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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1403/2024

ATA/823/2024 du 09.07.2024 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1403/2024-FORMA ATA/823/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 juillet 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______, enfant mineur agissant par ses parents, B______ et C______ recourants
représentés par Me Guy ZWAHLEN, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE intimé

_________



EN FAIT

A. a. A______, citoyen suisse, est né le ______ 2010 à Genève.

b. Selon la base de données officielle « Calvin » (ci-après : Calvin) de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), il a été domicilié de sa naissance au 16 juillet 2015 chemin de D______ ______ à Vernier et, depuis le 16 juillet 2015 avenue E______ ______ à Versoix, soit aux mêmes adresses que ses parents B______ et C______.

c. Le 6 mars 2024, ses parents ont demandé en ligne au département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci‑après : DIP) son admission pour la prochaine rentrée scolaire en 11e année au cycle d’orientation F______, car ses grands-parents vivaient aux Avanchets et allaient principalement s’occuper de lui sur le plan logistique, compte tenu de la disponibilité des parents.

L’adresse indiquée était avenue E______ ______ à Versoix. A______ n’avait pas de fratrie et avait étudié jusque-là en France. Étaient joints les bulletins des 1er et 3e trimestres 2023-2014 du collège international de Ferney-Voltaire, adressés à « C______, ______ G______, ______ allée H______, 01630 St‑Genis-Pouilly ». Étaient également jointes des attestations de résidence établie par l’OCPM indiquant que A______ et son père étaient respectivement domiciliés dans le canton depuis le 17 novembre 2010 et le 29 janvier 1997.

d. Par décision du 28 mars 2024, le DIP a rejeté la demande.

Aucun élément ne permettait de considérer que le lieu de vie pérenne de A______ et de ses parents se trouvait dans le canton. Le bulletin scolaire mentionnait une adresse à Saint-Genis-Pouilly en France. L’adresse indiquée pour A______ à sa caisse maladie était celle de son grand-père paternel, I ______ ______ aux Avanchets. L’adresse de Versoix figurant sur les attestations de l’OCPM correspondait à un logement de 2½ pièces, de sorte qu’il apparaissait peu réaliste que la famille y loge, compte tenu notamment de son logement en France. A______ n’avait enfin pas de fratrie scolarisée dans le canton.

e. Le 12 avril 2024, B______ a contesté la décision du DIP.

Il lui avait adressé de nombreux documents attestant que sa famille et lui habitaient l’appartement de Versoix. Celui-ci avait un grand séjour. A______ vivait dans sa propre chambre et ses parents dormaient dans un canapé-lit pliable du séjour. Si l’adresse pour l’assurance-maladie était encore chez le grand-père paternel, cela provenait du fait que l’employeur du père, soit J______, payait lui-même l’assurance-maladie « et que de ce fait, [le père] a[vait] toujours laissé l’ancienne adresse chez son père par rapport à cette assurance. » Quant à l’adresse en France, il s’agissait d’une résidence secondaire et non pas d’un domicile. La famille avait toutes ses attaches à Genève. Il produisait les déclarations fiscales pour les années 2021 et 2022.

f. Le 23 avril 2024, le DIP a indiqué qu’il avait pris note des éléments apportés mais n’entendait pas revenir sur sa décision.

B. a. Par acte remis à la poste le 25 avril 2024, B______ et C______, agissant pour le compte de leur fils A______, ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice contre la décision du 28 mars 2024, concluant à son annulation et à ce que A______ soit admis dans l’enseignement public genevois pour l’année scolaire 2024-2025.

La famille disposait d’un bail à loyer pour l’appartement de Versoix. Elle était assurée pour la LAMal à Genève. Pour des raisons pratiques, comme l’employeur de B______ payait les primes, celui-ci avait laissé l’adresse de son père pour les communications de l’assurance. Ils payaient l’électricité de leur logement. Ils possédaient une résidence secondaire à Saint-Genis-Pouilly, qui n’était pas leur domicile. Ils avaient dans un premier temps scolarisé A______ au collège international de Ferney-Voltaire.

La décision violait la loi. Le « dépôt des papiers » constituait un indice du domicile de la famille à Genève, que le DIP n’avait pas pris en compte. Si on y ajoutait le bail à loyer, l’assurance-maladie et l’assujettissement à l’impôt à Genève, le centre des intérêts de la famille à Genève était établi.

Ils produisaient les attestations de résidence, le bail à loyer, la police d’assurance LAMal de A______, la facture des services industriels genevois (ci-après : SIG) du 10 janvier 2024, les déclarations fiscales 2021 et 2022.

b. Le 23 mai 2024, le DIP a conclu au rejet du recours.

Les attestations de l’OCPM ne démontraient que l’inscription dans le registre.

L’appartement que possédaient les recourants dans une résidence en France disposait d’une ligne téléphonique fixe alors qu’il n’existait pas d’inscription pour le logement de Versoix.

Seul B______ était titulaire du bail de Versoix, après le départ de son ancien colocataire K______ en février 2011. Il n’avait pas annoncé son adresse à Versoix lors de la conclusion du bail en 2009 ni en 2011 lors du départ de K______. Son épouse ne figurait pas sur le bail. Son nom n’y avait pas été ajouté lorsque la famille avait indiqué à l’OCPM s’installer à Versoix.

B______ n’avait jamais habité chez son père aux Avanchets, et on ne comprenait pas pour quelle raison pratique la correspondance de l’assurance‑maladie arrivait à l’adresse de ce dernier.

Les factures intermédiaires des SIG produites montraient une consommation annuelle (extrapolée) de 1'116 kWh, alors que la consommation moyenne d’un appartement occupé par trois personnes s’élevait à 2'600 kWh par an, de sorte qu’il était douteux que l’appartement soit occupé par la famille B______ composée de trois personnes.

La déclaration fiscale mentionnait un bien immobilier en France pour une valeur de CHF 870'000.- avec une hypothèque de CHF 434'047.-. Le DIP demandait la production du contrat d’achat, de la taille de la composition de ce bien et de la dernière facture annuelle d’électricité, aux fins de déterminer s’il était occupé.

Les recourants avaient indiqué une adresse en France, figurant sur les bulletins scolaires, lorsqu’il s’agissait d’obtenir l’inscription dans l’enseignement public français.

Le cycle d’orientation des Colombières était situé à 750 m de leur adresse de Versoix, tandis que celui F______ pouvait être atteint en droite ligne depuis Saint-Genis-Pouilly.

c. Le 24 juin 2024, les recourants ont persisté dans leurs conclusions.

Ils ont produit : sept attestations écrites datées des 19 et 20 juin 2024, dont une du concierge de l’immeuble, comportant toutes le texte préimprimé « Je soussigné(e) [demeurant …] atteste que M. B______ et sa famille, résident bien au ______, avenue ______, 1290 Versoix » ; une attestation d’emploi de J______ du 20 juin 2024, adressée à l’appartement de Versoix et indiquant que B______ était employé depuis le 11 septembre 2006 à plein-temps et percevait un subside mensuel de CHF 700.- pour l’assurance-maladie, dont CHF 300.- pour lui, CHF 300.- pour son épouse et CHF 100.- pour son fils ; une attestation de résidence des grands-parents paternels aux Avanchets ; une facture des SIG adressée à L______ aux Avanchets ; une facture de SWISSCOM pour une ligne fixe adressée à L______ aux Avanchets.

B______ travaillait toute la journée et rentrait tard le soir. De ce fait, les époux n’avaient pas besoin d’une chambre particulière et pouvaient vivre « dans l’appartement comme il [était] ». S’agissant de l’électricité, on ne pouvait leur reprocher d’être économes. Les « autres biens immobiliers » avaient été acquis en vue d’être revendus plus tard et pour pouvoir acheter un bien immobilier en Suisse le moment venu.

d. Le 25 juin 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur le refus du DIP de scolariser A______ dans l’enseignement secondaire I public genevois.

2.1 Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

En application de la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public (art. 19 et 20 LPA), l’autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés ; cette maxime oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d’office l’ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l’établissement des faits (ATF 124 II 361 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_416/2013 du 5 novembre 2013 consid. 10.2.2 ; 2C_84/2012 du 15 décembre 2012 consid. 3.1) ; il leur incombe d’étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1), spécialement lorsqu’il s’agit d’élucider des faits qu’elles sont le mieux à même de connaître, respectivement qui relèvent de leur sphère d’influence ; la jurisprudence considère à cet égard que le devoir de collaboration des parties à l’établissement des faits est spécialement élevé s’agissant de faits que celles-ci connaissent mieux que quiconque (arrêts du Tribunal fédéral 2C_284/2019 du 16 septembre 2019 consid. 4.3 ; 1C_426/2017 du 11 mars 2019 consid. 5.3 et les références citées). En l’absence de collaboration de la partie concernée par de tels faits et d’éléments probants au dossier, l’autorité qui met fin à l’instruction du dossier en considérant qu’un fait ne peut être considéré comme établi, ne tombe ni dans l’arbitraire ni ne viole les règles régissant le fardeau de la preuve (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_611/2020 du 10 mai 2021 consid. 2.3 ; ATA/957/2020 du 29 septembre 2020 consid. 3c).

2.2 Les recourants se plaignent de la violation de la loi. A______ serait domicilié à Genève.

2.2.1 À teneur de l’art. 19 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit à un enseignement de base suffisant et gratuit est garanti. Au niveau cantonal, l’art. 24 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (A 2 00 - Cst - GE) dispose que le droit à l’éducation, à la formation et à la formation continue est garanti (al. 1). Toute personne a droit à une formation initiale publique gratuite (al. 2).

2.2.2 L’art 62 Cst. prévoit pour sa part que l’instruction publique est du ressort des cantons (al. 1). Les cantons pourvoient à un enseignement de base suffisant ouvert à tous les enfants. Cet enseignement est obligatoire et placé sous la direction ou la surveillance des autorités publiques. Il est gratuit dans les écoles publiques (al. 2). Les cantons pourvoient à une formation spéciale suffisante pour les enfants et adolescents handicapés, au plus tard jusqu'à leur 20ème anniversaire (al. 3). Si les efforts de coordination n'aboutissent pas à une harmonisation de l'instruction publique concernant la scolarité obligatoire, l'âge de l'entrée à l'école, la durée et les objectifs des niveaux d'enseignement et le passage de l'un à l'autre, ainsi que la reconnaissance des diplômes, la Confédération légifère dans la mesure nécessaire (al. 4). La Confédération règle le début de l'année scolaire (al. 5). Les cantons sont associés à la préparation des actes de la Confédération qui affectent leurs compétences ; leur avis revêt un poids particulier (al. 6).

2.2.3 Selon son art. 1, la loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP  -  C 1 10) régit l’instruction obligatoire, soit la scolarité et la formation obligatoires jusqu’à l’âge de la majorité pour l’enseignement public et privé (al. 1). Elle régit également l’intégration et l’instruction des enfants et des jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés de la naissance à l’âge de 20 ans révolus (al. 2). Elle s’applique aux degrés primaire et secondaire I (scolarité obligatoire) et aux degrés secondaire II et tertiaire ne relevant pas des hautes écoles (ci-après : degré tertiaire B) dans les établissements de l’instruction publique (al. 3).

L’instruction publique comprend notamment le degré secondaire I, soit le cycle d’orientation (art. 4 al. 1 let. b LIP). Selon l’art. 67 LIP, le degré secondaire I dure trois ans et comprend les 9e, 10e et 11e degrés.

2.2.4 L’art. 37 al. 1 LIP prévoit que tous les enfants et jeunes en âge de scolarité obligatoire et habitant le canton de Genève doivent recevoir, dans les écoles publiques ou privées, ou à domicile, une instruction conforme aux prescriptions de ladite loi, au programme général établi par le DIP conformément à l’accord intercantonal sur l'harmonisation de la scolarité obligatoire du 14 juin 2007 (HarmoS - C 1 06) et à la convention scolaire romande du 21 juin 2007 (CSR  -  C 1 07).

Le DIP, avec le concours des services concernés, veille à l’observation de l’obligation d’instruction, telle que définie à l’art. 1 LIP (art. 38 al. 1 LIP). Les parents sont tenus, sur demande du DIP, de justifier que leurs enfants, jusqu’à l’âge de la majorité, reçoivent l’instruction obligatoire fixée par la loi (art. 38 al. 2 LIP).

La scolarité est obligatoire pour les enfants dès l’âge de 4 ans révolus au 31 juillet (art. 55 al. 1 LIP). Tout enfant, dès l’âge de 4 ans révolus au 31 juillet, doit être inscrit à l’école dans les trois jours qui suivent son arrivée à Genève (art. 57 al. 1 LIP).

2.2.5 L’art. 58 LIP prévoit que, sous réserve des al. 2 à 5, les élèves sont scolarisés dans l’établissement correspondant au secteur de recrutement du lieu de domicile ou à défaut du lieu de résidence des parents (al. 1). Si les élèves de ce secteur de recrutement sont en nombre insuffisant ou sont trop nombreux pour l’organisation rationnelle de l’enseignement, le DIP peut les affecter à une autre école. Cette affectation n’est pas sujette à recours (al. 2). Après avoir entendu les parents concernés, la ou les directions des établissements concernés peuvent transférer un élève dans une autre classe ou un autre établissement, en cours d’année ou pour l’année scolaire suivante, lorsque le bon déroulement de la scolarité de l’élève et/ou le bon fonctionnement de la classe ou de l’établissement le commande (al. 3). Pour les élèves qui sont inscrits dans un dispositif spécifique, tel que les classes et institutions de l’enseignement spécialisé ou les classes Sport-Art-Études, notamment, des exceptions au lieu de scolarisation peuvent être prévues par voie réglementaire. Cette affectation n’est pas sujette à recours (al. 4). Enfin, le DIP peut, à titre exceptionnel, accorder des dérogations, notamment en cas de changement de domicile, de manière à permettre à l’élève de terminer l’année scolaire dans la classe où il l’a commencée (al. 5).

2.2.6 Au niveau réglementaire, l'art. 16 du règlement du cycle d'orientation du 9 juin 2010 (RCO - C 1 10.26) dispose que le degré secondaire I fait partie de la scolarité obligatoire (al. 1), que les enfants en âge de scolarité obligatoire doivent être inscrits à l'école et suivre une instruction dès le premier jour de l'année scolaire ou dans les trois jours qui suivent leur arrivée à Genève (al. 2) et que le degré secondaire I est gratuit pour les élèves qui remplissent les conditions de l'art. 25 RCO (al. 3).

Selon l’art. 25 al. 1 RCO, sont admis au cycle d'orientation public genevois (a) les élèves domiciliés dans le canton ; (b) les élèves domiciliés en France voisine et déjà scolarisés dans l’enseignement public genevois, pour autant que l'un de leurs parents au moins soit assujetti à Genève à l'impôt sur le revenu de l'activité rémunérée qu'il exerce de manière permanente dans le canton ; (c) les frères et sœurs ainsi que les demi-frères et les demi-sœurs des enfants scolarisés au sein d'établissements scolaires publics genevois. Selon l’al. 2, l'admission des élèves domiciliés dans le canton mais qui ne sont pas issus d'une école publique genevoise doit être demandée auprès de la direction générale qui statue. Selon l’al. 3, pour les élèves visés à l’al. 1, let. b et c, la demande d'admission doit être déposée auprès de la direction générale dans le délai fixé chaque année par le DIP et publié sur le site Internet de ce dernier.

2.2.7 Selon l’art. 23 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), le domicile de toute personne est au lieu où elle réside avec l’intention de s’y établir (al. 1). Nul ne peut avoir en même temps plusieurs domiciles (al. 2).

L’art. 24 CC prévoit que toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu’elle ne s’en est pas créé un nouveau (al. 1). Le lieu où elle réside est considéré comme son domicile, lorsque l’existence d’un domicile antérieur ne peut être établie ou lorsqu’elle a quitté son domicile à l’étranger et n’en a pas acquis un nouveau en Suisse (al. 2).

La notion de domicile contient deux éléments : d'une part, la résidence, soit un séjour d'une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits et, d'autre part, l'intention de se fixer pour une certaine durée au lieu de sa résidence qui doit être reconnaissable pour les tiers et donc ressortir de circonstances extérieures et objectives. Cette intention implique la volonté manifestée de faire d'un lieu le centre de ses relations personnelles et professionnelles. Le domicile d'une personne se trouve ainsi au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l'ensemble des circonstances (ATF 141 V 530 consid. 5.2 ; 136 II 405 consid. 4.3 ; 134 V 236 consid. 2.1).

Pour déterminer si une personne réside dans un lieu déterminé avec l'intention de s'y établir durablement (élément subjectif du domicile), la jurisprudence ne se fonde pas sur la volonté interne de l'intéressé ; seules sont décisives les circonstances objectives, reconnaissables pour les tiers, permettant de déduire une telle intention (ATF 127 V 237 consid. 1 ; ATF 120 III 7 consid. 2b ; ATF 119 II 64 consid. 2b/bb). Pour qu'une personne soit domiciliée à un endroit donné, il faut donc que des circonstances de fait objectives manifestent de manière reconnaissable pour les tiers que cette personne a fait de cet endroit, ou qu'elle a l'intention d'en faire, le centre de ses intérêts personnels, sociaux et professionnels (ATF 119 II 64 consid. 2b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 5C.163/2005 du 25 août 2005 consid. 4.1 et les références citées). Même un séjour d'emblée temporaire peut constituer un domicile, lorsqu'il est d'une certaine durée et que le centre des intérêts de la personne y est transféré (Daniel STÄHELIN, in Basler Kommentar - ZGB, 6e éd., 2018, n. 7 ad art. 23 CC et les références citées). L’intention de quitter un lieu plus tard n’empêche pas d’y constituer un domicile (ATF 127 V 237 consid. 2c).

2.3 En l’espèce, les recourants reprochent au DIP de ne pas avoir pris en compte les preuves concordantes qu’ils seraient domiciliés à Genève. Ils ne peuvent être suivis.

Ainsi que l’a relevé le DIP, les attestations de résidence délivrées par l’OCPM aux recourants ne résultent que de leur inscription dans le registre « Calvin » à l’adresse de Versoix, laquelle à son tour est le plus souvent le fruit d’une simple déclaration des administrés. Par défaut, l’assujettissement fiscal résulte également de l’inscription dans « Calvin ». L’affiliation obligatoire à une caisse-maladie est une autre conséquence de cette inscription. L’adressage de la correspondance de l’employeur à B______ résulte uniquement des déclarations de ce dernier. Enfin, la présence d’un nom sur un bail ne prouve pas encore que le cocontractant habite le logement. Les documents relatifs à ces faits produits par les recourants, s’ils constituent certes des indices concordants, ne suffisent toutefois pas pour prouver le domicile genevois de la famille en présence d’indices discordants.

Or, les indices en faveur d’un domicile des recourants en France sont nombreux et significatifs.

Le premier est la propriété d’un appartement d’une valeur fiscale de CHF 870'000.- situé en France voisine. La situation est compatible avec l’exercice d’activités professionnelles par B______ et C______ sur la rive droite du lac Léman. La valeur du bien est compatible avec celle d’un appartement situé en France et d’une superficie permettant de loger convenablement trois personnes en tout cas. L’investissement correspond au revenu annuel brut de CHF 229'450.- environ déclaré par les recourants en 2021 et 2022. Les recourants, pourtant tenus de collaborer à l’établissement des faits, n’ont produit aucune pièce au sujet de cet appartement permettant d’en connaître la superficie, le nombre des pièces, la date et le prix d’acquisition, le financement ou l’amortissement. Ils soutiennent qu’il s’agirait d’un investissement destiné à être revendu mais n’expliquent pas pour quelles raisons ils n’y vivent pas et préfèrent dépenser chaque mois CHF 1’200.- de loyer charges comprises pour un tout petit appartement à Genève. Ils ne détaillent ni ne documentent de quelle manière cet investissement serait administré, alors qu’il leur serait loisible de produire un contrat de bail, la preuve de l’encaissement de loyers voire de l’intervention d’une régie.

Le second est le fait que A______ a effectué toute sa scolarité en France jusqu’à ce jour, dont en tout cas les dernières années dans l’enseignement public à Ferney-Voltaire. Les recourants n’ont à aucun moment expliqué ce choix, particulièrement insolite s’ils habitent Versoix comme ils le soutiennent. Or, l’admission dans l’enseignement public en France nécessite très vraisemblablement un domicile en France, ainsi que l’a fait observer l’intimé, et les bulletins scolaires français portent l’adresse de l’appartement propriété des recourants à Saint-Genis-Pouilly. Si les recourants habitent comme ils l’affirment à Versoix, ils n’expliquent pas pourquoi ils reçoivent la correspondance de l’école de A______ en France plutôt qu’à leur domicile en Suisse, ce qui constitue une seconde incongruité.

Le troisième est le fait, que l’intimé a fait valoir, que l’appartement de Saint-Genis-Pouilly avait une ligne de téléphone fixe alors que celui de Versoix n’en avait pas. Les recourants n’ont pas contesté cette allégation et n’ont fourni aucune explication. Or, la souscription d’une ligne téléphonique fixe va souvent de pair avec un raccordement du domicile à l’internet et, de manière générale, un raccordement fixe tend à caractériser la résidence principale.

Le quatrième est le fait que le seul document relatif à l’assurance-maladie produit par les recourants, soit la police de A______ valable pour 2024, soit adressé chez le grand-père de celui-ci aux Avanchets plutôt qu’à l’adresse des recourants à Versoix. L’explication avancée par les recourants, selon laquelle l’employeur de B______ payait lui-même l’assurance-maladie de sorte que ce dernier avait toujours « laissé l’ancienne adresse chez son père par rapport à cette assurance » n’est pas compréhensible. Si les recourants sont domiciliés à Versoix, il est logique qu’ils y reçoivent toute la correspondance de l’assurance de leur fils, étant observé que l’employeur de B______ semble lui-même considérer que ce dernier a son adresse à Versoix. En revanche, s’ils habitent en France, il n’est pas illogique de maintenir une adresse postale en Suisse proche de leur domicile français.

Le cinquième, tenant à la demande par les recourants d’une affectation de A______ au cycle d’orientation F______ plutôt qu’à celui des Colombières pourtant distant de 750 m seulement de leur adresse de Versoix, est à rapprocher du quatrième, dès lors que le cycle F______ peut être rejoint rapidement et en ligne droite par les transports publics depuis Saint-Genis-Pouilly. Les recourants objectent que A______ irait manger à midi chez ses grands-parents paternels aux Avanchets. Cet argument n’est cependant guère convaincant si l’on tient compte du temps nécessaire pour se rendre le matin depuis Versoix à Balexert et y rentrer le soir.

Les recourants ont établi que B______ est locataire de l’appartement de Versoix. Or, le bail a été conclu en 2009 par B______ et K______. K______ a quitté l’appartement et a cessé d’être locataire le 10 février 2011. B______ n’a déclaré y habiter que depuis 2015. À aucun moment, C______ n’a été portée comme cocontractante sur le bail, ce qui est effectivement insolite s’agissant d’époux, comme l’a fait observer l’intimé. Surtout, l’appartement ne compte que 2½ pièces, ce qui en fait un logement trop exigu pour héberger trois personnes, et un choix insolite dès lors qu’elles disposent d’un appartement plus spacieux en France voisine et de revenus leur permettant de louer un logement plus grand à Genève. Dans ces circonstances, la justification avancée par les recourants, selon laquelle B______ travaillerait souvent tard le soir de sorte qu’il n’aurait pas besoin de confort, peine à convaincre.

L’intimé a fait observer que la consommation d’électricité des recourants à Versoix est anormalement basse pour une famille de trois personnes. Les recourants ne contestent pas les chiffres mais expliquent qu’ils sont économes. Compte tenu des éléments relevés plus haut, cette explication n’apparait pas de nature à renverser le soupçon que l’appartement ne serait pas leur lieu de vie.

Les recourants ont enfin produit avec leur réplique sept attestations, dont une signée selon eux du concierge de l’immeuble de Versoix. Datées des 19 et 20 juin 2024, contenant des textes préimprimés au contenu essentiellement identique et particulièrement pauvre en détails, elles paraissent avoir été établies in extremis pour les besoins de la cause, de sorte qu’elles doivent être prises en compte avec circonspection, et que, même si elles sont signées de voisins voire du concierge, elles ne sont pas de nature à remettre en cause l’ensemble d’indices concordants et solides portant à conclure que le centre de vie et le domicile des recourants ne se trouve pas à Genève mais à Saint-Genis-Pouilly.

Les éléments qui précèdent devaient conduire le DIP a conclure que A______ n’était pas domicilié en Suisse. Le DIP n’a ainsi commis ni excès ni abus de son pouvoir d’appréciation en établissant les faits et en interprétant les preuves disponibles, et c’est conformément à la loi qu’il a décidé que A______ ne remplissait pas les conditions et a refusé de l’admettre dans l’enseignement public à Genève.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge solidaire de B______ et C______ (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 avril 2024 par A______, enfant mineur agissant par ses parents, B______ et C______, contre la décision du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 28 mars 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge solidaire de B______ et C______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17  juin  2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Guy ZWAHLEN, avocat des recourants ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :