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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1571/2024

ATA/49/2025 du 14.01.2025 ( PATIEN ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : SANTÉ;PROFESSION SANITAIRE;AUTORITÉ DE SURVEILLANCE;DÉNONCIATION(EN GÉNÉRAL);DROIT D'ÊTRE ENTENDU;COMPOSITION DE L'AUTORITÉ;AUTORITÉ CANTONALE;NULLITÉ
Normes : Cst.29.al1; LComPS.1; LComPS.6.al1; LComPS.7.al1.leta; LComPS.10.al1; LComPS.10.al2; LComPS.10.al3; LComPS.14; LComPS.15; RComPS.8; LCOf.1.al1; RCOf.6.letf; RCOf.21; RCOf.22.al2
Résumé : Constat de la nullité d'une décision de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients classant une plainte visant une doctoresse, seule la vice-présidente ayant participé à la prise de la décision querellée, alors qu'au moins trois membres du bureau auraient dû siéger. Recours irrecevable.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1571/2024-PATIEN ATA/49/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 janvier 2025

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Alexandre STAEGER, avocat

contre

COMMISSION DE SURVEILLANCE DES PROFESSIONS DE LA SANTE ET DES DROITS DES PATIENTS intimée



EN FAIT

A. a. A______ travaille depuis le 1er novembre 2022 en qualité de B______ aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG).

b. Il a bénéficié d'une prise en charge psychiatrique aux HUG à une période indéterminée.

c. Le matin du 8 février 2023, il s'est présenté aux urgences des HUG en raison de douleurs à la mâchoire notamment. Après qu'un diagnostic de syndrome myofascial eut été posé, il a quitté les urgences le jour même. Le soir même, il est retourné aux HUG, ses douleurs à la mâchoire s'étant aggravées. Il y a passé la nuit et a quitté les urgences le lendemain dans la matinée.

d. Le 9 février 2023 vers 12h30, il s'est à nouveau présenté aux urgences des HUG pour les mêmes douleurs. Il y a été hospitalisé, au sein du service de médecine interne générale, jusqu'au 15 février 2023, pour le traitement d'un abcès dentaire.

e. Il a notamment été pris en charge par la docteure C______, médecin‑stagiaire. Celle-ci était alors affectée à la lecture de radiographies standard. Elle a procédé à la lecture de l'orthopantomogramme de A______, ce dernier étant prioritaire, et a ouvert son dossier patient intégré (ci-après : DPI), y compris son dossier psychiatrique, qu'elle a consulté.

f. Du 9 au 10 février 2023, la docteure D______, médecin au service orthopédique et traumatologie de l'appareil moteur des HUG, a accédé au DPI de A______ à six reprises, hors de toute relation thérapeutique.

B. a. Par courrier du 23 février 2023 adressé à la direction juridique des HUG, A______ s'est plaint de sa prise en charge médicale entre les 8 et 15 février 2023.

Il dénonçait notamment le comportement de la Dre D______, qui avait consulté son dossier médical par pure curiosité, alors qu'elle n'avait pas été impliquée dans son hospitalisation. De même, la Dre C______ avait ouvert son DPI et y avait lu un rapport des urgences psychiatriques, alors que ce dernier n'avait aucun lien avec la suspicion d'infection à sa mâchoire.

b. Par courrier du 1er mai 2023 adressé aux HUG, A______ s'est en particulier plaint d'une atteinte à sa personnalité en lien avec l'accès à ses données médicales par le personnel des HUG et a notamment demandé que celle-ci soit constatée.

c. Par courriers séparés du 14 juin 2023, les HUG ont, d'une part, informé A______ que, selon les informations reçues, l'accès à son DPI par la Dre C______ était pleinement justifié, que la Dre D______ avait accédé à son dossier médical hors de toute relation thérapeutique et que « cette situation » avait été transmise aux personnes compétentes pour traiter les conséquences de tels accès. D'autre part, ils ont transmis sa requête au préposé à la protection des données (ci-après : le préposé).

d. Le 19 juillet 2023, ce dernier a recommandé aux HUG de rejeter la requête de A______ en constatation du caractère illicite de l'atteinte.

e. Par décision du 28 juillet 2023, se référant à la recommandation du préposé et aux développements y relatifs, les HUG ont rejeté la requête de A______ en constatation du caractère illicite de l'atteinte.

f. Statuant sur recours de A______ contre cette décision, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a admis partiellement le recours par arrêt du 4 juin 2024 (ATA/663/2024).

Sur le principe, il n'y avait pas de violation de la liberté personnelle et au droit au respect de la vie privée de A______ dans le traitement de ses données par les HUG, ces derniers ayant pris les mesures organisationnelles et techniques appropriées pour protéger les données personnelles des patients contre tout traitement illicite, ou à tout le moins limiter le risque d'atteinte. Cette conclusion s'imposait également s'agissant de l'accès au dossier de A______ par la Dre C______. En effet, il était manifestement attendu de l'intéressée une lecture des examens en vue de la validation ou de la modification de la prise en charge du patient. Une mission d'analyse lui revenait, laquelle impliquait la prise en compte de tout élément médical pertinent. La consultation du dossier médical de A______, y compris son dossier psychiatrique, par la Dre C______ était justifiée sur le plan médical. Elle s'insérait de surcroît dans le cadre d'une relation thérapeutique. En revanche, l'accès à son dossier médical par la Dre D______, qui n'était pas affectée à sa prise en charge, ne poursuivait aucun objectif médical et constituait donc une atteinte inadmissible au droit au respect de la vie privée de l'intéressé.

g. Cet arrêt n'a pas fait l'objet d'un recours.

C. a. Parallèlement, le 15 juin 2023, A______ a adressé à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients (ci-après : la commission) une plainte contre les HUG et « certains membres de [son personnel] pour manquements sévères aux dispositions légales relatives à la protection des données et à la personnalité et déni de justice ».

Il dénonçait l'accès à son dossier psychiatrique par des personnes non autorisées ainsi que le manque de protection des données médicales des patients des HUG. En conséquence, il concluait notamment à ce que soient constatés les manquements des HUG dans la mise en place et la gestion du système d'accès et de traitement des données médicales des patients, d'une part, ainsi que les manquements de certains professionnels des HUG ayant accédé indûment à son dossier, d'autre part.

b. La plainte a donné lieu à l'ouverture de trois procédures distinctes, concernant respectivement les HUG, la Dre C______ et la Dre D______.

c. Le 9 août 2023, la commission a transmis la plainte aux HUG. Son bureau avait examiné l'affaire et avait souhaité, avant de prendre une décision sur la suite de la procédure, obtenir la détermination des HUG. Un délai au 15 septembre 2023 leur était imparti à cet effet. Elle leur demandait également de lui indiquer si la Dre C______ travaillait toujours pour eux et, dans la négative, de lui transmettre ses coordonnées.

d. La Dre C______ s'est déterminée le 1er novembre 2023.

e. Par courrier du 10 novembre 2023, la commission a adressé à A______ les déterminations de la Dre C______ et lui a imparti un délai au 11 décembre 2023 pour se déterminer, ce qu'il a fait. À l'échéance de ce délai, l'affaire serait à nouveau soumise au bureau pour décision quant à la suite à donner à la procédure.

f. Le 8 avril 2024, la commission, soit pour elle son bureau, a classé la « plainte » visant la Dre C______, de même que celle visant les HUG et la « dénonciation » visant la Dre D______.

Il ne pouvait être reproché à la Dre C______ d'avoir ouvert le dossier médical de A______. Il était attendu d'elle une lecture des examens en vue de la validation ou de la modification de la prise en charge du patient. Ses explications étaient convaincantes. En prenant en compte également la prise en charge psychiatrique du patient dans le cadre de sa tâche d'analyse des images radiographiques, elle avait agi conformément aux règles de l'art.

Le nom d'E______ (vice-présidente du bureau) figurait en bas de la décision, laquelle était signée par F______ (« p.o. F______ »), directrice de la commission. Le nom des membres du bureau ayant pris la décision n'était pas indiqué.

g. Le 8 mai 2024, la commission a transmis à A______ des documents indiquant les compositions du bureau de la commission depuis les plaintes de l'intéressé. Étaient également jointes les listes générales des membres ayant composé ou composant la commission.

La commission a précisé que Me G______ s'était récusé et avait été remplacé par la vice-présidente (E______).

Selon les tableaux joints, le bureau était composé, dès le mois de février 2024, de Me G______, d' H______, de la docteure I______, de la docteure J______ et de K______.

D. a. Par acte remis à la poste le 8 mai 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision concluant à son annulation et à ce que la cause soit renvoyée à la commission pour nouvelle décision. Il a requis l'audition des parties, l'apport du dossier de la cause par la commission ainsi que la mise en œuvre d'une expertise visant à déterminer le bénéfice thérapeutique pour le patient de la consultation de son dossier psychiatrique par un radiologue ou un orthopédiste ainsi que les règles de l'art médical en la matière.

La décision n'indiquait pas la composition du bureau de la commission qui avait rendu la décision. Seul était mentionné le nom de la vice-présidente, qui ne disposait pas des connaissances nécessaires pour apprécier le bien-fondé de la prémisse médicale sur laquelle la commission avait fondé son raisonnement. La commission avait suivi le point de vue des HUG et de la Dre C______ sans autre forme de procès.

b. Dans une écriture complémentaire du 29 mai 2024, le recourant a requis que la commission indique la composition concrète du bureau ayant rendu la décision querellée, y compris lors des délibérations qui l'avaient précédée. Un membre s'était certes récusé à juste titre mais il ne s'agissait pas du seul membre dont la présence créait une apparence de prévention.

c. La commission a conclu au rejet du recours, persistant dans les termes de sa décision. Elle a transmis son dossier et indiqué que les informations relatives à la composition du bureau de la commission avaient été communiquées à A______ par courriel du 8 mai 2024, joint au dossier.

Elle a précisé que le bureau avait toujours compté un membre spécialiste en médecine interne. Le bureau disposait ainsi de la compétence nécessaire pour traiter de la plainte de A______.

d. Dans sa réplique, le recourant a contesté avoir reçu communication de la composition concrète de la commission. Il persistait à demander que celle-ci fournisse le nom des personnes qui avaient effectivement siégé.

e. À la suite d'une interpellation de la chambre administrative, la commission a indiqué que les membres composant le bureau lors de la prise de décision du 8 avril 2024 étaient Me G______, la Dre I______, la Dre J______, K______ et H______, étant précisé, d'une part, que ce dernier siégeait en qualité de membre n'appartenant pas aux professions de la santé et possédait un homonyme qui était professeur au sein des HUG. D'autre part, la Dre I______ n'était plus employée des HUG. Par ailleurs, l'examen préalable de la plainte du recourant avait été réalisé par les membres qui siégeaient au sein du bureau lors de la saisine de la commission par le recourant le 15 juin 2023, soit avant le renouvellement de cette autorité le 1er février 2024, à savoir L______ (président), M______ et le docteur N______. La Dre J______ et K______ n'avaient pas pris part à l'examen préalable de la dénonciation. L______ avait démissionné de sa fonction de président le 31 juillet 2023 et avait été remplacée par Me G______. Celui-ci s'étant récusé dans la présente affaire, il avait été remplacé par Me E______, vice-présidente. La prise de position des membres du bureau siégeant au sein de la commission lors de la saisine de celle-ci avait ensuite été matérialisée le 8 avril 2024 par le greffe de la commission par la décision attaquée, sans que les membres du bureau siégeant à cette date, hormis la vice-présidente, aient participé. Enfin, la commission n'avait édicté aucun règlement de fonctionnement interne.

f. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit du classement immédiat par la commission de la plainte déposée par le recourant contre la Dre C______.

3.             Le recourant sollicite l'audition des parties, l'apport du dossier par la commission ainsi qu'une expertise visant à déterminer le bénéfice thérapeutique pour le patient de la consultation de son dossier psychiatrique par un radiologue ou un orthopédiste ainsi que les règles de l'art médical en la matière.

Compte tenu de l'issue du litige, il n'est toutefois pas nécessaire de procéder à ces actes d'instruction.

4.             Se pose la question de savoir si la commission a statué dans une composition conforme au droit.

4.1 L’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101) prévoit que toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. La jurisprudence a tiré de cette disposition un droit à ce que l’autorité administrative qui statue le fasse dans une composition correcte et impartiale (ATF 142 I 172 consid. 3.2 et les références citées). En outre, l'autorité administrative qui statue doit le faire dans une composition conforme à la loi (ATF 131 I 31 consid. 2.1.2.1).

La notion de « membres d'une autorité administrative » comprend aussi bien ceux ayant une voix consultative que ceux pouvant prendre part au vote (arrêt du Tribunal fédéral 1P.416/2006 du 29 mars 2007 consid. 2.2 ; ATA/612/2024 du 21 mai 2024 consid. 3.1 et l'arrêt cité).

4.2 La composition de l'autorité est définie selon les règles du droit de procédure ou d'organisation. Celui-ci prévoit généralement des quorums afin d'assurer le fonctionnement des autorités collégiales. L'autorité est ainsi valablement constituée lorsqu'elle siège dans une composition qui correspond à ce que le droit d'organisation ou de procédure prévoit. Si l'autorité statue alors qu'elle n'est pas valablement constituée, elle commet un déni de justice formel. Le droit constitutionnel à une composition correcte de l'autorité décisionnelle est de nature formelle. Sa violation, quelles que soient les chances de succès du recours sur le fond, conduit à l'annulation de l'arrêt entrepris (ATF 142 I 172 consid. 3.2 et les références citées).

4.3 Une décision ne saurait être valable si elle a été rendue par une autorité qui n'était pas habilitée par l'ordre juridique à la prononcer. La conséquence de l'incompétence de l'auteur d'une décision peut varier suivant les circonstances : nullité ou simple annulabilité (ATA/778/2022 du 9 août 2022 consid. 2c ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 880).

4.3.1 D’après la jurisprudence, la nullité d’une décision n’est admise que si le vice dont elle est entachée est particulièrement grave, est manifeste ou du moins facilement décelable et si, en outre, la constatation de la nullité ne met pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Des vices de fond n’entraînent qu’à de rares exceptions la nullité d’une décision ; en revanche, de graves vices de procédure, ainsi que l’incompétence qualifiée de l’autorité qui a rendu la décision sont des motifs de nullité (ATF 144 IV 362 consid. 1.4.3 ; 139 II 243 consid. 11.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_171/2020 du 6 avril 2021 consid. 1.4.2).

Entrent avant tout en considération comme motifs de nullité l'incompétence fonctionnelle et matérielle de l'autorité appelée à statuer, ainsi qu'une erreur manifeste de procédure (ATF 129 I 361 consid. 2.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_354/2015 du 21 janvier 2016 consid. 4.1). Le Tribunal fédéral indique à cet égard que l’incompétence fonctionnelle ou matérielle, si elle est manifeste ou du moins aisément reconnaissable, peut constituer un motif de nullité, à moins que l’autorité qui a pris la décision ne dispose dans le domaine en cause d’un pouvoir général de décision ou que la reconnaissance de la nullité soit incompatible avec la sécurité du droit (ATF 136 II 489, 495 ; 129 V 488 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 914, p. 322).

La mauvaise composition de l'autorité qui a pris une décision est un vice particulièrement grave au sens de la jurisprudence. Résultant directement de la loi réglant la composition de cette autorité, il est manifeste ou à tout le moins facilement décelable. Il s'agit dès lors d'un motif de nullité (ATA/612/2024 du 21 mai 2024 consid. 3.6).

4.3.2 La nullité ne se décide pas ; elle se constate, d'office, en tout temps, devant toute autorité ayant à connaître de cette décision (ATF 146 I 172 consid. 7.6 ; 134 III 75 consid. 2.4 ; 122 I 97 consid. 3a).

4.4 La commission, instituée par la LComPS selon son art. 1 al. 1, est chargée de veiller au respect des prescriptions légales régissant les professions de la santé et les institutions de santé visées par la LS (art. 1 al. 2 let. a LComPS) et au respect du droit des patients (art. 1 al. 2 let. b LComPS).

Dans le cadre de son mandat, elle instruit d'office ou sur requête, en vue d'un préavis ou d'une décision, les cas de violation des dispositions de la LS, concernant les professionnels de la santé et les institutions de santé, ainsi que les cas de violation des droits des patients (art. 7 al. 1 let. a LComPS).

En cas de concours d'application entre les prescriptions légales régissant les professions de la santé et les institutions de la santé et la loi sur l'information du public, l'accès aux documents et la protection des données personnelles, du 5 octobre 2001, le président de la commission de surveillance statue sur l'ensemble des griefs et prétentions fondés sur l'une ou l'autre de ces lois selon les dispositions de procédure de la présente loi. Les compétences de la commission chargée de statuer sur les demandes de levée du secret professionnel, instituée par la loi sur la santé, du 7 avril 2006, sont réservées. La chambre administrative de la Cour de justice doit cependant inviter le préposé cantonal à la protection des données et à la transparence à participer à la procédure de recours (art. 7 al. 2 LComPS).

4.5 Tous les membres de la commission siègent dès l’adoption d’un arrêté du Conseil d’État relatif à la composition de la commission de surveillance, à l’exception des membres désignés à l’art. 3 al. 4 et 6 LComPS, qui siègent dès leur nomination à leur fonction respective (art. 1 al. 4 LComPS).

4.6 La commission de surveillance constitue en son sein un bureau de cinq membres, dont le médecin cantonal et le pharmacien cantonal, chargé de l’examen préalable des plaintes, dénonciations et dossiers dont elle s’est saisie d’office (art. 10 al. 1 LComPS). Le bureau est constitué du président de la commission de surveillance, d'un membre n'appartenant pas aux professions de la santé, d'un médecin, du pharmacien cantonal et du médecin cantonal (art. 8 RComPS).

Le greffe de la commission de surveillance est composé de greffiers-juristes rattachés au département (art. 6 al. 1 LComPS).

4.7 Selon l'art. 10 al. 2 LComPS, lorsqu’il est saisi d’une plainte, le bureau peut décider d’un classement immédiat (let. a), de l’ouverture d’une procédure dans les cas présentant un intérêt public prépondérant justifiant une instruction par une sous‑commission (let. b) et, dans tous les autres cas, d’un renvoi en médiation (let. c). L'art. 10 al. 3 LComPS prévoit que lorsque le bureau est saisi d’une dénonciation, il peut soit classer immédiatement l’affaire, soit ouvrir une procédure dont l’instruction est confiée à une sous-commission.

Le bureau peut classer, sans instruction préalable et par une décision sommairement motivée, les plaintes qui sont manifestement irrecevables ou mal fondées (art. 14 LComPS). Il peut également classer les dénonciations manifestement mal fondées, ainsi que celles dont l'objet ne peut être déterminé ou se situe hors du champ de compétences de la commission de surveillance. Il en informe le dénonciateur par simple avis (art. 15 LComPS).

4.8 La loi sur les commissions officielles du 18 septembre 2009 (LCOf - A 2 20) et son règlement s’appliquent aux commissions officielles (ci-après : commissions) dépendant du Conseil d’État, de la chancellerie d’Etat ou d’un département, qui sont instituées par une loi, un règlement ou un arrêté, et dont l’activité revêt un caractère consultatif, de préavis ou décisionnel, à l’exception de l’activité juridictionnelle (art. 1 al. 1 LCOf). La commission est rattachée administrativement au département de la santé et des mobilités (art. 2 al. 1 LComPS ; art. 6 let. f RCOf).

4.9 Sauf disposition légale ou réglementaire contraire, une séance de commission ne peut être valablement tenue que si la moitié des membres sont présents, plus la présidence. Le cas échéant, la séance est reportée à une date à fixer ultérieurement dans un délai raisonnable (art. 21 RCOf). Sauf dispositions légales ou réglementaires contraires, la commission formule ses avis à la majorité des membres présents, en principe, à main levée. La présidence participe aux votes. Si nécessaire, la présidence peut décider de procéder à un vote à bulletin secret. Elle tranche en cas d’égalité (art. 22 al. 2 RCOf).

4.10 En l'espèce, la décision attaquée a été rendue par la commission, soit l'autorité saisie et compétente au sens de l'art. 7 al. 1 let. a LComPS, ce qui n'est pas contesté. Ladite décision constituant un classement immédiat, seul le bureau de la commission pouvait néanmoins la prendre, conformément à l'art. 10 al. 2 let. a LComPS.

En application de l'art. 21 RCOf, qui s'applique également aux séances du bureau, la prise de la décision querellée nécessitait la présence de trois membres, y compris la présidence, en l'absence d'un règlement de fonctionnement interne adopté par la commission. La décision a été signée de manière manuscrite par F______, directrice de la commission, par ordre d'E______, vice-présidente. Elle n'indique pas quels autres membres ont siégé et, en l'absence d'autres informations, ne permet pas de déterminer si le bureau était valablement constitué au moment de la prise de décision.

Dans ses déterminations, la commission a expliqué que l'examen préalable de la plainte du recourant avait été effectué par les membres qui siégeaient au sein du bureau lors de la saisine de la commission le 15 juin 2023, soit avant le renouvellement de cette autorité le 1er février 2024, à savoir L______ (président), M______ et le docteur N______. La Dre J______ et K______ n'avaient pas pris part à l'examen préalable de la dénonciation. L______ avait démissionné de sa fonction de président le 31 juillet 2023 et avait été remplacé par Me G______. Celui-ci s'étant récusé dans la présente affaire, il avait été remplacé par Me Emilie E______ La prise de position des membres du bureau siégeant au sein de la commission lors de la saisine de celle-ci avait ensuite été matérialisée le 8 avril 2024 par le greffe de la commission par la décision querellée, sans que les membres du bureau siégeant à cette date, hormis la vice-présidente, aient participé.

La commission paraît ainsi considérer que la décision de classement contestée aurait été prise avant le 31 juillet 2023 (date de démission de L______) par L______, M______ et le docteur N______, soit trois des cinq membres constituant le bureau jusqu'à cette date, pour ensuite être matérialisée par le greffe le 8 avril 2024. Ce raisonnement ne peut être suivi. D'une part, la Dre C______ s'étant déterminée le 1er novembre 2023 et le recourant ayant transmis de nouvelles déterminations le 11 décembre 2023, cela signifierait que la décision a été prise avant que les parties aient pu se déterminer et avant que la commission ait pris connaissance de l'ensemble des faits pertinents pour la décision, alors même qu'elle avait souhaité obtenir une détermination de la Dre C______. Dans un tel cas, la cause n'aurait pas été instruite équitablement et de façon impartiale.

D'autre part, par courriel du 9 août 2023, la commission a informé les HUG vouloir obtenir leurs déterminations sur la plainte, « avant de prendre une décision sur la suite de la procédure » et leur ont également demandé de lui transmettre les coordonnées de la Dre C______ pour obtenir la détermination de celle-ci, ce qui signifie a contrario qu'aucune décision sur le sort de la plainte n'avait été encore été prise à cette date. De la même manière, par courrier du 10 novembre 2023, la commission a informé le recourant qu'à l'échéance du délai imparti à ce dernier pour fournir ses ultimes déterminations, l'affaire serait à nouveau soumise au bureau « pour décision quant à la suite à donner à la procédure ». Enfin, Me G______, en fonction depuis le 31 juillet 2023, s'est récusé. Si la décision avait été prise avant cette date, on voit mal pourquoi il aurait été nécessaire qu'il se récuse. Ces éléments démontrent qu'aucune décision n'a été prise par le bureau avant le 31 juillet 2023 et avant la fin de l'instruction écrite ordonnée, une prise de position exprimée sous une forme non précisée et plus de huit mois avant le prononcé de la décision ne pouvant être considérée comme une décision.

Dès lors, il incombait aux nouveaux membres du bureau (au moins trois) depuis le 1er février 2024 de se réunir et de prendre une décision. Or, il ressort des explications de la commission que seule la vice-présidente a participé à la prise de la décision querellée. Dans ces circonstances, la chambre de céans retiendra que la décision du 8 avril 2024 n'a pas été prise dans une composition conforme aux règles du droit de procédure et d'organisation de la commission.

La mauvaise composition de l'autorité qui a pris une décision est un vice particulièrement grave au sens de la jurisprudence précitée, comme l'a déjà indiqué la chambre de céans. Résultant directement de la loi réglant la composition de cette autorité, il était manifeste ou à tout le moins facilement décelable. Il s'agit dès lors d'un motif de nullité.

La constatation de la nullité ne met pas sérieusement en danger la sécurité du droit, dans la mesure où la décision attaquée avait un contenu négatif (décision de classement) et que la commission pourra statuer à nouveau sur la plainte du recourant dans une composition correcte.

La nullité de la décision querellée sera donc constatée. En cas de constat de nullité, le recours n'a pas ou plus d'objet, ce qui conduit en principe à son irrecevabilité (ATF 136 II 415 consid. 1.2 ; ATA/257/2018 du 20 mars 2018 consid. 13).

Le recours sera dès lors déclaré irrecevable.

Compte tenu de cette issue, il n'est pas nécessaire de trancher les autres points de droit abordés par le recourant.

5.             Vu l'issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Vu la nullité de la décision attaquée, une indemnité de procédure de CHF 500.- sera allouée au recourant, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

constate la nullité de la décision de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 8 avril 2024 classant la plainte visant la docteure C______ ;

déclare irrecevable le recours interjeté le 8 mai 2024 par A______ contre la décision de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 8 avril 2024 classant la plainte visant la docteure C______ ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument de procédure ;

alloue à A______ une indemnité de CHF 500.-, à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alexandre STAEGER, avocat du recourant, à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients ainsi qu'à la docteure C______ pour information.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :