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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1505/2024

ATA/1115/2024 du 24.09.2024 ( TAXIS ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1505/2024-TAXIS ATA/1115/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 septembre 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Guy ZWAHLEN, avocat

contre

DIRECTION DE LA POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimée



EN FAIT

A. a. A______, né le ______1967, est titulaire d'une carte professionnelle de chauffeur de taxi depuis le 12 décembre 2017.

b. Le 15 novembre 2022, il a déposé auprès du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir, devenue la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN), une « requête en délivrance d’une autorisation d’usage accru du domaine public, formulaire à l’attention des chauffeurs de taxi visés à l’art. 46 al. 13 de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31) ».

Selon cette requête, il avait bénéficié, au titre de locataire, de deux autorisations d’usage accru du domaine public (ci‑après : AUADP) : la première, correspondant aux plaques d'immatriculation GE 1______, louée à B______ du 1er septembre 2018 au 31 mars 2020 et la seconde, correspondant aux plaques d'immatriculation GE 2______, louée à C______ à compter du 1er juillet 2022.

c. Par courrier du 23 décembre 2022, la PCTN a informé A______ de son intention de rejeter sa requête dès lors qu'il ne résultait pas des pièces produites qu'il aurait été l'utilisateur effectif d'une AUADP au moment de l'adoption de la LTVTC, le 28 janvier 2022. Il était invité à faire part de ses observations avant le prononcé d'une décision.

Répondant le 5 janvier 2023, il a admis ne pas avoir été l'utilisateur effectif d'une AUADP au moment de l'adoption de la LTVTC, ajoutant qu'il s'était rendu en Tunisie en février et mars 2022 en raison du décès de deux membres de sa famille.

d. Par décision du 7 février 2023, la PCTN a rejeté la requête d'AUADP du 15 novembre 2022 au motif que A______ n'avait pas été l'utilisateur effectif d'une AUADP le 28 janvier 2022, date de l'adoption de la LTVTC.

Le recours interjeté par ce dernier auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision a été rejeté par arrêt ATA/687/2023 du 27 juin 2023. Dans cet arrêt, le fait que le recourant se soit trouvé, selon ses allégations au demeurant non démontrées, à l'étranger pour des raisons personnelles et familiales au moment de l'adoption de la LTVTC a été considéré comme dénué de pertinence (consid. 3.9).

Par arrêt 2C_394/2023 du 8 septembre 2023, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours interjeté contre cet arrêt par A______.

e. Le 30 octobre 2023, ce dernier a déposé auprès de la PCTN une nouvelle requête d'AUADP fondée sur les mêmes éléments de fait que la précédente sous réserve de la date de début de la seconde location d'AUADP, désormais indiquée – en contradiction avec le contrat de bail – comme étant le 1er juin 2022. Expliquant avoir dû renoncer à louer une AUADP en avril 2020 en raison du confinement lié au COVID-19 puis ne pas avoir pu en relouer une avant le mois de juin 2022 au vu, d'abord, d'un séjour à l'étranger en février et mars 2022 en raison du décès de sa sœur puis, à son retour, des prix exagérément élevés pratiqués alors, il invoquait nouvellement l'existence d'un « cas de rigueur » justifiant à ses yeux de déroger à l'exigence, résultant de l'art. 46 al. 13 LTVTC, de l'usage effectif d'une AUADP à la date d'adoption de cette loi.

f. Par lettre du 8 novembre 2023, la PCTN a informé A______ de son intention de rejeter sa seconde requête au motif qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qu'il aurait été l'utilisateur effectif d'une AUADP à la date requise, soit au 28 janvier 2022. Il était invité à se déterminer.

g. Le 22 novembre 2023, A______, se référant aux circonstances selon lui très particulières du cas d'espèce, a persisté à invoquer l'existence d'un cas de rigueur justifiant une dérogation à l'art. 46 al. 13 LTVTC. Le confinement lié à la crise sanitaire l'avait contraint, pour des raisons économiques, à renoncer à louer une AUADP et, lors de la reprise de l'activité après le confinement et à son retour de l'étranger, les coûts liés à la location d'une AUADP étaient beaucoup trop élevés, de telle sorte qu'il n'avait pu relouer une AUADP qu'en juin 2022.

h. Par décision du 5 avril 2024, la PCTN a rejeté la requête du 30 octobre 2023, se référant pour l'essentiel aux motifs mentionnés dans son courrier du 15 novembre 2023. Dans la mesure où le législateur n'avait pu ignorer la situation liée à la pandémie de COVID-19, l'absence de disposition y relative à l'art. 46 LTVTC devait être considérée comme un silence qualifié de la loi. Il n'était donc pas possible de considérer les conséquences de cette pandémie comme un cas de rigueur susceptible de justifier une dérogation au système légal. Le séjour du requérant à l'étranger de janvier (recte : février) à mars 2022 était sans portée sur l'exigence d'utilisation effective d'une AUADP à la date d'adoption de la LTVTC.

B. a. Le 3 mai 2024, A______ a formé auprès de la chambre administrative un recours contre cette décision, concluant à son annulation et à la délivrance de l'AUADP requise.

La situation due à la pandémie de COVID-19 dans le domaine du transport de personnes constituait un cas de rigueur. Le fait qu’il n’ait pas pu être utilisateur effectif d’une AUADP le 28 janvier 2022 était dû à des circonstances exceptionnelles. Les montants exigés par les bailleurs d’AUADP à cette époque ne lui permettaient pas de les payer. Il fallait également tenir compte du fait qu’il avait dû se rendre à l'étranger en février et mars 2022 en raison du décès de sa sœur.

Aucun intérêt public ne justifiait l’atteinte à sa liberté du commerce et de l’industrie, y compris telle qu’elle résultait de l’art. 35 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst.-GE - A 2 00). La décision querellée violait les principes de la proportionnalité, de la non-rétroactivité des lois, de la protection de la bonne foi, de l’interdiction de l’arbitraire et de la préservation des droits acquis.

b. La PCTN a conclu au rejet du recours.

c. Dans sa réplique, le recourant a relevé que l’application du régime transitoire, sans dérogation pour les cas de rigueur dus au COVID-19, portait atteinte au principe de proportionnalité. Le but d’intérêt public poursuivi, soit de mettre fin à la pratique de la location des AUADP, était déjà atteint par l’exigence d’un usage effectif au moment de l’entrée en vigueur de la loi.

La dérogation pour cas de rigueur ne concernait au demeurant qu’une vingtaine de chauffeurs.

La solution telle qu’appliquée par la PCTN était pire que celle qui prévalait sous le système de l’ancienne loi, certains détenteurs d’AUADP n’hésitant pas à continuer à louer les AUADP sous la forme de contrat de travail fictif, en exigeant que leurs employés paient, entre autres, tous les frais liés au véhicule et l’intégralité des charges sociales.

Le principe de l'égalité de traitement en relation avec la liberté économique était violé du fait que certains chauffeurs de taxi, inscrits avant le recourant sur la liste d'attente, avaient reçu deux AUADP alors que lui-même n'en avait encore reçu aucune.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Dans le corps de ses écritures, le recourant semble solliciter son audition et celle de D______, en qualité de témoin.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l’issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_245/2020 du 12 juin 2020 consid. 3.2.1). Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement ni celui d’entendre des témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2).

2.2 En l’espèce, le recourant a valablement exercé son droit d'être entendu avant le prononcé de la décision querellée et a pu également exposer son point de vue et ses arguments dans son recours et sa réplique. Il n’explique pas quels éléments utiles autres que ceux déjà exposés son audition permettrait d’apporter à la solution du litige. L’audition du témoin est invoquée pour prouver que les prix de location des AUADP étaient exorbitants avant l’adoption de la loi et qu’ils dépassaient ses moyens. Or, ces éléments, même s’ils étaient établis, ne modifieraient pas l’issue du litige, comme cela sera exposé ci-dessous. Par ailleurs, les éléments qui figurent d’ores et déjà au dossier permettent à la chambre de céans de statuer en toute connaissance de cause.

Il ne sera donc pas procédé à l’audition du recourant et du témoin.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus de délivrer une AUADP, en application du régime transitoire prévu par l’art. 46 al. 13 LTVTC.

3.1 La LTVTC, actuellement en vigueur depuis le 1er novembre 2022, résulte du projet de loi (ci-après : PL) n° 12'649 sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur, déposé par le Conseil d’État devant le Grand Conseil le 26 février 2020. Ce projet a été renvoyé à la commission parlementaire des transports qui a rendu deux rapports, respectivement le 16 août 2021 (ci-après : Rapport A) et le 11 janvier 2022 (ci-après : Rapport B).

Dans sa présentation du projet de loi, le département a exposé qu’en raison du numerus clausus des AUADP, le délai d’attente pour leur obtention pouvait atteindre plusieurs années, ce qui augmentait leur valeur économique et permettait à leurs titulaires de gagner de l’argent en vivant de la rente résultant de la location de leurs plaques pour un loyer dépassant parfois plus de dix fois le montant de la taxe annuelle. De nombreux chauffeurs voulant exercer la profession de chauffeur de taxi étaient ainsi contraints de louer une AUADP, ce qui les rendait dépendants et économiquement vulnérables. Il était apparu que 53 personnes détenaient 150 AUADP, dont une personne qui en avait dix. En l’absence d’outils permettant de contrôler les prix, le PL prévoyait de supprimer la cession des plaques, en recourant à leur location ou au bail à ferme. Ainsi, selon le PL, le détenteur d’une AUADP pouvait soit l’utiliser lui-même, soit engager un chauffeur pour l’utiliser, qui devenait contractuellement son employé, soit céder définitivement l’AUADP.

La commission parlementaire a voulu supprimer la location des plaques, qui conférait une rente de situation aux titulaires d’une AUADP, lesquels les louaient à un prix abusif. Le bail à ferme permettait la réalisation de marges excessives par rapport à l’outil de travail proposé, en tirant profit d’un avantage octroyé par l’État pour le monnayer. Il convenait de supprimer cette possibilité, une indemnisation étant introduite dans les dispositions transitoires en faveur des personnes rendant leur AUADP.

À l’issue de la séance du 28 janvier 2022, le Grand Conseil a adopté la LTVTC (loi 12'649), publiée le 4 février 2022 dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) fixant le délai référendaire au 16 mars 2022.

Vu l’expiration du délai référendaire, le Conseil d’État a, par arrêté du 23 mars 2022 publié dans la FAO du 25 mars 2022, promulgué la LTVTC pour être exécutoire dans tout le canton dès le lendemain de la publication dudit arrêté, l’entrée en vigueur de la loi devant être fixée ultérieurement par le Conseil d’État. Le 19 octobre 2022, le Conseil d’État a annoncé que la LTVTC et son règlement d’application entreraient en vigueur le 1er novembre 2022.

3.2 L’art. 46 al. 13 LTVTC dispose, sous l’intitulé « attribution des autorisations restituées ou caduques », que le département peut attribuer l’AUADP à la personne physique ou morale qui en était l’utilisateur effectif au moment du dépôt de la LTVTC, s’il en est toujours l’utilisateur au moment de l’adoption de la LTVTC, en fait la requête et réalise les conditions de délivrance visées à l’art. 13 al. 5 LTVTC.

Les personnes réalisant les conditions de l’art. 46 al. 13 de la loi peuvent requérir la titularité d'une AUADP. La requête doit être déposée dans le délai transitoire mentionné à l’al. 11 du présent article ; l'art. 5 du présent règlement est applicable pour le surplus (art. 57 al. 12 règlement d'exécution de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 21 juin 2017 - RTVTC - H 1 31 01). L’art. 57 al. 11 RTVTC prévoit que le service peut, pendant le délai transitoire des douze mois visé à l’art. 46 al. 8 LTVTC délivrer jusqu’à 200 AUADP supplémentaires aux utilisatrices et utilisateurs effectifs au sens de
l’art. 46 al. 13 LTVTC.

Dans son arrêt du 24 mars 2023 (ACST/15/2023), la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) a jugé que l’art. 46 al. 13 LTVTC était une disposition légale transitoire, adoptée pour permettre aux chauffeurs de taxis exerçant leur profession à travers la location de plaques ou d’un bail à ferme de continuer leur activité, malgré l’abolition de ces pratiques par l’entrée en vigueur de la LTVTC, et de leur attribuer, pour autant que les conditions légales soient remplies, une AUADP (consid. 5.3.4). Dans ce contexte, le Conseil d’État avait indiqué que l’augmentation transitoire du nombre d’AUADP pendant un an (art. 57 al. 11 RTVTC) permettait d’atténuer les effets du passage au régime de l’interdiction de location des autorisations.

La chambre constitutionnelle a rappelé que l’AUADP octroyée aux taxis ne conférait généralement pas de droits acquis, à moins de garanties spécifiquement obtenues concernant la poursuite de l’activité de location de plaques, ce qui n’était pas le cas dans les affaires dont elle était saisie (ACST/26/2022 du 22 décembre 2022 ; ACST/27/2022 du 22 décembre 2022).

3.3 Se penchant sur la condition d’être utilisateur effectif de l’AUADP au moment du dépôt de la LTVTC, la chambre de céans a jugé que celle-ci n’était pas décisive, mais qu’était en revanche déterminant le fait d’être utilisateur effectif au moment de l’adoption de la loi le 28 janvier 2022 (ATA/779/2023 du 18 juillet 2023 consid. 5.6.2 ; ATA/886/2023 du 22 août 2023 consid. 6.6).

Dans un arrêt récent du 4 juin 2024 (2C_690/2023), le Tribunal fédéral a confirmé la compatibilité de l’art. 46 al. 13 LTVTC avec les principes de non‑rétroactivité des lois et de proportionnalité en lien avec la liberté économique.

Dans sa jurisprudence, la chambre administrative a eu l’occasion de relever que la situation des chauffeurs de taxis liée à la crise sanitaire ne permettait pas de déroger à l’application de l’art. 46 al. 13 LTVTC. À rigueur de texte, cette disposition ne prévoyait pas la possibilité d’invoquer des motifs d’empêchement à la location d’une AUADP. Il ressortait des travaux parlementaires que l’idée du régime transitoire était de prévoir un passage en douceur pour les personnes subissant des sacrifices trop importants du fait de la nouvelle réglementation. Or, les chauffeurs de taxi qui n’étaient pas locataires d’une AUADP au moment de l’adoption de la loi ne se trouvaient pas dans la situation dans laquelle leur relation par rapport au bailleur devait être clarifiée et ils ne couraient pas le risque de perdre leur outil de travail en raison de la restitution par leur bailleur de l’AUADP (ATA/1051/2024 du 3 septembre 2024 consid. 3.6 et 3.7 ; ATA/1013/2024 du 27 août 2024 consid. 2.3 ; ATA/918/2024 du 6 août 2024 consid. 2.10 ; ATA/878/2024 du 23 juillet 2024 consid. 3.9 ; ATA/879/2024 du 23 juillet 2024 consid. 2.9 ; ATA/821/2024 du 9 juillet 2024 consid. 3.9).

Ces considérations ont conduit la chambre administrative à retenir qu'un chauffeur de taxi (il s'agissait déjà du recourant) qui, sans être locataire à ce moment d'une AUADP, avait été absent de Suisse de janvier à mars 2022 n’était pas, durant cette période, l’utilisateur effectif des plaques louées au sens de l'art. 46 al. 13 LTVTC, peu importaient les motifs pour lesquels il s’était rendu à l’étranger (ATA/687/2023 du 27 juin 2023 consid. 3.9). Elle a abouti à la même conclusion dans le cas d'un chauffeur de taxi dont le contrat de location d'une AUADP avait pris fin depuis plusieurs mois en raison d'un accident et qui se trouvait toujours en incapacité de travail à la date d'adoption de la LTVTC (ATA/814/2024 du 9 juillet 2024 consid. 2.6).

3.4 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme ; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 144 V 313 consid. 6.1 ; 137 IV 180 consid. 3.4). La chambre de céans suit la même approche (ATA/1279/2023 du 28 novembre 2023 consid. 4.8 et l'arrêt cité).

3.5 Selon un principe général de droit intertemporel, les dispositions légales applicables à une contestation sont celles en vigueur au moment où se sont produits les faits juridiquement déterminants pour trancher celle-ci (ATF 146 V 364 consid. 7.1 ; 140 V 41 consid. 6.3.1). Liée aux principes de sécurité et de prévisibilité du droit (art. 5 al. 1 Cst.), l'interdiction de la rétroactivité des lois résulte du droit à l'égalité de traitement (art. 8 Cst.), ainsi que de l'interdiction de l'arbitraire et de la protection de la bonne foi (9 Cst.). L'interdiction de la rétroactivité (proprement dite) fait obstacle à l'application d'une norme à des faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur (ATF 147 V 156 consid. 7.2.1), car les personnes concernées ne pouvaient, au moment où ces faits se sont déroulés, connaître les conséquences juridiques découlant de ces faits et se déterminer en connaissance de cause (ATF 144 I 81 consid. 4.2 ; arrêt 2C_339/2021 du 4 mai 2022 consid. 4.1). Il n'y a pas de rétroactivité proprement dite lorsque le législateur entend réglementer un état de chose qui, bien qu'ayant pris naissance dans le passé, se prolonge au moment de l'entrée en vigueur du nouveau droit ; cette rétroactivité (improprement dite) est en principe admise, sous réserve du respect des droits acquis (ATF 148 V 162 consid. 3.2.1 ; 146 V 364 consid. 7.1 ; 144 I 81 consid. 4.1).

3.6 En l’espèce, la seconde requête formée par le recourant auprès de la PCTN en vue de l’obtention d’une AUADP – qui constitue le fait juridiquement déterminant – date du 6 octobre 2023, soit après l’entrée en vigueur de la nouvelle LTVTC. Cette demande doit donc s’examiner au regard de la nouvelle réglementation, conformément au principe général du droit intertemporel rappelé par la jurisprudence fédérale susmentionnée. Contrairement à ce que semble penser le recourant, sa requête ne soulève pas de question sous l’angle de la rétroactivité des lois puisqu’elle a été déposée après l’entrée en vigueur de la nouvelle LTVTC (arrêt du Tribunal fédéral 2C_690/2023 du 4 juin 2024 consid. 5.1). Ce grief doit être écarté.

Le recourant ne conteste pas ne pas avoir été l’utilisateur effectif d’une AUADP le 28 janvier 2022. Il fait toutefois valoir qu’en raison de la crise sanitaire, qui a durement affecté le secteur du transport de personnes, d'un déplacement à l'étranger et des prix prohibitifs pratiqués à l'époque, il n’a pas pu disposer d’une AUADP au moment déterminant du 28 janvier 2022. Cette situation exceptionnelle constituerait selon lui un « cas de rigueur », justifiant une dérogation au régime transitoire, en ce sens que la condition d’avoir été utilisateur effectif au moment de l’adoption de la loi ne devrait pas s’appliquer à son cas.

La chambre administrative a toutefois déjà retenu, dans sa jurisprudence, que l’art. 46 al. 13 LTVTC ne prévoyait pas la possibilité d’invoquer des motifs d’empêchement à la location d’une AUADP au moment de l’adoption de la loi, le 28 janvier 2022. Si le législateur avait voulu déroger au régime transitoire, plus particulièrement à l’exigence d’avoir été l’utilisateur effectif d’une AUADP au moment déterminant, il l’aurait clairement indiqué. Ainsi que l’a relevé l’intimé, l’art. 46 al. 13 LTVTC a été élaboré durant la période de la crise sanitaire, si bien que les conséquences économiques de cette situation sur les chauffeurs de taxis ne pouvaient être ignorées par le législateur. Par ailleurs, comme l’a jugé récemment le Tribunal fédéral, il n’apparaît pas contraire au principe de la bonne foi de circonscrire le cercle des bénéficiaires d'un régime transitoire prévoyant un accès privilégié à la titularité des autorisations aux chauffeurs qui ont recouru à la location de celles-ci jusqu'au moment de l'adoption de la LTVTC, car ces chauffeurs ne pouvaient pas, avant ce moment-là, s'attendre à l'interdiction d'une telle pratique. En revanche, dès l'adoption de la loi, les chauffeurs devaient s'attendre aux modifications juridiques intervenues, même s'ils ne savaient pas de manière définitive quand une telle suppression entrerait en vigueur. Le régime permet ainsi d'éviter des abus consistant à devenir locataire d'une autorisation d'usage accru du domaine public avant l'entrée en vigueur de la loi, dans le seul but de pouvoir bénéficier de l'application de l'art. 46 al. 13 LTVTC et de court-circuiter l'ordre prévu dans la liste d'attente de ces autorisations.

Or, dans le cas présent, le recourant a reloué une AUADP le 1er juillet 2022, soit à une période où il devait s’attendre à l’interdiction d’une telle pratique. Contrairement aux chauffeurs de taxi qui étaient utilisateurs effectifs au moment de l’adoption de la loi, le recourant connaissait le risque qu’il prenait de perdre son outil de travail en raison de la restitution par son bailleur de l’AUADP. En tant qu’elle distingue ces situations, la loi échappe à toute critique.

Il s’ensuit que, faute d'avoir été titulaire d’une AUADP au moment déterminant du 28 janvier 2022, le recourant ne peut bénéficier du régime transitoire instauré par l’art. 46 al. 13 LTVTC (ATA/814/2024 du 9 juillet 2024 consid. 2.6 ; ATA/619/2024 du 21 mai 2024 consid. 4).

4.             Invoquant l’art. 27 Cst., le recourant se plaint d’une violation du principe de proportionnalité en lien avec la liberté économique.

4.1 Selon l’art. 27 Cst., la liberté économique est garantie (al. 1) ; elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (al. 2). L'art. 35 Cst-GE contient une garantie similaire.

4.2 L’activité de chauffeur de taxi indépendant ou salarié est protégée par l’art. 27 Cst., même si l’exercice de cette activité implique un usage accru du domaine public (ATF 143 II 598 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_79/2023 du 23 février 2024 consid. 4.1.1, destiné à la publication et les arrêts cités). Les restrictions cantonales à l’exercice de la profession de chauffeur de taxi qui portent ainsi atteinte à la liberté économique doivent reposer une base légale, être justifiées par un intérêt public prépondérant et respecter le principe de proportionnalité, qui exige qu’une mesure soit apte à produire les résultats escomptés (aptitude), que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (nécessité), et interdit toute limitation des droits individuels allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (proportionnalité au sens étroit ; art. 36 al. 1 à 3 Cst. ; ATF 149 I 191 consid. 6 et 7.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_79/2023 précité consid. 4.1.1, destiné à la publication).

4.3 Dans un arrêt récent concernant un refus d’attribution d’une AUADP en faveur d’un chauffeur de taxi genevois au motif qu’il n’était locataire d’une AUADP que depuis le 4 février 2022, le Tribunal fédéral a relevé que l’art. 46 al. 13 LTVTC ne restreignait d’aucune manière sa liberté économique. Une telle restriction résultait de l’art. 13 al. 3 (« les autorisations et la plaques d’immatriculation correspondantes sont strictement personnelles et intransmissibles ») et 9 let. e LTVTC (« le département constate la caducité de l’autorisation lorsque son titulaire met à la disposition d’un tiers l’autorisation, respectivement la plaque d’immatriculation correspondante en violation de l’al. 3 »). Le fait que l’art. 46 al. 13 LTVTC prévoie la possibilité, et non pas le droit, de se voir attribuer en priorité une autorisation personnelle pour les chauffeurs qui en louaient une à leur titulaire au moment de l’adoption de la loi ne signifiait pas que cette disposition consacre une violation « directe » de sa liberté économique (arrêt du Tribunal fédéral 2C_690/2023 du 4 juin 2024 consid. 7.2).

4.4 Il découle de ce qui précède que, contrairement à ce que prétend le recourant, l’art. 46 al. 13 LTVTC ne restreint pas sa liberté économique. Cette disposition prévoit la possibilité – et non le droit – de se voir attribuer une autorisation, étant rappelé que la jurisprudence admet que le droit cantonal puisse limiter l’utilisation du domaine public par les chauffeurs de taxi en soumettant celle-ci à autorisation. Le recourant reste libre d’obtenir une telle autorisation en déposant une demande d’inscription sur une liste d’attente, ce qu’il soutient avoir fait. On rappellera, enfin, qu’il n’existe pas de droit au maintien d’une législation en vigueur jusqu’alors et qu’un régime transitoire doit seulement permettre aux administrés de s’adapter à la nouvelle réglementation et non pas de profiter le plus longtemps possible de l’ancien régime plus favorable (ATF 149 I 291 consid. 5.4 ; 145 II 140 consid. 4).

5.             Enfin, comme déjà retenu par la chambre administrative dans une situation comparable (ATA/918/2024 du 6 août 2024 consid. 2.9), la décision ne consacre aucune inégalité de traitement entre chauffeurs de taxis qui ont obtenu le renouvellement facilité de leur AUADP, selon l’art. 46 al. 13 LTVTC, et ceux qui ont obtenu une nouvelle AUADP en raison du fait qu’ils figuraient en tête de la liste d’attente. En effet, la loi n’interdit nullement d’être titulaire de plusieurs AUADP. Ainsi, les chauffeurs de taxis qui en remplissent les conditions légales peuvent se voir délivrer plusieurs AUADP. Pour le surplus, le recourant ne soutient pas que des chauffeurs de taxis ne disposant pas, comme lui, d’une AUADP le 28 janvier 2022 auraient néanmoins bénéficié d’un renouvellement facilité de leur AUADP obtenue postérieurement à cette date. L’on ne discerne ainsi pas d’inégalité de traitement entre chauffeurs de taxis se trouvant dans la même situation que le recourant.

Au vu de ce qui précède, les critiques du recourant n’apparaissent pas fondées.

Son recours sera ainsi rejeté.

6.             Malgré l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu, le recourant plaidant au bénéfice de l’assistance juridique (art. 87 al. 1 LPA et art. 13 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 – RFPA – E 5 10.03). Vu l’issue du litige, il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 mai 2024 par A______ contre la décision de la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 5 avril 2024 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Guy Zwahlen, avocat du recourant, ainsi qu'à la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :