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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2289/2023

ATA/1483/2024 du 17.12.2024 sur JTAPI/59/2024 ( LCI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2289/2023-LCI ATA/1483/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 décembre 2024

3ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Jean-Louis COLLART, avocat

contre

B______
représentée par Me Stephan KRONBICHLER, avocat

et

C______

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC intimés

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 janvier 2024 (JTAPI/59/2024)


EN FAIT

A. a. C______ (ci-après : C______), est propriétaire de la parcelle no 2'889 de la commune de D______ (section E______), située au 16B chemin F______, en zone de développement 3. Un immeuble d’habitations y est construit.

b. B______ (ci-après : B______) a pour but d’offrir des services de télécommunication et de radiodiffusion. Elle est titulaire de la concession de service universel dans le domaine des télécommunications.

B. a. Le 10 mars 2022, B______ a sollicité du département du territoire (ci-après : le département), la délivrance d’une autorisation portant sur la « construction d’une nouvelle installation de communication mobile / GBSR », qui consistait en neuf antennes dont trois antennes adaptatives regroupées sur un seul support sur le toit du bâtiment sis sur la parcelle no 2'889. La demande a été enregistrée sous numéro DD 1______/1.

b. La fiche de données spécifique au site, établie le 27 septembre 2021 par B______ et jointe à la requête, contenait les informations suivantes :

-       l’intensité du champ électrique due à l’installation au lieu de séjour momentané le plus chargé était de 47.0 V/m, atteignant 92.1% de la valeur limite d’immission (ci-après : VLI) ;

-       s’agissant du rayonnement dans les lieux à utilisation sensible (ci-après : LUS) les plus chargés autour de l’installation (numérotés 2 à 7), ces derniers présentaient respectivement une intensité de champ électrique de 4.65 V/m, 4.94 V/m, 4.97 V/m, 4.86 V/m, 4.98 V/m et 4.68 V/m, sur une valeur limite de l’installation (ci-après : VLInst) de 5.0 V/m. La VLInst était respectée pour l’ensemble des LUS ;

-       les antennes nos 7 à 9 seraient utilisées en mode adaptatif et le nombre de sub arrays pour chacune d'elles serait de seize ; trois valeurs, une pour chaque antenne, étaient mises en évidence sous l’intitulé « puissance apparente rayonnée (ci‑après : ERPn) autorisée ». Aucun facteur de correction (KAA) n’était expressément mentionné.

b.  

c. La requête a fait l’objet d’une publication dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) le 1er avril 2022 et d’une mise à l’enquête publique le 12 du même mois.

d. Au cours de l'instruction, le projet a fait l'objet de plusieurs préavis. Toutes les instances, à l'exception de la A______ (ci-après : A______), l'ont préavisé favorablement, sous conditions ou sans observation.

A______ a exposé qu’elle appliquait un moratoire à toute demande de modification d’installation existante ou de pose de nouvelle installation de téléphonie mobile.

e. Après avoir requis la production de pièces complémentaires et rendu un premier préavis favorable sous conditions, le service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA), après examen de la fiche de données spécifique au site du 27 septembre 2021, a délivré un préavis favorable sous conditions le 27 avril 2023.

Faisaient notamment partie des conditions le mesurage de contrôle aux LUS nos 3 à 7 et l’intégration des antennes de l'installation dans le système d’assurance-qualité (ci-après : système AQ) de B______ afin de permettre la surveillance des données d’exploitation.

La fiche de données mentionnait la présence d'antennes adaptatives. Le mode adaptatif était activé pour les antennes nos 7 (ERPn : 600 ; nombre de sub arrays : 16), 8 (ERPn : 590 ; nombre de sub arrays : 16) et 9 (ERPn : 700 ; nombre de sub arrays : 16). L’installation était conforme aux dispositions légales en matière de protection contre le rayonnement non ionisant (ci-après : RNI).

f. Par décision du 6 juin 2023 publiée dans la FAO du même jour, le département a délivré l’autorisation DD 1______/1. Les conditions figurant dans le préavis du SABRA du 27 avril 2023, qui faisait partie intégrante de la décision, devaient être respectées.

C. a. A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation.

b. B______ et le département ont conclu au rejet du recours.

c. C______ ne s'est pas manifestée.

d. Après un second échange d'écritures, le TAPI a rejeté le recours par jugement du 25 janvier 2024.

D. a. Par acte remis au guichet du greffe le 28 février 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation ainsi qu’à celle de l’autorisation de construire DD 1______/1.

Le TAPI n'avait pas examiné la conformité de l’ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant du 23 décembre 1999 (ORNI - RS 814.710) à la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) sous l’angle du principe de précaution en lien les conséquences de l’application du facteur de correction KAA lors de la mise en service d’antennes en mode adaptatif. Il avait ainsi commis un déni de justice.

En toute hypothèse, l'autorisation délivrée et l'application d'un facteur de correction violaient le principe de précaution. Les antennes adaptatives, pendant certaines périodes, émettraient des rayonnements allant au‑delà des valeurs limites. Ceci était d'autant plus problématique que les antennes adaptatives ciblaient leur rayonnement sur les utilisateurs. Dans la mesure où 20% des installations (en général) émettaient au‑delà des valeurs limites, le rayonnement serait plus important que celui prescrit par les dispositions légales. Les effets néfastes des RNI pouvaient se déployer même en tenant compte des valeurs limites, ce que démontraient plusieurs rapports, notamment une étude neuchâteloise. L’OFEV n’avait jamais démontré que le fait de respecter une valeur limite sur une moyenne de temps, alors qu’elle pouvait être dépassée temporairement lors de pics de puissance, offrait la même protection qu’une valeur limite permanente. Il était évident que le respect d'une VLInst en moyenne sur six minutes n'offrait pas le même degré de protection que son respect en tout temps. Les émissions toucheraient en l'occurrence une population d'enfants et de jeunes, particulièrement sensibles et vulnérables.

La légalité de l'application du facteur de correction n'avait pas été examinée. Or, l'opérateur avait indiqué que certaines antennes fonctionneraient en mode adaptatif avec une utilisation potentielle du facteur de correction.

b. B______ a conclu au rejet du recours.

c. Le département a conclu au rejet du recours.

Dans la mesure où l’autorisation n’appliquait pas de facteur de correction et n’imposait pas de limitation automatique de puissance, cela signifiait qu’aucune ERP corrigée ne pouvait être prise en considération, l'ERPn validée par le SABRA valant alors ERPmax. Dans ces circonstances correspondant au « scénario du pire », le SABRA n'avait pas à vérifier la réalisation de la condition préalable dudit facteur.

d. Dans sa réplique, la recourante a relevé que le département avait reconnu avoir délivré l'autorisation pour des antennes qui fonctionneraient en mode adaptatif avec un facteur de correction KAA, ce que B______ avait admis implicitement. L'ERPn indiquée dans la fiche ne correspondait pas à l'ERPmax puisque, compte tenu du nombre de sub arrays, l'ERPmax serait cinq fois supérieure à l'ERPn indiquée dans la fiche complémentaire. Le SABRA n'avait pas pris en compte le facteur de correction et avait considéré que l'ERPn ne serait jamais dépassée. Or, ce n'était pas là le contenu de l'autorisation qui avait été délivrée puisque celle-ci était fondée sur une demande incluant expressément le mode adaptatif, y compris l'utilisation d'un facteur de correction.

e. Une audience s’est tenue devant la chambre administrative le 26 août 2024.

Le représentant de B______ a indiqué que le respect de l'ERPn déterminante était assuré par des logiciels qui donnaient instruction au boîtier de transmission de l'antenne de ne pas dépasser la valeur. Les antennes nos 7 à 9 étaient prévues pour fonctionner en mode adaptatif. L'ERPn indiquée pour ces trois antennes correspondait à l'ERPmax multipliée par le facteur de correction. Ainsi, pour seize sub arrays, elle correspondait à 1/5 de l'ERPmax. Il s'agissait d'une ERP corrigée par l'application du facteur de correction.

La représentante du département a exposé que le SABRA était conscient que les antennes nos 7 à 9 étaient appelées à fonctionner en mode adaptatif et donc que la puissance ERPn indiquée était le résultat de l'application d'un facteur de correction (ERPmax x 0.2). Le SABRA posait comme condition, pour les antennes adaptatives, l'application d'un système de limitation automatique de la puissance. Cette condition était rappelée en l'occurrence dans son préavis (page 1, condition n° 2), en tant que le système devait être intégré dans le système d'assurance qualité. Cette condition était également rappelée au point n° 5 du préavis, par renvoi aux directives de l'OFEV.

f. Dans une écriture spontanée du 11 octobre 2024, A______ a indiqué que selon une étude de la radio-télévision suisse romande (ci-après : RTS), la puissance des antennes 5G et la fixation d'un facteur de correction relevaient d'une décision politique, guidée par des considérations économiques, et non pas d'une analyse scientifiquement fondée. L'ensemble de la jurisprudence reposait faussement sur une prétendue détermination de l'OFEV, puisque ce dernier avait préconisé un facteur de correction bien inférieur à celui finalement retenu.

g. Après que le département et B______ ont répliqué, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours de la commune où se situe l’installation litigieuse est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 57 LPE ; art. 145 al. 2 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 - LCI - L 5 05).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de l'autorisation délivrée à l'opérateur consistant en la construction d’une nouvelle installation de communication mobile comportant neuf antennes dont trois adaptatives.

3.             Dans un grief d'ordre formel, la recourante reproche au TAPI d’avoir commis un déni de justice en omettant d’examiner la conformité de l’ORNI à la LPE et au principe de précaution, y compris en lien avec l'application du facteur de correction KAA.

3.1 Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) implique notamment l’obligation pour l’autorité de motiver ses décisions, afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3 ; 141 V 557 consid. 3.2.1). Il suffit cependant que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause (ATF 142 II 154 consid. 4.2). L’autorité n’est pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties et peut se limiter aux questions décisives (ATF 146 II 335 consid. 5.1 ; 142 II 154 consid. 4.2).

3.2 Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1). En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel lorsqu'elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2).

3.3 La violation du droit d'être entendu doit en principe entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recours sur le fond (ATF 141 V 495 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_740/2017 du 25 juin 2018 consid. 3.2). Une réparation devant l'instance de recours est possible si celle-ci jouit du même pouvoir d'examen que l'autorité précédente (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_46/2020 du 5 mai 2020 consid. 6.2). Le recours à la chambre administrative ayant un effet dévolutif complet, celle-ci dispose d’un libre pouvoir d’examen en fait et en droit (art. 61 LPA). La réparation dépend cependant de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_617/2019 du 27 mai 2020 consid. 3.1). Elle peut se justifier en présence d'un vice grave notamment lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2). Enfin, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de la violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir eu le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/915/2024 du 6 août 2024 consid. 5.4 et l'arrêt cité).

3.4 Le contrôle préjudiciel des ordonnances appartient à toutes les autorités, aussi bien fédérales que cantonales, chargées de les appliquer. Il ne s'agit d'ailleurs pas d'une faculté, mais d'une obligation : l'autorité qui refuse d'examiner la régularité d'une ordonnance, alors même que le recourant a soulevé un tel grief, commet un déni de justice. En cas d'admission du recours, le juge ne pourra pas annuler l'ordonnance qu'il estime inconstitutionnelle ou non conforme à la loi. Il refusera simplement de l'appliquer et cassera la décision fondée sur elle. Il appartiendra ensuite à l'auteur de l'ordonnance de la modifier ou de l'abroger formellement, pour rétablir une situation conforme à la Constitution ou à la loi (arrêt du Tribunal administratif fédéral A‑2852/2018 du 7 février 2019 consid. 2.2.2 et les arrêts cités).

3.5 En l'espèce, le TAPI a indiqué que le bien-fondé des valeurs fixées par les dispositions légales et réglementaires applicables avait été confirmé par la jurisprudence fédérale (consid. 21). Par conséquent, contrairement à ce que soutient la recourante, il apparaît qu'il n'a pas omis d’examiner la question de la conformité de l’ORNI à la LPE et au principe de précaution, sous réserve certes de la problématique du facteur de correction KAA. S'agissant de celle-ci, il ne ressort pas du jugement querellé que le TAPI aurait retenu qu'un facteur de correction KAA était appliqué pour les antennes adaptatives concernées. Par conséquent, dans son interprétation de la situation, la conformité de l'application dudit facteur à la LPE et au principe de précaution n'avait pas de pertinence, si bien qu'il pouvait s'abstenir de traiter ce grief. Dès lors, le TAPI n'a pas commis de déni justice.

Cela étant, devant le TAPI, la recourante s'est plainte de la non-conformité du facteur de correction au principe de prévention. Le TAPI n'a toutefois pas expliqué pourquoi il a considéré qu'aucun facteur de correction KAA n'était appliqué pour les antennes adaptatives concernées, ce qui constitue un défaut de motivation entraînant une violation du droit d'être entendue de la recourante.

Cette violation est toutefois sans conséquence. En effet, elle doit être considérée comme ayant été réparée devant la chambre de céans, celle-ci disposant du même pouvoir d’examen – portant sur les faits et le droit, à l’exclusion de l’opportunité (art. 61 al. 1 et 2 LPA) – que le TAPI (ATA/11/2024 du 9 janvier 2024 consid. 2), et la recourante ayant pu faire valoir ses arguments devant la chambre administrative aussi efficacement que devant le TAPI. Par ailleurs, un renvoi à cette juridiction aboutirait à un allongement inutile de la procédure.

Par conséquent, le grief sera écarté.

4.             Dans deux griefs qui se confondent et qui seront donc traités conjointement, la recourante soutient que le département n'a pas pris en compte l'utilisation du facteur de correction en délivrant l'autorisation querellée et que l'ERPn indiquée dans la fiche spécifique au site ne correspond pas à l'ERPmax.

4.1 La LPE a pour but de protéger les hommes, les animaux et les plantes, leurs biocénoses et leurs biotopes contre les atteintes nuisibles ou incommodantes, et de conserver durablement les ressources naturelles, en particulier la diversité biologique et la fertilité du sol (art. 1 al. 1 LPE).

4.2 La Confédération surveille l’application de la LPE (art. 38 al. 1 LPE). Elle coordonne les mesures d’exécution des cantons ainsi que celles de ses propres établissements et exploitations (art. 38 al. 2 LPE). Conformément aux art. 38 al. 3 LPE et 12 al. 2 2e phr. ORNI, l’application uniforme, au niveau suisse, de la réglementation technique et spécifique en matière de rayonnement non ionisant implique l’élaboration de directives par l’autorité fédérale spécialisée en la matière, à savoir l’OFEV (art. 42 al. 2 LPE). À Genève, il revient au département et à son service spécialisé, le SABRA, de la mettre en œuvre (art. 42 al. 1 LPE).

À cet effet, plusieurs recommandations d’exécution de l’ORNI, élaborées par l’OFEV, sont disponibles sur son site Internet à l’adresse suivante : https://wwwbafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/electrosmog/info-specialistes/
mesures-contre-l-electrosmog/telephonie-mobile--aides-a-lexecution-de-l-orni.
html. Y figurent notamment des modèles actualisés de la fiche de données spécifique au site à notifier conformément à l’art. 11 ORNI, mentionnant les données techniques utiles au calcul du respect des valeurs limites déterminantes, ainsi que la Recommandation d’exécution de l’ORNI relative aux stations de base pour téléphonie mobile et raccordements sans fil (WLL) de l’office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage (OFEFP) publié en 2002 (ci-après : Recommandation OFEFP 2002).

L’introduction des antennes adaptatives en Suisse a conduit l’OFEV à édicter d’autres documents y relatifs, en particulier le « Complément du 23 février 2021 à la Recommandation OFEFP 2002 portant sur les antennes adaptatives » (ci-après : Complément OFEV 2021) et « les explications concernant les antennes adaptatives et leur évaluation l'ORNI » (ci-après : Explications OFEV 2021).

4.3 Afin de protéger l'être humain contre le RNI nuisible ou incommodant, le Conseil fédéral, sur la base de la délégation de compétence de l'art. 13 al. 1 LPE, a édicté l’ORNI (art. 1 ORNI).

Selon l'art. 2 al. 1 ORNI, celle-ci régit la limitation des émissions des champs électriques et magnétiques générées par des installations stationnaires dans une gamme de fréquence allant de 0 Hz à 300 GHz (rayonnement ; let. a), la détermination et l’évaluation des immissions de rayonnement (let. b) et les exigences posées à la définition des zones à bâtir (let. c).

4.4 L’art. 3 ORNI contient les définitions de plusieurs notions.

Selon son al. 3, par LUS, on entend les locaux situés à l’intérieur d’un bâtiment dans lesquels des personnes séjournent régulièrement durant une période prolongée (let. a), les places de jeux publiques ou privées, définies dans un plan d’aménagement (let. b) et les parties de terrains non bâtis sur lesquelles des activités au sens des let. a et b sont permises (let. c).

Aux termes de son al. 6, la VLInst est une limitation des émissions concernant le rayonnement émis par une installation donnée (art. 3 al. 6 ORNI).

L'ERP est la puissance transmise à une antenne, multipliée par le gain de l’antenne dans la direction principale de propagation, rapportée au dipôle de demi‑onde (al. 9).

4.5 Avant qu’une installation pour laquelle des limitations d’émissions figurant à l’annexe 1 de l'ORNI soit construite, réinstallée sur un autre site, remplacée sur son site ou modifiée, le détenteur doit remettre à l’autorité compétente en matière d’autorisations une fiche de données spécifique au site (art. 11 al. 1 ORNI).

L’art. 11 al. 2 ORNI précise que la fiche de données spécifique au site doit contenir les données actuelles et planifiées relatives à la technique et à l’exploitation de l’installation dans la mesure où elles sont déterminantes pour l’émission de rayonnement (let. a), le mode d’exploitation déterminant au sens de l’annexe 1 (let. b), des informations concernant le rayonnement émis par l’installation sur le lieu accessible où ce rayonnement est le plus fort (let. c ch. 1), sur les trois LUS où ce rayonnement est le plus fort (let. c ch. 2), et sur tous les LUS où la valeur limite de l’installation au sens de l’annexe 1 est dépassée (let. c ch. 3) ainsi qu'un plan présentant les informations de la let. c (let. d).

Le contrôle de la charge de rayonnement non ionisant produit par une installation s’effectue en trois étapes : 1) le calcul d’une prévision, 2) la mesure de réception après sa mise en service et 3) la vérification en cours d’exploitation à travers le système d’assurance de la qualité. L’introduction des antennes adaptatives n’a pas changé cette démarche réglant le contrôle de limitation préventive des émissions au sens des art. 4 et 12 ORNI et 11 al. 2 LPE (Explications OFEV 2021, p. 3).

Cette procédure de contrôle, en particulier au stade du calcul de la prévision, repose sur un élément clé, à savoir la fiche (art. 11 al. 1 ORNI). Les données correspondantes servent de base pour le permis de construire et sont contraignantes pour l'opérateur. Ainsi, une nouvelle installation de radiocommunications mobiles et son exploitation ne peuvent être approuvées que s'il apparaît certain, en fonction d'une prévision mathématique calculée sur la base des données figurant sur la fiche, que les valeurs limites fixées par l'ORNI peuvent probablement être respectées (art. 4 ss ORNI ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.264/2000 du 24 septembre 2002 consid. 8.1 non publié aux ATF 128 II 378).

4.6 Le ch. 62 de l’annexe 1 ORNI définit plusieurs notions, notamment celle d'antennes émettrices adaptatives, soit les antennes émettrices exploitées de sorte que leur direction d’émission ou leur diagramme d’antenne est adapté automatiquement selon une périodicité rapprochée (al. 6).

4.7 Le ch. 63 de l’annexe 1 ORNI traite du mode d’exploitation déterminant. Par mode d’exploitation déterminant, on entend le mode d’exploitation dans lequel un maximum de conversations et de données est transféré, l’émetteur étant au maximum de sa puissance.

Selon le ch. 63 al. 2 annexe 1 ORNI, en vigueur depuis le 1er janvier 2022, s’agissant des antennes émettrices adaptatives qui possèdent au moins huit sous‑ensembles d’antennes commandés séparément (sub arrays), un facteur de correction KAA peut être appliqué à l’ERP maximale lorsque les antennes émettrices sont équipées d’une limitation de puissance automatique. Cette limitation vise à garantir que, durant l’exploitation, l’ERP moyenne sur une durée de six minutes ne dépasse pas l’ERP corrigée.

La limitation automatique de la puissance est une application logicielle implémentée sur l’antenne. Elle détecte en permanence la puissance totale de l’antenne adaptative émise dans un secteur radio. Si, sur de courtes périodes, des pics de puissance supérieurs à la puissance d’émission ERPn déclarée dans la fiche de données spécifique au site se produisent, la puissance est réduite (et donc la capacité fournie) de telle sorte que la puissance émettrice moyenne sur une période de six minutes ne dépasse pas la puissance d’émission déclarée. Le système automatique calcule donc en permanence la « moyenne mobile » de la puissance émettrice des six dernières minutes. S’il est prévisible que cette moyenne courante puisse dépasser la puissance autorisée, la puissance est réduite de telle sorte que la valeur moyenne reste sûrement en dessous du seuil spécifié. (Explications OFEV 2021, chap. 7 p. 21).

Les facteurs de correction KAA suivants s’appliquent :

Nombre de sub arrays

Facteur de correction KAA

64 et plus

≥ 0,10

32 à 63

≥ 0,13

16 à 31

≥ 0,20

8 à 15

≥ 0,40

(ch. 63 al. 3 annexe 1 ORNI).

Si un facteur de correction KAA est appliqué aux antennes émettrices adaptatives existantes, le détenteur de l’installation remet à l’autorité compétente une fiche de données spécifique au site adaptée (ch. 63 al. 4 annexe 1 ORNI).

4.7.1 L'application du facteur de correction aux antennes adaptatives autorisées jusqu'à présent selon le « scénario du pire » entraîne des pics de puissance qui peuvent être nettement (jusqu'à dix fois selon le facteur de correction) supérieurs à la puissance d'émission maximale actuelle. La puissance d'émission autorisée ne doit plus être respectée qu'en moyenne sur six minutes. Cela a pour conséquence que l'intensité de champ électrique calculée pour un LUS peut être dépassée à court terme d'un facteur 3 au maximum (ATF 150 II 379 consid. 4.2).

Le facteur de correction KAA est appliqué à la puissance d’émission maximale possible pour tenir compte de la variabilité des directions d’émission et des diagrammes d’antenne (Explications OFEV 2021, chap. 7, p. 21). Il dépend du nombre de sous-ensembles d’antennes commandées séparément (sub arrays ; Complément OFEV 2021, chap. 3.2, p. 8). Le facteur de correction ne peut pas être appliqué pour les antennes adaptatives exploitées sans limitation de puissance automatique active, ni pour les antennes non adaptatives (Complément OFEV 2021, chap. 3.3.2, p. 10).

Le facteur de correction des antennes adaptatives doit être enregistré dans le système AQ. Il ne peut être appliqué que si le système d’assurance de la qualité et la limitation de puissance automatique ont été vérifiés par un service de contrôle externe indépendant (Complément OFEV 2021, chap. 3.3.2, p. 9).

4.7.2 Selon les Explications OFEV 2021 (chap. 7, p. 21), pour les antennes adaptatives, le mode d’exploitation déterminant, dans lequel la VLInst doit être respectée, est déterminé sur la base des deux éléments suivants : la puissance d’émission maximale possible (ERPmax, n) et le facteur de correction KAA.

Ainsi, la puissance d’émission déterminante ERPn de l’antenne adaptative s’exprime : ERPn = ERPmax,n x KAA. Elle correspond à la puissance d’émission maximale multipliée par le facteur de correction. Cette ERPn est saisie dans la fiche de données spécifique au site et utilisée en combinaison avec les diagrammes d’antenne enveloppants pour calculer l’intensité du champ électrique dans le but de contrôler le respect de la VLInst dans les LUS (Explications OFEV 2021, chap. 7, p. 21).

4.7.3 Depuis la publication du Complément OFEV 2021, des questions ont été soulevées par les services cantonaux du RNI et les opérateurs. Dès lors, l'OFEV a publié le 14 juin 2021 un document intitulé « questions fréquentes sur l’aide à l’exécution pour les antennes adaptatives », complété le 31 août 2021. Selon ce document (page 5), des questions de compréhension ont été soulevées concernant le champ « mode adaptatif » dans la fiche complémentaire de la fiche de données spécifiques au site. Le champ doit être interprété comme suit : « mode adaptatif avec KAA < 1 ». Une précision correspondante dans la fiche complémentaire 2 apporte de la clarté. Les antennes sont déclarées dans la fiche complémentaire 2 comme suit :

-          sous le champ « Type de l’antenne » est ajouté un nouveau champ « Mode adaptatif avec KAA < 1 » qu’il faut remplir avec :

- « oui » pour les antennes exploitées en mode adaptatif avec une puissance d’émission sur laquelle s’applique un facteur de correction KAA plus petit que 1 selon le tableau 1 de l’aide à l’exécution, ou avec

- « non » pour toutes les autres antennes

-          Si le champ « Mode adaptatif avec KAA < 1 » est désigné par « oui », le nombre de sub arrays doit être indiqué dans un autre champ. (p. 5).

En raison de cette définition du mode d’exploitation déterminant, il peut arriver en exploitation réelle que la puissance émettrice déterminante ERPn soit dépassée durant une courte période (au maximum jusqu’à la puissance d’émission ERPmax n). C’est pour cette raison que le facteur de correction peut être appliqué seulement si l’antenne adaptative est dotée d’une limitation automatique de la puissance (Explications OFEV 2021, chap. 7, p. 22).

4.7.4 Dans un arrêt de 2024, le Tribunal fédéral a eu à connaître d'un cas dans lequel une autorité, après avoir délivré une autorisation de construire pour une installation d'antennes de téléphonie mobile, a annulé, à la suite d'une demande de reconsidération, la condition qui y avait été fixée, selon laquelle les facteurs de correction des antennes adaptatives de l'installation autorisée ne devaient pas être appliqués. Saisi par des riverains d'un recours contre cette décision en reconsidération, le tribunal cantonal a annulé celle-ci et son jugement a fait l'objet d'un recours de l'opérateur devant le Tribunal fédéral. Celui-ci a considéré qu'il n'était pas établi que l'autorité ayant délivré le permis de construire avait examiné l'application des facteurs de correction aux antennes adaptatives. Au contraire, elle ne les avait mentionnés dans le permis de construire qu'en relation avec la condition qui y avait été fixée, selon laquelle aucun de ces facteurs ne devait être appliqué pour les antennes adaptatives. L'autorité était manifestement partie du principe que la fiche de données spécifiques au site ne prévoyait pas l'application de facteurs de correction. Or, il ne suffisait pas, pour autoriser leur application, que la fiche de données spécifiques au site mentionnât uniquement que, parmi les antennes à autoriser, certaines fonctionnaient de manière adaptative et que le nombre de sub arrays y fût indiqué (en comparaison [« vgl. dagegen »] avec le document intitulé « questions fréquemment posées concernant l'aide à l'exécution pour les antennes adaptatives du 14 juin 2021, y compris les compléments du 31 août 2021 », page 5). L'application des facteurs de correction aux antennes adaptatives présupposait au contraire que la fiche de données spécifiques au site, sur la base de laquelle le permis de construire devait être délivré, expose l'application concrète des facteurs de correction (arrêt du Tribunal fédéral 1C_310/2024 du 18 octobre 2024 consid. 2.2). Le Tribunal fédéral a ainsi rejeté le recours.

4.8 Selon le ch. 64 annexe 1 ORNI, la VLInst pour la valeur efficace de l’intensité de champ électrique est de 4 V/m pour les installations qui émettent exclusivement dans la gamme de fréquence autour de 900 MHz ou dans des gammes de fréquence plus basses (let. a), 6 V/m pour les installations qui émettent exclusivement dans la gamme de fréquence autour de 1800 MHz ou dans des gammes de fréquence plus élevées (let. b) et 5 V/m pour toutes les autres installations (let. c).

4.9 Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités et n’ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l’autorité reste ainsi libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu’un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/1376/2024 du 26 novembre 2024 consid. 4.11 et les références citées).

5.             En l’espèce, le projet de construction porte sur l’installation d’un mât comportant neuf antennes, fixé sur la superstructure du bâtiment sis 16B chemin F______. Trois antennes (nos 7 à 9) seront utilisées en mode adaptatif, comprenant chacune seize sub arrays. Il s’agit d’un groupe d’antennes (ch. 62 al. 1 annexe 1 ORNI) et d’une installation nouvelle au sens de l’art. 3 al. 2 let. c ORNI. Il n'est pas contesté que le groupe d'antennes est soumis à une émission maximale de 5 V/m (ch. 64 let. c annexe I ORNI), comme le prévoit également la fiche de données spécifique au site fournie dans le cadre de l'autorisation querellée.

L'opérateur a confirmé que les antennes nos 7 à 9 étaient prévues pour fonctionner en mode adaptatif, avec un facteur de correction, point qui demeure litigieux.

5.1 La fiche de données spécifique au site mentionne la présence de trois antennes adaptatives (« mode adaptatif : oui ») et le nombre de sub arrays (seize) qui y est associé. L'ERPn correspondante y est reportée mais aucun facteur de correction (KAA) n'est expressément mentionné. Si ces indications étaient certes suffisantes pour autoriser l'application d'un facteur de correction au regard des exigences posées par l'OFEV jusqu'au 31 août 2021 et la publication du document intitulé « questions fréquentes sur l’aide à l’exécution pour les antennes adaptatives », elles ne le sont plus depuis cette publication, étant précisé que celle-ci est antérieure tant à l'établissement de la fiche de données spécifiques au site produite par l'opérateur qu'au dépôt de la demande. En effet, contrairement à ce que prévoit le document intitulé « questions fréquentes sur l’aide à l’exécution pour les antennes adaptatives », la fiche ne contient aucune indication sur l'application d'un facteur de correction KAA plus petit que 1, étant relevé qu'un fonctionnement adaptatif n'implique pas nécessairement l'application d'un facteur de correction. En outre, comme l'a récemment jugé le Tribunal fédéral dans l'arrêt 1C_310/2024 précité, il ne suffit pas, pour autoriser l'application de facteurs de correction, que la fiche de données spécifiques au site mentionne, comme en l'espèce, uniquement que, parmi les antennes à autoriser, certaines fonctionnent de manière adaptative et que le nombre de sub arrays y soit indiqué. L'application des facteurs de correction aux antennes adaptatives présuppose au contraire que la fiche de données spécifiques au site expose l'application concrète des facteurs de correction (consid. 2.2), ce qui n'est pas le cas en l'occurrence.

Il apparaît donc, prima facie, que les informations contenues dans la fiche ne sont pas suffisantes pour autoriser l'application des facteurs de correction.

Toutefois, la chambre de céans a procédé à l'audition des parties. À cette occasion, le SABRA a confirmé, contrairement certes à ce qu'a soutenu le département dans ses écritures préalables, qu'il était conscient que les antennes nos 7 à 9 seraient appelées à fonctionner en mode adaptatif et donc que la puissance ERPn indiquée dans la fiche est le résultat de l'application d'un facteur de correction (ERPmax x 0.2 en l'occurrence). Ainsi, s'il est certes regrettable qu'aucune indication en ce sens ne figure de façon suffisamment claire dans la fiche ni n'ait d'ailleurs été expressément reportée dans le préavis du SABRA, on ne saurait retenir que ce dernier est parti du principe que la fiche de données spécifiques au site ne prévoyait pas l'application de facteurs de correction. Au contraire, vu les indications données par le département en audience, le SABRA a interprété, depuis le début de la procédure, les informations indiquées dans la fiche de donnés spécifique au site comme impliquant l'application d'un facteur de correction pour les antennes adaptatives, ce qui correspond à la volonté de l'opérateur. Ce dernier a ainsi pris en compte l'utilisation d'un facteur de correction dans son analyse de la fiche spécifique au site. En cela, la présente cause se différencie sur un point déterminant de l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_310/2024 précité.

Par conséquent, la chambre de céans retiendra que, dans ces circonstances particulières, le département a autorisé l'application des facteurs de correction, ce qu'il pouvait du reste valablement faire, aucun élément ne permettant de remettre en cause les valeurs produites dans la fiche de données ni les calculs effectués par l'opérateur, dont les résultats sont conformes à la loi, les VLI et la VLInst, en particulier dans les LUS, étant respectées (les LUS présentant tous une intensité de champ électrique inférieure à 5.0 V/m). En effet, le SABRA, dont le préavis est important, puisqu'il est le service spécialisé en matière de protection contre les rayonnements non ionisants (art. 4 al. 1 du règlement sur la protection contre le bruit et les vibrations du 12 février 2003 - RPBV - K 1 70.10), a délivré un préavis favorable, sous conditions, après examen de ladite fiche, après avoir vérifié les calculs effectués par l'opérateur, en étant conscient que le calcul de l'ERPn déterminante incluait un facteur de correction et sur la base de données correspondant à l'exploitation prévue des antennes.

La chambre de céans constatera donc que l'autorisation litigieuse prévoit expressément l'application d'un facteur de correction pour les antennes adaptatives nos 7 à 9 et que l'ensemble des valeurs limites sont respectées.

Le caractère lacunaire de la fiche de données spécifique au site ne saurait ainsi empêcher l'opérateur d'appliquer un facteur de correction ou conduire à l'annulation de l'autorisation litigieuse. Au demeurant, annuler la décision et renvoyer la cause au département alors que toutes les parties, y compris la recourante, ont compris, dès le début de la procédure, que l'application d'un facteur de correction était demandée et que toutes les informations pertinentes et correspondant aux opérations prévues lors de la mise en service des antennes sont ainsi en main des parties serait constitutif de formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst. (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 II 244 consid. 2.4.2), constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, incompatible avec l'intérêt des parties à ce que la cause soit traitée dans un délai raisonnable (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_226/2024 du 15 novembre 2024 consid. 3.3).

Il sied toutefois de préciser que des questions de sécurité juridique notamment commandent qu'à l'avenir, l'opérateur fournisse une fiche de données spécifiques répondant aux exigences du document intitulé « questions fréquentes sur l’aide à l’exécution pour les antennes adaptatives », complété le 31 août 2021, conformément à la jurisprudence précitée du Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 1C_310/2024 précité consid. 2.2).

5.2 La recourante ne peut rien tirer de son argument selon lequel l'ERPn indiquée dans la fiche spécifique au site ne correspond pas à l'ERPmax, puisqu'elle est partie du principe erroné que l'autorité n'avait pris en compte aucun facteur de correction.

Il sied également de préciser que pour les antennes adaptatives faisant l'objet d'un facteur de correction KAA, comme celles concernées par le projet litigieux, seule est déterminante l'ERPn, qui correspond à la puissance d’émission maximale (ERPmax) multipliée par le facteur de correction (ch. 63 al. 2 et 3 ORNI). Ainsi, contrairement à une antenne non adaptative ou pour laquelle aucun facteur de correction n'est appliqué, l'ERPn ne correspond pas à l'ERPmax.

Par ailleurs, vu l'application du facteur de correction, il est sans conséquence que l'ERPn soit ponctuellement dépassée en cas de pics de puissance, puisqu'avec l'application de ce facteur, la puissance d'émission autorisée ne doit plus être respectée qu'en moyenne sur six minutes, si bien que des dépassements ponctuels de l'ERPn sont autorisés.

5.3 Enfin, bien qu'aucune pièce fournie par l'opérateur ne permette d'attester de la présence d'une limitation automatique de la puissance sur les antennes adaptatives litigieuses, le représentant de l'opérateur a confirmé en audience que le respect de l'ERPn était assuré par des logiciels qui donnaient instruction au boitier de transmission de l'antenne de ne pas dépasser la valeur. Les représentants du département ont quant à eux rappelé que le SABRA avait, dans son préavis, posé comme condition, pour les antennes adaptatives, l'application d'un système de limitation automatique de la puissance, ce qui ressortait de la deuxième condition, en tant que le système devait être intégré dans le système d'assurance qualité. Cette condition était également rappelé au point n° 5 du préavis, par renvoi aux directives de l'OFEV. Ces affirmations correspondent effectivement à la teneur du préavis du SABRA. Par conséquent, il apparaît, d'une part, qu'un système de limitation automatique de la puissance sur les antennes adaptatives litigieuses a été prévu par l'opérateur et, d'autre part, que le facteur de correction ne pourra être appliqué que si ce système est installé, les conditions du préavis du SABRA, qui incluent cet élément, faisant partie intégrante de l'autorisation délivrée. Celle-ci ne consacre ainsi aucune violation du ch. 63 al. 2 annexe 1 ORNI.

Au vu de ce qui précède, le grief sera écarté.

6.             La recourante se plaint de la non-conformité de l'ORNI et de l'application du facteur de correction prévue par cette ordonnance au principe de précaution.

6.1 La Confédération et les cantons œuvrent à l'établissement d'un équilibre durable entre la nature, en particulier sa capacité de renouvellement, et son utilisation par l'être humain (art. 73 Cst.). Selon l'art. 74 Cst., la Confédération légifère sur la protection de l'être humain et de son environnement contre les atteintes nuisibles ou incommodantes (al. 1). Elle veille à prévenir les atteintes nuisibles ou incommodantes pour l'être humain et son environnement naturel (al. 2).

6.2 Les atteintes qui pourraient devenir nuisibles ou incommodantes seront réduites à titre préventif et assez tôt (art. 1 al. 2 LPE). La notion d’atteintes est définie à l’art. 7 al. 1 LPE ; il s’agit entre autre des pollutions atmosphériques, bruit, vibrations ou rayons. Les atteintes sont dénommées « émissions » au sortir des installations et « immissions » au lieu de leur effet (art. 7 al. 2 LPE).

La limitation des nuisances en matière de rayons est régie par les art. 11 ss LPE s’agissant des émissions et par les art. 13 ss LPE s’agissant des immissions. La limitation des émissions se traduit par des mesures de limitation prises à la source (art. 11 al. 1 LPE). Indépendamment des nuisances existantes, il importe, à titre préventif, de limiter les émissions dans la mesure que permettent l’état de la technique et les conditions d’exploitation et pour autant que cela soit économiquement supportable (art. 11 al. 2 LPE). Les émissions seront limitées plus sévèrement s’il appert ou s’il y a lieu de présumer que les atteintes, eu égard à la charge actuelle de l’environnement, seront nuisibles ou incommodantes (art. 11 al. 3 LPE).

Le Conseil fédéral édicte par voie d’ordonnance des VLI applicables à l’évaluation des atteintes nuisibles ou incommodantes (art. 13 al. 1 LPE). Ce faisant, il tient compte également de l’effet des immissions sur des catégories de personnes particulièrement sensibles, telles que les enfants, les malades, les personnes âgées et les femmes enceintes (art. 13 al. 2 LPE). En matière de rayonnement non ionisant, le Tribunal fédéral applique par analogie l’art. 14 let. a LPE selon lequel les VLI des pollutions atmosphériques sont fixées de manière que, selon l’état de la science et l’expérience, les immissions inférieures à ces valeurs ne menacent pas les hommes, les animaux et les plantes, leurs biocénoses et leurs biotopes (ATF 146 II 17 consid. 6.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_693/2021 du 3 mai 2023 consid. 3.1).

6.3 L'art. 1 al. 2 LPE précité concrétise le principe de précaution. L’art. 11 al. 2 et 3 LPE consacre les principes de prévention et de précaution. Si les mesures prises à titre préventif sur la base des critères posés par l’art. 11 al. 2 LPE ne sont pas suffisantes pour éviter des atteintes nuisibles ou incommodantes, des mesures plus sévères devront être prises, sur la base de l’art. 11 al. 3 LPE (Laurent PFEIFFER/Céline MARK, Protection de l'environnement et de la nature/l’ancrage scientifique en matière de protection contre le rayonnement non ionisant, in Environnement et justice, mélanges en l'honneur de la Professeure Anne-Christine FAVRE, p. 332 et la référence citée).

Il convient ainsi de distinguer le principe de prévention, voué à l’anticipation de risques avérés dont l’existence est connue et établie, du principe de précaution, une forme particulièrement développée du premier qui oblige la prévention à se projeter au-delà des certitudes et des résultats scientifiquement validés (ibid., p. 331). Le principe de précaution postule qu'en cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement (ATF 132 II 305 consid. 4.3).

La mise en œuvre du principe de précaution se traduira par des mesures souvent provisoires, basées sur des études appelées à être révisées en fonction des nouvelles connaissances scientifiques. À l’inverse, les mesures d’application du principe de prévention seront de nature plus stable, puisqu’elles seront basées sur des expertises et des connaissances établies. Le principe de la prévention se traduira ainsi notamment par des mesures telles que la fixation de seuils de nuisances (Laurent PFEIFFER/Céline MARK, op.cit., p. 331 et les références citées).

6.4 En application du principe de prévention posé à l'art. 11 al. 2 LPE et repris à l'art. 4 al. 1 ORNI, les installations concernées ne doivent pas dépasser les valeurs limites d'émission prescrites par l'annexe 1 ORNI dans les LUS (ch. 15 annexe 1 ORNI).

Les installations doivent être construites et exploitées de telle façon que les limitations préventives des émissions définies à l’annexe 1 ne soient pas dépassées (art. 4 al. 1 ORNI).

S’il est établi ou à prévoir qu’une installation entraînera, à elle seule ou associée à d’autres installations, des immissions dépassant une ou plusieurs VLI de l’annexe 2, l’autorité impose une limitation d’émissions complémentaire ou plus sévère (al. 1). L’autorité complète ou rend plus sévères les limitations d’émissions jusqu’à ce que les VLI ne soient plus dépassées (art. 5 al. 2 ORNI).

L’autorité veille au respect des limitations des émissions (art. 12 al. 1 ORNI). Pour vérifier si la valeur limite de l’installation, au sens de l’annexe 1, n’est pas dépassée, elle procède ou fait procéder à des mesures ou à des calculs, ou elle se base sur des données provenant de tiers. L’OFEV recommande des méthodes de mesure et de calcul appropriées (art. 12 al. 2 ORNI).

6.5 Les VLI au sens de l’annexe 2 doivent être respectées partout où des personnes peuvent séjourner (art. 13 al. 1 ORNI).

Selon l'art. 14 ORNI, l’autorité détermine les immissions lorsqu’il y a des raisons d’admettre que les immissions dépassent des valeurs limites au sens de l’annexe 2 (al. 1). Pour ce faire, elle procède ou fait procéder à des mesures ou à des calculs, ou elle se base sur des données provenant de tiers. L’OFEV recommande des méthodes de mesure et de calcul appropriées (al. 2). Les immissions sont déterminées en tant qu’intensité de champ électrique, intensité de champ magnétique, densité de flux magnétique, courant de fuite ou courant de contact pour le mode d’exploitation de l’installation qui en produit le plus (al. 4).

L’autorité apprécie si les immissions dépassent une ou plusieurs valeurs limites d’immissions de l’annexe 2 (art. 15 ORNI).

6.6 L’annexe 1 ORNI traite de la limitation préventive des émissions, notamment pour les stations émettrices pour téléphonie mobile et raccordements téléphoniques sans fil (ch. 6).

Les installations (nouvelles ou anciennes) ne doivent pas dépasser la VLInst dans les LUS dans le mode d’exploitation déterminant (ch. 65 annexe 1 ORNI).

6.7 Les VLI, – qui sont fondées pour l’essentiel sur les valeurs limites élaborées et recommandées par la Commission internationale pour la protection contre le rayonnement non ionisant (ci-après : ICNIRP), un organisme indépendant fondé en 1992 (ATF 126 II 399 consid. 3b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_573/2023 du 31 octobre 2024 consid. 7.2 ; 1A.280/2004 du 27 octobre 2005 consid. 2.2) –, et les VLInst de l'ORNI sont principalement adaptées à la protection de l'homme (arrêts du Tribunal fédéral 1C_579/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.4 ; 1C_254/2017 du 5 janvier 2018 consid. 9.2). La doctrine a au surplus relevé que les valeurs limites prévues dans l'ORNI étaient dix fois plus strictes que celles recommandées par ICNIRP (ATA/434/2024 du 26 mars 2024 consid. 5.2 ; Joel DRITTENBASS, Risk‑Based Approach als Konkretisierungsvariante des umweltschutzrechtlichen Vorsorgeprinzips : Angewendet am neuen 5G‑Mobilfunkstandard, DEP 2021-2 p. 138).

6.8 Afin de concrétiser le principe de précaution selon les art. 1 al. 2 et 11 al. 2 LPE, le Conseil fédéral a fixé des VLInst qui sont inférieures aux VLI. Les VLInst ne présentent pas de lien direct avec des dangers avérés pour la santé, mais ont été fixées en fonction des critères de l'art. 11 al. 2 LPE, soit de l'état de la technique, des conditions d'exploitation et du caractère économiquement supportable, afin de réduire au maximum le risque d'effets nocifs, dont certains ne sont que supposés et pas encore prévisibles (ATF 126 II 399 consid. 3b). En fixant les VLInst, le Conseil fédéral a ménagé une marge de sécurité afin de prévenir les dangers avérés pour la santé (ATF 128 II 378 consid. 6.2.2). L'autorité compétente, soit l'OFEV, continue à suivre de près la recherche sur les effets sanitaires des rayonnements non ionisants de haute fréquence ; il examine les rapports de synthèse établis dans le monde entier par des groupes d'experts internationaux et des autorités spécialisées, et examine en détail la pertinence de ces évaluations sur la fixation des valeurs limites de l'ORNI (ATF 126 II 399 consid. 3 et 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_296/2022 du 7 juin 2023 consid. 2.2).

6.8.1 En 2014, l'OFEV a créé le groupe consultatif d'experts en matière de rayonnement non ionisant (BERENIS), qui réunit des chercheurs de premier plan dans ce domaine au niveau national, afin de lui apporter un soutien scientifique. Ce groupe, qui comprend également une représentation de médecins en faveur de l'environnement, examine en permanence les travaux scientifiques publiés sur le sujet et sélectionne pour une évaluation détaillée ceux qui revêtent une importance pour la protection de la population. Il s'agit ainsi d'identifier rapidement les risques potentiels et, si possible, de ne négliger aucun indice d'une éventuelle nocivité nécessitant une réaction (arrêt du Tribunal fédéral 1C_694/2021 du 3 mai 2023 consid. 5.1.2).

6.8.2 Le groupe de travail « Téléphonie mobile et rayonnements » mis en place par le DETEC en 2018 a publié le 18 novembre 2019 son rapport relatif au développement de la 5G. Il a conclu qu'aucun effet cohérent sur la santé n'a été démontré à ce jour en dessous des valeurs guides de l'ICNIRP (ou des valeurs limites d'immissions de l'ORNI) et avec les fréquences de téléphonie mobile utilisées actuellement. Il n'existe guère d'études sur des personnes dont le corps entier est exposé dans la zone de la valeur limite. Dans la vie quotidienne, de telles expositions, bien qu'en principe possibles, n'existent pratiquement pas, ce qui rend les études d'observation difficiles. Dans les études épidémiologiques, les personnes les plus exposées le sont beaucoup moins (environ 0.2-1 V/m), ces expositions n'indiquant pas d'effets sur la santé. De très nombreuses études in vitro et in vivo ont été menées. Celles-ci ont souvent mis en évidence des effets biologiques, mais les résultats ne sont pas cohérents. Par exemple, il n'y a pas de modèle cohérent en ce qui concerne les relations exposition-effet ou la question de savoir quelles cellules seraient particulièrement sensibles (arrêt du Tribunal fédéral 1C_694/2021 du 3 mai 2023 consid. 5.1.3).

6.8.3 Dans l'édition spéciale de juillet 2020 de sa newsletter, BERENIS a examiné les nouvelles directives de l'ICNIRP. Elle a indiqué que le niveau de protection de la population n'avait en principe pas changé avec les nouvelles valeurs guides. Même si, selon l'ICNIRP, aucun effet sur la santé n'a pu être démontré en dessous des VLI, il subsiste encore quelques incertitudes à ce sujet. Des études cellulaires et animales ont montré des effets relativement cohérents sur le stress oxydatif, même en dessous des valeurs limites, bien que cette augmentation ne puisse pas être clairement associée à des effets à long terme sur la santé. Les études épidémiologiques sur l'exposition à long terme du corps entier à des niveaux supérieurs à 1 V/m sont insuffisantes. En raison de ces incertitudes, BERENIS continue de recommander l'application systématique du principe de précaution par le biais des VLInst de l'ORNI pour les immissions des stations émettrices fixes. L'édition spéciale de la newsletter BERENIS de janvier 2021 conclut que la majorité des études animales et plus de la moitié des études cellulaires indiquent une augmentation du stress oxydatif dû à l'exposition au rayonnement non ionisant, y compris en-dessous des valeurs limites de l'installation. Les organismes et les cellules sont capables de réagir au stress oxydatif et de nombreuses études montrent qu'ils s'adaptent après une phase de récupération. On peut s'attendre à ce que les effets sur la santé soient plus nombreux chez les individus présentant des affections préalables telles que des déficiences immunitaires ou des maladies (diabète, maladies neurodégénératives). De plus, les études montrent que les individus très jeunes ou âgés peuvent réagir moins efficacement au stress oxydatif, ce qui est bien sûr également valable pour d'autres facteurs provoquant un stress oxydatif. Des études plus approfondies dans des conditions standardisées sont toutefois nécessaires pour mieux comprendre et confirmer ces phénomènes et observations (arrêt du Tribunal fédéral 1C_694/2021 du 3 mai 2023 consid. 5.1.4). Cela étant, en l'état des connaissances, la limitation préventive des émissions par l'application des valeurs limites actuelles respecte le principe de prévention (arrêts du Tribunal fédéral 1C_296/2022 du 7 juin 2023 consid. 2.3 ; 1C_100/2021 du 14 février 2023 consid. 5).

6.8.4 En ce qui concerne la prise en compte des connaissances empiriques, un réseau national de conseil médical en matière de rayonnement non ionisant a notamment été ouvert sur mandat de l'OFEV (OFEV, Protection contre le rayonnement de la téléphonie mobile : ouverture du service de conseil, communiqué de presse du 8 septembre 2023, en ligne : « https://www.bafu.admin.ch » [consulté le 6 décembre 2024]). Le service interdisciplinaire dirigé par des médecins doit enregistrer systématiquement les cas individuels et rendre compte régulièrement à l'OFEV et à l'office fédéral de la santé publique (OFSP) des observations de cas individuels et des éventuelles corrélations systématiques. Cela doit permettre d'acquérir des connaissances en vue d'effectuer des recherches sur des cas précis et/ou d'examiner des mesures (groupe de travail « Téléphonie mobile et rayonnement », rapport « Téléphonie mobile et rayonnement », 18 novembre 2019, p. 105). Il faut donc partir du principe que les autorités compétentes se sont acquittées de leur tâche consistant à suivre la recherche internationale ainsi que l'évolution technique concernant le rayonnement non ionisant généré par les installations de téléphonie mobile et à proposer, le cas échéant, une adaptation des valeurs limites fixées dans l'ORNI. Il n'y a pas de violation du droit fédéral à cet égard (arrêts du Tribunal fédéral 1C_573/2023 précité consid. 7.4 ; 1C_176/2022 du 18 juillet 2024 consid. 4.3.2).

6.9 De jurisprudence constante, le principe de prévention est réputé respecté en cas de respect de la VLInst dans les LUS où cette valeur s'applique (ATF 133 II 64 consid. 5.2 ; 126 II 399 consid. 3c). Il appartient toutefois à l'autorité fédérale spécialisée, soit l'OFEV, de suivre l'évolution de la recherche et des connaissances en la matière. Cela étant, vu la marge de manœuvre dont dispose le Conseil fédéral s'agissant de l'établissement des valeurs limites, seuls de solides éléments démontrant de nouvelles connaissances fondées scientifiquement justifient de remettre en cause ces valeurs (arrêts du Tribunal fédéral 1C_573/2023 précité consid. 7.2 ; 1C_296/2022 du 7 juin 2023 consid. 2.1).

6.10 Dans l'ATF 150 II 379, le Tribunal fédéral a rappelé les modifications dont a fait l'objet l'ORNI pour tenir compte des antennes adaptatives depuis le 17 avril 2019.

6.10.1 Le 17 avril 2019, le Conseil fédéral a adapté l'annexe 1 de l'ORNI à la nouvelle technologie des antennes : il a défini les antennes adaptatives au ch. 62 al. 6 et complété le ch. 63 ORNI en précisant que, pour les antennes adaptatives, la variabilité des directions d’émission et des diagrammes d’antenne était prise en considération pour la détermination du mode d'exploitation déterminant. Les modalités de la concrétisation de ce principe devaient être traitées dans des aides à l’exécution. L'OFEV n'a toutefois pas été en mesure de publier une aide à l'exécution correspondante dès l'entrée en vigueur de la révision de l'ordonnance. Ainsi, dans l'intervalle, il a recommandé aux services cantonaux chargés du RNI de calculer le rayonnement des antennes adaptatives comme pour les antennes conventionnelles, c'est-à-dire en se basant sur un diagramme d'antenne qui tenait compte du gain maximal possible de l'antenne pour chaque direction d'émission (considération dite du « worst case »). Cela garantirait que l'évaluation pour la population concernée par le rayonnement d'une station de téléphonie mobile reste sûre et que l'exposition à long terme soit maintenue à un niveau bas dans tous les cas, compte tenu du principe de précaution et en raison des questions techniques qui restaient alors encore ouvertes (ATF 150 II 379 consid. 2.2 et les références citées).

6.10.2 Le 23 février 2021, l'OFEV a publié le Complément OFEV 2021. Celui-ci prévoit l'application d'un facteur de correction pour les antennes adaptatives. L'OFEV a constaté qu'avec le « scénario du pire », le rayonnement effectif dans l'environnement de l'antenne était surestimé, car la puissance d'émission maximale n'était pas émise simultanément dans chaque direction (ATF 150 II 379 consid. 2.3).

6.10.3 Enfin, le 17 décembre 2021, le Conseil fédéral a intégré les principaux éléments du Complément OFEV 2021 dans l'annexe 1 ORNI (RO 2021 901, en vigueur depuis le 1er janvier 2022) et a modifié son ch. 63 al. 2 (ATF 150 II 379 consid. 2.4), dont la teneur est rappelée ci-avant (consid. 4.7).

6.11 La modification de l'ORNI définit le mode d'exploitation déterminant pour les antennes adaptatives (ch. 63 al. 2 et 3 annexe 1) avec des facteurs de correction (KAA) permettant de tenir compte du fait que la puissance d'émission maximale n'est pas atteinte dans toutes les directions simultanément, de sorte que l'exposition globale au rayonnement est plus faible. L'objectif est que les antennes adaptatives ne soient ni avantagées ni désavantagées par rapport aux antennes conventionnelles et que le niveau de protection existant contre le rayonnement soit maintenu (arrêt du Tribunal fédéral 1C_693/2021 du 3 mai 2023 consid. 4.2 ; rapport explicatif concernant la révision de l'ORNI du 17 décembre 2021, ch. 4.4 p. 8). L'égalité de traitement des antennes adaptatives et traditionnelles a pour conséquence que le gain d'efficacité de la nouvelle technologie profite à la protection contre le rayonnement non ionisant. Cela résulte du fait que les antennes adaptatives sont considérées comme si elles émettaient la puissance maximale simultanément dans toutes les directions d'émission possibles, alors qu'elles n'en sont pas capables (arrêts du Tribunal fédéral 1C_481/2022 du 13 novembre 2023 consid. 3.4 ; 1C_101/2021 précité consid. 3.5 et les références citées).

6.12 À la différence des antennes de téléphonie mobile conventionnelles qui émettent essentiellement avec une répartition spatiale constante du rayonnement, les antennes adaptatives peuvent focaliser le signal dans la direction de l’utilisateur ou de l’appareil de téléphonie mobile et le réduire dans les autres directions (formation de faisceaux ou beamforming), ce qui ressort des Explications OFEV 2021 (chap. 1, p. 2 ; ATF 150 II 379 consid. 2.1 ; 1C_693/2021 du 3 mai 2023 consid. 4.2).

Cela étant, les VLI et les VLInst spécifiées dans l’ORNI ne dépendent pas de la technologie de téléphonie mobile (2G/GSM, 3G/UMTS, 4G/LTE ou 5G/New Radio) et s’appliquent indépendamment de celle-ci. Elles varient en fonction de la fréquence du rayonnement. Les prévisions de rayonnement calculées dans le cadre de la procédure d’autorisation sont neutres sur le plan technologique et s’appliquent donc aussi à la 5G. La technologie de téléphonie mobile utilisée ne joue un rôle que pour les mesures de réception après la mise en service, la forme du signal utilisée dépendant de la norme de téléphonie mobile (Explication OFEV 2021, chap. 3.2, p. 5). Ainsi, par rapport à la 3G et à la 4G, la 5G présente des caractéristiques similaires en ce qui concerne la transmission du signal. Selon les lignes directrices de l'ICNIRP de 2020, il n'existe pas de preuve d'une différence d'effets biologiques entre les rayonnements électromagnétiques continus et discontinus (par exemple pulsés) ; il y a encore trop peu d'évaluations systématiques et les preuves sont encore insuffisantes pour pouvoir juger si certaines formes de signaux ont un effet biologique particulier. Ainsi, selon le Tribunal fédéral, une adaptation des valeurs limites de l'ORNI ne se justifie pas en l'état des connaissances actuelles (arrêt du Tribunal fédéral 1C_45/2023 du 16 janvier 2024 consid. 9.3).

6.13 La jurisprudence reconnaît aux tribunaux la possibilité de vérifier si le Conseil fédéral s'en est tenu aux limites que la loi a fixées à son activité réglementaire. Lorsque la loi laisse au Conseil fédéral une grande marge d'appréciation quant au contenu de la réglementation, ce choix lie toutefois l'autorité judiciaire qui ne saurait substituer sa propre appréciation à celle du gouvernement ; elle doit simplement contrôler que la solution choisie n'outrepasse pas manifestement les limites de la délégation législative, et qu'elle n'est pas pour d'autres motifs contraire à la loi ou à la Constitution (ATF 126 II 480 consid. 4a ; 118 Ib 367 consid. 4 et les arrêts cités).

7.             En l'espèce, il ressort de la jurisprudence précitée que le Tribunal fédéral a déjà confirmé à plusieurs reprises – et encore récemment (voir notamment l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_573/2023 précité) – que la limitation préventive des émissions par l'application des valeurs limites actuelles respecte le principe de prévention. Il convient de se rallier à ce constat, puisqu'il repose sur les analyses effectuées par l'OFEV, – autorité spécialisée dans la préservation de l’environnement et de la santé contre les atteintes graves –, sur la base de plusieurs études scientifiques (voir notamment Explications OFEV 2021), étant de surcroît rappelé que les VLInst, déterminantes pour les antennes, sont inférieures aux VLI, lesquelles sont adaptées à la protection de l'homme. Ce constat est également valable pour les personnes dites vulnérables, contrairement à ce que semble soutenir la recourante, puisque les VLI tiennent compte des catégories de personnes particulièrement sensibles, telles que les enfants, les malades, les personnes âgées et les femmes enceintes (art. 13 al. 2 LPE).

S'il apparaît que le Tribunal fédéral ne semble pas avoir tranché la question de savoir si l'application du facteur de correction, qui donne lieu à une évaluation du respect de la VLInst en moyenne sur une durée de six minutes, est compatible avec le droit supérieur, rien ne permet en l'état de retenir le contraire. En effet, premièrement, la recourante n'étaye pas sa thèse selon laquelle le respect d'une valeur limite d'installation en moyenne sur six minutes n'offrirait pas le même degré de protection que son respect en tout temps. Deuxièmement, comme l'a relevé la Cour de droit administratif et public du tribunal cantonal vaudois dans un arrêt du 15 août 2023, l'art. 12 LPE laisse au Conseil fédéral une grande marge d'appréciation quant au contenu de l'ORNI, s'agissant particulièrement de l'évaluation et de la limitation des émissions (rayonnement) des stations émettrices pour téléphonie mobile. Cette appréciation résulte de l'analyse de données techniques et scientifiques dont il appartient à l'OFEV de suivre l'évolution (AC.2022.0382 consid. 2e). Or, rien ne laisse penser que les potentiels effets liés aux pics de puissance et à l'application du facteur de correction auraient été mal appréciés par le Conseil fédéral lors de l'introduction de ce dernier dans l'ORNI dès le 1er janvier 2022 ou que la durée de six minutes prévue par le ch. 63 ORNI, sur laquelle est évaluée l’ERP moyenne, serait inadaptée. Ce constat s'impose d'autant plus que, dans les Explications OFEV 2021, l'OFEV, après avoir mentionné les résultats des études réalisées avec l'application d'un facteur de correction, n'a pas affirmé que l'application de ce facteur ou le dépassement temporaire de la puissance d'émission maximale autorisée contreviendrait au principe de précaution. Enfin, l'introduction dudit facteur dans l'ORNI n'a pas eu pour effet de revoir à la hausse les VLInst, étant rappelé qu'avec elles, le Conseil fédéral a créé une marge de sécurité par rapport aux dangers avérés pour la santé.

Au vu de ce qui précède, et conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, seuls de solides éléments démontrant de nouvelles connaissances fondées scientifiquement pourraient justifier, d'une part, la remise en cause des valeurs limites actuelles et, d'autre part, de retenir que l'application du facteur de correction contrevient au principe de précaution.

Or, en l'occurrence, la recourante ne fournit aucun élément répondant à ces réquisits. Le rapport de l'université de Neuchâtel sur l'effet des RNI sur les arthropodes, dont elle se prévaut en particulier et dont la dernière version a été rendue le 25 avril 2023, a été commandé par l'OFEV. Dès lors, l'on peut raisonnablement partir du principe que ce rapport a été analysé et pris en compte par cette autorité. Or, selon le troisième rapport de monitoring du rayonnement non ionisant en Suisse, publié par l'OFEV le 17 octobre 2024, et donc postérieurement au rapport neuchâtelois, l’exposition de la population au RNI est globalement faible et la protection de la santé est assurée (https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/
documentation/communiques.msg-id-102792.html, page consultée le 10 décembre 2024). Il apparaît donc que le rapport de l'université de Neuchâtel n'a pas apporté d'éléments déterminants aux yeux de l'OFEV. Par conséquent, sauf à aller à l'encontre de l'avis de cette autorité spécialisée, ce que rien ne permet de faire en l'occurrence, il convient de considérer que le rapport de l'université de Neuchâtel sur l'effet des RNI sur les arthropodes ne contient aucun élément susceptible de remettre en cause les valeurs limites actuelles ou de retenir que l'application du facteur de correction contrevient au principe de précaution.

Par ailleurs, l'enquête de la RTS publiée le 10 juin 2024 ne constitue pas une recherche scientifique mais uniquement une enquête sur la façon dont la puissance des antennes 5G a été fixée. Elle ne contient donc aucun élément scientifique susceptible de remettre en cause les valeurs limites actuelles ou l'application du facteur de correction sous l'angle du respect du principe de précaution. En outre, contrairement à ce que prétend la recourante, il est sans pertinence que l'OFEV ait préconisé un facteur de correction inférieur à celui finalement retenu, puisque la fixation du facteur de correction au-delà de ce qui avait été prescrit par cette autorité ne signifie pas encore que le principe de précaution serait violé ; l'OFEV ne l'a jamais prétendu et la recourante ne le démontre pas. Le troisième rapport de monitoring du rayonnement non ionisant en Suisse tend du reste à démontrer le contraire.

Par conséquent, l'ORNI et l'application du facteur de correction prévue par cette ordonnance doivent être considérés comme conformes au principe de précaution.

Pour le surplus, comme vu ci-avant, les conclusions du préavis du SABRA quant au respect in casu des VLI et de la VLInst, en particulier dans les LUS, ne sont pas critiquables, ce que la recourante ne conteste pas. Toute violation des principes de prévention et de précaution doit donc être exclue in casu également.

Les conclusions du SABRA permettent également de procéder au calcul de la prévision conformément aux directives précitées de l’OFEV. Elles doivent ainsi être confirmées. C’est par ailleurs à bon droit que cette instance de préavis a, suivant la Recommandation OFEFP 2002, enjoint à l’opérateur d’effectuer, lors de la réception, des mesurages à ses frais, condition reprise dans la décision litigieuse pour les points pour lesquels les immissions sont supérieures à 80% de la VLInst.

Enfin, dans son préavis, le SABRA a posé comme autres conditions l’intégration des antennes de cette installation dans le système AQ qui permet de surveiller les données d’exploitation. Ce faisant, l’autorité a posé une cautèle permettant d’assurer le respect des valeurs limites, étant précisé qu'en l'état, il n’y a pas lieu de douter de la fiabilité des systèmes AQ, y compris pour les antennes adaptatives (arrêts du Tribunal fédéral 1C_573/2023 du 31 octobre 2024 consid. 5.2 ; 1C_176/2022 du 18 juillet 2024 consid. 7.3.2 et les arrêts cités ; 1C_45/2023 du 16 janvier 2024 consid. 6.3 ; 1C_296/2022 du 7 juin 2023 consid. 2.7 ; 1C_693/2021 du 3 mai 2023 consid. 6. 1 et 6.2).

La décision entreprise est ainsi conforme aux exigences posées par l’ORNI, lesquelles respectent le principe de précaution, et la jurisprudence rendue en la matière.

Le grief sera donc écarté, ce qui conduit au rejet du recours.

8.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe et ne défendait pas sa propre décision (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à B______, à la charge de la recourante (art. 87 al. 2 LPA). Aucune indemnité ne sera allouée à C______ qui n’a pris aucune conclusion.

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 février 2024 par la A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 janvier 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de la A______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à B______, à la charge de la A______;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF-RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean-Louis COLLART, avocat de la recourante, à Me Stephan KRONBICHLER, avocat de B______, à C______, au département du territoire-OAC, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'à l'office fédéral de l'environnement (OFEV).

Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MICHEL

 

 

le président siégeant :

 

 

P. CHENAUX

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :