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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/676/2024

ATA/866/2024 du 23.07.2024 ( NAVIG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/676/2024-NAVIG ATA//866/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 juillet 2024

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OCEAU-SERVICE DOMAINE PUBLIC LACUSTRE ET DE LA CAPITAINERIE intimé



EN FAIT

A. a. A______ est titulaire de l’entreprise individuelle « B_____ », inscrite au registre du commerce le 20 juin 2016 et dont le siège est à Lancy. Elle a pour but toutes activités dans le domaine du nautisme, notamment la formation, la location, l’entretien et la commercialisation de produits.

b. A______ est détenteur du bateau GE 1_____ (ci-après : bateau 1), amarré à la place n° 2_____ (ci-après : place A), « non professionnelle ».

Le 3 février 2020, il a requis le « renouvellement de sa place [A], professionnelle ». Le service du domaine public lacustre et de la capitainerie (ci‑après : SDPLC) a accordé le renouvellement pour une place « non professionnelle ».

c. C_____, compagne d’A______, est détentrice du bateau immatriculé GE 3_____ (ci-après : bateau 2), amarré à la place n° 4_____ (ci‑après : place B), « non professionnelle » depuis le 28 janvier 2013.

Le 18 octobre 2016, elle a demandé le transfert de sa place B, avec vente de son bateau, à A______, lequel a été accepté par le SDPLC mais qu’elle n’a pas concrétisé.

d. Une autorisation de louage a été accordée à A______ le 20 août 2020 pour trois bateaux, dont les nos 1 et 2. Elle s’est renouvelée tacitement pour les années 2021, 2022 et 2023.

e. La société « D_____ SA » (ci-après : D_____), location de bateaux et école de navigation, est au bénéfice d’autorisations de louage pour plus de 40 bateaux, dont ceux :

- immatriculé GE 5_____ (ci-après : bateau 3), détenu par E_____, amarré à la place n° 5_____ (ci‑après : place C), « non professionnelle » ;

- immatriculé GE 6_____ (ci-après : bateau 4) au nom de D_____, amarré sur la place n° 7_____ (ci-après : place D), « non professionnelle ».

F_____ est administrateur de D_____ et président de l’association des loueurs de bateaux.

f. A______ est « partenaire » de G______ SA, dont le siège est à Zurich et dont le but consiste à promouvoir l’utilisation commune et le partage de bateaux à voile (boatsharing).

Début 2021, G______ SA a sollicité l’obtention de places d’amarrage pour promouvoir le partage de voiliers. Elle a été informée qu’elle ne pouvait pas être titulaire d’une place d’amarrage, son siège ne se trouvant pas dans le canton de Genève.

B. a. Le 18 octobre 2021, l’office cantonal de l’eau (ci-après : OCEau) a édicté la directive sur le non transfert des places d’amarrage avec la vente de bateaux, avec entrée en vigueur le même jour (ci-après : la directive sur le non transfert).

Elle a pour objet de « favoriser une meilleure attribution des places d’amarrage, de décrire plus précisément les critères d’octroi de celles-ci et de respecter l’égalité de traitement entre les administrés sollicitant l’octroi d’une telle place ». Elle précise les conditions d’application de l’art. 13 al. 2 et 3 du règlement d’application de la loi sur la navigation dans les eaux genevoises du 18 avril 2007 (RNav – H 2 05.01).

b. Le 1er mai 2023, la directive relative à la procédure et aux critères d’attribution des places d’amarrage (ci-après : la directive sur l’attribution) est entrée en vigueur. Elle prévoit notamment que les places « professionnelles » destinées notamment aux sociétés, aux associations, au club naval, sont attribuées selon une procédure d’appel à candidatures pour les durées limitées. Le fait de n’avoir droit qu’à une place de plaisance par personne encourageait la multiplication des places d’amarrage utilisées comme prête-nom dans une pratique professionnelle nécessitant par définition l’usage potentiel de plusieurs bateaux et, partant, de plusieurs places d’amarrage. Dorénavant, la mise au concours périodique des places d’amarrage professionnelles serait la règle. Il était mis fin au renouvellement tacite des places qui avaient mené à la privatisation du domaine public cantonal.

C. a. Le 15 août 2023, le SDPLC a délivré une nouvelle autorisation de louage à la société D_____ pour 52 embarcations, dont les bateaux nos 3 et 4.

b. Le 10 octobre 2023, A______ a sollicité le renouvellement de sa permission de louage professionnel pour les bateaux nos 1 et 2.

c. Le 23 octobre 2023, le SDPLC a informé A______ de son intention de refuser sa demande d’autorisation de louage aux motifs, d’une part, que les bateaux faisant l’objet d’une telle autorisation devaient être immatriculés au nom du bénéficiaire, ce qui n’était pas le cas du bateau n° 2, et d’autre part au motif que l’art. 12 al. 1 let. g du RNav interdisait toute location sur des places non professionnelles.

d. Par courrier du 2 novembre 2023, le président de l’association des loueurs de bateaux a contesté la position du SDPLC. L’article de l’ancienne loi sur la navigation dans les eaux genevoises du 26 novembre 1987 (aLNav - H 2 05) imposant aux professionnels d’être propriétaires de la totalité des bateaux qu’ils mettaient à disposition de leurs clients n’avait pas été repris dans la loi actuelle. Par ailleurs, l’art. 12 al. 1 let. g RNav interdisait la location de l’emplacement, non du bateau. A______ avait un usage professionnel des places d’amarrage A et B depuis plusieurs années. Si la capitainerie avait omis d’officialiser le changement d’affectation de ces emplacements et d’adapter le tarif, celui-là n’avait pas à en subir les conséquences.

e. Un entretien s’est tenu le 17 novembre 2023, en présence de H______, chef de service de la capitainerie, la juriste du SDPLC et A______.

f. Par décision du 25 septembre 2023, le SDPLC a dénoncé l’autorisation de louage du 20 août 2020 d’A______ pour le terme du 31 décembre 2023, indiquant que le mécanisme de renouvellement tacite de ladite autorisation devait être modifié. Il était invité à déposer d’ici au 30 novembre 2023 une nouvelle demande d’autorisation de louage pour l’année 2024 s’il était intéressé à la renouveler.

g. Le 8 janvier 2024, A______ a sollicité le renouvellement de sa demande de place d’amarrage « professionnelle » A.

h. Lors d’une entrevue le 16 janvier 2024, I______, garde-port de la capitainerie, a affirmé, en présence de F_____, que la place D pouvait être immédiatement transformée de place « non professionnelle » en place « professionnelle ».

i. Le 24 janvier 2024, le SDPLC a informé A______ qu’il ne pouvait pas enregistrer sa demande de renouvellement de sa place d’amarrage. Celles-ci seraient dorénavant attribuées sous forme d’appels à candidatures.

j. Par décision du 25 janvier 2024, le SDPLC a rejeté la demande d’« autorisation de louage » d’A______ pour des motifs d’égalité de traitement et « au vu de la jurisprudence ». Toutefois, étant actuellement dans une phase de transition, une autorisation de louage sur sa place A « non professionnelle » lui était accordée, à titre exceptionnel.

k. Les motifs de la décision ont été discutés lors d’un entretien du 20 février 2024 entre H______, F_____ et A______. Les références de l’arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) auquel le SDPLC se référait ont été précisées par ce dernier lors de cet entretien.

D. a. Par acte du 26 février 2024, A______ a interjeté recours contre la décision du 25 janvier 2024 devant la chambre administrative. Il a conclu à son annulation en ce qu’elle refusait d’octroyer l’autorisation de louage pour le bateau 2, amarré sur la place B et à l’octroi de ladite autorisation. Préalablement, l’autorisation de louage devait être délivrée à titre provisionnel pour les deux bateaux, l’effet suspensif au recours retiré et l’audition de cinq témoins ordonnée.

Il avait bénéficié d’une autorisation de louage pour les bateaux nos 1 et 2 selon la décision du 20 août 2020. Celle-là avait été dénoncée pour le 31 décembre 2023. Il n’avait pas recouru contre cette décision et avait sollicité le renouvellement de son autorisation dans le délai indiqué par le SDPLC. Les deux bateaux étaient mis à disposition des usagers du lac. Le non renouvellement de l’autorisation pour le bateau n° 2 le privait de la moitié de ses revenus alors que la saison de printemps 2024 était sur le point de commencer.

La décision consacrait une mauvaise application de l’art. 12 al. 1 let. g RNav, un abus du pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée dans l’application de l’art. 32 al. 2 de la loi sur la navigation dans les eaux genevoises du 17 mars 2006 (LNav - H 2 05) et violait les principes de la bonne foi ainsi que de l’égalité de traitement.

b. Le SDPLC a relevé n’avoir aucun intérêt à entraver inutilement l’activité professionnelle du recourant et ne pas être opposé à ce que l’effet suspensif soit retiré pour le bateau n° 1. Toutefois, le recourant cherchait à obtenir, pour le bateau n° 2, enregistré au nom de sa compagne, des droits qu’il n’avait plus depuis le 1er janvier 2024. Le respect de la nouvelle politique cantonale d’accès à l’eau, notamment par une répartition équitable des emplacements d’amarrage et des permissions d’usage, était important. Le recourant bénéficiait déjà d’une permission de louage exceptionnelle pour le bateau n° 1 pour l’année 2024. Le bateau n° 2 pouvait être utilisé pour une autre des activités de l’intéressé, à savoir l’enseignement de la voile, qui n’était pas soumise à une autorisation spécifique selon la législation en vigueur.

c. Par décision du 27 mars 2024, le président de la chambre administrative a retiré l’effet suspensif au recours en ce qui concernait l’autorisation de louage sur la place A en faveur du bateau n° 1 et rejeté les mesures provisionnelles pour le surplus.

d. Le SDPLC a conclu au rejet du recours. Il a détaillé les deux directives, les problèmes précédemment rencontrés et les buts poursuivis par celles-ci. Le 15 août 2023, la permission de louage de D_____ avait été renouvelée. Le bateau n° 3 avait été inclus, par erreur, dans la liste de la cinquantaine de bateaux concernés. Par décision du 25 septembre 2023, le SDPLC avait résilié la permission de louage du recourant ainsi que celle des loueurs dont les permissions n’avaient pas encore été renouvelées. L’intéressé n’avait pas recouru contre cette décision. Le changement de place de « non professionnelle » en « professionnelle » ne pouvait pas être effectué immédiatement contrairement à ce qu’avait soutenu le garde-port.

e. Dans sa réplique, A______ a relevé que le 5 mars 2024, le SDPLC avait indiqué à D_____ que la place D sur laquelle était amarré le bateau n° 4 avait dorénavant le statut de place « professionnelle ».

Par ailleurs, le 5 juin 2024, le SDPLC avait envoyé aux détenteurs des bateaux nos 1, 2 et 3 un courrier mentionnant que leurs embarcations étaient immatriculées pour le louage et les invitant à remplir un formulaire aux fins de transformer le statut de leurs places d’amarrage respectives en places « professionnelles ». La situation particulière des professionnels qui développaient des activités de louage avait été analysée à la fin de l’année 2023. Dans les ports genevois non encore rénovés, de nombreuses places d’amarrage dites de plaisance étaient utilisées à des fins professionnelles. Dans le cadre de la clarification de la pratique administrative du SDPLC, ces situations non conformes devaient être corrigées tout en tenant compte des divers intérêts en présence. Une pratique erronée ne pouvait être maintenue. Ainsi, si l’intéressé développait une activité de louage sur son bateau, le statut de la place devait être corrigé. L’autorisation d’amarrage, personnelle et intransmissible, devait être destinée à un usage professionnel. Il convenait de renvoyer le formulaire idoine, avec les pièces demandées et de s’assurer de remplir les conditions suivantes : a) une activité de louage depuis trois ans au moins ; b) une immatriculation à l’office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) au nom du bénéficiaire de la place d’amarrage ; c) une assurance RC professionnelle au nom du bénéficiaire de la place.

Le courrier du 5 juin 2024 précisait par ailleurs plusieurs points : les places d’amarrage professionnelles seraient en principe attribuées par un appel à candidatures, pour une durée déterminée, éventuellement renouvelable. Elle serait mise en œuvre après l’entrée en vigueur de la future LNav que le Grand Conseil était en train d’examiner, et avant tout, pour les nouvelles places d’amarrage et pour celles qui seraient éventuellement libérées. Les places dont le statut serait mis à jour (de plaisance à professionnelles) seraient régularisées et resteraient, dans un premier temps, occupées par leurs bénéficiaires actuels. Elles seraient attribuées automatiquement afin de développer l’activité de louage. Cela serait seulement à l’échéance de l’autorisation et après l’entrée en vigueur du projet de loi susmentionné qu’un appel à candidatures aurait lieu, à l’échéance de l’autorisation, étant précisé que celle-ci pourrait aussi être renouvelée. Le bénéficiaire d’une place professionnelle devait également obtenir une permission de louage auprès du SDPLC, laquelle serait liée à l’autorisation d’amarrage. Le bénéficiaire d’une place professionnelle, qui développerait une activité sur le lac, pourrait détenir plusieurs places, ce qui ne serait pas possible pour les bénéficiaires des places de plaisance. Les places professionnelles pourraient être attribuées à une personne morale ou physique.

f. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

g. L’OCEau ayant souhaité dupliquer, il a précisé que les permissions des loueurs résiliées en fin d’année 2023 avaient été immédiatement renouvelées pour 2024 après avoir été mises à jour. Le SDPLC avait compulsé l’intégralité des permis de circulation indiquant une activité de louage, émis par l’OCV. Les titulaires n’étant pas tous enregistrés auprès du SDPLC, une lettre-circulaire et un formulaire idoine leur avaient été envoyés le 5 juin 2024. Tel était le cas du recourant et de sa compagne.

La situation de E_____ avait été régularisée, à savoir que son bateau et sa place d’amarrage seraient retirés de la permission de D_____ dirigé par F_____.

L’envoi de la lettre-circulaire du 5 juin 2024 représentait le premier pas du changement de pratique. Ses principes, dont le protocole n’était pas encore défini à la fin de l’année 2023, avaient été exposés au recourant lors des séances des 17 novembre 2023 et 16 janvier 2024. L’intéressé avait affirmé ne pas avoir confiance dans le SDPLC, lequel avait au contraire fait preuve de bonne foi en l’informant très tôt et en mettant en œuvre les mesures annoncées.

C_____ n’avait pas répondu à la lettre du 5 juin 2024. Une fois la régularisation entreprise par cette dernière et le recourant, la question de l’intégration du bateau n° 2 à la permission de louage du recourant pourrait être soumise au SDPLC.

Le recours était ainsi devenu sans objet. Admettre le recours reviendrait à cautionner une manœuvre destinée à éluder la directive sur le non transfert.

h. Invité à fournir une éventuelle ultime réplique avant que la cause ne soit jugée, le recourant a persisté dans ses conclusions. Il contestait toute « manœuvre », le but de son activité de louage consistant à permettre l’accès au lac au plus grand nombre, conformément à la directive précitée. Le recours n’avait nullement perdu son objet.

La copie de la lettre du 4 juin 2024 à D_____ produite par l’intimé était sans pertinence. Le SDPLC indiquait que l’autorisation délivrée le 22 juin 2023 ne correspondait pas à la réalité. Or, une nouvelle autorisation avait été délivrée à D_____ le 22 septembre 2023 pour 2024, que le SDPLC n’évoquait pas.

La place D avait été transformée de « plaisance » en « professionnelle », ce que prouvaient les pièces 18 et 39, soit la facture des places d’amarrage de D_____ pour 2021, qui distinguait les places professionnelles des autres, et la lettre du 5 mars 2024 confirmant le statut « professionnel » de la place D.

Loin de clarifier la situation, le SDPLC restait ambivalent sur plusieurs points. Contrairement à ce que l’autorité soutenait, il serait nécessaire que C_____ transforme sa place de « plaisance » en « professionnelle » en sollicitant une autorisation de louage pour elle-même. Or, elle ne pourrait lui être octroyée au vu des exigences légales de l’art. 32 LNAv. Son bateau ne pourrait ainsi être mis en location ni par elle‑même ni par le recourant, étant précisé que C_____ ne souhaitait pas pratiquer personnellement une activité de louage et que la contraindre à solliciter une telle autorisation pour que l’intégration de son bateau puisse être ultérieurement analysée par le SDPLC n’avait aucun sens. Le SDPLC n’évoquait d’ailleurs même pas la procédure d’appel à candidatures.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant sollicite son audition ainsi que celles de H______, d’I______, de F_____ et de la juriste du SDPLC, afin de confirmer la teneur des entretiens des 17 novembre 2023, 16 janvier et 20 février 2024.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s’étend qu’aux éléments pertinents pour l’issue du litige et n’empêche pas la juge de renoncer à l’administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n’implique pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En l’espèce, le recourant a pu exposer son point de vue et ses arguments dans son recours et ses deux répliques, ainsi que dans ses écritures sur effet suspensif. Il n’explique pas quels éléments, autres que ceux déjà exposés, son audition permettrait d’apporter à la solution du litige.

Par ailleurs, il ne ressort pas des écritures des parties que le contenu des entretiens des 17 novembre 2023, 16 janvier et 20 février 2024 soit pertinent, voire contesté, sous réserve des propos du garde-port sur la possibilité de modifier le statut d’une place d’amarrage de « plaisance » en « professionnelle ». Ce fait n’est toutefois pas déterminant compte tenu des considérants qui suivent. La chambre administrative est en conséquence en possession d’un dossier complet, en état d’être jugé. Il n’y a ainsi pas lieu de procéder à des actes d’instruction.

3.             Le litige porte sur l’interdiction de louage par le recourant du bateau détenu par sa compagne, amarré sur la place B.

3.1 En vertu de l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

La juridiction administrative chargée de statuer est liée par les conclusions des parties. Elle n’est en revanche pas liée par les motifs que les parties invoquent (art. 69 al. 1 LPA).

3.2 La LNav règle la navigation sur le lac et les cours d’eau publics du canton, ainsi que l’utilisation des installations portuaires (art. 1 al. 1). Son règlement d’application a pour but de déterminer les conditions applicables à la navigation, à l’amarrage, au stationnement des bateaux, ainsi qu’à l’usage des ports, des quais et des installations portuaires (art. 1).

3.2.1 L’amarrage et le dépôt de bateaux dans les eaux genevoises et sur le domaine public, le long des rives, sont subordonnés à une autorisation « à bien plaire », personnelle et intransmissible. Les autorisations sont en priorité attribuées aux détenteurs de bateaux domiciliés dans le canton. Afin d’assurer une occupation rationnelle des ports, et notamment d’adapter les places d’amarrage aux dimensions des bateaux, l’autorité compétente peut, en cas de nécessité et après avoir consulté les propriétaires des bateaux, procéder ou faire procéder à des échanges de places (art. 10 LNav).

L’art. 12 RNav décrit les conditions de délivrance des autorisations pour les places d’amarrage. À teneur de la let. g, toute location est interdite, les emplacements à l’usage des professionnels demeurant réservés.

3.2.2 Le louage professionnel de bateaux est subordonné à l’octroi d’une autorisation personnelle et intransmissible, délivrée contre paiement d’un émolument administratif (art. 31 al. 1 LNav). Les autorisations sont délivrées à titre précaire. Elles peuvent être suspendues, révoquées ou non renouvelées pour des raisons d’intérêt général, sans que le loueur de bateaux puisse prétendre à une indemnité quelconque (art. 31 al. 3 LNav).

L’autorisation est accordée si le requérant : a) à l’exercice de ses droits civils ; b) a des antécédents et une moralité offrant des garanties suffisantes ; c) est familiarisé avec les conditions de navigation dans la région où ces bateaux sont à disposition du public ; d) établit que sa responsabilité civile est couverte par une assurance conforme aux exigences posées (art. 32 al. 1 LNav). L’autorité peut fixer d’autres conditions justifiées par les circonstances (art. 32 al. 2 LNav).

Le département du territoire (ci-après : DT) est compétent notamment pour autoriser le louage des bateaux (art. 3 al. 1 RNav). Le département agit notamment par l’intermédiaire de OCEau, auquel est rattaché le SDPLC (art. 3 al. 2 RNav).

3.3 La directive de l’OCEau relative au non-transfert des places d’amarrage du 18 octobre 2021 (n° 2021-01) précise les conditions d’application de l’art. 13 al. 2 et 3 RNav relatif au « changement de bateau ou de détenteur ». Les locations d’un bateau ou d’une place d’amarrage sont des motifs de retrait de l’autorisation d’amarrage. Demeurent réservées les autorisations de louage professionnel de bateaux au sens de l’art. 31 LNav.

La directive de la capitainerie du 1er mai 2023 (n° 2023-01) précise que les places professionnelles destinées aux activités de boat sharing notamment sont attribuées selon une procédure d’appel à candidatures pour des durées limitées.

3.4 La notion de pratique administrative désigne la répétition constante et régulière dans l’application d’une norme par les autorités administratives. De cette répétition peuvent apparaître, comme en ce qui concerne la jurisprudence, des règles sur la manière d’interpréter la loi ou de faire usage d’une liberté d’appréciation. Elle vise notamment à résoudre de manière uniforme des questions de fait, d’opportunité ou d’efficacité. Cette pratique ne peut être source de droit et ne lie donc pas le juge, mais peut néanmoins avoir indirectement un effet juridique par le biais du principe de l’égalité de traitement (ATA/877/2023 du 22 août 2023 consid. 5.7 et les arrêts cités).

Pour être compatible avec les art. 8 et 9 Cst., un changement de pratique administrative doit reposer sur des motifs sérieux et objectifs, c’est-à-dire rétablir une pratique conforme au droit ou remédier à celle qui aurait conduit à des abus répétés (ATF 126 V 36 consid. 5a et les arrêts cités), mieux tenir compte des divers intérêts en présence ou d’une connaissance plus approfondie des intentions du législateur, d’un changement de circonstances extérieures, de l’évolution des conceptions juridiques ou des mœurs. Les motifs doivent être d’autant plus sérieux que la pratique suivie jusqu’ici est ancienne. À défaut, elle doit être maintenue (ATF 142 V 112 consid. 4.4 ; 135 I 79 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_44/2021 du 8 août 2021 consid. 6.1).

Lorsque ces motifs sont donnés et pour autant que la nouvelle pratique s’applique de façon générale à tous les cas non encore traités au moment de son adoption, un changement de pratique ne contrevient ni à la sécurité du droit, ni à l’égalité de traitement et ce, bien qu’il en résulte inévitablement une différence de traitement entre les cas anciens et les cas nouveaux (ATF 125 II 152 consid. 4c/aa = RDAF 2000 I p. 575, 577 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_283/2010 du 17 décembre 2010 consid. 4.2).

Lorsqu’il n’est pas accompagné d’un changement législatif, un changement de pratique justifié vaut en général immédiatement et pour toutes les procédures pendantes (ATA/515/2023 du 16 mai 2023 consid. 3.2 et les arrêts cités). Lorsque la nouvelle pratique est défavorable à l’assujetti, le droit à la protection de la bonne foi doit être pris en considération et peut s’opposer à l’application immédiate de la nouvelle pratique. Selon les cas, elle ne peut être appliquée qu’après avoir été préalablement annoncée ; il en va ainsi notamment en matière de droits des parties dans la procédure (ATF 135 II 78 consid. 3.2).

Les autorités disposent d’un pouvoir d’appréciation important pour déterminer le moment de l’application d’une nouvelle pratique ou pour instaurer un régime transitoire. Elles devraient en faire usage de manière à atténuer les effets du changement de pratique lorsque cela est possible (ATA/304/2021 du 9 mars 2021 consid. 6b). Lorsque la nouvelle pratique est moins favorable que l’ancienne pour l’administré, lorsque le changement n’était pas prévisible et qu’il n’y a pas d’intérêt public prépondérant à une application immédiate de la nouvelle pratique, l’autorité est obligée d’assortir le changement de mesures permettant d’adoucir, pour les administrés, les effets négatifs du changement qui ne seraient pas absolument nécessaires. Une telle obligation découle des exigences posées par les principes de la bonne foi (dans sa composante d’interdiction des comportements contradictoires), de la proportionnalité et de la sécurité du droit (ATA/515/2023 précité consid. 3.2 et les références citées ; Aurélie GAVILLET, La pratique administrative dans l’ordre juridique suisse, 2018, n. 708).

3.5 Dans l’ATA/992/2023 du 12 septembre 2023, la chambre de céans avait considéré qu’il ne ressortait pas de la loi que certaines places d’amarrage étaient affectées durablement à l’usage professionnel et d’autres à la plaisance. Le dispositif de gestion des amarrages, qui reconnaissait à l’intimé un pouvoir discrétionnaire (« à bien plaire », art. 10 al. 1 LNav), sous réserve des principes qu’il se serait imposé par ses directives, semblait remettre à ce dernier la décision d’attribuer au cas par cas les places aux plaisanciers ou aux professionnels selon ce que recommandait l’intérêt public et la saine gestion du domaine public du lac. Le fait que les deux places, objet de la procédure, aient été attribuées initialement pour la navigation de plaisance et non pour la navigation professionnelle était déterminant. C’était, par la suite, le changement de nature de l’activité, soit le passage d’un usage de plaisance au louage des bateaux amarrés, qui avait été avalisé par la capitainerie d’une façon que l’OCEau avait par la suite jugée non conforme à la loi. C’était donc en vain que les recourants voulaient voir attribuer aux places concernées par la procédure une qualité intrinsèque qu’elles n’avaient pas. Dans ledit cas, la chambre de céans s’était fondée sur différents courriers de la capitainerie, datant de 2020 et 2021, pour écarter le grief de violation du principe de la bonne foi (ATA/992/2023 précité consid. 4.5).

3.6 En l’espèce, dans son courrier du 23 octobre 2023, l’autorité a justifié son intention de refuser la requête d’autorisation de louage des bateaux nos 1 et 2 en raison, d’une part, de l’obligation que le bateau utilisé pour le louage soit immatriculé au nom du loueur et, d’autre part, que toute location était interdite sur une place « non professionnelle ».

Le recourant a ultérieurement obtenu une autorisation de louage pour son bateau n° 1 sur la place A pour l’année 2024, toutefois de manière exceptionnelle puisque le bateau est amarré sur une place de plaisance.

La place litigieuse B est occupée par le bateau n° 2 détenu par la compagne du recourant. Selon son permis de navigation, ce bateau est destiné à la location. Le recourant était au bénéfice d’une autorisation de pratiquer la location du bateau de sa compagne, dans ladite place. Il a vu cette autorisation, accordée en 2020, reconduite tacitement en 2021, 2022 puis 2023. L’autorisation ayant été dénoncée le 25 septembre 2023 pour le terme du 30 novembre 2023, il n’a pas interjeté recours contre cette décision mais a immédiatement sollicité, le 10 octobre 2023, le renouvellement de cette autorisation pour 2024, comme la décision l’y invitait.

La question de la place « non professionnelle » n’a toutefois pas empêché l’intimé de délivrer à bien plaire l’autorisation de louage pour le bateau n° 1, à titre exceptionnel, vu la période de transition. Cette condition n’est en conséquence pas décisive dans le refus de l’autorité intimée d’autoriser le louage du bateau n° 2 pour 2024. La lettre adressée par l’autorité au recourant et à sa compagne le 5 juin 2024 le confirme dès lors qu’elle précise les modalités de ce changement de pratique.

Seule est en conséquence déterminante l’exigence que le bateau n° 2 mis en location soit immatriculé au nom du loueur, en l’occurrence le recourant. La capitainerie a en effet indiqué qu’une permission de louage pouvait être accordée à la condition que les bateaux soient immatriculés au nom du bénéficiaire.

Cette condition ne ressort toutefois pas des quatre conditions posées par l’art. 32 al. 1 LNav. À teneur de l’al. 2 de l’art. 32 LNav, l’autorité peut cependant fixer d’autres conditions justifiées par les circonstances. Le RNav n’en fixe aucune.

Il est exact, comme le soutient le recourant, que le projet de loi à l’origine de la LNav (PL 9’580) prévoyait un al. 3 selon lequel les loueurs de bateaux devaient être personnellement propriétaires de la totalité des bateaux et s’occuper eux‑mêmes de la location, les conditions pour l’octroi d’une autorisation pour le louage de bateau étant maintenues à l’identique par rapport à la législation précédente (MGC 2004-2005/X A 8519).

Lors des débats, il avait été précisé que l’article mettait l’accent sur la responsabilité personnelle. Le département avait indiqué que lors de la rédaction de l’article, en 1987, la responsabilité des personnes morales n’existait pas. Il avait été décidé de supprimer cet alinéa, un commissaire (socialiste) ayant préalablement obtenu une réponse négative à sa question de savoir si le fait de ne pas être propriétaire diminuait la responsabilité.

Le projet de nouvelle LNav (PL 13'407), actuellement soumis au Grand Conseil, prévoit que « si l’activité professionnelle requiert l’exploitation de bateaux enregistrés auprès de l’OCV, la permission ne peut être accordée qu’à la détentrice ou au détenteur ». Les commentaires précisent que cet alinéa répond à la nécessité de s’assurer que la personne qui bénéficie de la permission est bien la détentrice ou le détenteur des bateaux qui développe les activités professionnelles concernées. Cette disposition est qualifiée d’essentielle pour éviter les abus.

En conséquence, l’exigence posée par le SDPLC d’être détenteur du bateau mis en location ne ressort plus de la loi. La réponse fournie au commissaire socialiste lors des débats parlementaires démontre que le législateur n’en faisait pas une condition. Le fait qu’elle soit à nouveau prévue dans le projet de loi confirme que tel n’était pas le cas. La pratique, notamment dans le cas du recourant et de sa compagne, atteste du fait que le louage s’est pratiqué ces dernières années sans que cette condition ne soit exigée.

L’existence d’abus est toutefois à l’origine tant des nouvelles directives que de la modification envisagée de l’art. 32 LNav.

Il ressort cependant du présent dossier que l’autorité intimée n’invoque aucun abus de la part du recourant qui a toujours été transparent avec l’administration et entrepris les démarches nécessaires. Certes, dans ses écritures devant la chambre administrative l’autorité évoque une « manœuvre » de l’intéressé. Il sera toutefois rappelé qu’elle l’a dûment autorisé, pendant de nombreuses années, à pratiquer selon les modalités aujourd’hui critiquées, en sachant qu’il louait tant le bateau de sa compagne que le sien. D’autre part, le but poursuivi par le recourant est conforme à la directive de non transfert des places d’amarrage pour autant que celle-ci soit réellement pertinente dans le cas d’espèce s’agissant d’une autre problématique.

Le soudain refus de l’autorisation de louage pour 2024 peut légitimement reposer sur le fait que le précédent contrat a été dénoncé pour le terme du 31 décembre 2023 sans que l’intéressé ne fasse recours. Il s’agit pourtant d’un changement de pratique. Dans ses écritures le recourant indique « comprendre et saluer les objectifs qu’elle poursuit ». La nouvelle pratique est toutefois défavorable à l’administré, au vu du statut du bateau de sa compagne. Se pose en conséquence la question de son droit à la protection de la bonne foi lequel pourrait s’opposer à l’application immédiate de la nouvelle pratique.

Cette dernière lui a été annoncée, la première fois, le 23 octobre 2023, soit environ un mois après la décision de résiliation de sa permission de louage du 25 septembre 2023. Il n’est pas certain que l’intéressé l’ait reçue avant l’échéance du délai de recours contre la décision du 25 septembre 2023. De surcroît, d’une part la décision précitée ne fait pas mention de la condition d’être détenteur du bateau mis en location. D’autre part, elle invite le recourant à renouveler sa permission « aux conditions énoncées ci-dessus », laissant à penser que le renouvellement ne sera pas problématique. Ainsi, si la lettre du 23 octobre 2023 utilise les termes de « nous vous rappelons qu’une permission de louage peut vous être accordée à la condition que les bateaux soient immatriculés au nom du bénéficiaire », il n’est toutefois pas fait mention dans le dossier d’une information préalable dans ce sens. Les écritures du département n’en font pas mention non plus.

Le département allègue que le recourant aurait été au courant que sa situation n’était pas conforme au droit depuis la demande, faite en 2016, d’approuver l’achat du bateau de sa compagne. Il n’ignorait ainsi pas, selon les écritures de l’autorité, que sa situation constituait un montage destiné à réaliser un état de fait que la loi n’autorisait pas. Il devait ainsi s’attendre à ce que l’autorité réagisse pour rétablir une situation conforme au droit. Toutefois, l’intimé admet dans ses écritures que le SDPLC a souhaité résilier les permissions de louage anciennes, afin de pouvoir, dans le courant de l’année 2024, traiter les situations des professionnels du lac qui bénéficiaient de places d’amarrage, des différences étant encore faites entre les ports qui n’avaient pas encore été rénovés et les autres. L’autorité précise, au point 17 de ses écritures que « si les modalités exactes de cette adaptation n’étaient alors pas encore définies en septembre 2023, elles devaient être appréhendées de manière à garantir l’égalité de traitement. En effet, les situations des loueurs dans les ports non rénovés [étaient] très différentes les unes des autres. Les éléments de réflexion [avaient été] exposés de manière informelle au recourant et à F_____, lors de l’entrevue du 17 novembre 2023 et (sic). » Elle précise de même au point 22 de ses écritures avoir indiqué, lors de l’entretien du 17 novembre 2023, que « dans un futur proche se comptant en mois, le changement de pratique serait complété par une modification du statut des places de plaisance utilisée par des professionnels, à intervenir durant l’année 2024 ». Une permission exceptionnelle lui était délivrée pour son bateau, afin d’éviter tout formalisme excessif et lui permettre d’exercer son activité durant « cette année 2024, année de transition destinée à permettre le changement de pratique envisagé. Le bateau [n° 2] pouvait être utilisé pour l’activité de formation à l’école de voile, là où aucune permission n’[était] requise. À ce stade, les conditions de ces nouvelles permissions restaient encore à préciser ».

Dans son courrier du 5 juin 2024, soit cinq mois après la décision querellée, l’intimé a expliqué procéder à un changement de pratique, la précédente n’étant pas conforme à la loi. Il évoque le projet de nouvelle LNav, en discussion devant le Grand Conseil, et indique aux titulaires de place d’amarrage non professionnelle les démarches à entreprendre pour régulariser la situation. La compagne du recourant avait ainsi jusqu’au 1er juillet 2024 pour préciser si elle développait une activité de louage ou toute autre activité professionnelle sur son bateau. Cette lettre a aussi été adressée au recourant pour son propre bateau. Elle précise de nombreux points et indique que certains seront appliqués après l’entrée en vigueur de la nouvelle LNav. Les réponses du recourant et de sa compagne aux interpellations de la capitainerie leur permettront de déterminer comment s’exercera leur activité professionnelle à l’avenir, étant notamment rappelé que la capitainerie a dûment autorisé l’activité de louage du bateau de sa compagne par le recourant pendant quatre années.

Tant les écritures du département, la lettre adressée le 5 juin 2024, que le contenu de la duplique du 8 juillet 2024 confirment que si un changement de pratique avait été annoncé en matière de louage de bateaux en 2023, les modalités de celle-ci devaient encore être précisées et sa mise en pratique finalisée aux fins d’assurer l’égalité de traitement de tous les administrés concernés. L’intimée n’a d’ailleurs pas contesté qu’un concurrent du recourant avait bénéficié d’une erreur dans le cadre de ces modifications et pouvait bénéficier d’une autorisation de louage pour 2024 pour un bateau qui n’était pas immatriculé à son nom. Le recourant peut être suivi lorsqu’il soutient, dans ses dernières écritures, que le courrier envoyé à D_____ le 4 juin 2024 n’est que peu pertinent. D’une part, il fait référence à une permission de louage qui n’est plus en vigueur. D’autre part, on ignore quelle suite y sera donnée notamment par E_____.

Conformément à la jurisprudence, l’intimée doit faire usage de son important pouvoir d’appréciation de manière à atténuer les effets du changement de pratique lorsque cela est possible (ATA/304/2021 du 9 mars 2021 consid. 6b). En l’espèce, la nouvelle situation a été brutalement imposée au recourant, après plusieurs années de pratique différente. Cette nouvelle situation est moins favorable que l’ancienne pour l’administré. Si l’intérêt public à l’établissement d’une pratique conforme à la loi, à la cessation d’une pratique problématique notamment au niveau de l’exercice des activités des professionnels du lac, à l’arrêt de l’utilisation de prête-nom dans des pratiques professionnelles n’est pas discutable, il n’y a pas d’intérêt public prépondérant à une application immédiate de la nouvelle pratique s’agissant d’un seul bateau pour l’année 2024 pour le recourant, représentant la moitié de sa « flotte ». En ne tenant pas compte, dans la présente situation, de la possibilité d’assortir le changement de mesures permettant d’adoucir, pour le recourant, les effets négatifs du changement de pratique concernant la place B, l’autorité intimée a violé les exigences posées par les principes de la bonne foi (dans sa composante d’interdiction des comportements contradictoires), de la proportionnalité et de la sécurité du droit.

L’intimé a brièvement motivé son refus par l’égalité de traitement et la récente jurisprudence de la chambre de céans. La seule référence à « la jurisprudence » sans autre mention dans la décision rendait difficile pour le recourant l’identification des éléments pertinents. L’arrêt concerné, cité dans les écritures ultérieures de l’autorité, n’est pour le surplus pas déterminant dans le présent cas, s’agissant de situations différentes, la bonne foi du recourant concerné par ladite jurisprudence ayant été niée, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Le recours sera en conséquence partiellement admis et le dossier renvoyé à l’autorité intimée pour qu’elle délivre au recourant l’autorisation de louage sur la place n° 4_____ en faveur du bateau GE 3_____ pour 2024.

4.             Vu l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure, le recourant n’invoquant pas avoir encouru des frais indispensables dans le cadre de son recours (art. 87 al. 2 LPA).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 février 2024 par A______ contre la décision du département du territoire - OCEau - SDPLC domaine public lacustre et de la capitainerie du 25 janvier 2024 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision de l’office cantonal de l’eau du 25 janvier 2024 en tant qu’elle refuse à A______ l’autorisation de louage sur la place n° 4_____ en faveur du bateau GE 3_____ pour 2024 ;

ordonne à l’office cantonal de l’eau d’octroyer à A______ l’autorisation de louage sur la place n° 4_____ en faveur du bateau GE 3_____ pour 2024 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les 30 jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu’au département du territoire - office cantonal de l’eau - service du domaine public lacustre et de la capitainerie.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Philippe KNUPFER, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :