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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1208/2024

ATA/1435/2024 du 10.12.2024 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1208/2024-PRISON ATA/1435/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 décembre 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Innocent SEMUHIRE, avocat

contre

ÉTABLISSEMENT FERMÉ DE LA BRENAZ intimé

 



EN FAIT

A. a. A______ est incarcéré à l’Établissement fermé de La Brenaz (ci-après : La Brenaz) depuis le 4 décembre 2023.

b. Il n’a pas d’antécédents disciplinaires. Cela étant, depuis la sanction objet de la présente procédure, infligée le 1er mars 2024, il a encore été sanctionné :

-          le 29 avril 2024 : amende de CHF 50.- pour refus de soumettre au contrôle toxicologique ;

-          le 17 mai 2024 : amende de CHF 200.- et suppression durant cinq jours des activités de formation, de sports et de loisirs en commun pour détention de produits stupéfiants.

c. Selon un premier rapport d'incident établi par un agent de détention le même jour, à 18h40, dans le secteur 5300, le détenu W. était sorti de sa cellule et s’était dirigé vers une autre cellule. Il avait invectivé le détenu B., lequel lui avait répondu. L’agent de détention était alors intervenu et avait repoussé le détenu W. vers sa cellule et l’y avait enfermé, avant de conduire les autres détenus aux activités sportives.

Selon un second rapport, complémentaire, établi par un second agent de détention, le premier agent l’avait appelé à 18h40 pour l’informer que le détenu W. présentait des marques de coups au visage, qu’il n’avait pas auparavant. Comme il insultait le détenu B., il l’avait enfermé dans sa cellule. En visionnant les images de surveillance, le second agent avait observé que le détenu W. était très énervé et que le détenu B. tentait de le raisonner et le bloquait à plusieurs reprises dans le lieu de vie afin qu’il évite de s’emporter contre le détenu B. Trois autres détenus avaient alors repoussé le détenu B., qui s’était énervé contre eux. Le détenu W. était retourné dans sa cellule poser une casserole et, en passant devant le détenu B., le détenu B. avait retenu ce dernier. Le détenu W. était alors revenu vers le détenu B. et s’était énervé contre lui. Le détenu B. avait tenté de raisonner le détenu W. et de l’éloigner. Ce dernier était entré dans la cellule du détenu B. et celui-ci l’avait suivi et avait légèrement refermé la porte. Le détenu B. avait encore éloigné un autre détenu du détenu W. Suite à cela, un premier détenu était entré dans la cellule et avait complètement refermé la porte. Trois autres détenus étaient ensuite entrés dans la cellule. Un quatrième était resté devant la porte pour observer ce qui s’y passait, avant d’y entrer à son tour comme un autre détenu en sortait.

Un détenu avait ouvert la porte et le détenu A. était ressorti avec le t-shirt abîmé et le visage tuméfié. Quatre détenus étaient sortis à sa suite. L’un d’eux s’était approché du détenu A., qui lui avait donné un coup de poing. Un autre s’était tenu à distance. Les deux derniers avaient repoussé le détenu A. au fond du couloir. Le détenu B. était alors sorti de sa cellule avec sa béquille et avait eu un échange verbal tendu avec le détenu A.

Le détenu W. était resté au fond du couloir, retenu par un autre détenu. Quatre détenus s’étaient approchés de lui et le ton était à nouveau monté. Trois détenus avaient dû s’interposer. Le détenu W. s’était encore plus énervé et deux autres détenus avaient été empêchés de l’approcher. Un détenu avait tenté de ramener le détenu W. dans sa cellule. Deux détenus s’étaient à nouveau approchés du détenu W. mais avaient été repoussés et le détenu W. était rentré un instant dans sa cellule pour en ressortir avec son t-shirt enroulé autour de sa main gauche, avant de provoquer deux détenus, dont il avait été séparé de force avant d’être ramené dans sa cellule.

Le détenu W. était ensuite ressorti de sa cellule et s’était adressé verbalement au détenu B., qui se tenait devant. Deux détenus avaient empêché le détenu W. d’avancer. Le détenu B. avait retiré ses lunettes et était rentré dans sa cellule. Un autre détenu avait refermé celle-ci. Le détenu W. était retourné vers sa cellule et deux détenus avaient eu un échange verbal avec lui.

d. Interrogé le même jour à 20h53, le détenu W. a expliqué qu’il avait bousculé sans le vouloir le détenu B. puis s’était rendu dans sa cellule pour discuter et s’excuser. D’autres détenus, dont A______, étaient alors entrés dans la cellule et l’avaient frappé.

Le procès-verbal de l’audition du détenu B. à 21h00 indique : « J’ai été agressé par ». Cette mention a ensuite été barrée et à la ligne suivante a été inscrit : « J’ai rien vu dans ma cellule ».

Le détenu D., interrogé à 20h40, a déclaré : « J’ai vu 5 personnes dans la cellule à B. en plus de W. Ils se sont bagarrés dedans. Mais pour votre information, il serait nécessaire de changer B., qui fait des problèmes ».

Un autre détenu B., interrogé à 21h20, a déclaré : « Je suis rentré dans la cellule à […] pour séparer une bagarre. […] se battaient avec lui. J’ai rien fait ».

Le détenu F., interrogé à 21h55, a déclaré : « On a séparé une bagarre entre […] et […]. Et cela aurait pu être plus grave si l’on était par intervenus ».

Le détenu P., interrogé à 22h08, a indiqué : « W. a essayé d’agresser B. J’ai séparé. Après je leur ai dit de circuler pour éviter d’autres tensions ».

A______, interrogé à 21h46, a déclaré : « J’ai séparé parce que ça criaient B. et W. Il a sorti un objet, et je me suis fait attraper. J’ai fermé la porte à la demande de W. ».

e. Le même jour à 21h52, une fois les images des caméras de surveillance visionnées par le gardien-chef adjoint, A______ s’est vu notifier une sanction de suppression des activités de formation, de sport, de loisirs et de repas en commun pour une durée de quinze jours, soit du 1er mars 2024 à 19h50 au 16 mars 2024 à 19h50, pour violence physique envers un codétenu, comportement inadéquat, trouble de l’ordre et de la tranquillité dans l’établissement et comportement contraire au but de l’établissement, une promenade quotidienne d’une heure et la possibilité de téléphoner était maintenues.

Le même jour, les détenus B., F. et D. se sont vus infliger la même sanction pour la même durée et le détenu W. s’est vu infliger la même sanction pour une durée de quatre jours.

f. Le 19 mars 2024, A______ a demandé à consulter son dossier et les images de vidéosurveillance.

g. Le 22 mars 2024, La Brenaz a dénoncé les agissements au Ministère public. Étaient joints les rapports d’incident, les procès-verbaux d’audition des détenus et les décisions de sanctions, ainsi qu’un constat de lésions traumatiques établi le 4 mars 2024 aux Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après : HUG) illustré par des images et rapportant un hématome sous-orbital et maxillaire des deux côtés, plus marqué à gauche, avec dermabrasion sous-orbitale à droite et à la base du nez, des dermabrasions aspect latéral du visage gauche sur une longueur de 4 cm, une dermabrasion de 4 x 1 cm au niveau pectoral gauche, une ecchymose de 2 x 2 cm en regard de la clavicule gauche, des dermabrasions de 3 x 2 cm au niveau pectoral droit et cage thoracique latéro-antérieure gauche avec douleur à la palpation en regard, une dermabrasion linéaire, plaie superficielle en voie de cicatrisation de 3 cm de longueur au niveau para-ombilical gauche, un hématome de 7 x 3 cm sur la face ventrale de l’avant-bras gauche avec douleur à la palpation, ainsi que des douleurs costales à gauche, à la nuque côté gauche, à l’avant-bras gauche et des céphalées.

h. Le 27 mars 2024, La Brenaz a communiqué à A______ le rapport d’incident mais a refusé de lui donner accès aux images de vidéosurveillance.

B. a. Par acte remis à la poste le 12 avril 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation. Subsidiairement, le dossier devait être renvoyé à La Brenaz pour nouvelle décision. Une indemnité forfaitaire de CHF 750.- devait en tout état lui être allouée pour juste satisfaction du dommage moral subi. Préalablement, la production des images de vidéosurveillance et de son dossier ainsi que sa comparution personnelle devaient être ordonnées.

Son droit d’être entendu avait été violé, car il n’avait pu consulter les images de vidéosurveillance.

La décision violait la loi. Il avait déclaré être intervenu pour séparer les détenus parce que « ça criait ». Il avait fermé la porte de la cellule à la demande d’un autre détenu. Il résultait d’un constat médical établi par les HUG le 5 mars 2024 accompagné d’une illustration, qu’il produisait, qu’il avait subi une plaie curviligne superficielle centimétrique au niveau de l’avant-bras gauche, aspect ventral, en cours de cicatrisation. Il avait expliqué aux HUG qu’un des détenus qu’il tentait de séparer dans la cellule avait sorti un couteau, une fourchette ou une autre lame et l’avait planté dans son avant-bras. Il ne s’était pas rendu compte sur le moment mais avait remarqué le saignement en sortant de la cellule.

On ne comprenait pas en quoi il aurait commis des violences physiques contre un codétenu, le rapport ne mentionnant que le fait d’avoir poussé un codétenu sans préciser s’il s’agissait de le séparer d’un autre ou de le violenter. On ne voyait pas non plus en quoi fermer une porte parce que « ça criait » était un comportement inadéquat.

La décision violait le principe de proportionnalité. Il n’avait pas d’antécédents. Il contestait le type et la quotité de la sanction

b. Le 24 avril 2024, La Brenaz a demandé la suspension de la procédure jusqu’à droit connue dans la procédure pénale ouverte à la suite de sa dénonciation.

Le 10 mai 2024, le recourant s’y est opposé.

Par décision du 21 mai 2024, le juge délégué a rejeté la demande de suspension, au motif que les agissements reprochés étaient documentés et pouvaient être examinés à la lumière du règlement.

c. Le 29 mai 2024, La Brenaz a conclu au rejet du recours et transmis les images de vidéosurveillance.

Il n’était pas douteux que A______ avait pris une part active à l’agression dont le détenu W. avait été la victime. Il avait pénétré dans la cellule et soigneusement fermé la porte derrière lui. W. avait déclaré que tous les détenus dans la cellule l’avaient frappé. Un témoin devant la porte avait indiqué que toutes les personnes présentes dans la cellule s’étaient battues.

Le recourant n’apportait aucun élément permettant de douter de la véracité des rapports d’incident et de l’établissement des faits.

d. Le 2 septembre 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Il prenait note de la production des images de surveillance et renonçait cas échéant à son audition.

Les images le montraient s’interposant entre les détenus W. et B. Aucun élément ne prouvait qu’il avait été blessé en participant à la bagarre. Les déclarations du détenu W. étaient contredites par les siennes. Le témoin était devant une porte fermée et n’avait pu voir ce qui se passait dans la cellule.

Il n’avait certes pas donné l’alarme ni dénoncé les autres codétenus. Il ne pouvait cependant pas être sanctionné pour ce motif.

La Brenaz avait dénoncé une rixe au Ministère public, qui avait rendu le 3 juin 2024 une ordonnance de non-entrée en matière, qu’il produisait.

Il ressort notamment de ce document que la prévention de rixe ou d’une autre infraction poursuivie d’office était insuffisante.

Le détenu B. – auquel le détenu W. s’en était initialement pris – avait déclaré à la police que ses propos avaient mal été retranscrits par les autorités pénitentiaires. W. était agressif avec lui et voulait en découdre. Il était entré dans sa cellule pour s’en prendre à lui. Cinq autres détenus, dont A______, avaient alors maîtrisé W., mais sans le frapper. Il n’avait vu personne donner de coup. W. avait un objet dans la main avec lequel il avait blessé A______ et B.

W. avait pour sa part maintenu à la police avoir été frappé par les cinq détenus, dont A______.

e. Le 3 septembre 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant a conclu à titre préalable à la production des images de vidéosurveillance et de son dossier ainsi qu’à sa comparution personnelle.

Il a renoncé dans sa réplique à sa comparution personnelle et les images de surveillance ainsi que son dossier ont été produits par l’intimé.

La conclusion préalable a ainsi perdu son objet.

3.             Le litige porte sur la sanction de quinze jours de suppression des activités de formation, sport, loisirs et repas en commun. Le recourant conteste la sanction, faisant valoir qu’il n’a commis aucun acte répréhensible.

La conclusion du recourant en octroi d’une indemnité forfaitaire de CHF 750.- pour juste satisfaction du dommage moral subi excède le cadre du litige, qui ne porte que sur le bien-fondé de la sanction contestée, n’entre pas dans la compétence de la chambre de céans et est partant irrecevable. Il appartient au recourant de la faire valoir, s’il s’y estime fondé, devant le juge civil en application de la loi sur la responsabilité de l'État et des communes du 24 février 1989 (LREC - A 2 40).

3.1 Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l’autorité dispose à l’égard d’une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d’obligations, font l’objet d’une surveillance spéciale. Il s’applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d’abord par la nature des obligations qu’il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l’administration et les intéressés. L’administration dispose d’un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

3.2 Le statut des personnes incarcérées à La Brenaz est régi par le règlement relatif aux établissements ouverts ou fermés d’exécution des peines et des sanctions disciplinaires du 25 juillet 2007 (REPSD - F 1 50.08), dont les dispositions doivent être respectées par les détenus (art. 42 REPSD). En toute circonstance, ceux-ci doivent observer une attitude correcte à l’égard du personnel, des autres détenus et des tiers (art. 43 REPSD).

3.3 Selon l’art. 43 REPSD, la personne détenue doit observer une attitude correcte à l'égard du personnel, des autres personnes détenues et des tiers.

Selon l’art. 44 REPSD, il est interdit notamment d'exercer une violence physique ou verbale à l'égard du personnel, des autres personnes détenues et des tiers (let. h), de troubler l'ordre ou la tranquillité dans l'établissement ou les environs immédiats (let. i) et d'une façon générale, d'adopter un comportement contraire au but de l'établissement (let. j).

3.4 Si un détenu enfreint le REPSD, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu’à la nature et à la gravité de l’infraction, lui est infligée (art. 46 al. 1 REPSD). Avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu (art. 46 al. 2 REPSD). Le directeur de l’établissement et son suppléant en son absence sont compétents pour prononcer a) un avertissement écrit b) la suppression, complète ou partielle, pour une durée maximum de trois mois, des autorisations de sortie, des loisirs, des visites et de la possibilité de disposer des ressources financières c) l’amende jusqu’à CHF 1'000.- et d) les arrêts pour dix jours au plus (art. 46 al. 3 REPSD).

3.5 Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATA/439/2024 précité consid. 3.6 ; ATA/679/2023 du 26 juin 2023 consid. 5.4 ; ATA/219/2020 du 25 février 2020 consid. 6d et la référence citée).

3.6 En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le pouvoir d’examen de la chambre administrative se limitant à l’excès ou l’abus de ce pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/439/2024 précité consid. 3.7 ; ATA/97/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4f et les références citées).

3.7 En l’espèce, le recourant conteste avoir lui-même exercé des violences sur le détenu W.

Les images de vidéosurveillance qui ont été produites par l’intimé ne portent que sur le lieu de vie commune et le couloir donnant accès aux cellules. On y voit les mouvements décrits par le second rapport, complémentaire, d’incident, soit la bousculade initiale puis les altercations répétées et les va-et-vient de détenus, notamment dans la cellule du détenu B., au fond à gauche du couloir depuis l’angle de vue de la caméra.

Il est ainsi établi que plusieurs détenus, dont le recourant, se sont trouvés au même moment dans la cellule du détenu B. avec le détenu W.

Le recourant ne conteste pas que le détenu W. a subi des violences. Il nie par contre lui en avoir lui-même infligé.

Cependant, le détenu W. a expliqué devant l’intimé et maintenu à la police qu’il avait été frappé par les cinq détenus se trouvant dans sa cellule. Le détenu D. a indiqué à l’intimé que les cinq personnes dans la cellule s’étaient bagarrées. Le second détenu B. a indiqué à La Brenaz qu’« ils » se battaient avec « lui », utilisant le pluriel et suggérant que plus d’une personne se battait avec le détenu W.

Il est vrai, toutefois, que les détenus F., P. et le recourant ont affirmé qu’ils cherchaient seulement à séparer les détenus W. et B. Il y a également lieu de retenir que le détenu D. peut difficilement avoir vu ce qui se passait dans une cellule dont la porte avait été fermée. Enfin, le Ministère public a ordonné la non entrée en matière sur la dénonciation de rixe faite par l’intimé. Quant à l’affirmation du détenu B. selon laquelle il n’avait rien vu dans sa cellule, elle est dépourvue de crédibilité et sans portée.

Les éléments qui précèdent pourraient ainsi conduire à douter que les reproches fondant la sanction infligée au recourant sont établis.

La chambre de céans constate cependant que les déclarations des protagonistes, qui affirment tous n’avoir rien fait – et pour certains rien vu – et s’être limités à maîtriser les détenus B. et W. pour les empêcher de se battre, ne sont pas compatibles avec le fait que le détenu W., ainsi qu’il ressort du rapport des HUG, a été sévèrement battu dans la cellule du détenu B.

Dès lors, soit les autres protagonistes ont battu ensemble le détenu W., comme ce dernier l’affirme, soit ils n’ont pas maîtrisé celui ou ceux qui ont battu le détenu W., contrairement à ce qu’ils affirment. En d’autres termes, soit le recourant ment et a frappé le détenu W., soit il ment et n’a pas empêché que le détenu W. soit battu par un ou plusieurs autres détenus.

La chambre de céans estime qu’il est plus probable, vu le contexte et la dynamique, que les cinq détenus s’en soient pris ensemble au détenu W. dans un lieu – la cellule du détenu B. – notoirement soustrait à la surveillance vidéo et ont ensuite nié de la même manière toute implication individuelle, s’abstenant d’incriminer qui que ce soit.

Quoi qu’il en soit, en toute hypothèse, le rassemblement de cinq détenus dans une cellule, alors que la tension était palpable et que plusieurs altercations avaient éclaté, en présence des deux antagonistes principaux, doit être considérée comme ayant créé les conditions d’une agression et en aucun cas comme ayant pu avoir pour effet ni pour but d’éviter celle-ci.

Le fait que le recourant et les autres codétenus n’aient pas simplement extrait le détenu W. de la cellule du détenu B., qu’aucun d’eux n’ait donné l’alarme, que le recourant ait refermé la porte de la cellule une fois que les cinq détenus y furent entrés, confirme sinon qu’ils avaient l’intention d’infliger ensemble une correction au détenu W., du moins qu’ils participaient chacun sciemment à la création d’une situation dangereuse, laquelle a effectivement abouti à l’agression du détenu W.

Un tel comportement viole à n’en pas douter les art. 43 et 44 REPSD, ce que la chambre de céans constatera, au besoin par substitution de motifs.

Le fait que le Ministère public n’ait pas trouvé de prévention suffisante d’une rixe ne change rien au fait que le comportement du recourant a violé son obligation d’observer une attitude correcte à l'égard des autres personnes détenues, ainsi que l’interdiction de troubler l'ordre ou la tranquillité dans l'établissement ou les environs immédiats et d'une façon générale, d'adopter un comportement contraire au but de l'établissement.

C’est ainsi de manière conforme à la loi que l’intimé a retenu que le recourant avait commis une infraction au REPSD.

Le principe d’une sanction est ainsi établi.

Le recourant se plaint du caractère disproportionné de la sanction infligée, faisant valoir qu’il n’a pas d’antécédent. Rien n’indique que ce dernier élément n’ait pas été pris en compte par La Brenaz au moment de choisir la sanction et sa quotité.

La sanction choisie est la seconde plus légère du catalogue de l’art. 46 al. 3 REPSD. La quotité retenue est de quinze jours, alors que l’art. 46 al. 3 let. b REPSD prévoit un maximum de trois mois.

Compte tenus de la gravité de l’agression d’un codétenu que le comportement du recourant a à tout le moins favorisée, cette sanction apparaît proportionnée à la faute commise, qui n’est pas légère s’agissant de violences exercées sur un codétenu dans une cellule, et ce quand bien même le recourant n'a pas d'antécédents.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             La procédure étant gratuite, il ne sera pas perçu d’émolument. Le recourant succombant, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 12 avril 2024 par A______ contre la décision de l’Établissement fermé de La Brenaz du 1er mars 2024 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Innocent SEMUHIRE, avocat du recourant, ainsi qu'à l'Établissement fermé de La Brenaz.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. SPECKER

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :