, n’étaient réglementés de manière exhaustive par la Confédération, de sorte que la compétence pour légiférer dans ce domaine appartenait aux cantons (ATF 99 Ia 389 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_230/2020 du 25 mars 2021 consid. 4.4 ; 2C_84/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.2.2 ; 2C_284/2019 du 16 septembre 2019 consid. 5.2.2). En particulier, il avait été jugé que l'on ne pouvait déduire des art. 3 et 106 LCR que le droit fédéral s'opposait à une réglementation cantonale de la profession de taxi (ATF 99 Ia 389 consid. 2a). Dans ces conditions, le fait que l'art. 106 al. 3 LCR dispose que les cantons ne peuvent de manière générale pas édicter de prescriptions complémentaires en ce qui concerne les véhicules automobiles ne s'opposait pas à ce qu'ils réglementent leur utilisation dans le cadre de l'exercice autorisé de la profession de chauffeur de taxi ou de VTC (ATF 150 I 120 consid. 5.4.1 et 5.4.2).

2.3.2 Le Tribunal fédéral a également déjà jugé que lorsqu’une collectivité publique réglemente l'usage accru du domaine public par les taxis, les autorisations ne doivent pas être concentrées entre les mains d'un petit cercle toujours identique de bénéficiaires, mais être réparties équitablement entre les différents concurrents, selon un système permettant également l'accès à de nouveaux candidats. Il  en découlait un devoir pour la collectivité publique d'assurer une rotation, ce qui l’a conduit à admettre l'existence d'un motif légitime en lien avec l’art. 13 al. 9 let. c LTVTC prévoyant la caducité des AUADP lorsque son titulaire atteignait l’âge de 75 ans révolus (arrêt du Tribunal fédéral 2C_302/2024 du 13 janvier 2025 consid. 6.4.1).

En outre, le Tribunal fédéral a rappelé que, dans la mesure où le service des taxis représente un quasi-service public complémentaire aux entreprises de transports publics collectifs, il existait un intérêt public à ce que les titulaires d'AUADP, soumises à un numerus clausus, en fassent effectivement usage, afin de garantir la fiabilité, la disponibilité et la qualité d'un tel service (arrêt du Tribunal fédéral 2C_275/2023 du 12 juin 2024 consid. 5.7).

2.4 Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de celles-ci. Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice, que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée et que l'intérêt à l'application correcte du droit n'apparaisse pas prépondérant (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_41/2024 du 9 décembre 2024 consid. 4.1).

3.             En l’espèce, la recourante ne conteste pas ne pas avoir fait un usage effectif pendant six mois consécutifs des AUADP litigieuses. La réserve de l’art. 13 al. 9 let. d LTVTC n’entre in casu pas en ligne de compte, vu le dépôt des plaques d’immatriculation associées auxdites AUADP auprès de l’OCV. Dès lors, au vu du texte clair de cette norme cantonale, la caducité des AUADP doit être prononcée par l’autorité intimée. Cela étant, la recourante oppose les arguments suivants à l’application de la loi cantonale.

3.1 Tout d’abord, le grief tiré d’une prétendue violation du principe de la primauté du droit fédéral garanti par l’art. 49 al. 1 Cst. ne résiste pas à l’examen. En effet, comme l’indique l’autorité intimée et le permet la jurisprudence fédérale susmentionnée, le délai d’un an fixé par le droit fédéral et le délai de six mois consécutifs fixés par le droit cantonal ne poursuivent pas le même objectif. Cela découle clairement de leur réglementation respective susévoquée. L’art. 87 al. 1 OAC régit la délivrance de plaques d’immatriculation aux véhicules destinés à circuler sur la voie publique, tandis que la réglementation cantonale litigieuse vise les prestations de transport professionnel de personnes. Dans ce cadre, la loi cantonale attribue, à travers l’octroi des AUADP (art. 12 al. 2 et 13 al. 1 LTVTC), un droit particulier aux taxis consistant à disposer d’un usage accru du domaine public conformément à l’art. 20 LTVTC.

Cette prérogative ne contredit ni n’empêche l’application du droit fédéral applicable en matière de circulation routière, mais soumet le titulaire de l’AUADP, soit in casu la recourante, à des obligations spécifiques compte tenu du nombre limité des AUADP (art. 13 al. 1 LTVTC). Parmi celles-ci figure l’obligation d’en faire un usage effectif (art. 13 al. 3 phr. 2 LTVTC), sous peine de caducité (art. 13 al. 9 let. d LTVTC ; art. 17 al. 5 règlement d'exécution de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 19 octobre 2022 - RTVTC - H 1 31.01). Le fait de prévoir la caducité de l’AUADP en l’absence d’un usage effectif pendant six mois consécutifs, ne viole ni ne compromet l’application du droit fédéral précité. En effet, la recourante semble perdre de vue l’existence de deux objets différents, d’un côté, l’AUADP et, de l’autre côté, les plaques d’immatriculation qui y sont associées. Cette distinction ressort clairement de la LTVTC, en particulier de son art. 12 al. 2 qui précise que les plaques d’immatriculation sont octroyées au titulaire d’une AUADP et que chaque immatriculation correspond à une AUADP (cf. aussi art. 17 al. 1 RTVTC). Ainsi, le fait de prévoir la caducité de l’AUADP aux conditions de l’art. 13 al. 9 let. d LTVTC n’affecte en rien l’existence des plaques des véhicules concernés, régies par le droit fédéral invoqué, mais uniquement l’usage accru du domaine public au sens de l’art. 20 LTVTC. Le fait que le titulaire de l’AUADP ne puisse plus bénéficier des droits y relatifs n’empêche pas de réserver, pendant une année, l’attribution du numéro des plaques à son détenteur conformément à l’art. 87 al. 1 OAC. L’identité du détenteur n’est pas fixée par le droit fédéral mais par le droit cantonal applicable au transport professionnel de personnes, qui attribue les plaques d’immatriculation des taxis au titulaire d’une AUADP (art. 12 et 13 LTVTC) suivant la liste d’attente (art. 17 al. 3 et 18 RTVTC). Au surplus, aucune partie ne remet en cause que l’art. 13 al. 9 let. d LTVTC a été in casu correctement appliqué et qu’il répond à un but d’intérêt public assurant la rotation des AUADP aux fins du bon fonctionnement des services de taxis genevois.

3.2 Les déclarations des représentants du département et service responsables lors des travaux préparatoires, figurant à la page 148 du Rapport du 16 août 2021 de la commission parlementaire chargée d’étudier le projet de la LTVTC (PL 12649-A), ne sont d’aucun secours à la recourante, compte tenu du texte clair de l’art. 13 al. 9 let. d LTVTC dûment appliqué dans le respect du droit fédéral pour les raisons précitées. L’information juridiquement erronée fournie par lesdits représentants ne peut engager la PCTN que si les conditions cumulatives découlant de la jurisprudence susmentionnée en lien avec le principe de la bonne foi (art. 9 Cst.) sont réalisées. Tel n’est en l’occurrence pas le cas. Lesdites déclarations sont d’ordre général et ne constituent pas des assurances fournies à une personne déterminée dans un cas concret. Comme l’une des conditions cumulatives précitées fait défaut, la recourante ne peut pas s’opposer à la correcte application de l’art. 13 al. 9 let. d LTVTC en lien avec les AUADP associées aux plaques d’immatriculation GE 1______, GE 2______, GE 3______, GE 4______ et GE 5______, sur la base desdites déclarations et du principe de la bonne foi. Ce grief est donc écarté.

3.3 La recourante soutient qu’il existerait deux cas de figure différents selon que les plaques d’immatriculation liées à des AUADP ont été déposées à l’OCV ou non et que le délai de six mois prévu par le droit cantonal ne courrait pas en cas de dépôt des plaques auprès de l’OCV. Or, cette argumentation n’a aucun fondement légal. Le texte de l’art. 13 al. 9 let. d LTVTC est clair, l’état de fait conduisant à la caducité est l’absence d’usage effectif de l’AUADP pendant six mois consécutifs. Le dépôt des plaques d’immatriculation n’est prévu, dans la LTVTC, que comme conséquence juridique d’une révocation ou caducité au sens des art. 13 al. 10 et art. 14 al. 3 LTVTC (et des cas régis par les art. 41 al. 9 et 46 al. 12 LTVTC), mais non en tant que circonstance dérogatoire à l’exigence légale de l’usage effectif de l’AUADP (art. 13 al. 3 LTVTC et 17 al. 5 RTVTC). Par ailleurs, le paiement de la taxe annuelle en contrepartie du droit d’usage accru du domaine public est obligatoire de par la loi, y compris en cas de dépôt de la plaque d’immatriculation correspondant à l’AUADP, sous réserve de révocation, retrait ou caducité de l’autorisation (art. 36 al. 1 LTVTC). Ainsi, la volonté alléguée, à l’appui du paiement des taxes annuelles relatives aux AUADP litigieuses, par la recourante n’est pas suffisante pour remplir la condition légale de l’usage effectif des AUADP. Il est d’ailleurs douteux qu’une telle volonté puisse découler d’un dépôt de plaques d’une durée supérieure à six mois, dans la mesure où, pendant ce temps, les prestations en transport professionnel par taxi liées auxdites plaques déposées ne peuvent être fournies aux clients, ni utilisées par les personnes inscrites sur la liste d’attente, prévue à l’art. 18 RTVTC, en vue de l’attribution d’une AUADP (art. 17 al. 3 RTVTC).

Enfin, les inconvénients inhérents à des questions de gestion, notamment au sein des entreprises à l’occasion d’un rachat ou d’un changement de gérants, ne sauraient primer, au-delà de la durée de six mois prévue par l’art. 13 al. 9 let. d LTVTC, l’intérêt public à l’utilisation effective des AUADP accordant des droits particuliers, tels que l’usage accru du domaine public, pour permettre le transport professionnel de personnes sur le territoire cantonal, dans le respect des objectifs mentionnés à l’art. 1 al. 2 LTVTC. Ledit délai de six mois apparaît non seulement suffisant, mais est également prévisible. Il peut ainsi être anticipé lors de transactions particulières par les personnes concernées, sans devoir être allongé – qui plus est pour des motifs strictement privés – pour assurer le bon fonctionnement des services de taxi, vu la liste d’attente précitée (art. 18 RTVTC).

Au surplus, il revenait à la société de s’assurer du respect des exigences légales régissant les AUADP, celle de l’usage effectif sous peine de caducité étant clairement indiquée dans la réglementation susmentionnée. L’autorité intimée n’avait ainsi pas à attirer son attention sur ce point, ce d’autant moins que le dépôt des plaques est une démarche librement effectuée par la société elle-même. De plus, la recourante a, le 30 juin 2023, obtenu l’autorisation d’exploiter une entreprise de transport par taxi, tandis que le dépôt des plaques litigieuses remontait au plus tôt au 12 janvier 2023. Elle disposait ainsi d’un laps de temps suffisant pour récupérer les plaques liées aux AUADP litigieuses et faire un usage effectif de celles-ci, avant l’expiration du délai de six mois prévu à l’art. 13 al. 9 let. d LTVTC.

Par conséquent, le recours est rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 août 2024 par A______ Sàrl contre la décision de la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 14 juin 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ Sàrl ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Joël CHEVALLAZ, avocat de la recourante, ainsi qu'à la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Michèle PERNET, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

M. PERNET

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :