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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2517/2024

ATA/1099/2024 du 18.09.2024 ( MARPU ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2517/2024-MARPU ATA/1099/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 18 septembre 2024

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ SA recourante
représentée par Me Ema BOLOMEY, avocate

contre

DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES DE L'ÉTAT

et

B______ SA intimées
représentée par Me Michel BERBGMANN, avocat



Vu, en fait, l’appel d’offres en procédure ouverte non soumis aux accords internationaux publié le 11 avril 2024 sur Simap par la centrale commune d’achats de l’État de Genève (ci‑après : CCA) portant sur la conclusion d’un contrat d’assurance selon la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20) et l’ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202) pour le personnel de l’État de Genève non soumis à la SUVA ;

que les critères d’adjudication indiqués dans la publication étaient : (1) prix, pondération 65 %, (2) qualité (organisation pour la gestion des dossiers, moyens techniques proposés), pondération 25 % ; (3) qualité (organisation de l’entreprise, soit contribution à la composante sociale du développement durable, contribution à la composante environnementale du développement durable et contribution à la formation des apprentis), pondération 10 % ; que le dossier d’appel d’offres reprenait ces critères, les énonçant par ordre décroissant, le critère n° 3 étant composé de trois sous-critères ;

que par décision du 16 juillet 2024, la CCA a attribué le marché à la société B______ SA (ci-après : B______) pour le prix de CHF 26'377'014.10 ;

qu’elle a indiqué le même jour à A______ SA (ci-après : A______) que son offre était placée en 2e position sur 5 offres valables ; pour le critère n° 1 son offre avait été classée en 1re position sur 5 ; pour le critère n° 2 elle avait été classée en 4e position sur 5 et pour le critère n° 3 elle avait été classée en 5e position sur 5 ;

que par acte remis à la poste le 26 juillet 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre cette décision, concluant à ce que la décision soit réformée et lui adjuge le marché ; subsidiairement, la décision devait être annulée et la cause renvoyée à la CCA ; plus subsidiairement, le caractère illicite de la décision devait être constaté ; à titre provisionnel, l’effet suspensif devait être accordé au recours et interdiction devait être faite à la CCA de conclure le contrat ;

que le dossier d’appel d’offres ne contenait aucune indication de la formule appliquée pour évaluer le critère n° 1 ; aucune note ni nombre de points n’étaient précisés ; son offre était pourtant la moins chère ; elle se serait placée en première position pour ce critère ; elle avait donc dû obtenir de très mauvaises notes pour les critères nos 2 et 3 pour que l’écart entre elle et l’adjudicataire soit comblé ; or, elle avait accepté toutes les exigences du cahier des charges pour le critère n° 2 sauf une, et émis des réserves pour les autres ; elle avait répondu à toutes les demandes de clarification du pouvoir adjudicateur concernant notamment les réserves émises ; elle avait proposé un logiciel équivalent à celui que connaissait le pouvoir adjudicateur, mais plus avancé et plus adapté à ses besoins ; la note maximale devait lui être attribuée pour plusieurs exigences tenant à la qualité de l’offre, soit le critère n° 2, si bien qu’il était impossible qu’elle n’ait obtenu que la 4e position sur 5 pour celui-ci ; elle avait par ailleurs répondu par l’affirmative aux questions sur la qualité de l’entreprise, si bien qu’il était impossible qu’elle se soit retrouvée en dernière position pour le critère n° 3 ;

que par décision du 31 juillet 2024, le juge délégué a fait interdiction à la CCA de conclure le contrat jusqu’à droit jugé sur mesure provisionnelles ;

que le 12 août 2024, la CCA s’est opposée à l’octroi de l’effet suspensif ; le contrat avec l’assureur actuel prenait fin le 31 décembre 2024 et le délai impératif pour résilier le contrat était au 30 septembre 2024 ; l’appel d’offres était identique à celui publié en 2018, les besoins étant constants ; la recourante avait alors déjà soumissionné, sans émettre de remarques sur le dossier d’appel d’offres, le cahier des charges et le prix ; les critères d’adjudication étaient énumérés au ch. 8 du dossier d’appel d’offres ; les soumissionnaires pouvaient poser des questions jusqu’au 25 avril 2024 et les réponses seraient mises en ligne le 2 mai 2024 ; la recourante n’avait posé aucune question ; la concurrence classée en 2e position avait demandé des clarifications sur sa notation, qu’elle avait reçues, et avait choisi de ne pas recourir ; la recourante n’avait pas pris contact ; les griefs invoqués avaient trait à l’appel d’offres et étaient tardifs ; sur le fond, la recourante avait obtenu les notes de 6, respectivement 4 et 0 aux critères C5, C9 et C27, seuls à être notés ; pour le critère C9, la recourante ne s’était pas engagée sur l’ensemble des critères et ne pouvait obtenir la note maximale de 6 ; pour le critère C27, il avait été considéré à la suite de l’échange de courriers que la recourante n’était pas en mesure de répondre à cette exigence ; les critères C13, C22 et C25 étaient éliminatoires et la recourante les avait remplis ; la recourante avait répondu de manière lacunaire et laconique au questionnaire du critère n° 3 et fourni une documentation insuffisante sans explications claires ;

qu’elle a le même jour produit à l’attention de la recourante une copie de son évaluation ;

que le 12 août 2024, B______ a conclu au rejet de la demande d’octroi de l’effet suspensif ;

que le 26 août 2023, A______ a persisté dans ses conclusions sur mesures provisoires ; le faible écart de prix entre son offre et celle de l’adjudicataire imposait de déterminer si celui‑ci n’avait pas été artificiellement rattrapé par une meilleure notation des autres critères d’adjudication afin que le marché soit attribué à B______ ; elle avait indiqué à la rubrique C9 pouvoir fournir des données souhaitées sur une base hebdomadaire plutôt que mensuelle et que les attentes concrètes devaient être discutées en cas d’adjudication, de sorte qu’il était erroné d’affirmer qu’elle ne pourrait fournir les statistiques au complet ; le pouvoir adjudicataire n’indiquait pas de note pour la rubrique C27, mais mentionnait que d’autres concurrents avaient obtenu la note 0 ; le pouvoir adjudicateur devait fournir au soumissionnaire qui en faisait la demande les informations lui permettant de retracer les notes obtenues par les autres concurrents ; les affirmations de la CCA sur le critère n° 3 ne permettaient pas de comprendre l’évaluation de son offre et étaient contestées ; rien n’empêchait l’État de Genève de négocier avec l’adjudicataire actuel une prolongation du contrat en vigueur, de sorte qu’aucun intérêt prépondérant de l’État ne s’opposait à l’octroi de l’effet suspensif ;

que la cause a ensuite été gardée à juger sur mesures provisionnelles, ce dont les parties ont été informées ;

Considérant, en droit, qu’interjeté en temps utile devant l'autorité compétente, le recours est, a priori, recevable (art. 15 al. 2 de l'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d'État à adhérer à l'accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01) ;

que les mesures provisionnelles sont prises par le président ou la vice-présidente de la chambre administrative ou, en cas d'empêchement de ceux-ci, par une autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA – E 5 10 ; art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020) ;

qu'aux termes des art. 17 al. 1 AIMP et 58 al. 1 RMP, le recours n'a pas d'effet suspensif ; toutefois, en vertu des art. 17 al. 2 AIMP et 58 al. 2 RMP, l'autorité de recours peut, d'office ou sur demande, octroyer cet effet pour autant que le recours paraisse suffisamment fondé et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose ;

que l'examen de la requête suppose une appréciation prima facie du bien-fondé du recours ; l'effet suspensif doit être refusé au recours manifestement dépourvu de chances de succès et dont le résultat ne fait aucun doute ; inversement, un diagnostic positif prépondérant ne suffit pas d'emblée à justifier l'octroi d'une mesure provisoire, mais suppose de constater et de pondérer le risque de préjudice (ATA/987/2021 du 24 septembre 2021 ; ATA/217/2021 du 1er mars 2021 consid. 2 ; ATA/1349/2019 du 9 septembre 2019) ;

que lorsqu'une autorité judiciaire se prononce sur des mesures provisoires, elle peut se limiter à la vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles, tout en ayant l'obligation de peser les intérêts respectifs des parties (ATF 139 III 86 consid. 4.2 ; 131 III 473 consid. 2.3) ;

que la restitution de l'effet suspensif constitue cependant une exception en matière de marchés publics et représente une mesure dont les conditions ne peuvent être admises qu'avec restriction (ATA/1349/2019 précité ; ATA/446/2017 précité consid. 2 ; ATA/62/2017 du 23 janvier 2017 consid. 2 ; ATA/793/2015 du 5 août 2015 consid. 2) ;

que l'AIMP a pour objectif l'ouverture des marchés publics (art. 1 al. 1 AIMP) ; qu’il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l'égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l'impartialité de l'adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP) et assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) ;

que selon l’art. 43 RMP, l'évaluation des offres est faite selon les critères prédéfinis conformément à l'art. 24 RMP et énumérés dans l'avis d'appel d’offres et/ou les documents d'appel d’offres (al. 1) ; que le résultat de l'évaluation des offres fait l'objet d'un tableau comparatif (al. 2) ; que le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l'offre économiquement la plus avantageuse, c'est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix ; qu’outre le prix, les critères suivants peuvent notamment être pris en considération : la qualité, les délais, l'adéquation aux besoins, le service après-vente, l'esthétique, l'organisation, le respect de l'environnement (al. 3) ;

qu’en matière d'évaluation des offres, la jurisprudence reconnaît une grande liberté d'appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 consid. 6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 du 5 avril 2018 consid. 5.1 ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 8b et les références citées) ;

qu’en l’espèce, l’autorité a exposé les critères et les sous-critères dans le dossier d’appel d’offres ; dans la décision querellée, elle a indiqué à la recourante la position de son offre pour chacun des trois critères ; dans sa réponse sur mesures provisionnelles, elle a détaillé les notes reçues par la recourante et expliqué la notation ; sur ce dernier point, on comprend du contexte que la note obtenue par la recourante pour le critère C27 était 0 (zéro) ; la CCA a par ailleurs produit à l’attention de la recourante une copie de sa notation ;

qu’il ressort de l’offre de la recourante, que celle-ci a produit, que les critères C5, C9 et C27 apparaissaient sur le formulaire comme étant les seuls qui seraient évalués ;

que pour le critère C27, portant sur le fourniture d’un accès sécurisé à un portail informatique dédié, elle a coché, sous la rubrique « acceptation », la case « non » et indiqué « N’existe pas à ce jour. Possible développement futur », obtenant la note 0 ;

que pour le critère C5, elle a obtenu la note maximale (6) ;

que pour le critère C9, elle a obtenu la note de 4 ; pour ce critère, il ressort de l’évaluation que : le barème indique « si OK = 4 ; fourni stat : 5 ; fourni toutes les stats : 6 », la recourante a précisé dans son offre « À l’exception des statistiques » (et elle indique dans son recours qu’il s’agit d’une réserve de sa part) ; l’évaluation indique « Aucune indication dans le CDC. Selon réponse, les deux éléments demandés ne pourront pas figurer dans les statistiques. Suite questions réponses ne fournit pas de statistiques à ce jour » ; il ressort des questions-réponses produites par la recourante que la CCA lui a posé une question (n° 2) portant notamment sur la fourniture des statistiques et que la recourante lui a répondu : « les données nécessaires aux statistiques ne sont pas systématiquement recueillies. Une analyse manuelle et représentative devrait être réalisée […] » ;

qu’en ce qui concerne le critère n° 3, la recourante n’a pas coché la case (soc2 s2.1) du formulaire portant sur les mesures de réinsertion professionnelle et a obtenu la note de 0 (zéro) ; elle a coché les cases s1.2, s1.3 et s1.4 de la rubrique soc1 portant sur les programmes et organisation mis en place pour les salariés, affirmant ainsi que les collaborateurs pouvaient suivre des formations payées par l’employeur, respectivement travailler à temps partiel ou bénéficier d’autres mesures (télétravail, annualisation) à préciser ; elle a précisé « programme de formation continue interne / degreed (plateforme d’apprentissage) » (s1.2), « oui, il est possible de travailler à temps partiel (36.3%) » (s1.3) et « oui, il est possible de travailler à domicile depuis l’étranger » (s1.4) ; elle n’affirme pas avoir fourni les pièces requises, tels par exemple le règlement interne, l’information des collaborateurs, les factures, les certifications, le rapport d’audit ou le questionnaire présentant la mesure (EcoEntreprise, BeCorporation, ecoVadis, etc.) ; elle a obtenu les notes de 0 (s1.2), 0.6 (s1.3) et 0.3 (s1.4) ;

qu’à ce stade de la procédure et sans préjudice de l’examen au fond, les griefs adressés à la notation n’apparaissent pas d’emblée fondés ;

que les griefs relatifs à l’appel d’offres lui-même devaient par ailleurs être soulevés dans un recours formé contre ce dernier lors de sa publication, et que leur recevabilité apparaît, à ce stade de la procédure et sans préjudice de l’examen au fond, à tout le moins incertaine ;

que les chances de succès du recours n’apparaissent ainsi pas, sans préjudice de l’examen au fond, à ce point manifestes qu’elles justifieraient d’octroyer l’effet suspensif au recours ;

que l’autorité adjudicatrice fait par ailleurs valoir la nécessité de résilier le contrat en cours au 30 septembre 2024 ; l’octroi de l’effet suspensif aurait pour effet d’empêcher la résiliation en temps utile ; la recourante ne rend pas vraisemblable que la négociation d’une prolongation avec l’assureur actuel dans ce délai serait envisageable sans difficultés ni coûts excessifs pour l’État ;

qu’il n’y a ainsi pas lieu d’accorder l’effet suspensif ;

qu’il sera statué sur les frais de la présente décision avec l’arrêt au fond ;

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse d’octroyer l’effet suspensif au recours ;

dit qu’il sera statué sur les frais de la présente décision avec l’arrêt au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF-RS 173.110),  la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

si elle soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Ema BOLOMEY, avocate de la recourante, à Me Michel BERBGMANN, avocat de B______ SA ainsi qu'à la direction générale des finances de l'État.

 

 

 

La vice-présidente :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :