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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4281/2023

ATA/418/2024 du 26.03.2024 ( AIDSO ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4281/2023-AIDSO ATA/418/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 mars 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

SERVICE CANTONAL D'AVANCE ET DE RECOUVREMENT DES PENSIONS ALIMENTAIRES intimé

 



EN FAIT

A. a. A______, ressortissante suisse née le ______ 2003, est la fille de B______ et d’C______, née D______.

b. Le divorce de ses parents a été prononcé par le Tribunal civile de première instance le 19 décembre 2013.

c. Le ch. 5 du dispositif « donne acte à B______ de verser, au titre de contribution à l’entretien de ses enfants, par mois et d’avance, en mains d’C______, les sommes de : CHF 750.- de l’âge de 7 ans révolus jusqu’à l’âge de de 12 ans révolus ; CHF 1'000.- jusqu’à l’âge de 18 révolus et au-delà ».

d. Le ch. 11 du dispositif « ratifie pour le surplus la convention des parties dans ses articles 1 à 9, à l’exception du chiffre II de l’article 5, convention annexée au présent jugement et qui en fait partie intégrante ».

e. La convention « sur les intérêts civils et les effets accessoires du divorce » conclue par les époux B______ le 5 septembre 2013 dispose à son art. 2 ch. I : « Monsieur B______ s’engage à verser mensuellement, payable d’avance pour le 1er du mois, en mains de Madame C______, à titre de contribution d’entretien pour chacun de ses enfants une pension de : CHF 750.00 depuis ses 7 ans jusqu’à l’âge de 12 ans révolus ; CHF 1'000.- jusqu’à l’âge de 18 ans révolus, et au-delà, jusqu’à l’achèvement de la formation professionnelle, si les conditions de l’art. 277 al. 2 CC sont remplies ».

f. Le père de A______ s’est établi dans le canton de E______ le 22 décembre 2020.

g. Selon une attestation du 3 août 2023, A______ est régulièrement inscrite pour l’année scolaire 2023-2024 en classe de maturité spécialisée arts et design auprès de l’école de culture générale (ci-après : ECG) F______.

B. a. Le 27 septembre 2023, A______ a sollicité l'intervention du service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires (ci-après : SCARPA). Selon le formulaire qu'elle a rempli, son père ne lui versait aucune contribution d'entretien depuis le 4 août 2023 et lui devait CHF 11’000.- d'arriérés pour la période de décembre 2021 à septembre 2022 et septembre 2023. Elle produisait en annexe, parmi d'autres pièces, la convention et le jugement de divorce ainsi qu'une attestation d'inscription à l’ECG F______.

b. Par décision du 27 novembre 2023, le SCARPA a refusé d’intervenir pour le compte de A______. Le dispositif du jugement de divorce ne faisait aucune mention de l’art. 277 al. 1 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) et ne précisait ni les conditions auxquelles une pension alimentaire était due au-delà de la majorité ni n’en arrêtait la durée. Il ne pouvait donc pas intervenir en sa faveur sur la base de ce jugement rendu dix ans auparavant et considérer qu’elle était encore créancière d’une pension alimentaire de la part de son père. Il n’avait pas la compétence de combler une lacune et devait fonder son intervention sur un titre clair et permettant la mainlevée.

c. Le 7 décembre 2023, A______ a formé opposition contre cette décision.

d. Le 15 décembre 2023, le SCARPA a maintenu sa décision.

C. a. Par acte remis à la poste le 23 décembre 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à l’annulation de la décision du 27 novembre 2023 et à ce qu’il soit enjoint au SCARPA de lui fournir toutes prestations, notamment des avances, prévues par la loi.

Le jugement de divorce ratifiait la convention de divorce, qui lui était annexée et en faisait partie intégrante.

Après sa majorité, son père avait continué de verser sa pension alimentaire, démontrant la validité de ses engagements. Il avait toutefois cessé tout versement depuis le 4 août 2023, alors qu’elle était toujours étudiante avec « un parcours dans les délais normaux ».

Dans son opposition, elle avait attiré l’attention du SCARPA sur le fait que la convention de divorce faisait partie intégrante du jugement, mais celui-ci n’en avait pas tenu compte.

La décision était contraire à la loi et procédait d’une interprétation arbitraire des preuves produites.

b. Le 26 janvier 2024, le SCARPA a conclu au rejet du recours.

Il était manifeste qu’une pension alimentaire avait été fixée jusqu’à la majorité de la recourante et avait été envisagée sous conditions au-delà de sa majorité. Le dispositif du jugement ne faisait aucune mention de l’art. 277 al. 2 CC. Lorsque l’application de l’art. 277 al. 2 CC était seulement réservée dans un jugement ou une convention de divorce, cette réserve devait être comprise en ce sens qu’elle rendait le débiteur attentif au fait que son obligation d’entretien pourrait se prolonger au-delà de la majorité de l’enfant. Dans un tel cas il n’appartenait pas au juge de la mainlevée d’examiner si les conditions de l’art. 277 al. 2 CC étaient réalisées et la mainlevée définitive devait être refusée.

Le juge du divorce avait en l’espèce refusé de ratifier la clause d’indexation des contributions compte tenu de la situation financière précaire du père de la recourante. En fixant la pension alimentaire à CHF 1'000.- jusqu’à l’âge de 18 ans et au-delà, sans autre précision, il avait manifestement pris en compte les éléments qui prévalaient à l’époque, notamment l’incertitude quant à la situation financière du débiteur, et avait voulu attirer l’attention des parties sur la nécessité de faire confirmer ou fixer la pension au-delà de la majorité. La réserve de l’art. 277 al. 2 CC dans la convention ne suffisait pas et le juge du divorce n’avait manifestement pas voulu reprendre intégralement la formulation figurant à l’art. 2 de la convention. On ne pouvait « mixer » la convention et le dispositif du jugement.

La convention n’indiquait pas « jusqu’à la majorité de l’enfant et au-delà, jusqu’à l’achèvement d’une formation professionnelle lui conférant une indépendance financière aux conditions de l’art. 277 al. 2 CC » comme le prévoyait un arrêt du Tribunal fédéral 5A_517/2020 du 4 octobre 2021 consid. 4.2, mais employait la formulation « jusqu’à l’âge de 18 ans révolus, et au-delà, jusqu’à l’achèvement de la formation professionnelle, si les conditions de l’art. 277 al. 2 CC sont remplies ». La conjonction de coordination « si » subordonnait le versement à la réalisation des conditions de l’art. 277 al. 2 CC, laquelle nécessitait l’examen du juge civil.

c. La recourante n’a pas répliqué dans le délai imparti au 6 mars 2024.

d. Le 13 mars 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Est litigieux le bien-fondé de la décision du SCARPA refusant son intervention en faveur de la recourante.

2.1 Au plan cantonal, le litige est soumis à la loi sur l’avance et le recouvrement des pensions alimentaires du 22 avril 1977 (LARPA - E 1 25) et son règlement d’application du 2 juin 1986 (RARPA - E 1 25.01).

2.2 Le 1er janvier 2022 est entrée en vigueur l'ordonnance fédérale sur l’aide au recouvrement des créances d’entretien du droit de la famille du 6 décembre 2019 (Ordonnance sur l’aide au recouvrement, OAiR - RS 211.214.32).

Selon le Tribunal fédéral, l'OAiR ne change rien à la souveraineté cantonale en matière de réglementation, car elle ne porte que sur l'aide au recouvrement des créances d'entretien fondées sur le droit de la famille, alors que l'avance des pensions alimentaires continuera de relever exclusivement du droit public cantonal (art. 293 al. 2 CC) et que les cantons sont libres de décider s'ils veulent avancer des pensions alimentaires, à quel montant ils le font et quelles conditions ils posent pour ce faire (arrêt du Tribunal fédéral 5A_75/2020 du 12 janvier 2022 consid. 6.4).

L’OAiR règle l’aide fournie par la collectivité publique en vue de l’exécution des créances d’entretien du droit de la famille, lorsque la personne débitrice néglige son obligation d’entretien (aide au recouvrement) (art. 1 OAiR).

2.3 L’organisation de l’aide au recouvrement relève des cantons. Le droit cantonal désigne au moins un office spécialisé qui, sur demande, prête son aide à la personne qui a droit à des contributions d’entretien (personne créancière) (art. 2 OAiR). L’office spécialisé prête son aide au recouvrement, notamment, des créances d’entretien fondées sur le droit du divorce devenant exigibles le mois de la demande ou futures, qui sont établies par un titre d’entretien (contributions d’entretien) (art. 3 al. 1 OAiR). L’aide au recouvrement est accordée pour les titres d’entretien suivants: a) décisions exécutoires rendues par une autorité suisse ou étrangère ; b) conventions écrites relatives à l’entretien, qui permettent d’obtenir la mainlevée définitive de l’opposition en Suisse ; c) conventions écrites relatives à l’entretien d’enfants majeurs (art. 4 OAiR). La demande d’aide au recouvrement peut être déposée dès que la contribution d’entretien n’est pas versée, pas intégralement versée, pas versée à temps ou pas régulièrement versée (art. 8 OAiR). L’office spécialisé détermine les prestations d’aide au recouvrement adéquates dans le cas d’espèce. Il cherche à obtenir un paiement de la part de la personne débitrice. Si les circonstances indiquent que ces démarches ne peuvent aboutir, il adopte des mesures adéquates en vue de l’accomplissement de l’aide au recouvrement et vérifie s’il y a lieu d’engager une poursuite pénale (art. 11 OAiR).

Selon l'art. 12 al. 1 OAiR, l’office spécialisé propose au minimum les prestations suivantes : aide-mémoire sur l’aide au recouvrement (let. a) ; entretien de conseil individuel avec la personne créancière (let. b) ; information de l’enfant majeur quant à la possibilité d’obtenir une décision exécutoire et de bénéficier de l’assistance judiciaire (let. c) ; soutien dans la préparation de la demande de versement à des tiers des allocations familiales (let. d) ; calcul des contributions d’entretien impayées, compte tenu d’une éventuelle indexation (let. e) ; organisation de la traduction du titre d’entretien, dans la mesure où cela est nécessaire à l’exécution de la contribution (let. f) ; recherche de la personne débitrice, lorsque cela est possible sans un effort disproportionné (let. g) ; prise de contact avec la personne débitrice (let. h) ; envoi d’une sommation à la personne débitrice (let. i) ; adoption des mesures adéquates pour l’accomplissement de l’aide au recouvrement, notamment (let. j) : exécution forcée (ch. 1), séquestre (ch. 2), avis aux débiteurs (ch. 3), fourniture de suretés (ch. 4); réception et surveillance des paiements de la personne débitrice (let. k). Il peut porter plainte pour violation de l’obligation d’entretien ou procéder à une dénonciation pénale pour d’autres infractions (art. 12 al. 2 OAiR). Il peut proposer des prestations supplémentaires (art. 12 al. 3 OAiR).

Le rapport explicatif, publié par l'office fédéral de la justice le 6 décembre 2019, ne donne aucune indication quant aux éventuels motifs de refus initial d'entrer en matière sur une demande d'aide au recouvrement.

2.4 À Genève, sur demande, le SCARPA aide de manière adéquate et gratuitement tout créancier d’une pension alimentaire en vue d’obtenir l’exécution des prestations fondées sur un jugement ou sur une promesse juridiquement valable (art. 2 al. 1 LARPA). Le créancier signe une convention par laquelle il donne mandat au service d’intervenir (art. 2 al. 2 LARPA). L'aide au recouvrement est régie par l'OAiR, par la LARPA et par les dispositions d'exécution de celle-ci (art. 2A al. 1 LARPA). Le SCARPA entreprend toutes démarches utiles en vue de trouver une solution amiable. Il concilie si faire se peut les parties (art. 3 al. 2 LARPA). Il revêt la qualité de mandataire des bénéficiaires auprès des autorités de poursuite et de faillite, et a qualité pour déposer plainte pénale en matière de violation d’obligation d’entretien (art. 4 LARPA).

Ni la LARPA ni le RARPA ne prévoient de conditions spécifiques pour refuser un mandat de recouvrement. Les titres d'entretien ne sont indiqués qu'en lien avec l'octroi d'avances (art. 5 al. 1 et 6 LARPA).

2.5 L’art. 80 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP - RS 281.1) prévoit que le créancier qui est au bénéfice d’un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l’opposition (al. 1). Sont notamment assimilées à des jugements les transactions ou reconnaissances passées en justice (al. 2 ch. 1).

La mainlevée définitive de l'opposition n'est accordée que si le jugement condamne le poursuivi à payer une somme d'argent déterminée, c'est-à-dire chiffrée. Le juge de la mainlevée doit vérifier que la prétention déduite en poursuite ressort du jugement qui lui est présenté. Il ne lui appartient toutefois pas de se prononcer sur l'existence matérielle de la prétention ou sur le bien-fondé du jugement. Si ce jugement est peu clair ou incomplet, il appartient au juge du fond de l'interpréter (ATF 135 III 315 consid. 2.3;  134 III 656 consid. 5.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_487/2011 du 2 septembre 2011 consid. 3.1 et les références). Néanmoins, ce pouvoir d'examen limité du juge de la mainlevée ne signifie pas que ce magistrat ne pourrait tenir compte que du dispositif du jugement invoqué. Il peut aussi prendre en considération les motifs du jugement pour décider si ce dernier constitue un titre de mainlevée au sens de l'art. 80 al. 1 LP (ATF 134 III 656 consid. 5.3.2). Ce n'est que si le sens du dispositif est douteux et que ce doute ne peut être levé à l'examen des motifs que la mainlevée doit être refusée. Le juge peut aussi prendre en considération à cette fin d'autres documents, dans la mesure où le jugement y renvoie (ATF 135 III 315 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_487/2011 du 2 septembre 2011 consid. 3.1).

2.6 Dans le précédent cité par l’intimé (arrêt du Tribunal fédéral 5A_517/2020 précité), le juge avait astreint le recourant à contribuer à l'entretien de son enfant par le versement, allocations familiales et indexation en sus, d'une pension d'un montant de CHF 310.- par mois du 1er août 2016 au 31 décembre 2017, de CHF 1'770.- par mois du 1er janvier au 31 décembre 2018, puis de CHF 1'610.- par mois dès le 1er janvier 2019 et jusqu'à la majorité, voire au-delà, jusqu'à l'achèvement d'une formation professionnelle, aux conditions de l'art. 277 al. 2 CC.

Le recourant reprochait à la cour cantonale d'avoir enfreint l'art. 277 CC en prévoyant le versement de la contribution d'entretien au-delà de la majorité de l'enfant. Un tel jugement représentait potentiellement un titre de mainlevée définitif, en dépit du fait que son fils aurait terminé sa formation. Il serait ainsi obligé d'agir pour faire constater que celle-ci avait pris fin, alors même que les relations entre lui et l'enfant seraient harmonieuses, ce qui ne serait manifestement pas la volonté du législateur. À l'inverse, si la formation perdurait et que les relations étaient harmonieuses, il continuerait d'entretenir son fils, si bien que ce n'était qu'en cas de litige qu'une procédure devrait être ouverte par l'enfant, après sa majorité. Il convenait ainsi de réserver l'hypothèse posée à l'art. 277 al. 2 CC, et non de fixer explicitement la durée de l'obligation d'entretien au-delà de la majorité de l'enfant.

Le Tribunal fédéral a écarté le grief. Selon la jurisprudence, une contribution d'entretien pouvait être fixée pour la période postérieure à la majorité de l'enfant même si celui-ci était très jeune au moment du divorce. En pratique, les jugements et conventions d'entretien prévoyaient d'ailleurs, de façon systématique, l'entretien après la majorité. Le fardeau psychologique que représentait une action en justice contre un parent était ainsi évité à l'enfant – l'enfant mineur pouvant compter sur l'appui du parent détenteur de l'autorité parentale – et le parent débiteur était par conséquent renvoyé à agir, si besoin était, par la voie de l'action en modification de l'art. 286 al. 2 CC, une fois l'enfant devenu majeur. En effet, bien qu'en théorie l'art. 277 al. 2 CC subordonnât à certains critères la fixation de la contribution d'entretien pour une période allant au-delà de l'accès à la majorité, ceux-ci ne pouvaient toutefois donner lieu à un examen précis, les circonstances personnelles, telles que le refus de l'enfant d'entretenir des relations avec son parent, voire même la possibilité effective de réaliser des études, ne pouvant que difficilement faire l'objet d'un pronostic et devant bien plus être examinées au moment de l'accès à la majorité, cas échéant dans le cadre d'une action en modification (ATF 139 III 401 consid. 3.2.2 et les références). En l'espèce, l'arrêt entrepris confirmait le jugement de première instance, dont le dispositif prévoyait le versement d'une contribution d'entretien en faveur de l'enfant jusqu'à la majorité et, au-delà, jusqu'à l'achèvement d'une formation professionnelle, aux conditions de l'art. 277 al. 2 CC. Cette solution était conforme à la jurisprudence, même si, vu l'âge de l'enfant, celui-ci ne disposait d'aucun plan de formation défini. Elle lui évitait en effet d'être contraint d'agir en justice contre son père si sa formation n'était pas achevée à ses 18 ans. L'initiative de demander la modification de la contribution d'entretien était réservée au père si, le moment venu, il estimait que les conditions de l'art. 277 al. 2 CC n’étaient sont pas remplies (arrêt du Tribunal fédéral 5A_517/2020 précité consid. 4.2).

2.7 Le jugement qui condamne le poursuivi au versement de contributions d’entretien au-delà de la majorité est conditionnellement exécutoire, en ce sens qu’il soumet cet entretien à la condition résolutoire de l’achèvement de la formation dans un délai raisonnable (ATF 144 III 193 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_719/2019 du 23 mars 2020 consid. 3.3.1 ; 5A_445/2012 du 2 octobre 2013 consid. 4.3 ; SJ 2014 I 189). La question de savoir si la formation a été ou non achevée dans des délais normaux dépend des circonstances du cas concret, dont l’examen – sous réserve de situations manifestes – excède la cognition du juge de la mainlevée définitive, auquel il n’appartient pas de trancher des questions délicates de droit matériel ou pour la solution desquelles le pouvoir d’appréciation joue un rôle important (arrêt du Tribunal fédéral 5A_719/2019 précité consid. 3.3.1). Lorsque le jugement prévoit une condition résolutoire, il incombe au débiteur d’apporter la preuve stricte – par titre immédiatement disponible – de la réalisation de la condition résolutoire, à moins que celle-ci ne soit reconnue sans réserve par le créancier ou qu’elle ne soit notoire (ATF 144 II 193 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1023/2018 du 8 juillet 2019 consid. 6.2.1).

3.             En l’espèce, seul est litigieux le caractère exécutable du dispositif du jugement portant sur l’entretien après la majorité de la recourante.

L’intimé soutient que le jugement de divorce ne pourrait valoir titre de mainlevée sur ce point.

Il ne peut être suivi. Le juge du divorce a, certes, réglé l’entretien de la recourante par son père après la majorité de manière quelque peu sibylline dans le dispositif du jugement. Il a cependant, dans le même dispositif, ratifié la convention et dit qu’elle faisait partie intégrante du dispositif.

Or, la convention stipule l’engagement du père de la recourante de verser la pension alimentaire « jusqu’à l’âge de 18 ans révolus, et au-delà, jusqu’à l’achèvement de la formation professionnelle, si les conditions de l’art. 277 al. 2 CC sont remplies ». Dans le dispositif du jugement, le juge civil donne d’ailleurs acte au père de la recourante de son engagement (« de verser »).

Cette formulation ne diffère guère de celle figurant dans l’arrêt du Tribunal fédéral 5A_517/2020 cité par l’intimé. L’expression « jusqu'à la majorité, voire au-delà, jusqu'à l'achèvement d'une formation professionnelle, aux conditions de l'art. 277 al. 2 CC » – dont le Tribunal fédéral ne discute d’ailleurs pas qu’elle vaille titre de mainlevée – et celle intégrée dans le jugement de divorce genevois « jusqu’à l’âge de 18 ans révolus, et au-delà, jusqu’à l’achèvement de la formation professionnelle, si les conditions de l’art. 277 al. 2 CC sont remplies » signifient toutes deux que l’entretien est dû après la majorité jusqu’à l’achèvement d’une formation professionnelle et pour autant que les conditions de l’art. 277 al. 2 CC soient remplies. « Si les conditions de » et « aux conditions de » ont ici la même signification, quoi qu’en pense l’intimé, de sorte que la même portée doit leur être reconnue et qu’il n’est pas soutenable d’inférer du jugement de divorce genevois, comme le suggère l’intimé, qu’il se bornerait à réserver la question de l’entretien et qu’il appartiendrait à la recourante devenue majeure d’ouvrir action contre son père.

C’est également à tort que l’intimé voudrait étendre une réserve du juge du divorce à toute la convention. Celui-ci n’a exclu expressément qu’une seule disposition de la convention, portant sur l’indexation des contributions d’entretien, en justifiant cette exclusion dans les considérants par la situation économique incertaine du débiteur. S’il avait voulu réserver également la question de l’entretien après la majorité, par hypothèse pour ce même motif, il n’est pas douteux qu’il l’aurait fait expressément.

La formulation de la convention apparaît ainsi suffisamment claire et précise pour valoir titre de mainlevée.

Le recours sera admis. La décision attaquée sera annulée et la cause retournée au SCARPA pour qu’il entre en matière sur la demande d’intervention formée par la recourante et examine si les conditions de l’art. 277 al. 2 CC sont remplies.

4.             Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée, la recourante, qui procède en personne, n’y ayant pas conclu et n’exposant pas avoir subi des frais (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 décembre 2023 par A______ contre la décision du service d’avance et de recouvrement des pensions alimentaires du 27 novembre 2023 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision du service cantonal d’avance et de recouvrement des pensions alimentaires du 27 novembre 2023 ;

renvoie la cause au service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ;le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'au service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires .

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :