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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4104/2023

ATA/491/2024 du 16.04.2024 ( LOGMT ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4104/2023-LOGMT ATA/491/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 avril 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants
représentés par Me Cyril MIZRAHI, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DU LOGEMENT ET DE LA PLANIFICATION FONCIÈRE intimé



EN FAIT

A. a. A______ est locataire d’un appartement de trois pièces au 1er étage de l’immeuble sis rue C______ à Genève. Ce logement est soumis à la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05), en catégorie 2 (HLM).

b. Depuis 2018, elle y vit avec son mari, B______, et leur fille D______, née le ______ 2002.

c. Selon l’avis de situation adressé à A______ le 8 septembre 2020 par l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF), le revenu déterminant unifié (ci-après : RDU) était de CHF 68'994.- pour le groupe de trois personnes et le loyer se montait à CHF 8'592.- par an, charges comprises.

d. Les avis de situation des 15 septembre 2021 et 2 septembre 2022 faisaient état d’un loyer inchangé et d’un RDU du groupe de trois personnes de CHF 56'782.-. Il était essentiellement composé du revenu mensuel de A______ de CHF 1'416.90, de celui de sa fille de CHF 889.90, de l’allocation de formation de CHF 400.-, de prestations de l’Hospice général de CHF 1'300.- et de subsides à l’assurance-maladie.

Les avis de situation mentionnaient tous, en caractères gras, l’obligation d’aviser en tout temps l’OCLPF en cas de modification de situation, tant dans la composition du groupe de personnes occupant le logement que dans les revenus et fortunes de celles-ci.

e. Le 1er janvier 2023, l’immeuble est sorti du contrôle étatique.

f. Par décision du 19 septembre 2023, l’OCLPF a réclamé à A______ et B______ le paiement d’une surtaxe de CHF 48'705.- pour la période du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2022 en se fondant sur les attestations établies par le centre de compétences du RDU. Durant la période visée, les revenus du RDU familial avaient fortement augmenté, passant à CHF 135'000.-.

g. Par décision du 6 novembre 2023, l’OCLPF a rejeté la réclamation formée par le couple, qui avait invoqué la mauvaise qualité du logement et le plafonnement de la surtaxe. Les intéressés n’entraient pas dans le cercle des bénéficiaires du plafonnement de la surtaxe.

B. a. Par acte expédié le 7 décembre 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______ et B______ ont recouru contre cette décision, dont ils ont demandé l’annulation.

La surtaxe était une contribution causale, qualifiée d’ordre fiscal. Elle visait à inciter le locataire à quitter un logement lorsque ses revenus dépassaient un certain barème. Lorsque l’on ne pouvait exiger du bailleur qu’il résilie son bail, la surtaxe devait être plafonnée. Dès lors que le contrôle étatique avait pris fin, il ne faisait plus de sens d’exiger la résiliation du bail. En tant que la législation n’avait pas inclus dans les exceptions permettant de plafonner la surtaxe la présente situation, les recourants subissaient une inégalité de traitement. La surtaxe de CHF 8'464.- pour 2021 et de CHF 40'240.80 pour 2022 violait leur capacité contributive et était ainsi contraire à l’art. 127 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). La décision querellée heurtait le sentiment de justice, dès lors qu’elle revenait à doubler le loyer de 2021 et à quintupler celui de 2022.

b. L’OCLPF a conclu au rejet du recours.

La légalité de la surtaxe et son respect des principes d’égalité de traitement et de la proportionnalité avaient été confirmés par le Tribunal fédéral. Le montant de la surtaxe avait été déterminé correctement et n’était d’ailleurs pas contesté. L’intimé n’avait pas de marge de manœuvre dans la perception de cette taxe. Les recourants n’entrant pas dans la catégorie des locataires bénéficiant d’un plafonnement, ils ne pouvaient en bénéficier.

c. Dans leur réplique, les recourants ont insisté sur le fait que la législation laissait à l’OCLPF une marge de manœuvre. La surtaxe avait un caractère confiscatoire inadmissible.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Est litigieuse la possibilité de réclamer le paiement de la surtaxe aux recourants

2.1 L'accès à un logement dans la catégorie 2, immeubles HLM, est déterminé en fonction des conditions relatives aux locataires selon les art. 30 ss LGL (art. 16 al. 1 let. b et 2 LGL).

2.2 Aux termes de l'art. 30 LGL, les logements visés par cette disposition sont destinés aux personnes dont le revenu, à la conclusion du bail, n'excède pas le barème d'entrée et dont le revenu, en cours de bail, n'excède pas le barème de sortie (al. 1). Le barème d'entrée s'obtient en divisant le loyer effectif du logement (à l'exclusion des frais de chauffage et d'eau chaude et du loyer du garage) par le taux d'effort (al. 2).

Le locataire dont le revenu dépasse le barème d'entrée est astreint au paiement d'une surtaxe, qui correspond à la différence entre le loyer théorique et le loyer effectif du logement mais qui ne peut, ajoutée au loyer, entraîner des taux d'effort supérieurs à ceux visés à l'art. 30 LGL (art. 31 al. 1 et 2 LGL). Par revenu, il faut entendre le revenu déterminant résultant de la loi sur le RDU du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06).

2.3 Selon l'art. 9 du règlement d'exécution de la LGL du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01), il appartient au locataire de justifier sans délai au service compétent toute modification significative de revenu ainsi que tout changement dans la composition du groupe de personnes occupant le logement survenant en cours de bail (al. 2). En cours de bail, à défaut d'annonce de modification de situation par le locataire, le service compétent peut tenir compte des revenus pris en considération pour l'impôt des années précédentes (al. 3).

2.4 Le locataire qui ne renseigne pas en temps utile l'OCLPF s'expose au paiement d'une surtaxe rétroactive dont le principe a été maintes fois confirmé par la jurisprudence constante de la chambre administrative (ATA/770/2020 du 18 août 2020 consid. 5d ; ATA/373/2015 du 21 avril 2015 consid. 7 et les références citées). La pratique de l'OCLPF en matière de surtaxe consiste à obtenir par le biais de l'administration fiscale cantonale genevoise, au début de chaque année, les indications des revenus déclarés l'année précédente. En raison de ce décalage, le bénéficiaire doit communiquer spontanément toute modification de sa situation à l'OCLPF ; dans ce cadre, toute modification de revenu, même si elle peut par la suite s'avérer temporaire, doit être considérée comme une modification significative de la situation, dès lors que toute hausse ou baisse de revenu est de nature à influer sur les barèmes d'entrée ou de sortie et ainsi sur l'éventuelle surtaxe due. Les bénéficiaires concernés sont ainsi tenus d'aviser l'OCLPF de chaque changement de situation, ce que rappelle d'ailleurs chaque avis de situation (ATA/770/2020 précité consid. 5d).

2.5 La surtaxe est définie comme la restitution partielle d’un avantage concédé par l’État de la part des bénéficiaires qui n’y ont plus entièrement droit ou, à la limite, comme une pénalité envers ceux qui habitent un logement subventionné alors qu’ils ne devraient pas en bénéficier (MGC 1974/III 2115 ; ATA/885/2015 du 1er septembre 2015 consid. 5e). Il est contraire au système légal et réglementaire régissant les subventions aux logements d'y intégrer la notion de la qualité du logement (ATA/605/2022 du 7 juin 2022 consid. 9c).

2.6 Selon l’art. 13 LGL, qui renvoie à l’art. 20 al. 2 RGL, la surtaxe peut être plafonnée pour les propriétaires et copropriétaires, pour eux-mêmes, leurs ascendants et descendants directs, les coopérateurs locataires d’une coopérative d’habitation ainsi que les locataires d'immeubles avec encadrement pour personnes âgées. Pour bénéficier de ce plafonnement, les personnes concernées doivent s’annoncer et être acceptées par le service compétent avant la conclusion du bail (art. 20 al. 2 RGL). Ces dispositions prévoient un régime de dérogation permanente importante à l'un des principes fondamentaux de la loi, à savoir le caractère dissuasif de la surtaxe (Thierry TANQUEREL, La surtaxe en matière de logements d'utilité publique : une base légale perfectible in RDAF 1996 p. 291, p. 306 ; ATA/826/2005 du 6 décembre 2005 consid. 4c).

2.7 Des remises totales ou partielles de surtaxes peuvent être accordées par le service compétent aux locataires qui se trouvent, par suite de circonstances indépendantes de leur volonté, dans une situation telle que le paiement intégral de la somme requise aurait pour eux des conséquences particulièrement dures (art. 34B al. 1 RGL). La décision de remise peut faire l'objet d'une réclamation écrite auprès du service compétent avec indication des motifs et, s'il y a lieu, dépôt des pièces justificatives (art. 34B al. 2 RGL).

2.8 En l’espèce, le texte clair des art. 31 ss LGL et 11 ss RGL, régissant la perception de la surtaxe, ne prévoit ni d’exonération de surtaxe ni de plafonnement de celle-ci lorsque l’immeuble est sorti du contrôle étatique. L’art. 31 LGL définit clairement l’assiette, le cercle des bénéficiaires et les principes déterminant la surtaxe. La délégation de la compétence d’édicter un règlement d’exécution au Conseil d’État est donc valable, ce que les recourants ne contestent d’ailleurs pas.

Les recourants ne contestent pas non plus avoir reçu les avis de situation de 2020, 2021 et 2022 ni qu’ils n’ont pas signalé les modifications substantielles intervenues dans leur situation financière en 2021 et 2022, en particulier la rémunération du recourant, oscillant entre CHF 30'000.- et CHF 60'000.-, l’augmentation du revenu de la recourante de CHF 25'000.- et la prise d’emploi de leur fille, qui a réalisé un revenu brut de CHF 20'000.- en 2022. C’est en raison de l’absence d’annonce de ces modifications qu’il leur incombait de faire que le montant de la surtaxe dont ils doivent s’acquitter porte sur une longue période et, par conséquent, un montant important. Contrairement à ce qu’ils font valoir, la surtaxe ne vise pas au prélèvement d’un impôt. La question de savoir si sa perception est confiscatoire ne se pose donc pas, contrairement à l’imposition fiscale.

Par ailleurs, les recourants n’entrent pas dans la catégorie des personnes pouvant bénéficier du plafonnement de la surtaxe. En outre, une telle dérogation doit être demandée avant la conclusion du bail et approuvée par le service compétent, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Pour le surplus, le montant de la surtaxe, fondé sur les RDU de la famille, apparaît conforme aux dispositions légales ; il n’est d’ailleurs à juste titre pas contesté.

Enfin et contrairement à ce que soutiennent les recourants, la perception en l’espèce de la surtaxe ne relève nullement d’une application excessivement rigide, voire arbitraire des dispositions légales. Renoncer à l’application de celles-ci pour des motifs qui ne sont pas prévus par la loi ou son règlement consacrerait une inégalité de traitement entre les administrés que la chambre de céans ne saurait cautionner.

Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

Il est encore précisé que s’ils s’y estiment fondés, les recourants pourront requérir une remise de la surtaxe, tel qu’exposé ci-dessus.

3.             Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument. L’issue de celui-ci s’oppose à l’allocation d’une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 décembre 2023 par A______ et B______ contre la décision de l’office cantonal du logement et de la planification foncière du 6 novembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession des recourants, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Cyril MIZRAHI, avocat des recourants, ainsi qu'à l'office cantonal du logement et de la planification foncière.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :