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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1187/2024

ATA/115/2025 du 28.01.2025 sur JTAPI/626/2024 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1187/2024-PE ATA/115/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 janvier 2025

2ème section

 

dans la cause

 

A______ et B______, agissant pour eux-mêmes et pour
le compte de leurs enfants mineurs C______, D______ et E______ recourants
représentés par Me Malek ADJADJ, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 juin 2024 (JTAPI/626/2024)


EN FAIT

A. a. A______, ressortissant d’Inde né le ______ 1983, réside en Suisse depuis le 5 février 2006, initialement au bénéfice d'une autorisation de séjour pour études arrivée à échéance le 31 décembre 2010.

b. B______ (née F______), ressortissante russe née le ______ 1979, réside en Suisse depuis le 2 février 2007, initialement au bénéfice d'une autorisation de séjour pour études arrivée à échéance le 30 septembre 2011.

c. Le 27 décembre 2008, les précités se sont mariés à LANGEPAS (Russie).

d. Le couple a eu trois enfants, nés à Genève : C______, né le ______ 2011, D______, née le ______ 2014, et E______, née le ______ 2017, tous trois ressortissants russes.

B. a. Les 5 et 20 septembre 2011, les époux A______ B______ ont sollicité le renouvellement de leurs autorisations de séjour pour études auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

b. Le 2 août 2017, ils ont sollicité la délivrance d'une autorisation de séjour en faveur de leur fille E______ au titre du regroupement familial.

c. Le 28 mars 2018, ils ont également sollicité la délivrance d'autorisations de séjour en faveur de C______ et D______, dans le cadre du regroupement familial.

d. Par décision du 12 octobre 2018, l'OCPM a refusé de renouveler les autorisations de séjour pour études des époux ainsi que de délivrer des autorisations de séjour à leurs trois enfants dans le cadre du regroupement familial. Le renvoi de toute la famille était ainsi prononcé et un délai au 31 janvier 2019 leur était imparti pour quitter le territoire.

e. Cette décision a fait l’objet d’un recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), enregistré sous le n° de procédure A/4022/2018.

f. Le 19 octobre 2018, B______ a sollicité la délivrance d'une autorisation de séjour en sa faveur et celle de sa famille en application de l’« opération Papyrus ».

g. Par décision du 16 janvier 2020, l'OCPM a refusé de donner une suite favorable à la demande de régularisation des époux A______ B______ sous l'angle de l'« opération Papyrus » et prononcé leur renvoi de Suisse, leur impartissant un délai de départ au 17 avril 2020 pour quitter le territoire.

h. Cette décision a fait l’objet d’un recours auprès du TAPI, enregistré sous le n° de procédure A/567/2020.

i. Par jugement du 10 août 2020, le TAPI a joint les recours A/567/2020 et A/4022/2018 et les a rejetés.

j. La chambre administrative de la Cour de justice a rejeté le recours dirigé contre ce jugement par arrêt du 30 juin 2021.

Si la durée de séjour des époux en Suisse était longue – plus de dix ans –, ils avaient toujours été mis au bénéfice de permis de séjour temporaires et savaient devoir quitter la Suisse à la fin de leurs études. S'il était louable que les époux aient pu subvenir à leurs besoins pendant leur formation, puis ultérieurement, de manière à ne jamais émarger à l'aide sociale, A______ faisait l'objet d'une poursuite pour plus de CHF 150'000.-, étant relevé que le fait que cette dette résultait d'une faillite professionnelle et non d'une situation financière familiale précaire importait peu, l'origine des dettes n'étant pas pertinente. À cela s'ajoutait que l’intéressé avait fait, certes par le passé, l'objet de condamnations pénales. Les époux avaient en outre travaillé de manière illégale pendant leurs études.

Ils ne pouvaient en outre se prévaloir d'une intégration socio-professionnelle exceptionnelle.

B______ était née en Russie, pays dont elle parlait la langue et où elle avait vécu toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte, jusqu'à l'âge de 27 ans. Elle avait donc passé dans ce pays les années déterminantes pour le développement de sa personnalité. Elle était en bonne santé et, de retour dans son pays d'origine, elle pourrait faire valoir l'expérience professionnelle et les connaissances linguistiques acquises en Suisse, notamment dans le domaine de la gestion. Ayant fait le choix de célébrer son mariage en Russie, il était hautement vraisemblable qu'elle y possédait encore des proches. Dans ces circonstances, il n'apparaissait pas que les difficultés auxquelles elle devrait faire face en cas de retour en Russie seraient pour elle plus graves que pour la moyenne des étrangers, en particulier des ressortissants russes retournant dans leur pays.

A______ était né en Inde, dont il parlait l’une des langues officielles, l'hindi, et où il avait vécu toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte, jusqu'à l'âge de 23 ans. Il avait donc passé dans ce pays les années déterminantes pour le développement de sa personnalité. Il était en bonne santé et, de retour dans son pays d'origine, il pourrait faire valoir l'expérience professionnelle et les connaissances linguistiques acquises en Suisse, notamment dans le domaine de la restauration et de l'hôtellerie. Dans ces circonstances, il n'apparaissait pas que les difficultés auxquelles il devrait faire face en cas de retour en Inde seraient pour lui plus graves que pour la moyenne des étrangers, en particulier des ressortissants indiens retournant dans leur pays.

Les enfants, alors âgés de 3, 6 et 9 ans, disposaient de la nationalité russe, étaient encore très jeunes et au début de leur scolarité. Les deux aînés étaient scolarisés dans une école privée et pratiquaient plusieurs langues dont l'anglais. Leur intégration à la Suisse était donc toute relative puisqu'ils évoluaient dans une école anglophone. Il ne résultait pas du dossier que leur situation personnelle présentait des particularités susceptibles d'entraîner des difficultés insurmontables en cas de départ de Suisse. Ils seraient ainsi en mesure de s'adapter dans un nouveau pays et d'intégrer son système scolaire, leurs parents étant libres de choisir de continuer à les scolariser dans une école privée anglophone dans un premier temps. Il ne pouvait dès lors être retenu qu'un départ de Suisse constituerait pour les enfants un déracinement important et une rigueur excessive au sens de la jurisprudence.

Les époux étant d'origine différente, l'un d'eux devrait faire le choix de vivre dans le pays d'origine de l'autre. Cela pouvait toutefois leur être imposé puisque les intéressés avaient déjà fait le choix, en s'installant en Suisse, de s'expatrier. Pour pouvoir continuer à vivre en famille, ils devraient certes effectuer des démarches tendant au regroupement familial dans le pays de l'un ou de l'autre, ou dans un nouveau pays tiers, tout comme ils avaient dû en faire pour pouvoir temporairement résider en Suisse.

Les intéressés ne présentaient donc pas une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

L'OCPM était en conséquence fondé à refuser de donner une suite positive à leurs demandes d'autorisation de séjour et le TAPI à confirmer ledit refus.

Enfin, c’était également à bon droit que l’OCPM avait prononcé leur renvoi. Le dossier ne laissait pas apparaître d’éléments qui tendraient à démontrer que le renvoi serait impossible, illicite ou inexigible.

k. Par courrier du 22 novembre 2022, l’OCPM a communiqué à la famille A______B______C______D______E______ un nouveau délai de départ au 31 janvier 2023 pour quitter la Suisse. Ils étaient invités à se présenter auprès des guichets du service protection, asile et retour (ci‑après : SPAR) le 16 janvier 2023, munis des réservations de vol pour le 31 janvier 2023 au plus tard.

l. La famille A______B______C______D______E______ ne s’est pas présentée au rendez-vous.

C. a. Par courriers des 25 août et 5 septembre 2023, les époux ont sollicité une autorisation de séjour en faveur de leurs enfants ainsi qu’en leur faveur à titre de regroupement familial.

Les trois enfants étaient nés en Suisse, seuls pays dans lequel ils avaient vécu et qu’ils connaissaient. Ils y étaient scolarisés et bien intégrés, ce qui justifiait l’octroi d’un permis de séjour au sens de l’art. 58a LEI. Un renvoi de Suisse constituerait un déracinement traumatisant pour ces derniers et une violation de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et de l’art. 83 al. 4 LEI. Ils avaient uniquement la nationalité russe et, en raison de la guerre en Russie, un renvoi dans ce pays les exposerait à un danger réel et concret. C______, âgé de 12 ans, risquait par ailleurs de se voir rapidement engager par l’armée.

Eux-mêmes séjournaient en Suisse depuis respectivement 16 et 17 ans. Ils y avaient effectué leurs études avec succès, ce qui leur permettait de faire prospérer une entreprise active dans le milieu de l’hôtellerie et de la restauration. Grâce à cette activité, les revenus de A______ lui permettaient de faire vivre la famille. Leur société était financièrement saine et générait des emplois et des impôts pour l’économie genevoise. A______ avait mandaté Me Urs PORTMANN, avocat dans le canton de Vaud, afin de régler toutes les poursuites dont il faisait l’objet, ce qui devrait être fait prochainement. Ils n’avaient jamais eu recours à l’aide sociale et faisaient preuve d’une intégration exemplaire en Suisse. Leur casier judiciaire respectif était vierge, attestant de leur respect de l’ordre juridique suisse.

b. Par courriel du 20 septembre 2023, l’OCPM a rappelé au conseil des époux A______B______ que la famille faisait l’objet d’une décision de refus et de renvoi de Suisse, définitive et exécutoire. Leur demande d’autorisations de séjour ne suspendait ainsi pas l’exécution du renvoi et ils devaient quitter le territoire suisse sans délai et attendre à l’étranger l’issue de la procédure.

c. Par courrier du 27 septembre 2023, les époux ont sollicité auprès de l’OCPM la reconsidération de la décision de refus et de renvoi de Suisse du 16 janvier 2020.

Réitérant les arguments évoqués dans leur demande du 25 août 2023, ils ont fait valoir, en sus, que leur nationalité différente entraînerait des démarches longues et fastidieuses pour permettre à l’ensemble de la famille de rejoindre l’un ou l’autre des pays, avec le risque pour A______, s’il devait demander un visa auprès de la Russie, d’être réquisitionné dans l’armée en raison du conflit avec l’Ukraine. Un départ de Suisse mettrait également en péril leur société, leur stabilité financière et leur statut. En cas de départ, ils n’auraient d’autre choix que de vendre leur société, ce qui les priverait de revenus. Cette vente nécessiterait par ailleurs de nombreuses démarches ne pouvant être effectuées depuis l’étranger. Il était ainsi totalement dénué de sens de procéder à cette démarche dans l’attente d’une décision de l’OCPM, au risque de devoir, par la suite, relancer tout le processus.

d. Par courriel du 9 novembre 2023, l’OCPM a informé les époux qu’ils ne pouvaient pas formuler une demande telle que celle du 25 août 2023, faute de base légale. Il leur a également imparti un délai au 15 décembre 2023 pour fournir des éléments concrets relatifs à l’assainissement des dettes de A______.

e. Par courrier du 19 décembre 2023, les époux A______B______ ont transmis à l’OCPM un courrier de Me PORTMANN du 14 décembre 2023 résumant l’état des discussions avec les divers créanciers, relevant que la situation financière du mari serait très prochainement saine. Le renvoi des enfants étant illicite, tant au regard de la Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l'Assemblée fédérale le 13 décembre 1996, instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107), que de la jurisprudence de la « Haute Cour administrative », leur situation en Suisse devait être régularisée. Au regard du droit à la vie privée et familiale au sens de l’art. 8 CEDH, ils devaient également être mis au bénéfice d’une autorisation de séjour, dans la mesure où les enfants, vu leur jeune âge, ne pouvaient être séparés de leurs parents. L’absence de nationalité commune rendait également impossible leur renvoi de Suisse, justifiant de régulariser la situation de toute la famille dans ce pays.

f. Par décision du 5 mars 2024, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur la demande de reconsidération du 27 septembre 2023.

Les circonstances ne s’étaient pas modifiées de manière notable depuis sa décision de refus et les conditions de l’art. 48 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) n’étaient pas remplies, les éléments invoqués n’étant pas des faits nouveaux et importants susceptibles de modifier sa position.

Bien que la situation financière de A______ allait probablement s’améliorer, celle-ci n’était due qu’à l’écoulement du temps. Si des discussions étaient en cours avec les créanciers, la dette restait intacte. Il en allait de même de l’avancement de l’intégration des enfants, étant précisé qu’aucun d’eux n’avait passé plusieurs années en Suisse dans la période déterminante de l’adolescence.

Concernant la différence de nationalité entre les différents membres de la famille, il leur appartenait de faire les démarches nécessaires pour obtenir les autorisations dans l’un ou l’autre des pays où ils souhaitaient se rendre.

D. a. Par acte du 8 avril 2024, les époux A______B______ ont recouru auprès du TAPI contre cette décision concluant, principalement, à son annulation et au renvoi du dossier à l’OCPM pour nouvelle décision, subsidiairement à la reconsidération de la décision de l’OCPM du 16 janvier 2020. À titre préalable, ils ont sollicité la restitution de l’effet suspensif au recours et la suspension de l’exécution de leur renvoi tel que décidé par décision du 16 janvier 2020.

Aucun intérêt privé ou public prépondérant ne s’opposait à ce que leur recours soit assorti de l’effet suspensif. Leurs enfants, âgés de 6 à 12 ans, étaient nés à Genève et ne connaissaient aucun autre pays que la Suisse. Ils y étaient scolarisés et parfaitement intégrés. Interrompre leur cursus scolaire afin de les expulser dans leur pays d’origine aurait de graves conséquences sur leur santé psychique et leur capacité de développement, d’autant plus s’agissant de C______ qui était en pleine adolescence. En outre, la situation politique, sociale et économique qui prévalait en Russie était déplorable en raison de la guerre. Les récentes élections présidentielles avaient entraîné une véritable explosion des tensions sociales et la répression y était sévère. Le renvoi de C______ en Russie pourrait également signifier un rapide engagement par l’armée dans le conflit qui opposait actuellement le pays à l’Ukraine. Leur demande d’autorisation de séjour et de regroupement familial du 25 août 2023 était toujours en cours d’examen. Il ne faisait dès lors aucun sens de les expulser de Suisse, où ils vivaient depuis respectivement 16 et 17 ans et où leurs enfants avaient toujours vécu.

Ils ont fait valoir que l’amélioration de leur situation financière n’était pas due seulement à l’écoulement du temps, mais était la conséquence directe des efforts sérieux, concrets et importants que A______ avait consenti pour améliorer sa situation financière et celle de sa famille, ainsi que celle de ses ex-associés. Cette détermination sans faille à bénéficier d’une situation financière stable devait être appréciée à sa juste valeur et constituait non seulement un élément extraordinaire en leur faveur, mais également une circonstance ayant changé notablement depuis le prononcé de la décision de renvoi du 16 janvier 2020.

Ce n’était pas seulement l’écoulement du temps, mais également le temps de la procédure – long – qui avaient favorisé l’intégration des enfants. Leur première demande de permis de séjour datait de septembre 2011 et la décision y relative n’était intervenue qu’en octobre 2018. Pendant ce temps, la famille s’était agrandie avec l’arrivée de leurs trois enfants, qui avaient grandi et développé tous leurs repères en Suisse. Ce n’était donc pas l’écoulement du temps qui expliquait leur intégration, mais bel et bien l’enracinement de toutes leurs habitudes de vie. Leur intégration s’était renforcée de manière significative depuis la décision de l’OCPM du 16 janvier 2020, ce qui constituait un élément nouveau à prendre en considération.

Un renvoi de Suisse des enfants constituerait un déracinement traumatisant, mais également une violation de la CDE et de l’art. 83 al. 4 LEI.

Enfin, compte tenu de leur nationalité différente et de la situation en Russie, la famille ne disposait d’aucune possibilité de s’expatrier dans un pays dont l’un des parents détenait la nationalité sans s’exposer à un danger concret de guerre ou à des difficultés d’intégration insurmontables.

b. Le 17 avril 2024, l’OCPM a conclu au rejet et s’est opposé à la restitution de l’effet suspensif et à l’octroi de mesures provisionnelles.

Aucun fait nouveau n’était invoqué au sens de l’art. 48 LPA, étant rappelé qu’une personne qui se prévalait, grâce à l’écoulement du temps depuis la décision initiale, d’une durée de séjour en Suisse accrue, d’un emploi stable, d’une indépendance financière et la prise d’un logement ne saurait se prévaloir d’une modification notable des circonstances.

c. Dans leur réplique, les époux ont relevé que les citoyens russes rencontraient de très grandes difficultés à obtenir des visas internationaux compte tenu du conflit armé dans lequel leur pays était engagé, ce qui rendait la tâche de la relocalisation extrêmement ardue en démarches administratives à entreprendre. Ce conflit rendait leur renvoi en Russie inexigible, étant encore relevé que l’absence de vol direct entre la Suisse et la Russie complexifiait un départ vers ce pays.

d. Par décision du 2 mai 2024, le TAPI a rejeté la demande d’effet suspensif et de mesures provisionnelles.

e. Les intéressés ont encore fait valoir que la stabilité professionnelle et financière ainsi que l’équilibre familial et humain dont ils jouissaient étaient certainement enviés par de nombreux citoyens.

Les conditions favorables dans lesquelles ils se trouvaient étaient le résultat de nombreux efforts d'intégration, d'implication social et de dévouement professionnel dans le but bien compris d'offrir le meilleur à leurs enfants qui étaient nés en Suisse, qui n'avaient connu que cette culture et pour qui un départ serait synonyme de déracinement traumatisant. Leur situation s'était ainsi considérablement améliorée depuis janvier 2020 et cela ne serait être uniquement dû à l'écoulement du temps.

Les démarches visant à solder des dettes importantes n’étaient pas anodines. Elles avaient nécessité l'intervention d'un avocat, de nombreux échanges et d'intenses tractations pour démontrer au créancier sa bonne foi à assumer une responsabilité que ses associés gérants fuient. Lesdites démarches ne constituaient pas de simples formalités administratives que tout individu pourrait entreprendre et n’étaient aucunement facilitées par l'écoulement du temps. Il démontrait une détermination sans faille pour assainir sa situation financière et faire ainsi évoluer notablement son indépendance financière

f. Par jugement du 25 juin 2024, le TAPI a rejeté le recours.

Les époux invoquaient l’amélioration de leur situation financière, notamment en lien avec les dettes du mari, leurs efforts d’intégration et l’enracinement des enfants en Suisse. Or, force était de constater que la modification des circonstances depuis la décision du 16 janvier 2020 n'était due qu'à leur obstination à demeurer en Suisse malgré la décision de renvoi exécutoire. En outre, le mari n’avait toujours pas assaini sa situation financière.

Les arguments relatifs au respect de l’intérêt des enfants mineurs tombaient à faux dès lors qu’ils reposaient sur des éléments uniquement dus à l’écoulement du temps et au non-respect de la décision prononcée à leur encontre le 16 janvier 2020 par l’OCPM. La durée de leur séjour ainsi que celle de leur scolarisation en Suisse, tout comme leur intégration dans ce pays, avait évolué au fil des ans et leur avait permis, notamment, de tisser des liens et de s’inscrire à diverses activités extra-scolaires. Cependant, cette évolution ne leur était d’aucun secours, dès lors qu’elle était uniquement due au non-respect des décisions rendues à leur encontre par les autorités suisses.

Ainsi, les circonstances ne s’étaient pas modifiées dans une mesure notable depuis la première décision rendue par l’OCPM. Ce dernier était ainsi fondé à refuser d’entrer en matière sur la demande de reconsidération.

E. a. Par acte expédié le 28 août 2024 à la chambre administrative, les époux A______B______, agissant pour eux-mêmes et leurs enfants mineurs, ont recouru contre ce jugement, dont ils ont demandé l’annulation. Ils ont conclu à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM de reconsidérer sa décision du 16 janvier 2020, subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée au TAPI pour nouvelle décision.

Ils faisaient valoir plusieurs modifications notables justifiant une reconsidération : l’amélioration de la situation économique du recourant, l’encrage des enfants en Suisse, l’impossibilité de leur renvoi et la « situation Russo‑Ukrainienne ».

Le recourant avait purgé des dettes à hauteur de CHF 200'000.-. La société dans laquelle les recourants travaillaient était prospère. Les enfants avaient créé des racines à Genève où ils étaient parfaitement intégrés. Un renvoi aurait des conséquences sur leur santé psychique et leur développement. Il serait contraire à l’art. 3 al. 1 CDE. Le TAPI avait fait fi des arguments qu’ils avaient développés. Il ne s’était pas interrogé sur la question de savoir si le renvoi des enfants était compatible avec le droit international.

Ils ont souligné leur parfaite intégration ainsi que celle de leurs enfants. C______, désormais âgé de 13 ans, était en pleine adolescence. La situation politique en Russie s’était modifiée. Ni la recourante ni les enfants ne détenaient une autorisation de séjourner en Inde. Ils ne parlaient pas non plus hindi. La famille ne pouvait s’établir dans aucun autre pays.

Ils ont, notamment, produit le courrier d’un créancier du recourant demandant, le 27 août 2024, à l’office des poursuites de radier deux poursuites s’élevant à CHF 100'996.15 et CHF 94'759.40

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours, se référant au jugement et arguments exposés devant le TAPI.

c. Avec leur réplique, les recourants ont produit un extrait de poursuites au 22 octobre 2024, faisant état de deux actes de défaut de biens pour un montant total de CHF 59'341.60. Le recourant avait ainsi réussi à réduire ses dettes de manière substantielle.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

e. Par écriture spontanée, les recourants ont fait état, pièce à l’appui, de discussions transactionnelles concernant une des deux dettes (de CHF 18'401.15) objet des actes de défaut de biens. Ils demandaient que la cause ne soit gardée à juger qu’après le 2 décembre 2024.

f. La chambre administrative leur a indiqué que la cause ne serait gardée à juger qu’à compter du 2 décembre 2024.

g. Les recourants ont informé la chambre administrative que les pourparlers visant la dette en question allaient bon train.

h. Par courrier du 2 décembre 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recours a pour objet le refus de l’OCPM d’entrer en matière sur la demande de reconsidération formée par les recourants.

2.1 L'autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n'est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA. Une telle obligation existe lorsque la décision dont la reconsidération est demandée a été prise sous l'influence d'un crime ou d'un délit (art. 80 let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA ; faits nouveaux « anciens » ; ATA/512/2024 du 23 avril 2024 consid 3.1 ; ATA/651/2023 du 20 juin 2023 consid. 4.1).

Une telle obligation existe également lorsque la situation du destinataire de la décision s'est notablement modifiée depuis la première décision (art. 48 al. 1 let. b LPA). Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux », c'est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l'état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l'autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/512/2024 précité consid 3.1 ; ATA/757/2023 du 11 juillet 2023 consid. 3.1). Pour qu'une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l'état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l'autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/512/2024 du 23 avril 2024 consid 3.2 ; ATA/651/2023 précité consid. 4.1 in fine).

2.2 Une demande de reconsidération ne doit pas permettre de remettre continuellement en cause des décisions entrées en force et d'éluder les dispositions légales sur les délais de recours (ATF 136 II 177 consid. 2.1). C'est pourquoi, en principe, l'administré n'a aucun droit à ce que l'autorité entre en matière sur sa demande de reconsidération, sauf si une telle obligation de l'autorité est prévue par la loi ou si les conditions particulières posées par la jurisprudence sont réalisées (ATF 120 Ib 42 consid. 2b). La procédure de reconsidération ne constitue pas un moyen de réparer une erreur de droit ou une omission dans une précédente procédure (ATF 111 Ib 211 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 1417).

En droit des étrangers, le résultat est identique que l'on parle de demande de réexamen ou de nouvelle demande d'autorisation : l'autorité administrative, laquelle se base sur l'état de fait actuel et traiterait une requête comme une nouvelle demande, n'octroiera pas une autorisation de séjour dans un cas où elle l'a refusée auparavant si la situation n'a pas changé ; si la situation a changé, les conditions posées au réexamen seront en principe remplies (arrêt du Tribunal fédéral 2C_715/2011 du 2 mai 2012 consid. 4.2 ; ATA/512/2024 précité consid. 3.3).

2.3 Saisie d'une demande de reconsidération, l'autorité examine préalablement si les conditions de l'art. 48 LPA sont réalisées. Si tel n'est pas le cas, elle rend une décision de refus d'entrer en matière qui peut faire l'objet d'un recours dont le seul objet est de contrôler la bonne application de cette disposition (ATF 117 V 8 consid. 2 ; 109 Ib 246 consid 4a). Si lesdites conditions sont réalisées, ou si l'autorité entre en matière volontairement sans y être tenue, et rend une nouvelle décision identique à la première sans avoir réexaminé le fond de l'affaire, le recours ne pourra en principe pas porter sur ce dernier aspect. Si la décision rejette la demande de reconsidération après instruction, il s'agira alors d'une nouvelle décision sur le fond, susceptible de recours. Dans cette hypothèse, le litige a pour objet la décision sur réexamen et non la décision initiale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_319/2015 du 10 septembre 2015 consid. 3 ; 2C_406/2013 du 23 septembre 2013 consid. 4.1).

2.4 Bien que l'écoulement du temps et la poursuite d'une intégration socioprofessionnelle constituent des modifications des circonstances, ces éléments ne peuvent pas être qualifiés de notables au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA lorsqu'ils résultent uniquement du fait que l'étranger ne s'est pas conformé à une décision initiale malgré son entrée en force (ATA/539/2020 du 29 mai 2020 consid. 4b ; ATA/1244/2019 du 13 août 2019 consid. 5b).

2.5 En l'espèce, il convient uniquement d’examiner si les conditions d’une reconsidération sont réunies, l’OCPM ayant refusé d’entrer en matière sur la demande de reconsidération.

Le TAPI a nié l’existence d’une modification notable des circonstances au sens de art. 48 al. 1 let. b LPA, exposant que les éléments avancés par les recourants dans leur demande de reconsidération – l’amélioration de leur situation financière, notamment en lien avec les dettes du mari, leurs efforts d’intégration et l’enracinement des enfants en Suisse, y compris les liens d’amitié qu’ils y avaient tissés – résultaient uniquement de l’écoulement du temps. La modification des circonstances depuis la décision du 16 janvier 2020 n'était due qu'à l’obstination des recourants à demeurer en Suisse malgré la décision de renvoi entrée en force. En outre, le mari n’avait toujours pas assaini sa situation financière.

Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique. En effet, les recourants n’ont pas présenté, avec leur demande de reconsidération, d’éléments nouveaux au sens de l’art. 48 LPA. Comme cela vient d’être exposé, même si leur intégration, notamment sociale, s’est poursuivie depuis le rejet, le 16 janvier 2020, de leur demande d’autorisation de séjour, celle-ci résulte uniquement du fait qu’ils ne se sont pas conformés à la décision précitée ainsi qu’aux décisions subséquentes ordonnant leur renvoi de Suisse. À l’évidence, cette amélioration, y compris de leur situation financière, ne peut constituer une circonstance nouvelle notable justifiant d’entrer en matière sur la demande de reconsidération. Si tel était le cas, cela reviendrait à favoriser les étrangers ne respectant pas les décisions rendues à leur encontre. En outre, le fait de faire fi d’une décision de renvoi ne témoigne pas d’une bonne intégration sociale ni de la capacité de respecter l’ordre juridique suisse.

Par ailleurs, la question de la nationalité différente des époux n’est pas nouvelle. Elle a déjà été examinée dans la procédure précédente qui avait relevé qu’il pouvait être imposé aux recourants d’effectuer des démarches tendant au regroupement familial dans le pays de l'un ou de l'autre ou dans un nouveau pays tiers, tout comme ils avaient dû en faire pour pouvoir temporairement résider en Suisse, ayant déjà fait le choix, en s'installant en Suisse, de s'expatrier.

Au vu de ce qui précède, l’OCPM n’a ni violé la loi ni commis un abus de son pouvoir d’appréciation en refusant d’entrer en matière sur la demande de reconsidération.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge des recourants et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 août 2024 par A______ et B______, agissant pour eux-mêmes et pour le compte de leurs enfants mineurs C______, D______ et E______, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 juin 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge solidaire de B______ et A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession des recourants invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Malek ADJADJ, avocat des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

M. MAZZA

 

 

le président siégeant :

 

C. MASCOTTO

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.