Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2834/2022

ATA/395/2024 du 19.03.2024 sur JTAPI/171/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2834/2022-PE ATA/395/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 mars 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 février 2023 (JTAPI/171/2023)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1982, est ressortissant du Kosovo.

b. Selon ses déclarations, il est arrivé en Suisse pour la première fois en 2008 ou 2009.

c. En décembre 2018, il a sollicité la délivrance d’un visa de retour en vue de se rendre au Kosovo. Entre mai et novembre 2019, ainsi qu'en juin 2021, il a sollicité et obtenu des visas de retour afin de se rendre au Kosovo pour des visites familiales, tandis que trois autres demandes formulée en juin, août et décembre 2020 (toujours pour des visites familiales) ont été rejetées.

B. a. Le 17 décembre 2018, A______ a fait parvenir à l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) une demande de régularisation de ses conditions de séjour pour cas de rigueur, dans le cadre de l'« opération Papyrus ».

À cette occasion, il a produit divers documents, dont un formulaire M rempli le 10 décembre 2018 par la société B______, accompagné d’une fiche de salaire pour le mois de novembre 2018, une attestation de l'entreprise C______du 21 novembre 2018, indiquant qu’il avait travaillé à son service durant plusieurs mois entre mai 2014 et août 2017, une attestation d’absence d’aide de l’Hospice général (ci‑après : l'hospice) du 4 décembre 2018, un extrait de l’office des poursuites du 4 décembre 2018, ainsi qu’un extrait de son casier judiciaire.

b. Par courriel du 13 août 2019, l’OCPM a demandé à A______ de lui fournir un certain nombre de documents complémentaires, demande à laquelle il n'a pas donné suite.

c. Par courrier du 2 septembre 2019, D______a informé l’OCPM que A______ ne logeait plus chez lui, sans préciser la nouvelle adresse du précité.

d. Par courrier du 24 septembre 2019, publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO), l’OCPM a informé A______ de son intention de ne pas donner une suite favorable à sa demande d’autorisation de séjour, compte tenu du fait qu’il n’avait pas été en mesure de justifier dix ans de séjour en Suisse, de prononcer son renvoi de Suisse et de transmettre son dossier au Secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après : SEM) afin que cette autorité juge de l'opportunité de prononcer une interdiction d'entrée en Suisse (ci-après : IES) à son encontre. Un délai de trente jours lui était imparti pour exercer par écrit son droit d’être entendu.

e. Le 10 février 2022, l’OCPM a accusé réception d’un formulaire M de demande d’autorisation de séjour avec activité lucrative rempli par E______Sàrl en faveur de A______.

f. Le 11 février 2022, A______ a été interpellé par les services de la police genevoise et prévenu d'infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) pour entrée illégale, séjour illégal, exercice d'une activité lucrative sans autorisation, comportement frauduleux à l'égard des autorités et faux dans les titres [art. 251 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0)].

Lors de son audition par la police, A______, assisté d’un interprète de langue albanaise, a notamment déclaré qu’il comprenait un peu le français, mais ne le parlait pas. Il ne savait plus s’il était arrivé en Suisse en 2008 ou en 2009. Il avait d’abord travaillé deux ans à Fribourg puis était venu à Genève, où il avait de la famille, notamment une sœur et un frère.

En 2021, lors de son dernier voyage au Kosovo, il s’était marié coutumièrement avec une ressortissante albanaise. Cette dernière n’habitait pas encore à Genève et faisait des allers et retours pour venir le voir. Enfin, il n’était pas capable de donner le nom des entreprises pour lesquelles il avait travaillé à Genève.

g. Par ordonnance pénale du 12 février 2022, le Ministère public du canton de Genève l’a condamné à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 50.- le jour, avec sursis et délai d'épreuve de trois ans, ainsi qu’à une amende de CHF 500.- , pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. a LEI), activité lucrative sans autorisation (art. 115 al. 1 let. c LEI), comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 118 al. 1 LEI) et faux dans les titres (art. 251 CP).

Il ressort notamment de cette ordonnance que A______, dans la cadre de sa demande de régularisation, avait présenté des faux documents à l’OCPM, soit un décompte de salaire falsifié de l’entreprise B______ainsi qu’un certificat de travail falsifié de l’entreprise C______ Sàrl, dans le but d’obtenir frauduleusement une autorisation de séjour.

h. Par ordonnance pénale du 14 février 2022, le Ministère public l’a condamné à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 80.- le jour, avec sursis, et à une amende de CHF 1'600.- pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et exercice d’une activité lucrative sans autorisation (art. 115 al. 1 let. c LEI).

i. Par courrier du 7 mars 2022, F______a informé l’OCPM que A______ logeait chez lui au G______, ce depuis le 5 mars 2022.

j. Par courrier du 19 avril 2022, l’OCPM a fait part à A______ de son intention de refuser de donner une suite favorable à sa demande d’autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse, ainsi que transmettre ultérieurement ses actes au SEM afin que ce dernier juge de l'opportunité de prononcer une IES à son encontre. Un délai de trente jours lui a été imparti pour exercer par écrit son droit d’être entendu, délai qu'il n'a pas utilisé.

k. Par décision du 30 juin 2022, l’OCPM a refusé de donner une suite favorable à la demande d’autorisation de séjour déposée par A______ et prononcé son renvoi de Suisse, tout en lui impartissant un délai au 30 août 2022 pour quitter le territoire suisse et l'ensemble des territoires des États membres de l'Union européenne ainsi que des États associés à Schengen.

Aucune suite n’avait été donnée à ses demandes de renseignements du 13 août 2019 ainsi qu’à ses courriers d’intention de refus des 24 septembre 2019 et 19 avril 2022.

De plus, l’intéressé avait fait l’objet d'une condamnation pénale pour avoir produit des documents falsifiés dans le but d'obtenir frauduleusement une autorisation de séjour. Dans ces circonstances, sa situation ne répondait pas aux critères de l'« opération Papyrus », notamment au vu de son comportement.

Par ailleurs, il ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d'extrême gravité au sens des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). En particulier, de par son attitude, il n’avait pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable. De plus, il ne pouvait se prévaloir d'une intégration professionnelle ou sociale particulièrement marquée au point de devoir admettre qu’il ne pourrait quitter le territoire helvétique sans devoir être confronté à des obstacles insurmontables. Il n’avait en effet pas créé avec la Suisse des attaches à ce point profondes et durables qu’il ne pouvait plus envisager un retour au Kosovo. Au surplus, il n’avait pas non plus acquis des connaissances professionnelles ou des qualifications spécifiques telles qu’il ne pourrait les mettre en pratique dans son pays d'origine. Au surplus, il semblait avoir gardé des attaches étroites dans son pays d'origine au vu des multiples demandes de visas de retour pour des visites familiales figurant au dossier. Enfin, il n’avait pas démontré qu'une réintégration dans son pays d’origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place.

C. a. Par acte du 31 août 2022, A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant principalement à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à l’autorité intimée de lui délivrer une autorisation de séjour, et subsidiairement, à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM de préaviser favorablement sa demande d’autorisation de séjour auprès du SEM.

Résidant en Suisse depuis quatorze ans, il avait toujours travaillé et subvenu à ses besoins en étant financièrement indépendant. Il n’était cependant pas en mesure de réunir les preuves de ses années de séjour passées en Suisse car ses employeurs l’avaient rarement annoncé auprès des assurances sociales. De plus, en raison de son statut précaire, la plupart des démarches le concernant avaient été effectuées par des proches. Par conséquent, il n’avait pas de preuves pour chaque année de séjour.

Il souhaitait régulariser sa situation et poursuivre son séjour en Suisse, étant souligné que vivre clandestinement lui avait toujours été insupportable. Enfin, compte tenu de la pénurie de travailleurs en Suisse et dans l’Union européenne, sa présence était « nécessaire pour l’essor économique de la région genevoise ». Le TAPI était dès lors prié d'admettre son recours afin qu’il puisse mener « une vie décente ».

b. Le 8 novembre 2022, l’OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments invoqués n’étant pas de nature à modifier sa position.

Comme déjà relevé, les conditions des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA n’étaient manifestement pas réunies. Pour rappel, A______ avait été condamné le 12 février 2022 par le Ministère public, notamment pour avoir présenté des documents falsifiés en vue d'obtenir frauduleusement une autorisation de séjour. Par ailleurs, outre le fait que la durée du séjour de l'intéressé n'avait pas été prouvée à satisfaction, il ne ressortait pas non plus de son dossier qu'un retour au Kosovo, où il avait vécu toute son enfance et le début de sa vie d'adulte, le placerait dans une situation personnelle d'extrême gravité, étant encore souligné qu'il avait sollicité de multiples visas de retour afin de se rendre au Kosovo pour raisons familiales.

c. Par jugement du 10 février 2023, le TAPI a rejeté le recours.

A______ indiquait séjourner en Suisse depuis 2008 ou 2009, tout en reconnaissant ne pas être en mesure de produire des preuves de sa présence sur le territoire helvétique depuis son arrivée, ni de prouver un séjour continu de dix ans en Suisse. De plus, il avait fait l'objet de condamnations pénales, notamment pour avoir remis de faux documents à l’OCPM dans le but d’obtenir frauduleusement une autorisation de séjour. Enfin, il n’avait pas démontré qu’il disposait d’un niveau de français A2. Il ressortait au contraire du procès-verbal de son audition par la police le 11 février 2022 qu’il ne parlait pas cette langue. Il ne remplissait ainsi pas les conditions impérativement requises pour la régularisation de ses conditions de séjour en application de l'« opération Papyrus ».

Sous l'angle du cas de rigueur, la durée de son séjour en Suisse – que ses diverses déclarations et les pièces versées au dossier ne permettaient pas d'établir avec précision – devait être très fortement relativisée, dès lors qu'il avait toujours résidé dans le canton de Genève sans autorisation. S'il s'était créé un nouvel environnement de vie, dans lequel il s'était apparemment relativement bien adapté, il ne s'était pas pour autant constitué avec la Suisse des attaches à ce point profondes et durables qu'il ne pourrait plus envisager un retour dans son pays d'origine. Par ailleurs, son intégration sociale ne revêtait pas un caractère exceptionnel. Il avait fait l'objet de condamnations pénales, notamment pour faux dans les titres, de sorte que le comportement qu'il avait adopté en Suisse n'était de loin pas irréprochable.

Ni l'âge de A______, ni la durée de son séjour sur le territoire, ni encore les inconvénients d'ordre professionnel auxquels il pourrait éventuellement se heurter dans son pays d'origine ne constituaient des circonstances si singulières qu'il faille considérer qu'il se trouverait dans une situation de détresse personnelle devant justifier l'octroi d'une exception aux mesures de limitation.

D. a. Par acte posté le 17 mars 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant principalement à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à l’autorité intimée de lui délivrer une autorisation de séjour, et subsidiairement, à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM de préaviser favorablement sa demande d’autorisation de séjour auprès du SEM.

Il était arrivé en Suisse à la fin de l'année 2008 ou au début de l'année 2009. Il était vrai qu'il avait été condamné pénalement, mais il n'avait jamais cherché à tromper l'OCPM. Les documents en question lui avaient bien été remis par ses employeurs. Différentes personnes qu'il avait approchées avaient refusé de prêter leur concours à l'établissement des documents prouvant son séjour.

Il avait toujours travaillé, était indépendant financièrement et s'était toujours acquitté de ses dettes. Il estimait remplir les conditions donnant droit à une autorisation de séjour.

b. Le 21 avril 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments invoqués n’étant pas de nature à modifier sa position.

c. Le juge délégué a fixé aux parties un délai au 9 juin 2023 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 7 juin 2023, l'OCPM a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires à formuler.

e. Le recourant ne s'est quant à lui pas manifesté.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit du jugement confirmant la décision de l'OCPM de refuser de transmettre au SEM le dossier du recourant avec un préavis favorable et prononçant son renvoi de Suisse, l'OCPM ne pouvant en effet pas délivrer une autorisation de séjour pour cas d'extrême gravité sans approbation de l'autorité fédérale (art. 99 al. 1 LEI cum art. 5 let. d de l'ordonnance du département fédéral de justice et police relative aux autorisations et aux décisions préalables dans le domaine du droit des étrangers soumises à la procédure d’approbation, du 13 août 2015 - OA-DFJP - RS 142.2011).

2.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.

2.2 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (secrétariat d'État aux migrations, Domaine des étrangers [ci-après : directives LEI], état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

2.3 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

2.4 L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus »), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L'« opération Papyrus » n'emporte aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/254/2023 du 14 mars 2023 consid. 2.1.4).

2.5 Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

2.6 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

2.7 En l’espèce, le recourant soutient être arrivé en Suisse « à la fin de l'année 2008 ou au début de l'année 2009 », reconnaissant ne pas pouvoir prouver son séjour depuis cette date. Dans la mesure en outre où il a été condamné pour avoir tenté de tromper les autorités de migration à ce sujet, force est de constater qu'il n'a pas réussi à démontrer un séjour continu de dix ans en Suisse avant le moment du dépôt de sa demande, le 17 décembre 2018. Le recourant ne peut ainsi se prévaloir de l’application de l’« opération Papyrus ».

Le recourant ne remplit pas non plus les critères d’un cas d’extrême gravité, dont d’ailleurs l’« opération Papyrus » n’était qu’une illustration. En effet, la durée de son séjour en Suisse doit de toute façon être fortement relativisée du fait qu’elle s’est intégralement déroulée dans l’illégalité, ou au bénéfice d'une tolérance des autorités depuis le dépôt de la demande. Par ailleurs, la condamnation du recourant du 12 février 2022 n’est pas anodine, puisqu’elle a directement trait à l’un des critères permettant de retenir une intégration sociale réussie, à savoir le respect de l’ordre public. Or, le recourant, en produisant de faux relevés de salaire a – quoi qu'il en dise – cherché à induire en erreur les autorités en vue d’obtenir un titre de séjour. Ce comportement dénote un mépris certain pour les institutions du pays.

Si le recourant est, certes, indépendant financièrement, n’a pas recouru à l’aide sociale et n’a pas de dettes, de tels éléments ne suffisent pas pour retenir l’existence d’une intégration socio-professionnelle particulièrement réussie. Le recourant n’établit pas ses compétences linguistiques, le TAPI ayant relevé à raison que lors d'une audition par la police, il a dit ne pas parler du tout le français bien qu'il le comprît un peu. Il ne prouve ni ne soutient qu’il aurait tissé des liens amicaux ou affectifs particulièrement forts à Genève, qu’il ne pourrait continuer à poursuivre depuis le Kosovo par le biais de moyens de télécommunication moderne. De même, il ne rend pas vraisemblable qu’il se serait investi dans la vie associative, culturelle ou sportive à Genève. Enfin, bien qu’indépendant économiquement, il travaille dans le secteur de la construction et ne peut se prévaloir d’une ascension professionnelle remarquable au sens de la jurisprudence, ce qu’il ne conteste d’ailleurs pas. En outre, les connaissances professionnelles acquises en Suisse ne sont pas spécifiques au pays, au point qu’il ne pourrait les utiliser au Kosovo.

Le recourant est né au Kosovo et y a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte jusqu’à l’âge, d'après ses dires, de 26 ans. Il connaît les us et coutumes de son pays, la mentalité et en parle la langue. Il ne soutient pas ne plus y avoir de famille ; au contraire, il a demandé à plusieurs reprises des visas de retour au Kosovo pour raisons familiales, et surtout a indiqué à la police le 11 février 2022 s'être marié coutumièrement au Kosovo en 2021. Ainsi, malgré la durée de son séjour en Suisse, son pays ne peut lui être devenu étranger. Âgé de 42 ans et en bonne santé, il pourra faire valoir en cas de retour l’expérience et les compétences acquises en Suisse pour sa réintégration, notamment professionnelle et sociale, et ne devrait ainsi pas rencontrer d’importants problèmes de réintégration professionnelle, du moins qui soient indépendants des difficultés connues par l'ensemble de la population au Kosovo. Sa situation ne permet en tout cas pas de retenir que sa réintégration serait gravement compromise au sens de la jurisprudence.

Au vu de ce qui précède, l’OCPM n’a pas violé la loi ni commis un abus de son pouvoir d’appréciation en refusant de préaviser favorablement auprès du SEM la demande d’autorisation de séjour présentée par le recourant.

Dès lors que l’OCPM a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, il devait prononcer son renvoi. En l’espèce, aucun motif ne permet de retenir que l’exécution du renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigée. Le recourant ne le soutient d'ailleurs pas.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 mars 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 février 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.