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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3131/2024

ATA/1278/2024 du 31.10.2024 sur JTAPI/975/2024 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3131/2024-MC ATA/1278/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 octobre 2024

en section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Dina BAZARBACHI, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 octobre 2024 (JTAPI/975/2024)


EN FAIT

A. a. A______, né en 1994, est selon ses dires originaire du Libéria.

b. Arrivé en Suisse en juin 2012, il y a déposé une demande d’asile qui a été rejetée par décision du 17 décembre 2014. Son renvoi a été prononcé par décision du même jour, aujourd’hui entrée en force.

L’organisation et l’exécution du renvoi ont été confiées au canton de Genève, dont les autorités, dès le mois de mars 2015, ont requis l’assistance du secrétariat d’état aux migrations (ci-après : SEM). Ce dernier a organisé la présentation de l’intéressé à diverses délégations d’états d’Afrique de l’ouest dans le cadre d’auditions centralisées, afin qu’il puisse être identifié comme ressortissant de l’un de ces états, préalable indispensable à la délivrance d’un laissez-passer.

Selon le dossier, A______ a ainsi été présenté le 3 décembre 2015 à une délégation du Libéria, le 9 février 2016 à une délégation de Sierra Leone, le 1er juin 2016 à une délégation de Gambie et le 4 décembre 2018 à une délégation de Guinée. La réponse des délégations libérienne et guinéenne a été négative ; celle des autorités sierra-léonaises et gambiennes n’est pas documentée.

c. Depuis son arrivée en Suisse et jusqu’en janvier 2024, A______ a été condamné à seize reprises (ordonnances pénales et jugements) à des peines pécuniaires et des peines privatives de liberté, avec et sans sursis à l’exécution, pour diverses infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), contraventions et délits contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et rupture de ban au sens de l’art. 291 al. 1 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0). Son expulsion pénale pour une durée de cinq ans a été prononcée par jugement du Tribunal de police du 9 août 2018, sans que cette mesure soit reportée par l’autorité administrative compétente.

d. A______ n’a pas respecté les décisions d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prononcées à son encontre les 15 août 2015 et 19 janvier 2019.

Il n’a pas non plus respecté les décisions d’assignation territoriale aux communes de Bernex et de Vernier, prononcées à son encontre, respectivement les 20 mars 2019 et 4 août 2022. La seconde de ces décisions, valable jusqu’au 3 août 2024, prévoyait également l’obligation pour lui de se présenter chaque semaine aux autorités, ce qu’il n’a pas fait.

e. Interpellé le 7 juin 2024 au centre de Genève, A______ a fait l’objet le 8 juin 2024 d’une ordonnance pénale, aux termes de laquelle il a été reconnu coupable de rupture de ban (art. 291 al. 1 CP) et d’infraction à l’art. 119 al. 1 LEI et condamné à une peine privative de liberté de six mois sous déduction d’un jour de détention avant jugement. Il a formé opposition à cette décision.

B. a. Le 8 juin 2024, le commissaire de police a ordonné la mise en détention administrative d’A______ pour une durée de quatre mois.

La détention administrative était fondée sur l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, en relation avec l’art. 75 al. 1 let. b LEI, ainsi que sur l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI. Cette mesure était adéquate et nécessaire pour assurer la bonne exécution du renvoi de l’intéressé, qui ne disposait d’aucune ressource financière légale et ne respectait pas les ordres des autorités.

Les démarches entreprises en vue de l’identification de l’intéressé, engagées en 2015, devaient se poursuivre avec sa présentation, fixée au 17 juin 2024, à une délégation de Sierra Leone. En cas d’identification positive, il faudrait ensuite obtenir un laissez-passer et réserver un vol, ce qu’une durée de détention inférieure à quatre mois ne permettrait pas de faire.

b. Entendu le 11 juin 2024 par le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI), l’intéressé a réitéré être ressortissant du Libéria mais ne posséder aucun document d’identité. Il n’était en toute hypothèse pas d’accord de retourner au Libéria, n’y possédant plus ni famille ni logement et y ayant « des problèmes non résolus ». Il était disposé à se rendre par ses propres moyens à la présentation prévue pour le 17 juin 2024, comme il l’avait fait pour les présentations antérieures.

Lors de la même audience, la représentante du commissaire de police a précisé que si l’intéressé devait ne pas être identifié par la délégation de Sierra Leone le 17 juin 2024, une nouvelle présentation à une délégation du Libéria pourrait être envisagée.

c. Par jugement du 11 juin 2024, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention du 8 juin 2024 jusqu’au 7 octobre 2024 inclus.

d. Le 17 juin 2024, A______ a été auditionné par les autorités de Sierra Leone.

e. Par arrêt du 2 juillet 2024, la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre administrative) a partiellement admis le recours d’A______, a annulé le jugement du TAPI du 11 juin 2024 en tant qu’il confirmait l’ordre de mise en détention administrative pour une durée de quatre mois et l’a confirmé pour une durée réduite de deux mois, soit jusqu’au 7 août 2024 inclus.

L’assurance du départ effectif du recourant de Suisse répondait à un intérêt public certain, notamment au vu de ses multiples condamnations, en particulier pour infractions à la LStup.

C’était à tort que l’intéressé reprochait aux autorités de ne pas avoir fait preuve de diligence ou de célérité dans le traitement de la procédure de renvoi. Dès 2015, année de l’entrée en force de la décision de renvoi, les autorités genevoises avaient sollicité le soutien du SEM. Des présentations avaient été mises sur pied dans le cadre de plusieurs auditions centralisées organisées avec des délégations d’états d’Afrique occidentale, soit le Libéria – dont le recourant était selon ses dires originaire – la Sierra Leone, la Guinée et la Gambie. Le fait qu’aucune de ces délégations, pas même celle du Libéria, n’ait pu identifier le recourant ne pouvait être imputé aux autorités suisses. Au vu des explications données par ces dernières sur la difficulté à organiser de telles auditions centralisées, il ne pouvait davantage leur être reproché d’avoir manqué de diligence dans leurs efforts en vue d’exécuter le renvoi.

L’ordre de mise en détention contesté avait été prononcé le 8 juin 2024 en vue de la présentation du recourant, neuf jours plus tard, aux autorités de Sierra Leone et dans la perspective, dans l’hypothèse d’une identification, de pouvoir exécuter son renvoi dans la durée de la détention ordonnée. L’autorité n’avait en conséquence pas manqué à son devoir de diligence et de célérité.

Sous l’angle de l’examen de la proportionnalité de la détention, la situation était toutefois différente après que le recourant avait été auditionné (une seconde fois) par les autorités de Sierra Leone sans – selon ses allégations non contestées – pouvoir être identifié. Le résultat négatif de cette présentation avait en effet pour conséquence qu’aucun laissez-passer ne pouvait être délivré par les autorités de Sierra Leone et que le renvoi ne pouvait donc, selon toute probabilité, être exécuté avant le 7 octobre 2024.

Une détention d’une durée de quatre mois ne se justifiait donc plus. Elle était réduite à deux mois, soit jusqu’au 7 août 2024, afin de permettre aux autorités chargées de l’exécution du renvoi de déterminer la suite de la procédure, dans le respect des exigences de diligence et de célérité qui leur incombaient. Il leur appartiendrait d’examiner quelles démarches pouvaient être entreprises dans des délais raisonnables afin d’obtenir les documents nécessaires au renvoi, en particulier si, comme l’avait suggéré la représentante du commissaire de police lors de son audition par le TAPI, une nouvelle présentation à une délégation du Libéria pouvait être mise sur pied dans un délai respectant le principe de la proportionnalité.

Pour le surplus, si les conditions de la détention administrative en vue du renvoi ou de l’expulsion (art. 76 LEI) devaient ne plus être réalisées du fait du comportement du recourant, sa détention administrative pour insoumission, au sens l’art. 78 al. 1 LEI, pouvait entrer en considération.

f. Le 21 juin 2024, le SEM a communiqué à l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) les résultats des auditions centralisées du 17 juin 2024. Selon la délégation sierra-léonaise, le dossier d’A______ était considéré comme « un cas de vérification ».

g. Le 15 juillet 2024, le SEM a informé l’OCPM que le dossier de l’intéressé était en cours de vérification auprès de la Sierra Leonean Immigration Department (ci‑après : SLID).

C. a. Par requête motivée du 25 juillet 2024, l’OCPM a déposé une demande de prolongation de la détention administrative d’A______ pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 7 décembre 2024.

b. Par jugement du 30 juillet 2024, le TAPI a prolongé la détention administrative d’A______ pour une durée d’un mois, soit jusqu’au 7 septembre 2024 inclus.

c. Saisie d'un recours contre ce jugement, la chambre administrative l'a rejeté par arrêt du 22 août 2024 (ATA/1002/2024).

Il ressortait des éléments récents, que les autorités sierra-léonaises avaient souhaité procéder à des vérifications complémentaires, qui étaient en cours. Ainsi, le SEM avait confirmé le 25 juillet 2024 s’être entretenu le jour même avec le chef du Border Management du SLID. Dans ces conditions, le délai fixé au 7 septembre 2024 par le TAPI respectait le principe de la proportionnalité. Le terme intervenait en effet près de trois mois après l’audition du 17 juin 2024 par les autorités de Sierra Leone, à l’issue de laquelle des vérifications s'étaient avérées nécessaires. Il devrait permettre d’obtenir les résultats desdites investigations, ou à tout le moins d’en vérifier l’avancée.

Le SEM avait par ailleurs confirmé avoir inscrit A______ à la prochaine audition des autorités libériennes. En l’état, la date de celle-ci n’était pas connue. Dans ces conditions, la position nuancée du TAPI, qui n’avait prolongé la détention administrative que d’un mois afin de pouvoir continuer à contrôler à court terme la détention, dans la même perspective que celle qu’avait retenue la chambre administrative, était conforme à la loi.

D. a. Par requête motivée du 26 août 2024, l’OCPM a déposé une demande de prolongation de la détention administrative d’A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 7 décembre 2024.

b. Lors de l’audience du 3 septembre 2024 devant le TAPI, le représentant de l’OCPM a indiqué que d'expérience, le délai de réponse des autorités sierra‑léonaises pouvait être long. Une nouvelle audition d'A______ par les autorités libériennes était prévue au dernier trimestre 2024 ou au début de l'année 2025. Il a produit un courriel du SEM du 26 août 2024, selon lequel il attendait toujours des indications supplémentaires en lien avec l'audition par les autorités de Sierra Leone ; pour accélérer le processus, il avait également demandé à Frontex de contacter les autorités dans le pays lui-même et d'exercer ainsi une pression supplémentaire.

c. Par jugement du 3 septembre 2024, le TAPI a prolongé la détention administrative d’A______ pour une durée d’un mois, soit jusqu’au 7 octobre 2024 inclus.

Les considérations émises dans les précédentes décisions de justice restaient valables. S'agissant de la durée de la prolongation de détention, à défaut de pouvoir à ce stade se fonder sur une planification claire en vue de l'exécution du renvoi, le TAPI devait continuer à contrôler à court terme la détention du précité en fonction de l'évolution de la situation, dans la même perspective que celle qu'avait retenue la chambre administrative.

d. Saisie d'un recours contre ce jugement, la chambre administrative l'a rejeté par arrêt du 19 septembre 2024 (ATA/1103/2024).

Le manque d'avancées dans le dossier du recourant était essentiellement imputable aux autorités étrangères, et dans une certaine mesure également à lui‑même, dès lors qu'il n'avait pas mentionné avoir entrepris de démarches pour accélérer sa reconnaissance par les autorités libériennes. Sa position à cet égard était même contradictoire, puisqu'il persistait à se déclarer libérien, tout en plaidant que la réponse négative des autorités libériennes de 2018 devrait être considérée comme définitive. L'affirmation selon laquelle l'absence de violation du principe de célérité par les autorisé suisses devait être constatée lorsque l'inactivité était due à des autorités étrangères n'était nullement arbitraire mais découlait directement de la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Dans ces conditions, la position du TAPI qui n’avait prolongé la détention administrative que d’un mois afin de pouvoir continuer à contrôler à court terme la détention du recourant, dans la même perspective que celle qu’avait retenue la chambre administrative, était conforme à la loi. Il conviendrait cependant que l'intimé puisse disposer le plus rapidement possible d'indications plus précises quant à la date des auditions centralisées par les autorités libériennes.

La durée de la détention était encore largement inférieure au maximum légal et ne posait pas de problème de proportionnalité.

E. a. Par requête motivée du 23 septembre 2024, l’OCPM a déposé une demande de prolongation de la détention administrative d’A______ pour une durée de deux mois.

Il était toujours dans l'attente des informations du SEM relatives à une réponse des autorités de Sierra Leone ainsi que d'une communication du SEM concernant la prochaine audition centralisée avec le Libéria.

b. Devant le TAPI, lors de l'audience du 1er octobre 2024, A______ a déclaré refuser de téléphoner à l'ambassade du Libéria à Paris pour obtenir un laissez-passer et de retourner au Libéria car sa vie y était en danger. Il avait quitté ce pays à la suite de problèmes personnels. Son amie était enceinte et avait subi un avortement. Elle avait perdu connaissance durant l'intervention en 2012 et était décédée. La famille de cette dernière le menaçait de mort depuis lors. Il avait quitté le Libéria pour la Suisse trois ou quatre mois après le décès de sa compagne. S'il était libéré, sa seule option était de quitter la Suisse et de se rendre en Espagne où vivaient des amis. Il était célibataire, sans enfant et n'avait pas de problème de santé.

Le représentant de l'OCPM a indiqué s'être entretenu le matin même avec le SEM. Celui-ci restait dans l'attente d'une réponse des autorités sierra-léonaises. Lorsqu'il s'agissait d'un cas de vérification, comme en l'espèce, une réponse était attendue dans les trois à six mois après la présentation devant la délégation. L'audition centralisée s'était tenue à la mi-juin 2024. S'agissant des auditions centralisées pour le Libéria, le SEM était toujours en négociation avec l'ambassade du Libéria à Paris pour une présentation de l'intéressé, sans date fixée toutefois. Compte tenu des négociations en cours, le SEM estimait que la présentation pourrait avoir lieu lors du premier trimestre 2025, aux alentours de février ou mars 2025. Selon le SEM, A______ pouvait téléphoner à l'ambassade du Libéria à Paris et demander l'octroi d'un laissez-passer. L'identification se faisait par téléphone pour les personnes volontaires souhaitant obtenir un tel document. Une procédure identique pouvait être initiée avec les autorités de Sierra Leone.

c. Par jugement du 2 octobre 2024, le TAPI a prolongé la détention administrative d’A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu’au 7 décembre 2024 inclus.

Les autorités étaient toujours dans l'attente d'une réponse de la représentation sierra‑léonaise qui devrait intervenir d'ici mi-novembre 2024. Par ailleurs, le SEM avait demandé l'inscription de l'intéressé aux auditions centralisées organisées par l'ambassade du Libéria à Paris avec laquelle il était en négociation, estimant que la présentation pourrait avoir lieu vers février-mars 2025. Dès lors, le manque d'avancées dans le dossier d’A______ était imputable aux autorités étrangères et à lui‑même, dès lors qu'il refusait de les contacter pour obtenir un laissez-passer, étant relevé que selon le SEM, un simple entretien téléphonique suffirait.

F. a. Par acte déposé le 21 octobre 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant à son annulation, à une libération immédiate et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Lors de l’audience du 2 octobre 2024, le représentant de l’OCPM avait admis qu’aucune démarche n’avait été entreprise en vue du renvoi de l’intéressé depuis le mois de juin 2024. Les principes de diligence et célérité n’avaient pas été respectés. L’obligation de diligence était réputée violée lorsque pendant plus de deux mois les autorités n’avaient pas pris de mesures en vue du renvoi de l’étranger. Tel était son cas. Un simple courriel du SEM aux représentants de Sierra Leone n’était pas suffisant. L’OCPM n’était même pas en mesure d’indiquer une date pour l’audition par les autorités libériennes. Il contestait le bien-fondé d’une nouvelle audition par le Libéria. Ce pays ne délivrerait pas de laissez-passer puisqu’il ne l’avait pas reconnu en 2018. Il était évident que l’intention des autorités administratives suisses était de le punir en le maintenant en détention.

b. Le 18 [recte : 28] octobre 2024, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

Il a produit un courriel du SEM du 21 octobre 2024. Le chef du service immigration de la Sierra Leone et deux des fonctionnaires qui avaient visité la Suisse en juin 2024 effectuaient une mission d’identification à Munich, où se tenait une réunion d’experts. Le SEM avait contacté la délégation et sollicité une réponse concernant le cas du recourant, accompagnée d’une demande de laissez-passer. Il avait rappelé l’urgence du cas. Selon une représentante du SEM, participant à la réunion d’experts et présente à Munich, la délégation concernée lui avait indiqué que cette dernière discutait activement du cas de l’intéressé, tant en interne qu’avec ses bureaux de Freetown, et que le Chief Immigration Officer prendrait une décision « dans les prochains jours ». La situation faisait l’objet d’un suivi en temps réel par le SEM, qui tiendrait informé l’OCPM.

c. Le 29 octobre 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10).

2.             Selon l’art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 23 octobre 2024 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

À teneur dudit art. 10 LaLEtr, elle est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2e phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (al. 3 1re phr.).

3.             Le recourant ne conteste pas, à juste titre, que la détention administrative repose sur une base légale, soit l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI comme l’a développé la chambre de céans dans son arrêt du 2 juillet 2024, l’intéressé se soustrayant à son renvoi et refusant de collaborer et d’obtempérer aux ordres de l’autorité depuis plusieurs années.

L’intérêt public au renvoi du recourant, compte tenu notamment de ses multiples condamnations, en particulier pour infractions à la LStup, a été rappelé dans l’arrêt précité concernant le recourant et n’est pas remis en cause.

4.             Le recourant se plaint d’une violation des principes de célérité et de diligence.

4.1 Conformément à l'art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), toute personne a droit à la liberté et à la sûreté, et nul ne peut être privé de sa liberté, sauf s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulière d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours.

Selon la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après: CourEDH), seul le déroulement de la procédure d'expulsion justifie la privation de liberté ; or, si la procédure n'est pas menée avec la diligence requise, la détention cesse d'être justifiée au regard de cette disposition (arrêts CourEDH Khlaifia et autres c. Italie [GC] du 15 décembre 2016, § 90; Suso Musa c. Malte du 23 juillet 2013, § 91).

4.2 Selon l'art. 76 al. 4 LEI, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (« principe de célérité ou de diligence »). Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI).

4.3 Le principe de célérité est considéré comme violé lorsque, pendant plus de deux mois, aucune mesure en vue du renvoi ou de l'expulsion n'a été effectuée par les autorités compétentes de droit des étrangers (cantonales ou fédérales), sauf si le retard est imputable en premier lieu au comportement des autorités étrangères ou de l'étranger concerné (ATF 139 I 206 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_387/2023 du 7 août 2023 consid. 7.1, les deux avec les arrêts cités). Les autorités ne peuvent toutefois se prévaloir du manque de collaboration de l'étranger que pour autant qu'elles-mêmes ne soient pas restées inactives (ATF 139 I 206 consid. 2.3). En d'autres termes, le manque de collaboration de l'étranger ne justifie pas l'inactivité des autorités, qui doivent mener la procédure de renvoi avec sérieux et insistance (ATF 139 I 206 consid. 2.3). À cet égard, les autorités ne sont pas tenues de procéder schématiquement à certains actes mais doivent prendre des dispositions ciblées conçues pour faire avancer l'exécution du renvoi (ATF 139 I 206 consid. 2.1). Elles doivent en particulier tenter d'établir l'identité de l'étranger et d'obtenir rapidement les documents nécessaires à son renvoi, même sans la collaboration de l'intéressé (ATF 139 I 206 consid. 2.3 et la référence citée). Elles doivent aussi relancer les autorités étrangères et non pas se contenter d'attendre passivement que celles-ci se manifestent (arrêt du Tribunal fédéral 2C_428/2023 du 11 octobre 2023 consid. 5.2 et les références citées).  

Un constat de violation du principe de célérité conduit en principe à la libération du détenu (ATF 139 I 206 consid. 2.4).

4.4 En l’espèce, les autorités helvétiques ont entrepris des démarches dès 2015, qu’elles ont dûment reprises en juin 2024, tant avec les représentations sierra‑léonaises que libériennes. Elles ont été actives, de façon continue, et ont régulièrement relancé leurs correspondants. Le retard ne leur est en conséquence pas imputable, mais relève en premier lieu du comportement des autorités étrangères, notamment en lien avec le délai pour obtenir une détermination sur le cas de l’intéressé de la part de la représentation sierra-léonaise ainsi que pour déterminer une date pour l’audition par les autorités libériennes. De surcroît, et contrairement à ce qu’affirme le recourant, il peut être tenu compte de son comportement. À ce titre, il refuse de contacter la représentation du Libéria et n’a entrepris aucune démarche pour accélérer sa reconnaissance par les autorités de ce pays. Comme l’a déjà relevé la chambre de céans, sa position à cet égard est même contradictoire, puisqu'il persiste à se déclarer libérien, tout en plaidant que la réponse négative des autorités libériennes de 2018 devrait être considérée comme définitive. Enfin, il ne peut être suivi lorsqu’il soutient que la responsabilité des démarches de renvoi repose exclusivement sur les autorités, notamment suisses. À teneur de la jurisprudence précitée, il peut être tenu compte de l’absence de collaboration de l’étranger.

Il sera encore rappelé que le recourant n’a pas respecté les mesures moins contraignantes qui avaient été ordonnées préalablement, puisqu’il avait violé les interdictions de pénétrer dans un territoire, les assignations territoriales dans deux communes, et ne s’était pas présenté chaque semaine aux autorités.

Le principe de célérité et diligence a en conséquence été respecté par les autorités helvétiques.

5.             Se pose la question de la proportionnalité de la durée de deux mois ordonnée par le TAPI.

5.1 Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

5.2 En l’espèce, le recourant a été placé en détention administrative le 8 juin 2024.

Dans le jugement querellé du 2 octobre 2024, le TAPI a prolongé la détention administrative de deux mois soit jusqu’au 7 décembre 2024 inclus, conformément à la demande de l’autorité intimée. Les derniers jugements du TAPI, des 30 juillet et 3 septembre 2024, avaient toutefois limité les prolongations à un mois. La chambre administrative avait confirmé cette dernière durée, évoquant une position nuancée du TAPI permettant de pouvoir continuer à contrôler à court terme la détention.

La durée de deux mois est identique à celle qu’avait fixé la chambre de céans par arrêt du 2 juillet 2024, lorsqu’elle avait réduit la durée initiale de quatre à deux mois. La chambre avait alors mentionné que sous l’angle de l’examen de la proportionnalité de la détention, un résultat négatif de la présentation du recourant aux autorités sierra‑léonaises aurait pour conséquence qu’aucun laissez-passer ne pourrait être délivré et que le renvoi ne pourrait donc, selon toute probabilité, être exécuté avant le 7 octobre 2024. Une détention d’une durée de quatre mois ne se justifiait donc plus. Elle était réduite à deux, afin de permettre aux autorités d’examiner quelles démarches pouvaient être entreprises dans des délais raisonnables afin d’obtenir les documents nécessaires au renvoi, en particulier si, comme l’avait suggéré la représentante du commissaire de police lors de son audition par le TAPI, une nouvelle présentation à une délégation du Libéria pouvait être mise sur pied dans un délai respectant le principe de la proportionnalité.

Selon le courriel du SEM du 21 octobre 2024, la situation du recourant faisait l’objet d’un suivi « en temps réel » par celui-là et la décision des autorités sierra-léonaises pourrait intervenir « dans les prochains jours ». Au vu de ce dernier courriel, le délai de deux mois, échéant le 7 décembre 2024, fixé par le TAPI reste conforme au principe de la proportionnalité. Si toutefois l’autorité intimée devait ultérieurement solliciter la prolongation de la détention, l’examen du respect de ce principe pourrait porter notamment sur la documentation, par les autorités helvétiques, du suivi régulier de l’état d’avancement du dossier jusqu’au 7 décembre 2024, indépendamment de cette échéance, tant avec les autorités sierra-léonaises que libériennes, au vu de l’imminence annoncée de la décision des autorités sierra‑léonaises et, en l’état, de l’absence de toute date d’audition par les autorités libériennes.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

6.             La procédure étant gratuite, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, il n’est pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 octobre 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 octobre 2024 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Dina BAZARBACHI, avocate du recourant, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d’État aux migrations, ainsi qu’à l’établissement de détention administrative de l’aéroport de Zurich (Flughafengängnis), pour information.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. GANTENBEIN

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :