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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3274/2022

ATA/1208/2024 du 15.10.2024 sur JTAPI/1278/2023 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT;SOUSTRACTION D'IMPÔT;AMENDE
Normes : LIFD.175.al1; LHID.56.al1; LPFisc.69.al1; LHID.56.al2; LPFisc.70.al1
Résumé : Recours d’un contribuable contre le montant d’amendes sanctionnant des soustractions fiscales pour les périodes de 2012 à 2019, ainsi que d’une amende sanctionnant la tentative de soustraction fiscale pour l’année 2020, fondées sur le fait qu’il n’avait pas déclaré une grande partie de sa fortune mobilière. L’impôt sur son salaire avait été prélevé à la source par sa société de 2012 à 2017. Il n’avait cependant parallèlement pas déclaré sa fortune mobilière. Au vu de ses qualités d’homme d’affaires expérimenté, il était douteux qu’il ignorât cette obligation. Il s’était à tout le moins montré négligeant. Il ne pouvait pas se prévaloir d’une mauvaise information reçue du comptable de sa société, le cas échéant manifestement erronée et provenant d’une personne non directement mandatée pour remplir sa déclaration d’impôt. Les renseignements concernant l’obligation de déclarer sa fortune étaient facilement accessibles, même pour une personne non francophone. Le contribuable avait, dès 2018, rempli et signé une déclaration d’impôt, en omettant de remplir les rubriques concernant la fortune de manière complète. Au vu des montants en jeu, son intention de se soustraire à ses obligations fiscales ne faisait plus de doute. La quotité de l’amende, réduite d’un tiers par rapport au montant de base pour tenir compte de la bonne collaboration du contribuable, n’était pas entachée d’un abus du pouvoir d’appréciation. Même à retenir une négligence pour la période 2012 à 2017, la faute du recourant demeurait importante. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3274/2022-ICCIFD ATA/1208/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 octobre 2024

4ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Arnaud MARTIN, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 novembre 2023 (JTAPI/1278/2023)


EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : le contribuable) est un ressortissant indien, né le ______ 1975.

Ayant obtenu un baccalauréat en pharmacologie en 1995 et un master en marketing international en 1997, il a travaillé dans le négoce de métaux et de matières premières en Inde, aux Émirats Arabes Unis et à Taiwan jusqu’en 2007.

b. Il s’est établi à Genève le 30 novembre 2008. Il y a travaillé en qualité de négociant pour B______SA jusqu’en 2010.

Il ne parlait alors pas le français, qu’il aurait commencé à apprendre en 2022.

Il a bénéficié d’une autorisation de séjour annuelle jusqu’en 2017 et obtenu une autorisation d’établissement le 10 décembre 2018.

c. Les 6 décembre 2010, 8 octobre 2013 et 28 février 2018, il a fondé C______ SA (ci-après : C______) ainsi que deux autres sociétés, actives dans le négoce de matière premières alimentaires.

Le contribuable est employé de C______ depuis sa création. Unique actionnaire, sa participation dans cette société, de CHF 100'000.- avant 2015, s’élève depuis lors à CHF 2'000'000.-. Il est en outre titulaire à son égard de créances, pour un montant de CHF 70’656.- en 2012, de CHF 86'139.- en 2013, de CHF 176'930.- en 2014, de CHF 232'392 en 2015, de CHF 209'505.- en 2016, de CHF 223'664.- en 2017, de CHF 4'195’126.- en 2018, de CHF 4’184'705.- en 2019 et de CHF 3'844'023.- en 2020.

Ses participations dans ses deux autres sociétés totalisent CHF 100'000.-.

B. a. De 2012 à 2017, le contribuable a été soumis au régime de l’impôt à la source (ci‑après : IS), lequel a été prélevé par C______ sur son salaire, celui-ci variant entre CHF 54'000.- et CHF 120'000.- bruts.

Il n’a pour le surplus déclaré aucun élément de sa fortune mobilière.

b. Dès 2018, il a été soumis au régime de l’imposition ordinaire.

Les 4 octobre 2019, 1er juillet 2020 et 9 juin 2021, il a déposé ses déclarations fiscales, qu’il a lui-même signées, pour les périodes 2018 à 2020.

Il y a inscrit : au titre de revenu, le salaire tiré de son activité dépendante, de CHF 100'000.- bruts en 2018 et de CHF 120'000.- bruts en 2019 et 2020 ; au titre de fortune, le solde de son compte D______, de CHF 50'779.- en 2018, de CHF 45'451.- en 2019 et de CHF 102'730.- en 2020 ; dès 2019, le solde de son compte bancaire en Inde d’environ CHF 2'000.-, ainsi qu’une créance de CHF 100'000.- contre C______ et une dette du même montant à l’égard de sa compagne constituée le 5 juillet 2019.

Par bordereaux des 18 novembre 2019 et 28 septembre 2020, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) l’a taxé pour les périodes 2018 et 2019.

c. Le 12 novembre 2021, l'AFC-GE l’a informé de l'ouverture de procédures en rappel et soustraction d’impôt pour les périodes 2012 à 2019, et d'une procédure en tentative de soustraction pour l'année 2020.

Selon les résultats d’un contrôle effectué auprès de C______ les 18 et 19 octobre 2021, la société avait pris en charge des frais privés et de représentation commercialement injustifiés, devant être imposés comme distributions dissimulées de bénéfice. Le contribuable n’avait par ailleurs pas déclaré certains éléments de sa fortune personnelle.

Il a été invité à remplir les déclarations fiscales des années durant lesquelles il avait été soumis à l’IS, le montant prélevé à ce titre ne correspondant pas à sa réelle capacité contributive. Il devait également fournir le détail de sa fortune immobilière, y compris l'origine des fonds prêtés à C______, et des actifs bancaires suisses et étrangers détenus de 2011 à 2020.

d. Le 25 mai 2022, le contribuable a transmis à l'AFC-GE ses déclarations fiscales 2011 à 2020, une copie de ses certificats de salaire 2011 à 2017 et un contrat de prêt entre lui-même et E______ Ltd, ayant servi à financer « l’avance d’actionnaire » à C______. Il a précisé que l’augmentation de sa fortune en 2015 était due à une donation familiale et n’avoir disposé d’aucun immeuble durant la période en cause. Il n’avait acquis un tel bien qu’en 2021 avec sa compagne.

Le contrat de prêt susmentionné, daté du 7 septembre 2018, portait sur une somme de USD 4'000'000.-.

Les déclarations fiscales 2011 à 2020 comprenaient, en sus des éléments déjà déclarés dans les précédentes déclarations 2018 à 2020, les participations du contribuable dans ses sociétés et l’intégralité de ses créances à l’égard de C______.

e. Le 6 juillet 2022, l'AFC-GE a notifié au contribuable les bordereaux de rappel d'impôt et d’amende pour soustraction d’impôt concernant les périodes 2012 à 2019, ainsi que les bordereaux de taxation et d’amende pour tentative de soustraction d’impôt concernant l’année 2020. Les bordereaux prenaient en considération la part non déclarée antérieurement de sa fortune mobilière.

Compte tenu de sa bonne collaboration, la quotité des amendes a été fixée à 0,75 fois le montant des impôts soustraits de 2012 à 2019, et à 0,5 fois pour la tentative de soustraction en 2020.

Elles totalisaient ainsi CHF 87'033,42, soit, pour l’impôt cantonal et communal (ci‑après : ICC), respectivement pour l’ICC et l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) : CHF 1'827.98 et CHF 307.31 en 2012 ; CHF 834.68 et CHF 22.69 en 2013 ; CHF 1'565.63 et CHF 94.31 en 2014 ; CHF 12'702.34 en 2015 ; CHF 12'919.09 et CHF 85.88 en 2016 ; CHF 11'772.75 et CHF 37.76 en 2017 ; CHF 18'300.- en 2018 ; CHF 15'130.- en 2019 ; CHF 11'433.- en 2020.

f. Le 2 août 2022, le contribuable a formé une réclamation contre les bordereaux d’amende.

Il n’avait pas eu l’intention de se soustraire à l’impôt. Ne connaissant pas les aspects techniques de la comptabilité, il avait – de bonne foi – commis l’erreur de ne pas déclarer certains éléments. Il souhaitait payer les amendes, dont il sollicitait une réduction et leur échelonnement. La situation financière de son entreprise n’était toutefois pas saine, notamment en raison de la crise due à la pandémie de Covid‑19.

g. Par décision du 5 septembre 2022, l'AFC-GE a rejeté la réclamation.

Pour fixer la quotité des amendes, elle avait déjà tenu compte de la bonne collaboration du contribuable et celui-ci n’invoquait aucune circonstance atténuante supplémentaire. Il ne pouvait pas se prévaloir d’une méconnaissance des éléments techniques de la comptabilité dans la mesure où il était actionnaire, dirigeant et salarié de C______. Il devait donc être considéré comme particulièrement familier avec le monde des affaires. Le fait que la situation financière de sa société n’était pas saine était sans importance, puisque la procédure pénale de soustraction était dirigée contre lui personnellement.

C. a. Par acte du 6 octobre 2022, A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à la réduction des amendes pour les années 2012 à 2019 et à l’annulation de celle afférente à l’année 2020.

b. Lors d'une audience de comparution personnelle des parties, le contribuable a expliqué n’avoir pas déclaré sa fortune car ni son comptable, ni personne d’autre, ne l’avait informé de cette obligation, durant ou après la période à laquelle il avait été soumis à l’IS. Dans les trois pays où il avait vécu auparavant, il n'y avait pas d'obligation de déclarer sa fortune.

Il avait mentionné une créance de CHF 100'000.- en 2018 car elle figurait dans les comptes de sa société. Il ne savait rien de plus concernant l’impôt sur la fortune.

Il avait prêté de l’argent à C______ dès sa constitution, y injectant en particulier USD 4'000'000.- en 2018.

c. Par jugement du 14 novembre 2023, le TAPI a rejeté le recours.

Une éventuelle violation du droit d’être entendu du contribuable avait été réparée dans le cadre de la procédure.

Soumis à l’IS jusqu’en 2018, il s’était limité à déclarer son salaire par le biais de C______ et n’avait entrepris aucune démarche pour se renseigner sur ses obligations fiscales, notamment en consultant le site internet de l’AFC-GE. Il avait persisté à ne pas déclarer ses autres éléments de revenu et fortune une fois soumis au régime de taxation ordinaire. Les formulaires de déclaration 2018 à 2020 comportaient pourtant les rubriques spécifiques destinées à l’indication de ses participations dans ses trois sociétés et ses créances. Les montants en cause excluaient une simple négligence et le dol éventuel devait à tout le moins être retenu. Les amendes étaient donc justifiées sur leur principe, y compris celle infligée pour la tentative de soustraction de l’impôt en 2020, et elles ne pouvaient pas être réduites au motif que la faute était légère. L’AFC-GE avait tenu compte, à décharge, de la bonne collaboration du contribuable et, à charge, de l’importance des montants soustraits. Aucune autre circonstance atténuante n’avait été invoquée. La situation financière de C______ n’était pas pertinente, les amendes visant le contribuable personnellement. L’AFC-GE n’avait donc pas abusé de son pouvoir d’appréciation.

D. a. Par acte du 18 décembre 2023, A______ a recouru auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation, au prononcé d’amendes d’un montant équivalant au tiers de l’impôt soustrait pour les périodes 2012 à 2019, et à l’annulation de l’amende en matière d’ICC 2020.

Les premiers juges n’avaient pas tenu compte du fait qu’il ne comprenait pas le français durant la période litigieuse, de sorte qu’il n’avait pas pu prendre connaissance des directives publiées par l’AFC ni s’informer d’une autre manière de ses obligations fiscales. Il avait en conséquence eu recours à un comptable, qui ne lui avait jamais fait part de la nécessité de déposer une déclaration fiscale en matière d’impôts sur le revenu et la fortune. Ces éléments étaient pourtant déterminants dans l’évaluation de la faute.

Le TAPI avait trop hâtivement conclu qu’il avait intentionnellement fourni des informations incorrectes et incomplètes, sans dûment tenir compte des circonstances suivantes : il était arrivé en Suisse après avoir séjourné dans des pays ne connaissant pas l’impôt sur la fortune ; il avait été imposé à la source jusqu’en 2018, sans se douter devoir en sus déposer une déclaration fiscale en matière d’impôts sur le revenu et la fortune ; le patrimoine dont il avait fait l’apport à ses trois sociétés était déjà imposé auprès de ces dernières en tant que fonds propres ; il ne comprenait pas le français et ne pouvait pas vérifier par lui-même si sa déclaration d’impôt était complète ; dans le but d’éviter l’erreur, il s’était adjoint les services d’un comptable, lequel ne l’avait pas informé de son obligation de déposer une déclaration fiscale ; il n’aurait pas inscrit les créances correspondant aux prêts octroyés à C______ dans ses déclarations fiscales 2019 et 2020 s’il avait eu l’intention de se soustraire à l’impôt ; s’il avait agi par dol éventuel, il aurait évidemment saisi l’occasion d’effectuer une dénonciation spontanée non punissable avant sa première déclaration fiscale sous le régime de la taxation ordinaire ; ainsi que cela ressortait d’une lecture attentive de ses déclarations fiscales, les créances à l’égard de C______ avaient été financées par une dette à l’égard d’E______ Ltd. Ces éléments menaient à la conclusion qu’il ignorait les obligations fiscales lui incombant et ne pouvait donc avoir conscience de commettre une infraction.

Sa propre situation financière était touchée par celle de ses sociétés, dont les mauvais résultats entraînaient une baisse des salaires qu’il se versait.

b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Le TAPI avait retenu une intention, sous la forme du dol éventuel à tout le moins, sur la base des éléments suivants : le contribuable était domicilié à Genève depuis 2008, de sorte qu’il avait pu et dû se renseigner sur ses obligations déclaratives ; il avait fondé une société en 2010 et y avait investi une part importante de sa fortune ; il avait déclaré uniquement son salaire soumis à l’IS par le biais de C______ ; il avait une méconnaissance de la comptabilité et de la fiscalité suisse ; il était un homme d’affaires instruit ; il pouvait aisément prendre connaissance de ses obligations en consultant le site de l’AFC ; il n’avait pas indiqué ses participations dans ses trois sociétés dans les formules de déclarations fiscales 2018 à 2020. Le TAPI avait ainsi tenu compte dans son appréciation que le contribuable n’avait de connaissance ni en français, ni en comptabilité et en fiscalité suisse.

Le recours à un comptable n’empêchait pas qui que ce soit, en particulier un homme d’affaires instruit et entrepreneur, de prendre contact avec les autorités. Un tel recours à un professionnel n’excluait pas la responsabilité du contribuable, dont l’ignorance de l’existence de l’impôt sur la fortune en Suisse ne pouvait pas avoir pour conséquence de le décharger de ses obligations fiscales. Dans la mesure où il n’avait pas rempli ses déclarations 2018 à 2020 de manière complète, il n’avait en définitive jamais satisfait à une obligation légale lui incombant. Cela excluait la simple négligence, indépendamment du montant de l’impôt soustrait, constituant néanmoins un critère important selon la jurisprudence. Le contribuable n’avait mentionné ses créances vis-à-vis de C______ qu’après l’ouverture de la procédure de contrôle, faisant suite à la découverte de distributions dissimulées de la société.

c. La chambre administrative a tenu une audience de comparution personnelle des parties.

Le contribuable a expliqué que lorsqu’il avait créé sa propre société en 2010, il avait fait appel à la comptable de la société pour laquelle il avait travaillé antérieurement. Après trois ans, les revenus de sa compagnie ayant augmenté, il avait engagé un comptable qui exploitait sa propre société dans les mêmes locaux. Ce dernier avait rempli et lui avait fait signer les formulaires concernant son salaire, sans toutefois lui faire part d’une obligation de demander et de remplir une déclaration fiscale pour le revenu et la fortune. Il avait reçu des déclarations fiscales dès 2018 et le comptable les avait remplies. Au sujet de sa fortune, il avait transmis à ce dernier les décomptes de son compte bancaire en Inde, le reste étant dans la société. Immigrant, il faisait confiance à ses comptables, qui étaient des professionnels locaux. Il n’avait pas conscience qu’il y avait une double imposition de sa fortune personnelle et du capital de sa société.

Entre 2016 et 2018, il avait mandaté pour sa comptabilité les services d’une société où sa première comptable avait été engagée, puis dès 2019 ceux d’une fiduciaire de son quartier.

d. Dans ses observations à la suite de cette audience, l’AFC-GE a souligné que le contribuable signait lui-même ses déclarations fiscales, sans en vérifier l’exactitude ni avoir transmis à son comptable l’intégralité des informations et documents nécessaires. Il avait pourtant été informé par l’AFC-GE de ses obligations de déclarer tous ses revenus et sa fortune par les directives sur l’IS et le guide fiscal.

Le contribuable a quant à lui rappelé qu’il avait pris des renseignements sur ses obligations fiscales auprès de trois comptables différents, à qui il avait fait confiance mais qui lui avaient donné des conseils erronés.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 – LPFisc - D 3 17 ; art. 145 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             L’objet de la présente cause concerne le montant des amendes sanctionnant les soustractions fiscales pour les périodes de 2012 à 2019, ainsi que l’amende, en tant que telle, sanctionnant la tentative de soustraction fiscale pour l’année 2020. Le recourant conteste avoir agi intentionnellement.

2.1 Le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète, est puni d'une amende (art. 175 al. 1 LIFD ; art. 56 al. 1 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID - RS 642.14 ; art. 69 al. 1 LPFisc).

Pour qu'une soustraction fiscale soit réalisée, trois éléments doivent dès lors être réunis : la soustraction d'un montant d'impôt, la violation d'une obligation légale incombant au contribuable et la faute de ce dernier. Les deux premières conditions sont des éléments constitutifs objectifs de la soustraction fiscale, tandis que la faute en est un élément constitutif subjectif (arrêts du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 9.1 et 11 ; 2C_874/2018 du 17 avril 2019 consid. 10.1).

La preuve d'un comportement intentionnel de la part du contribuable doit ainsi être considérée comme apportée lorsqu'il est établi avec une sécurité suffisante que celui-ci était conscient du caractère erroné ou incomplet des indications fournies. Si cette conscience est établie, il faut présumer qu'il a voulu tromper les autorités fiscales afin d'obtenir une taxation plus favorable (arrêts du Tribunal fédéral 2C_792/2021 du 14 mars 2022 consid. 6.4.1 ; 2C_1052/2019 du 18 mai 2020 consid. 3.7.1). Cette présomption ne se laisse pas facilement renverser, car l'on peine à imaginer quel autre motif pourrait conduire un contribuable à fournir au fisc des informations qu'il sait incorrectes ou incomplètes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1066/2018 du 21 juin 2019 consid. 4.1 ; 2C_129/2018 du 24 septembre 2018 consid. 9.1). Le dol éventuel suffit pour retenir l'intention (arrêts du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_444/2018 du 31 mai 2019 consid. 9.2) : il suppose que l'auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins, parce qu'il s'en accommode au cas où il se produirait (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1073/2018 du 20 décembre 2019 consid. 17.3.1).

La notion de négligence des art. 175 LIFD et 56 LHID est identique à celle de l'art. 12 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) : commet un crime ou un délit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, agit sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle, par quoi l'on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle. Si le contribuable a des doutes sur ses droits ou obligations, il doit faire en sorte de lever ce doute ou, au moins, en informer l'autorité fiscale (ATF 135 II 86 consid. 4.3).

2.2 Celui qui tente de se soustraire à l’impôt sera puni d’une amende (art. 176 al. 1 LIFD, 56 al. 2 LHID et 70 al. 1 LPFisc).

La tentative de soustraction suppose, contrairement à la soustraction consommée, qui peut être commise par négligence, un agissement intentionnel de l'auteur. Celui‑ci doit avoir agi avec conscience et volonté, le dol éventuel étant suffisant (arrêt du Tribunal fédéral 2C_81/2022 du 25 novembre 2022 consid. 10. 2). S'agissant de savoir si une tentative de soustraction est intentionnelle ou procède d'une négligence non punissable, l'importance des montants en cause joue un rôle non négligeable, dès lors que l'absence d'un montant sur la déclaration d'impôt peut d'autant plus difficilement échapper au contribuable que la somme est élevée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_908/2011 du 23 avril 2012 consid. 3.5 ; 2C_898/2011 du 28 mars 2012 consid. 2.2).

2.3 En cas de soustraction consommée, l’amende est, en règle générale, fixée au montant de l’impôt soustrait. Si la faute est légère, l’amende peut être réduite jusqu’au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD ; art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 2 LPFisc). Le montant de l’impôt soustrait constitue donc le premier critère de fixation de l’amende, la faute intervenant seulement, mais de manière limitée, comme facteur de réduction ou d’augmentation de sa quotité. En présence d'une infraction intentionnelle sans circonstances particulières, l'amende équivaut en principe au montant de l'impôt soustrait (arrêt du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 9.1).

En cas de tentative de soustraction fiscale, l'amende est fixée aux deux tiers de la peine qui serait infligée si la soustraction avait été commise intentionnellement et consommée (art. 176 al. 2 LIFD et 70 al. 2 LPFisc).

La quotité précise de l’amende doit par ailleurs être fixée en tenant compte des dispositions de la partie générale du CP, les principes de l’art. 47 CP régissant la fixation de la peine s’appliquant. En droit pénal fiscal, les éléments principaux à prendre en considération sont le montant de l’impôt éludé, la manière de procéder, les motivations, ainsi que les circonstances personnelles et économiques de l’auteur. Les circonstances atténuantes de l’art. 48 CP sont aussi applicables par analogie (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.1 s.). La bonne collaboration du contribuable dans le cadre la procédure en soustraction d'impôt constitue en principe un élément permettant de réduire la peine (arrêts du Tribunal fédéral 9C_763/2023 du 25 juillet 2024 consid. 10.3 ; 2C_875/2018 du 17 avril 2019 consid. 8.2.2).

Dans la mesure où elles respectent le cadre légal, les autorités fiscales cantonales, qui doivent faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi, disposent d’un large pouvoir d’appréciation lors de la fixation de l’amende, l’autorité de recours ne censurant que l’abus du pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_12/2017 du 23 mars 2018 consid. 7.2.1). Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

2.4 Lorsqu'il mandate une fiduciaire pour remplir sa déclaration d'impôt, le contribuable n'est pas déchargé de ses obligations et responsabilités fiscales, mais doit supporter les inconvénients d'une telle intervention ; il répond en particulier des erreurs de l'auxiliaire qu'il n'instruit pas correctement ou dont il ne contrôle pas l'activité, du moins s'il était en mesure de reconnaître ces erreurs (arrêts du Tribunal fédéral 2C_814/2017 du 17 septembre 2018 consid. 9.4 ; 2C_908/2011 du 23 avril 2012 consid. 3.5). Lorsqu'un contribuable signe sa déclaration fiscale, il endosse la responsabilité de la véracité des indications qui s'y trouvent ; il répond ainsi lui‑même des infractions fiscales commises si une faute lui est imputable. Il ne faut pas que le contribuable qui se fait représenter soit favorisé par rapport à celui qui remplit sa déclaration fiscale lui-même, par la possibilité de se soustraire à sa responsabilité en se retranchant derrière son représentant pour des fautes qui lui sont imputables. Pour retenir l'intention, à tout le moins par dol éventuel, il faut toutefois que le contribuable ait pu reconnaître le caractère erroné de la déclaration fiscale s'il avait agi avec la diligence requise et qu'il ait ainsi été en mesure de la faire corriger (arrêt du Tribunal fédéral 2C_78/2019 précité consid. 3).

2.5 En l’espèce, le recourant était soumis à l’IS de 2012 à 2017, de sorte que l’impôt sur son salaire a été prélevé directement par C______. Il a cependant omis de déclarer en sus sa fortune mobilière, expliquant à ce sujet avoir ignoré cette obligation, dont il n’avait pas été informé par son comptable.

En tant qu’homme d’affaires expérimenté, bénéficiant d’une formation de niveau supérieur et ayant fondé trois sociétés en Suisse, il est douteux que le recourant n’ait pas eu connaissance de ce qu’il lui incombait d’informer l’AFC-GE de l’état de sa fortune, laquelle était autrement plus importante que le revenu soumis à l’IS. On peine à croire qu’il ne se soit pas renseigné sur les bases des règles fiscales appliquées en Suisse, avant de venir y travailler et, surtout, d’y installer ses entreprises. L’absence de maîtrise de la langue française n’était pas rédhibitoire. Le recourant aurait facilement pu se faire expliquer ces règles et en prendre connaissance sur des supports d’informations destinés aux étrangers, tel que le site internet officiel www.ch.ch. La rubrique concernant les impôts permet d’apprendre en quelques clics, dans toutes les langues nationales ainsi qu’en anglais, que les cantons suisses prélèvent un impôt sur la fortune (cf. https://www.ch.ch/en/taxes-and-finances/tax-return#declaring-your-assets).

Le recourant se prévaut vainement de l’absence d’information reçue des comptables successifs de sa société. Ceux-ci n’avaient en effet, à teneur du dossier, pas été mandatés pour s’occuper de sa situation fiscale personnelle, mais ils géraient la comptabilité de C______, dont le prélèvement de l’impôt à la source. Il n’apparaît en conséquence pas que le recourant les aurait chargés de s’occuper de ses impôts et que, nantis de toutes les informations utiles, ils lui auraient indiqué qu’il n’avait aucune autre obligation à remplir à l'égard de l’AFC-GE. Le cas échéant, une telle erreur aurait été reconnaissable, à tel point il était manifeste qu’en ne communiquant que le montant de son salaire, son dossier fiscal était incomplet.

La question de l’intention du recourant de se soustraire à l’impôt pour la période de 2012 à 2017 peut néanmoins rester indécise. L’infraction est en effet aussi punissable par négligence et, en l’occurrence, celle du recourant, dût-on écarter l’intention, est grave. Alors qu’il jouissait d’une fortune croissante, atteignant plusieurs millions de francs à partir de 2015, et toujours significativement plus élevée que le revenu soumis à l’IS, il n’a effectué aucune démarche pour s’assurer n’avoir pas d’information complémentaire à transmettre à l’AFC-GE. Nonobstant son expérience dans le commerce international dans différents pays, sa formation de niveau supérieur et la constitution de trois sociétés en Suisse, il est demeuré passif, se contentant de la perception de l’IS par C______. Comme vu ci-avant, il est improbable que les comptables de cette dernière lui aient dit qu’il n’avait aucune autre démarche à effectuer et, le cas échéant, il était manifeste qu’une telle information était erronée. Il ne peut pas non plus invoquer sa méconnaissance du français. Outre prendre connaissance sur le principe de l’impôt sur la fortune, il lui aurait été aisé de se faire traduire la partie topique des directives de l’AFC-GE concernant l’obligation du contribuable soumis à l’IS de déclarer sa fortune mobilière et son rendement au moyen de la formule « État des Titres » (cf. Directives concernant l’imposition à la source du 1er janvier 2012, point 8.3). Il ne pouvait pas non plus partir du principe, sans prendre de renseignement confirmant une telle hypothèse, que ses participations dans la société n’étaient pas imposables au motif qu’elles étaient déjà taxées au titre de capital dans le cadre de l’imposition des personnes morales.

2.6 Dès lors que le recourant a été soumis au régime de la taxation ordinaire et a dû remplir une déclaration d’impôt, dès 2018, son intention de se soustraire à ses obligations fiscales ne fait pas de doute. Il a en effet signé chacune des déclarations et donc validé le fait que les rubriques concernant sa fortune mobilière étaient incomplètes, ce que, en tant qu'homme d’affaires expérimenté et bénéficiant d’une formation supérieure, il pouvait comprendre même sans maîtriser parfaitement la langue française. Ce manquement a d’autant moins pu lui échapper qu’il a déclaré une partie de sa fortune, soit le solde de son compte postal, et dès 2019, le solde de son compte en Inde ainsi qu’une créance de CHF 100'000.- contre C______. Il a toutefois omis de déclarer le plus important, à savoir le reste des créances envers la précitée et ses participations dans ses sociétés. Une telle omission, portant sur un montant considérable, d’environ six millions de francs suisses, ne peut s’expliquer autrement que par son intention de tromper l’AFC-GE et de se soustraire à l’impôt sur la fortune.

Il ne peut encore une fois rien tirer de ce que les déclarations fiscales auraient été remplies par les comptables de sa société. Il les a en effet personnellement signées, de sorte qu’il endosse la responsabilité de la véracité des indications s’y trouvant, dont le caractère incomplet est manifeste. Le recourant invoque à décharge le prêt d’E______ Ltd du 7 septembre 2018. Or, qu’une partie de sa fortune mobilière provienne d’un tel prêt n’influe en rien sur son existence, et le recourant savait que les dettes chirographaires pouvaient être déclarées en déduction de la fortune, dès lors qu’il a inscrit une telle dette, de CHF 100'000.-, dans ses déclarations 2019 et 2020.

En conclusion, le recourant a pour le moins fait preuve d’une grave négligence de 2012 à 2017, puis il a agi intentionnellement de 2018 à 2020. Cela a pour conséquence que l’AFC-GE n’a pas violé la loi en retenant l’existence d’une soustraction d’impôt de 2012 à 2019 et d’une tentative de soustraction d’impôt en 2020.

2.7 L’intimée a fixé la quotité des amendes aux deux tiers du montant de l’impôt soustrait pour les années 2012 à 2019, et à la moitié de celui dû pour l’année 2020, ayant fait l’objet d’une tentative de soustraction. La quotité de base correspondant à une fois le montant de l’impôt soustrait, ou à ses deux-tiers dans le cas de la tentative, a ainsi été réduite d’un tiers pour tenir compte de sa bonne collaboration.

Même à retenir une négligence pour la période 2012 à 2017, la faute du recourant demeure importante, de sorte que l’autorité, appelée à faire preuve de sévérité pour assurer le respect de la loi, n’a violé aucun principe général du droit, en particulier l’interdiction de l’arbitraire, en ne réduisant pas davantage les amendes pour tenir dûment compte de la mesure de ladite faute. Celle-ci ne constitue en effet qu’un facteur atténuant ou aggravant secondaire et la réduction à un tiers du montant soustrait, à laquelle conclut le recourant, ne se justifie qu’en cas de faute légère, exclue en l’espèce. Il est également relevé que le recourant, en déclarant toute sa fortune mobilière, n’a fait que donner suite aux réquisits de l’AFC-GE du 12 novembre 2021. Sa collaboration s’avère ainsi bonne, sans être exceptionnelle au point d’imposer une réduction de l’amende de plus d’un tiers, même en tenant compte de la négligence pour la période précitée.

Le recourant a manqué à ses obligations fiscales durant huit ans, sans nécessité au vu des ressources financières à sa disposition. Quoi qu’il dise de la santé économique de C______, il apparaît qu’il a eu les moyens d’augmenter significativement les fonds propres et les prêts à sa société, dans une moindre mesure sa propre épargne, ainsi qu’acquérir un bien immobilier en 2021.

Il ne peut dès lors pas être reproché à l’intimée d’avoir abusé de son pouvoir d’appréciation en fixant le montant des amendes aux quotités susrappelées.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

3.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 décembre 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 novembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1’000.- à la charge de A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Arnaud MARTIN, avocat du recourant, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. WERFFELI BASTIANELLI

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :