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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/729/2023

ATA/1053/2024 du 03.09.2024 sur JTAPI/986/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/729/2023-PE ATA/1053/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 septembre 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______

représenté par Me Gazmend ELMAZI, avocat recourant

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 septembre 2023 (JTAPI/986/2023)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______1971, est ressortissant du Kosovo.

b. Selon ses dires, il est arrivé en Suisse en août 2011.

B. a. Le 2 juin 2022, A______ a déposé une demande d'autorisation de séjour auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) pour cas de rigueur.

b. Après son arrivée en Suisse, il avait travaillé dans différentes entreprises et était employé par une entreprise de jardinage. Il n'avait jamais bénéficié de l'aide de l'Hospice général (ci-après : l'hospice), n'avait pas de poursuites pour dettes ni de condamnations pénales et était parfaitement intégré. Il avait suivi des cours de français. S'il était renvoyé dans son pays, il subirait un nouveau déracinement.

À l'appui de sa demande, il a produit des abonnements des Transports publics genevois (ci-après : TPG), une attestation de l'entreprise B______, qui l'avait employé en septembre 2017, ainsi qu'une facture d'un colis envoyé le 7 janvier 2018 à son épouse, au Kosovo.

c. Dans le délai imparti et plusieurs fois prolongé, A______ n'a pas donné suite à la demande de l'OCPM du 20 juin 2022 tendant à la production de documents supplémentaires.

d. Par courrier du 20 octobre 2022, l'OCPM a fait part à A______ de son intention de ne pas donner une suite favorable à sa demande d'autorisation et lui a imparti un délai pour déposer ses éventuelles observations.

e. Par courriel du 18 novembre 2022, A______ a transmis à l'OCPM une attestation de suivi de cours de français niveau A1 auprès de l'Université des Cultures à Genève du 5 avril au 16 juin 2022. Il ne lui était pas possible de transmettre les formulaires M ou OCIRT sollicités, parce que ses employeurs refusaient de les remplir et qu'il en changeait tous les mois.

f. Le 22 novembre 2022, l'OCPM a informé A______ que l'attestation de suivi de cours remise n'était pas suffisante et qu'un test de niveau devait être passé.

g. A______ n'a pas donné suite à ce courrier.

h. Par décision du 26 janvier 2023, l’OCPM a refusé de donner une suite favorable à sa demande, et par conséquent, de préaviser favorablement son dossier auprès du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM). Il a en outre prononcé son renvoi de Suisse et lui a imparti un délai au 26 mars 2023 pour quitter le territoire helvétique.

A______ avait été condamné par le Ministère public de Genève, le 12 janvier 2019, à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 30.-, avec sursis et délai d'épreuve de 3 ans, pour séjour illégal et exercice d'une activité lucrative sans autorisation, pour la période du 1er janvier 2016 au 11 janvier 2019 (art. 115 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). Il faisait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse valable du 15 janvier 2019 au 14 janvier 2023, qui lui avait été notifiée le 26 août 2022.

L'attestation de l'Université des Cultures à Genève ne mentionnait pas le niveau de français obtenu. Dès lors, il fallait considérer qu'il n'avait pas le niveau de langue requis pour obtenir une autorisation de séjour. Il n'avait pas justifié d'une adresse de domicile à Genève. Lors de son arrestation le 11 janvier 2019, il avait déclaré être arrivé en Suisse en 2011, avoir fait des allers-retours entre la Suisse et le Kosovo en 2011 et ne pas avoir quitté le territoire helvétique jusqu'en 2016, période à laquelle il était parti avant de revenir. Il y avait donc une rupture de séjour en 2016 pour une période non précisée.

Les abonnements TPG couvraient les années de décembre 2011 à novembre 2021, hormis entre septembre 2016 et juin 2018, soit une année et neuf mois. Il n'était pas possible de valider dix années de séjour consécutives. Son épouse et ses quatre enfants majeurs résidaient au Kosovo. L'exécution de son renvoi apparaissait possible, licite et raisonnablement exigible.

C. a. Par acte du 27 février 2023, A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu'il soit ordonné à l'OCPM de lui délivrer une autorisation de séjour, subsidiairement, à ce qu’il soit ordonné à l'OCPM de soumettre son dossier avec un préavis favorable au SEM. Préalablement, il a sollicité l'audition d'C______ et de D______, qui avaient travaillé chez le même employeur que lui, soit E______.

Il séjournait en Suisse depuis douze ans, ce qui pouvait être constaté à la lecture des abonnements TPG. Entre août 2016 et septembre 2017, il avait travaillé pour le compte d'E______, décédé le 8 novembre 2018, de sorte qu'il lui était impossible d'en apporter la preuve. Il n'y avait pas de rupture dans son séjour en 2016 car il était parti au Kosovo durant un mois uniquement. Il avait toujours travaillé régulièrement, subvenait à ses besoins et percevait un salaire mensuel de CHF 4'000.-. Il ne faisait pas l'objet de dettes et n'avait reçu aucun subside de l'aide sociale.

b. Le 26 avril 2023, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

A______ était sans domicile connu, sans revenus et sans attaches avec la Suisse. Même à supposer qu'il n'y ait pas eu d'interruption dans son séjour, il travaillait et vivait en Suisse depuis douze ans en toute illégalité, ce qui avait pour conséquence que la durée de son séjour devait être relativisée. Son degré d'intégration était insuffisant en tous points. Il n'exposait pas avoir une intégration professionnelle. Vu sa relation frêle avec la Suisse, il était possible d'exiger qu'il retourne dans son pays d'origine, car sa réintégration n'y était pas compromise. Il était né au Kosovo où vivaient sa femme et ses enfants, y avait vécu l'essentiel de son existence et y était régulièrement retourné.

c. Dans sa réplique du 26 mai 2023, A______ a indiqué travailler pour une entreprise de construction et percevoir un salaire mensuel de CHF 4'000.-. Il a produit un contrat de bail à loyer relatif à un appartement de 3 pièces, sis à Meyrin, ______, pour une période allant du 1er juin 2021 au 31 décembre 2022, au nom de Monsieur F______ dont il disait être le père.

d. Par jugement du 12 septembre 2023, le TAPI a rejeté le recours.

S’agissant de la durée du séjour en Suisse, de presque treize ans dans l'hypothèse la plus favorable au justiciable, elle devait être relativisée puisqu’elle s’était déroulée dans l’illégalité.

A______ n'avait pas acquis de connaissances professionnelles « pointues » ni spécifiques à l’économie suisse. Il n'était pas socialement intégré à Genève, où il ne prétendait d'ailleurs pas disposer d’un cercle d’amis ou d’engagement particulier, notamment associatif, qui traduirait un profond enracinement dans la vie de la cité. Son niveau de français était inconnu puisqu'il n'avait jamais transmis les preuves sollicitées par l'OCPM. À supposer qu'il disposât d’un logement, le fait qu'il n’émarge pas à l’aide sociale et n'ait pas de dettes était loin de correspondre aux critères d’une intégration exceptionnelle selon la jurisprudence. L'intéressé était arrivé en Suisse à l’âge adulte. Il avait passé son enfance et adolescence, périodes cruciales pour la formation de la personnalité, et la majeure partie de sa vie d’adulte dans son pays natal. Il en maîtrisait ainsi la langue et la culture et y avait conservé des attaches familiales puisque son épouse et ses enfants y étaient établis.

Dans ces conditions, il n'apparaissait pas que sa réintégration au Kosovo fût fortement compromise ni qu’un départ de Suisse constituerait pour lui un déracinement. Au surplus, rien ne permettait de retenir que l'exécution de son renvoi ne serait pas possible, licite ou raisonnement exigible.

D. a. Par acte posté le 16 octobre 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation, à ce qu'il soit ordonné à l'OCPM de lui délivrer une autorisation de séjour et à l'octroi d'une indemnité de procédure. Il a formulé en outre des réquisitions de preuve, demandant à être entendu, de même qu'C______ et D______, la question litigieuse principale portant sur la durée de son séjour. Son audition permettrait en outre à la chambre administrative de constater que sa relation avec la Suisse était particulièrement étroite et qu'il maîtrisait le français.

Il produisait deux nouvelles déclarations écrites montrant qu'il vivait en Suisse depuis 2011. Cette très longue durée de séjour justifiait l'octroi d'une autorisation pour cas de rigueur, ce dont le TAPI n'avait pas tenu compte. La présence de membres de sa famille dans son pays d'origine ne suffisait pas à retenir que sa réintégration au Kosovo serait possible, d'autant plus qu'il n'y était retourné qu'une seule fois depuis 2011. Il avait toujours travaillé, ce qui démontrait une intégration professionnelle remarquable. Il avait toujours été indépendant financièrement. Il serait déraciné s'il devait retourner dans son pays d'origine.

b. Le 20 novembre 2023, l'OCPM a conclu au rejet du recours. Les arguments soulevés, en substance semblables à ceux présentés devant le TAPI, n'étaient pas de nature à modifier sa position.

c. Le juge délégué a fixé aux parties un délai pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 18 décembre 2023, l'OCPM a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires à formuler.

e. Le 19 janvier 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions. Il devait effectuer un test de langue le 5 février 2024, et transmettrait l'attestation dès qu'il la recevrait. Il essayait toujours de convaincre son employeur de lui remettre le formulaire M ainsi que ses fiches de salaire.

f. A______ ne s'est pas manifesté depuis.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant a requis son audition ainsi que celle de deux personnes qu'il décrit comme d'anciens collègues.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit à une audition orale (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1), ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En l'espèce, le recourant indique que son audition et celle des témoins permettrait d'élucider « la question litigieuse principale » qui serait celle de la durée de son séjour. Or, le TAPI a retenu que dans l'hypothèse la plus favorable au recourant, elle devait être relativisée et ne permettait pas à elle seule de reconnaître un cas d'extrême gravité. Ainsi, s'il est vrai qu'un séjour continu du recourant à Genève depuis 2011 est douteux et qu'il apparaît à première vue être retourné au Kosovo plus d'une année en 2016-2017 et non un mois comme il l'allègue, cette question peut rester indécise, en particulier dans le cas où le reste du raisonnement opéré par le premier juge doit être confirmé. L'audition des deux témoins demandés n'est donc pas nécessaire.

Le recourant soutient également que son audition servirait à démontrer que sa relation avec la Suisse était particulièrement étroite et qu'il maîtrisait le français. S'agissant de ses relations étroites avec la Suisse, on ne voit pas pourquoi des allégations orales émises lors d'une audience de comparution personnelle des parties auraient plus de poids que des allégués écrits, étant rappelé que telle est en principe la nature de la procédure administrative. Quant au niveau de langue, il pouvait être prouvé par pièce ; à ce propos, le recourant s'était engagé à transmettre à la chambre de céans le résultat du test de langue qu'il disait prévu pour le mois de février 2024, ce qu'il n'a pas fait.

Il ne sera donc pas donné suite aux demandes d'administration de preuves.

3.             Le recours porte sur la conformité au droit de la décision de l'OCPM de refuser de transmettre au SEM le dossier du recourant avec un préavis favorable, et de prononcer son renvoi de Suisse.

3.1 Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

3.2 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit.

3.3 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 [ci-après : directives LEI] - état au 1er avril 2024, ch. 5.6.10 ; ATA/756/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.4).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2).

3.4 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées). Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral
[ci-après : TAF] C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269). Après un séjour régulier et légal de dix ans, il faut en principe présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8). La durée d'un séjour illégal, ainsi qu'un séjour précaire, ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte (ATF 130 II 39 consid. 3 ; ATAF 2007/45 consid. 4.4 et 6.3 ; 2007/44 consid. 5.2).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2). De manière plus générale, le simple fait pour un étranger de séjourner en Suisse pendant de longues années ne permet pas d'admettre un cas personnel d'une extrême gravité (arrêt du TAF F-3784/2022 du 5 octobre 2023 consid. 7.1).

3.5 L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/969/2024 du 20 août 2024 consid. 2.3).

3.6 Aux termes de l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son intégration.

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

3.7 En l'espèce, le recourant se méprend lorsqu'il estime que la durée de son séjour en Suisse permettrait à elle seule de lui octroyer un titre de séjour. En outre, comme retenu à juste titre par le TAPI, même à retenir un séjour continu en Suisse depuis 2011, cette longue durée devrait être fortement relativisée pour tenir compte du fait que l'intégralité du séjour a eu lieu dans l'illégalité – ou, depuis le dépôt de la demande auprès de l'OCPM, au bénéfice d'une tolérance des autorités de migration.

Il n'apparaît en outre pas que le recourant se soit créé des attaches particulièrement étroites avec la Suisse au point de rendre étranger son pays d'origine. En effet, il est arrivé en Suisse à l'âge de 40 ans, et a donc vécu toute son enfance, son adolescence et une partie de sa vie d'adulte au Kosovo, de sorte que la chambre de céans ne saurait admettre que les années passées en Suisse soient déterminantes pour la formation de sa personnalité et, partant, pour son intégration socioculturelle.

On ne saurait non plus retenir que le recourant maîtrise de manière satisfaisante la langue française, dès lors qu'il devait passer un test de niveau A2 en février 2024 et communiquer l'attestation à la chambre de céans, ce qu'il n'a pas fait. Il ne prétend pas davantage s’être créé un cercle d'amis et de collègues en Suisse, ni s'être investi dans la vie associative ou dans la culture genevoise. Il ne peut dès lors être retenu qu'il aurait fait preuve d'une intégration sociale exceptionnelle en comparaison avec d'autres étrangers qui travaillent en Suisse depuis plusieurs années (arrêts du TAF F‑6480/2016 du 15 octobre 2018 consid. 8.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.2).

Sur le plan professionnel et économique, il faut reconnaître que le recourant est indépendant financièrement depuis son arrivée en Suisse et qu'il n'a jamais bénéficié de l'aide sociale. Cela étant, l'indépendance économique est une qualité qui est en principe attendue de tout étranger désireux de s'établir durablement en Suisse et ne constitue donc pas un élément extraordinaire en faveur du recourant, mais relève du comportement que l’on est en droit d’attendre de toute personne séjournant dans le pays (arrêts du Tribunal fédéral 2C_779/2016 du 13 septembre 2016 consid. 4.2 ; 2C_789/2014 du 20 février 2015 consid. 2.2.2). Par ailleurs, les activités du recourant, qui a œuvré dans des postes ne nécessitant pas de qualifications particulières – il dit du reste changer très souvent d'employeur –, ne sont pas constitutives d'une ascension professionnelle remarquable et ne l'ont pas conduit à acquérir des connaissances professionnelles spécifiques à la Suisse qu'il ne pourrait mettre à profit dans un autre pays, en particulier son pays d'origine. L'activité professionnelle exercée par l'intéressé en Suisse ne lui permet donc pas de se prévaloir d'une intégration professionnelle exceptionnelle au sens de la jurisprudence.

S'agissant de ses possibilités de réintégration dans son pays d'origine, comme déjà vu, le recourant n'est arrivé en Suisse qu'à l'âge de 40 ans. De plus, quand bien même il ne serait retourné qu'une seule fois au Kosovo depuis 2011, son épouse et ses enfants vivent au Kosovo, si bien qu'il y a des attaches familiales. Il n'apparaît dès lors pas que les difficultés auxquelles le recourant devrait faire face en cas de retour au Kosovo seraient pour lui plus graves que pour la moyenne des étrangers, en particulier des ressortissants kosovars retournant dans leur pays.

Le recourant ne présente ainsi pas une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, ce quand bien même il ne peut être nié qu'un retour dans son pays d'origine pourra engendrer pour lui certaines difficultés de réadaptation. Il ne se justifie en conséquence pas de déroger aux conditions d'admission en Suisse en faveur du recourant, au vu de la jurisprudence très stricte en la matière. Enfin, il sera rappelé que l’autorité intimée bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation que la chambre de céans ne revoit qu’en cas d’abus ou d’excès, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

L'autorité intimée était en conséquence fondée à refuser de donner une suite positive à la demande d'autorisation de séjour déposée par le recourant, et l'instance précédente à confirmer ledit refus.

4.             Reste à examiner le bien-fondé du renvoi du recourant.

4.1 Aux termes de l’art. 64 al. 1 let. c LEI, tout étranger dont l’autorisation est refusée, révoquée ou n’est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyé. La décision de renvoi est assortie d’un délai de départ raisonnable (art. 64d
al. 1 LEI).

4.2 Le renvoi d’un étranger ne peut toutefois être ordonné que si l’exécution de cette mesure est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83
al. 1 LEI).

4.3 En l'espèce, le recourant n'allègue pas de circonstances qui rendraient le retour dans son pays d’origine impossible, illicite ou inexigible au regard de l’art. 83 LEI, et le dossier, comme déjà examiné, ne laisse pas apparaître d’éléments qui tendraient à démontrer le contraire.

Dans ces circonstances, la décision de l'autorité intimée est conforme au droit et le recours contre le jugement du TAPI, entièrement mal fondé, sera rejeté.

5.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 octobre 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 septembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gazmend ELMAZI, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. RODRIGUEZ ELLWANGER

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.