Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1013/2024 du 27.08.2024 ( TAXIS ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1305/2024-TAXIS ATA/1013/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 27 août 2024 1re section |
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dans la cause
A______ recourant
représenté par Me Guy Zwahlen, avocat
contre
SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimé
A. a. A______, né le ______ 1993, chauffeur de taxi, a obtenu sa carte professionnelle de taxi le 21 novembre 2019.
b. Le 9 octobre 2023, il a déposé une « requête en délivrance d’une autorisation d’usage accru du domaine public (ci‑après : AUADP), formulaire à l’attention des chauffeurs de taxis visés à l’art. 46 al. 13 de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31) » auprès du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN).
c. Dans le formulaire, il a indiqué avoir loué quatre autorisations d’AUADP liées aux plaques d’immatriculation suivantes :
- GE 1______, du 15 décembre 2019 au 15 janvier 2020, louée à B______;
- GE 2______, du 15 janvier 2020 au 30 mars 2020, louée à C______;
- GE 3______, du 30 juillet 2020 au 31 janvier 2021, louée à D______ ;
- GE 4______, du 30 juin 2022 au 30 novembre 2022, louée à E______.
d. Lors du dépôt de sa requête, il a précisé que sa demande devait être considérée sous l’angle du cas de rigueur, en raison de la période marquée par la crise sanitaire liée au Covid-19, permettant ainsi de déroger à l’exigence d’une utilisation effective d’une AUADP le 28 janvier 2022.
e. Le 9 novembre 2023, le PCTN lui a indiqué qu’il envisageait de rejeter sa requête, l’intéressé n’étant pas utilisateur d’une AUADP au moment déterminant du 28 janvier 2022.
f. Le 23 novembre 2023, A______ a invoqué les circonstances très particulières du cas d’espèce. En raison de la situation économique résultant de la crise sanitaire, qui avait particulièrement affecté le secteur du transport de personnes, il n’était plus à même de pouvoir assumer les frais liés au contrat de bail, si bien qu’il y avait mis fin. Au regard de cette situation, il serait extrêmement préjudiciable qu’il doive désormais figurer sur une liste d’attente.
g. Par décision du 19 mars 2024, le PCTN a rejeté la requête du 9 octobre 2023. Il n’avait pas démontré avoir été utilisateur effectif d’une AUADP le 28 janvier 2022. Le droit transitoire tenait déjà compte des circonstances particulières provoquées par la crise sanitaire, ayant été façonné en parallèle de l’évolution de cette dernière. La suppression de l’exigence d’avoir été utilisateur effectif d’une AUADP au 28 janvier 2022 revenait à vider de son sens l’introduction même d’un régime transitoire dans la LTVTC.
B. a. Par acte du 18 avril 2024, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à la délivrance d’une AUADP en sa faveur.
La situation due à la pandémie de Covid-19 dans le domaine du transport de personnes constituait un cas de rigueur. Le fait qu’il n’ait pas pu être utilisateur effectif d’une AUADP le 28 janvier 2022 était dû à des circonstances exceptionnelles. Les montants exigés par les bailleurs d’AUADP à cette époque ne lui permettaient pas de les payer.
Aucun intérêt public ne justifiait l’atteinte à sa liberté du commerce et de l’industrie, y compris telle qu’elle résultait de l’art. 35 de la Constitution de la République et Canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst.-GE - A 2 00). La décision querellée violait les principes de la proportionnalité, de la non-rétroactivité des lois, de la protection de la bonne foi, de l’interdiction de l’arbitraire et de la préservation des droits acquis.
b. Le PCTN a conclu au rejet du recours.
c. Dans sa réplique, le recourant a relevé que l’application du régime transitoire, sans dérogation pour les cas de rigueur dus au Covid-19, portait atteinte au principe de proportionnalité. Le but d’intérêt public, soit de mettre fin à la pratique de la location des AUADP, était déjà atteint par l’exigence d’un usage effectif au moment de l’entrée en vigueur de la loi.
La dérogation pour cas de rigueur ne concernait au demeurant qu’une vingtaine de chauffeurs.
La solution telle qu’appliquée par le PCTN était pire que celle qui prévalait sous le système de l’ancienne loi, certains détenteurs d’AUADP n’hésitant pas à continuer à louer les AUADP sous la forme de contrat de travail fictif, en exigeant que leurs employés paient, entre autres, tous les frais liés au véhicule et l’intégralité des charges sociales.
d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).
2. Le litige porte sur le bien-fondé du refus de délivrer une AUADP, en application du régime transitoire prévu par l’art. 46 al. 13 LTVTC.
2.1 La LTVTC, actuellement en vigueur depuis le 1er novembre 2022, résulte du projet de loi (ci-après : PL) n° 12'649 sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur, déposé par le Conseil d’État devant le Grand Conseil le 26 février 2020. Ce projet a été renvoyé à la commission parlementaire des transports qui a rendu deux rapports, respectivement le 16 août 2021 (ci-après : Rapport A) et le 11 janvier 2022 (ci-après : Rapport B).
Dans sa présentation du projet de loi, le département a exposé qu’en raison du numerus clausus des AUADP, le délai d’attente pour leur obtention pouvait atteindre plusieurs années, ce qui augmentait leur valeur économique et permettait à leurs titulaires de gagner de l’argent en vivant de la rente résultant de la location de leurs plaques pour un loyer dépassant parfois plus de dix fois le montant de la taxe annuelle. De nombreux chauffeurs voulant exercer la profession de chauffeur de taxi étaient ainsi contraints de louer une AUADP, ce qui les rendait dépendants et économiquement vulnérables. Il était apparu que 53 personnes détenaient 150 AUADP, dont une personne qui en avait dix. En l’absence d’outils permettant de contrôler les prix, le PL prévoyait de supprimer la cession des plaques, en recourant à leur location ou au bail à ferme. Ainsi, selon le PL, le détenteur d’une AUADP pouvait soit l’utiliser lui-même, soit engager un chauffeur pour l’utiliser, qui devenait contractuellement son employé, soit céder définitivement l’AUADP.
La commission parlementaire a voulu supprimer la location des plaques, qui conférait une rente de situation aux titulaires d’une AUADP, lesquels les louaient à un prix abusif. Le bail à ferme permettait la réalisation de marges excessives par rapport à l’outil de travail proposé, en tirant profit d’un avantage octroyé par l’État pour le monnayer. Il convenait de supprimer cette possibilité, une indemnisation étant introduite dans les dispositions transitoires en faveur des personnes rendant leur AUADP.
À l’issue de la séance du 28 janvier 2022, le Grand Conseil a adopté la LTVTC (loi 12'649), publiée le 4 février 2022 dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) fixant le délai référendaire au 16 mars 2022.
Vu l’expiration du délai référendaire, le Conseil d’État a, par arrêté du 23 mars 2022 publié dans la FAO du 25 mars 2022, promulgué la LTVTC pour être exécutoire dans tout le canton dès le lendemain de la publication dudit arrêté, l’entrée en vigueur de la loi devant être fixée ultérieurement par le Conseil d’État. Le 19 octobre 2022, le Conseil d’État a annoncé que la LTVTC et son règlement d’application entreraient en vigueur le 1er novembre 2022.
2.2 L’art. 46 al. 13 LTVTC dispose, sous l’intitulé « Attribution des autorisations restituées ou caduques », que le département peut attribuer l’AUADP à la personne physique ou morale qui en était l’utilisateur effectif au moment du dépôt de la LTVTC, s’il en est toujours l’utilisateur au moment de l’adoption de la LTVTC, en fait la requête et réalise les conditions de délivrance visées à l’art. 13 al. 5 LTVTC.
Les personnes réalisant les conditions de l’art. 46 al. 13 de la loi peuvent requérir la titularité d'une AUADP. La requête doit être déposée dans le délai transitoire mentionné à l’al. 11 du présent article; l'art. 5 du présent règlement est applicable pour le surplus (art. 57 al. 12 règlement d'exécution de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 21 juin 2017 - RTVTC - H 1 31 01). L’art. 57 al. 11 RTVTC prévoit que le service peut, pendant le délai transitoire des douze mois visé à l’art. 46 al. 8 LTVTC délivrer jusqu’à 200 AUADP supplémentaires aux utilisatrices et utilisateurs effectifs au sens de
l’art. 46 al. 13 LTVTC.
Dans son arrêt du 24 mars 2023 (ACST/15/2023), la chambre constitutionnelle a jugé que l’art. 46 al. 13 LTVTC était une disposition légale transitoire, adoptée pour permettre aux chauffeurs de taxis exerçant leur profession à travers la location de plaques ou d’un bail à ferme de continuer leur activité, malgré l’abolition de ces pratiques par l’entrée en vigueur de la LTVTC, et de leur attribuer, pour autant que les conditions légales soient remplies, une AUADP (consid. 5.3.4). Dans ce contexte, le Conseil d’État avait indiqué que l’augmentation transitoire du nombre d’AUADP pendant un an (art. 57 al. 11 RTVTC) permettait d’atténuer les effets du passage au régime de l’interdiction de location des autorisations.
La chambre constitutionnelle a rappelé que l’AUADP octroyée aux taxis ne conférait généralement pas de droits acquis, à moins de garanties spécifiquement obtenues concernant la poursuite de l’activité de location de plaques, ce qui n’était pas le cas dans les affaires dont elle était saisie (ACST/26/2022 du 22 décembre 2022 ; ACST/27/2022 du 22 décembre 2022).
2.3 Se penchant sur la condition d’être utilisateur effectif de l’AUADP au moment du dépôt de la LTVTC, la chambre de céans a jugé que celle-ci n’était pas décisive, mais qu’était en revanche déterminant le fait d’être utilisateur effectif au moment de l’adoption de la loi le 28 janvier 2022 (ATA/779/2023 du 18 juillet 2023 consid. 5.6.2 ; ATA/886/2023 du 22 août 2023 consid. 6.6).
Dans un arrêt récent du 4 juin 2024 (2C_690/2023), le Tribunal fédéral a confirmé la compatibilité de l’art. 46 al. 13 LTVTC avec les principes de non‑rétroactivité des lois et de proportionnalité en lien avec la liberté économique.
Dans sa jurisprudence, la chambre administrative a eu l’occasion de relever que la situation des chauffeurs de taxis liée à la crise sanitaire ne permettait pas de déroger à l’application de l’art. 46 al. 13 LTVTC. À rigueur de texte, cette disposition ne prévoyait pas la possibilité d’invoquer des motifs d’empêchement à la location d’une AUADP. Il ressortait des travaux parlementaires que l’idée du régime transitoire était de prévoir un passage en douceur pour les personnes subissant des sacrifices trop importants du fait de la nouvelle réglementation. Or, les chauffeurs de taxi qui n’étaient pas locataires d’une AUADP au moment de l’adoption de la loi ne se trouvaient pas dans la situation dans laquelle leur relation par rapport au bailleur devait être clarifiée et ils ne courraient pas le risque de perdre leur outil de travail en raison de la restitution par leur bailleur de l’AUADP (ATA/918/2024 du 6 août 2024 consid. 2.10 ; ATA/878/2024 du 23 juillet 2024 consid. 3.9 ; ATA/879/2024 du 23 juillet 2024 consid. 2.9 ; ATA/821/2024 du 9 juillet 2024 consid. 3.9).
2.4 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme ; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 144 V 313 consid. 6.1 ; 137 IV 180 consid. 3.4). La chambre de céans suit la même approche (ATA/1279/2023 du 28 novembre 2023 consid. 4.8 et l'arrêt cité).
2.5 Selon un principe général de droit intertemporel, les dispositions légales applicables à une contestation sont celles en vigueur au moment où se sont produits les faits juridiquement déterminants pour trancher celle-ci (ATF 146 V 364 consid. 7.1; 140 V 41 consid. 6.3.1). Liée aux principes de sécurité et de prévisibilité du droit (art. 5 al. 1 Cst.), l'interdiction de la rétroactivité des lois résulte du droit à l'égalité de traitement (art. 8 Cst.), ainsi que de l'interdiction de l'arbitraire et de la protection de la bonne foi (9 Cst.). L'interdiction de la rétroactivité (proprement dite) fait obstacle à l'application d'une norme à des faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur (ATF 147 V 156 consid. 7.2.1), car les personnes concernées ne pouvaient, au moment où ces faits se sont déroulés, connaître les conséquences juridiques découlant de ces faits et se déterminer en connaissance de cause (cf. ATF 144 I 81 consid. 4.2; arrêt 2C_339/2021 du 4 mai 2022 consid. 4.1). Il n'y a pas de rétroactivité proprement dite lorsque le législateur entend réglementer un état de chose qui, bien qu'ayant pris naissance dans le passé, se prolonge au moment de l'entrée en vigueur du nouveau droit; cette rétroactivité (improprement dite) est en principe admise, sous réserve du respect des droits acquis (ATF 148 V 162 consid. 3.2.1 ; 146 V 364 consid. 7.1; 144 I 81 consid. 4.1).
2.6 En l’espèce, la requête – c’est-à-dire le fait juridiquement déterminant – du recourant auprès du PCTN en vue de l’obtention d’une AUADP date du 9 octobre 2023, soit après l’entrée en vigueur de la nouvelle LTVTC. Cette demande doit donc s’examiner au regard de la nouvelle réglementation, conformément au principe général du droit intertemporel rappelé par la jurisprudence fédérale susmentionnée. Contrairement à ce que semble penser le recourant, sa requête ne soulève pas de question sous l’angle de la rétroactivité des lois puisqu’elle a été déposée après l’entrée en vigueur de la nouvelle LTVTC (arrêt du Tribunal fédéral 2C_690/2023 du 4 juin 2024 consid. 5.1). Ce grief doit être écarté.
Le recourant ne conteste pas ne pas avoir été l’utilisateur effectif d’une AUADP le 28 janvier 2022. Il fait toutefois valoir qu’en raison de la crise sanitaire, qui a durement affecté le secteur du transport de personnes, il n’a pas pu disposer d’une AUADP au moment déterminant du 28 janvier 2022. Cette situation exceptionnelle constituait un « cas de rigueur », justifiant une dérogation au régime transitoire, en ce sens que la condition d’avoir été utilisateur effectif au moment de l’adoption de la loi ne devrait pas s’appliquer à son cas, seul étant déterminent le fait d’avoir été utilisateur effectif au moment de l’entrée en vigueur de la LTVTC le 1er novembre 2022.
La chambre administrative a toutefois déjà retenu, dans sa jurisprudence, que l’art. 46 al. 13 LTVTC ne prévoyait pas la possibilité d’invoquer des motifs d’empêchement à la location d’une AUADP au moment de l’adoption de la loi, le 28 janvier 2022. Si le législateur avait voulu déroger au régime transitoire, plus particulièrement à l’exigence d’avoir été l’utilisateur effectif d’une AUADP au moment déterminant, il l’aurait clairement indiqué. Ainsi que l’a relevé l’intimé, l’art. 46 al. 13 LTVTC a été élaboré durant la période de la crise sanitaire, si bien que les conséquences économiques de cette situation sur les chauffeurs de taxis ne pouvaient être ignorées par le législateur. Par ailleurs, comme l’a jugé récemment le Tribunal fédéral, il n’apparait pas contraire au principe de la bonne foi de circonscrire le cercle des bénéficiaires d'un régime transitoire prévoyant un accès privilégié à la titularité des autorisations aux chauffeurs qui ont recouru à la location de celles-ci jusqu'au moment de l'adoption de la LTVTC, car ces chauffeurs ne pouvaient pas, avant ce moment-là, s'attendre à l'interdiction d'une telle pratique. En revanche, dès l'adoption de la loi, les chauffeurs devaient s'attendre aux modifications juridiques intervenues, même s'ils ne savaient pas de manière définitive quand une telle suppression entrerait en vigueur. Le régime permet ainsi d'éviter des abus consistant à devenir locataire d'une autorisation d'usage accru du domaine public avant l'entrée en vigueur de la loi, dans le seul but de pouvoir bénéficier de l'application de l'art. 46 al. 13 LTVTC et de court-circuiter l'ordre prévu dans la liste d'attente de ces autorisations.
Or, dans le cas présent, le recourant a reloué une AUADP le 30 juin 2022, soit à une période où il devait s’attendre à l’interdiction d’une telle pratique. Contrairement aux chauffeurs de taxi qui étaient utilisateurs effectifs au moment de l’adoption de la loi, le recourant connaissait le risque qu’il prenait de perdre son outil de travail en raison de la restitution par son bailleur de l’AUADP. En tant qu’elle distingue ces situations, la loi échappe à toute critique.
Il s’ensuit que n’étant pas titulaire d’une AUADP au moment déterminant du 28 janvier 2022, le recourant ne peut bénéficier du régime transitoire instauré par l’art. 46 al. 13 LTVTC (ATA/814/2024 du 9 juillet 2024 consid. 2.6 ; ATA/619/2024 du 21 mai 2024 consid. 4).
3. Invoquant l’art. 27 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le recourant se plaint d’une violation du principe de proportionnalité en lien avec la liberté économique.
3.1 Selon l’art. 27 Cst., la liberté économique est garantie (al. 1) ; elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (al. 2). L'art. 35 Cst-GE contient une garantie similaire.
3.2 L’activité de chauffeur de taxi indépendant ou salarié est protégée par l’art. 27 Cst., même si l’exercice de cette activité implique un usage accru du domaine public (ATF 143 II 598 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_79/2023 du 23 février 2024 consid. 4.1.1, destiné à la publication et les arrêts cités). Les restrictions cantonales à l’exercice de la profession de chauffeur de taxi qui portent ainsi atteinte à la liberté économique doivent reposer une base légale, être justifiées par un intérêt public prépondérant et respecter le principe de proportionnalité, qui exige qu’une mesure soit apte à produire les résultats escomptés (aptitude), que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (nécessité), et interdit toute limitation des droits individuels allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (proportionnalité au sens étroit ; art. 36 al. 1 à 3 Cst. ; ATF 149 I 191 consid. 6 et 7.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_79/2023 précité consid. 4.1.1, destiné à la publication).
3.3 Dans un arrêt récent concernant un refus d’attribution d’une AUADP en faveur d’un chauffeur de taxi genevois au motif qu’il n’était locataire d’une AUADP que depuis le 4 février 2022, le Tribunal fédéral a relevé que l’art. 46 al. 13 LTVTC ne restreignait d’aucune manière sa liberté économique. Une telle restriction résultait de l’art. 13 al. 3 (« les autorisations et la plaques d’immatriculation correspondantes sont strictement personnelles et intransmissibles ») et 9 let. e LTVTC (« le département constate la caducité de l’autorisation lorsque son titulaire met à la disposition d’un tiers l’autorisation, respectivement la plaque d’immatriculation correspondante en violation de l’al. 3 »). Le fait que l’art. 46 al. 13 LTVTC prévoie la possibilité, et non pas le droit, de se voir attribuer en priorité une autorisation personnelle pour les chauffeurs qui en louaient une à leur titulaire au moment de l’adoption de la loi, ne signifiait pas que cette disposition consacre une violation « directe » de sa liberté économique (arrêt du Tribunal fédéral 2C_690/2023 du 4 juin 2024 consid. 7.2).
3.4 Il découle de ce qui précède que, contrairement à ce que prétend le recourant, l’art. 46 al. 13 LTVTC ne restreint pas sa liberté économique. Cette disposition prévoit la possibilité – et non le droit – de se voir attribuer une autorisation, étant rappelé que la jurisprudence admet que le droit cantonal puisse limiter l’utilisation du domaine public par les chauffeurs de taxi en soumettant celle-ci à autorisation. Le recourant reste libre d’obtenir une telle autorisation en déposant une demande d’inscription sur une liste d’attente, ce qu’il soutient avoir fait. On rappellera, enfin, qu’il n’existe pas de droit au maintien d’une législation en vigueur jusqu’alors et qu’un régime transitoire doit seulement permettre aux administrés de s’adapter à la nouvelle réglementation et non pas de profiter le plus longtemps possible de l’ancien régime plus favorable (ATF 149 I 291 consid. 5.4 ; 145 II 140 consid. 4).
4. Enfin, comme déjà retenu par la chambre administrative dans une situation comparable (ATA/918/2024 du 6 août 2024 consid. 2.9), la décision ne consacre aucune inégalité de traitement entre chauffeurs de taxis qui ont obtenu le renouvellement facilité de leur AUADP, selon l’art. 46 al. 13 LTVTC, et ceux qui ont obtenu une nouvelle AUADP en raison du fait qu’ils figuraient en tête de la liste d’attente. En effet, la loi n’interdit nullement d’être titulaire de plusieurs AUADP. Ainsi, les chauffeurs de taxis qui en remplissent les conditions légales, peuvent se voir délivrer plusieurs AUADP. Pour le surplus, le recourant ne soutient pas que des chauffeurs de taxis ne disposant pas, comme lui, d’une AUADP le 28 janvier 2022 auraient néanmoins bénéficié d’un renouvellement facilité de leur AUADP obtenue postérieurement à cette date. L’on ne discerne ainsi pas d’inégalité de traitement entre chauffeurs de taxis se trouvant dans la même situation que le recourant.
Au vu de ce qui précède, les critiques du recourant n’apparaissent pas fondées.
Son recours sera ainsi rejeté.
5. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 18 avril 2024 par A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 19 mars 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Guy Zwahlen, avocat du recourant, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.
Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière-juriste :
S. HÜSLER ENZ
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| la présidente siégeant :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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