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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/209/2022

ATA/343/2024 du 05.03.2024 sur JTAPI/369/2023 ( ICC ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT FISCAL;IMPÔT;PROCÉDURE FISCALE;PRESCRIPTION;ASSUJETTISSEMENT(IMPÔT);DOMICILE FISCAL(DOUBLE IMPOSITION);LIEU DE TRAVAIL(DOUBLE IMPOSITION)
Normes : LPFisc.35; LIPP.3.al1.leta; LIPP.5.al1
Résumé : Admission du recours contre un jugement du TAPI estimant que la question de l’assujettissement limité du recourant avait déjà été tranchée et ne pouvait plus être contestée au cours de la procédure de taxation ultérieure. Recourant domicilié dans le canton de Vaud et ayant exercé une activité lucrative dans le canton de Genève qu’il a déclarée comme étant une activité indépendante dans ses déclarations initiales. Il est revenu sur cette qualification dans la procédure de réclamation, estimant que son activité lucrative n’était pas indépendante mais salariée. Le TAPI a fait application d’une ancienne pratique. Suite à la jurisprudence du Tribunal fédéral, la contestation de l’assujettissement limité ne peut être qualifiée de tardive en l’espèce.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/209/2022-ICC ATA/343/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 mars 2024

4ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Christian CHILLA, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE intimée

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 mars 2023 (JTAPI/369/2023)


EN FAIT

A. a. Le litige concerne l’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) 2017 et 2018 de A______, domicilié à B______ dans le canton de Vaud.

b. Le contribuable a exercé une activité d’avocat, notamment en 2017 et 2018, dans le canton de Genève au sein de l'étude C______.

c. Selon le registre du commerce du Valais central, la société en nom collectif D______(ci-après : la SNC), inscrite le ______ février 2016, a pour associés E______(avec signature individuelle), F______, et A______ jusqu’à sa radiation en mars 2022 (tous trois sans droit de signature).

d. Selon le registre du commerce du Valais central, la société en commandite H______ (ci-après : SC), a été inscrite le ______ juillet 2021, mais avait commencé ses activités le 1er février 2016.

B. a. Dans sa déclaration d’impôt vaudoise 2017, le contribuable a mentionné un revenu de son activité lucrative indépendante d’avocat de CHF 66'286.- exercée dans le canton de Genève. Il a notamment déclaré des « cotisations des indépendants » à hauteur de CHF 15'000.-.

Il a remis en annexe le bilan et le compte de résultat de la SNC couvrant la période du 1er février 2016 au 31 janvier 2017. Sur le résultat de l’exercice de la SNC, la part du contribuable s’est élevée à CHF 66'286.- et le compte courant associé de ce dernier faisait état d’un montant de CHF 80'336.- (dont CHF 1'000.- de capital libéré).

Cette déclaration a également été remise par le contribuable à l’administration fiscale cantonale genevoise (ci-après : AFC-GE).

b. Par bordereau de taxation du 1er juillet 2020, l’AFC-GE a fixé l’ICC 2017 du contribuable à CHF 1'330.85 sur la base d’un revenu imposable de CHF 32'135.- au taux de CHF 46'894.- et d’une fortune imposable de CHF 28'261.- au taux de CHF 177'701.-.

c. Dans sa déclaration d’impôt vaudoise 2018, le contribuable a mentionné un revenu de son activité lucrative indépendante d’avocat de CHF 90'935.- exercée dans le canton de Genève. Il a notamment déclaré des « cotisations des indépendants » à hauteur de CHF 15'000.-.

Les états financiers de la SNC couvrant la période du 1er février 2017 au 31 janvier 2018 mentionnaient toujours les quatre associés précités. La part du contribuable au résultat de la SNC s’est élevée à CHF 90'935.- et son compte courant associé faisait état d’un montant de CHF 135’087.-.

Cette déclaration a été remise par le contribuable à l’AFC-GE.

d. Par bordereau de taxation également daté du 1er juillet 2020, l’AFC-GE a fixé l’ICC 2018 à CHF 5'721.65 sur la base d’un revenu imposable de CHF 55'962.- au taux de CHF 72'662.- et d’une fortune imposable de CHF 47'259.- au taux de CHF 198'301.-.

e. Par courrier recommandé du 3 août 2020, le contribuable et son épouse ont élevé réclamation à l’encontre de ces bordereaux de taxation ICC 2017 et 2018 auprès de l’AFC-GE.

La détermination du revenu net imposable était peu compréhensible et nécessitait des explications complémentaires de la part de l’administration. En toute hypothèse, la cotisation de prévoyance professionnelle devait être déduite séparément. Les attestations 2017 et 2018 concernant les cotisations de prévoyance professionnelle en qualité d’indépendant étaient jointes.

Dans sa répartition intercantonale, l’administration fiscale vaudoise (ci‑après : AFC-VD) avait fait application des règles de répartition des sociétés de personnes conformément à l’Information de l’AFC-GE 7/87 du 11 novembre 1987.

Le contribuable a également contesté deux autres points, à savoir la prise en compte d’une dette privée en lieu et place d’une dette commerciale, ainsi que la déduction sociale sur la fortune commerciale localisée à Genève

Par courrier du 14 septembre 2021, le contribuable a complété sa réclamation. Il considérait après une analyse approfondie que son activité lucrative n’était pas indépendante au sens du droit fiscal. L’intégralité de son revenu provenait d’une activité salariée et devait être imposée dans le canton de Vaud. En conséquence, les décisions ICC 2016, 2017 et 2018 devaient être annulées.

f. Par deux décisions sur réclamation du 20 décembre 2021, l’AFC-GE a partiellement admis la réclamation et remis au contribuable des bordereaux rectificatifs.

Elle persistait à considérer que le contribuable exerçait une activité indépendante à Genève. En vertu notamment du contrat de société et de la convention interne liée à celui-ci, le contribuable avait la qualité d’associé de la SNC et percevait à cet effet une part du bénéfice de cette dernière et était habilité à prendre certaines décisions. Toutefois, la SNC et ses membres n’étant pas inscrits au registre du commerce de Genève, le contribuable ne pouvait pas bénéficier de l’application de l’information 7/87. Partant, il lui appartenait de prendre contact avec l’AFC-VD pour que la répartition intercantonale établie par l’AFC-GE soit prise en compte.

La déduction des cotisations versées à l’institution de prévoyance professionnelle était admise.

Les autres points litigieux, soit la prise en compte d’une dette privée en lieu et place d’une dette commerciale, ainsi que la déduction sociale sur la fortune commerciale localisée à Genève étaient rejetés.

L’ICC 2017 était désormais fixé à CHF 107.55 sur la base d’un revenu imposable de CHF 8'186.- au taux de CHF 15'360.- et d’une fortune imposable de CHF 28'261.- au taux de CHF 177'701.-.

L’ICC 2018 s’élevait quant à lui à CHF 2'506.70 sur la base d’un revenu imposable de CHF 39'528.- au taux de CHF 54'307.- et d’une fortune imposable de CHF 47'259.- au taux de CHF 198'301.-.

C. a. Par acte du 19 janvier 2022, le contribuable a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre ces décisions sur réclamation de l’AFC-GE, concluant principalement à leur annulation et à ce que le TAPI constate qu’il avait déployé une activité lucrative dépendante pour les périodes 2016 à 2021 et dise qu’il n’était pas assujetti fiscalement dans le canton de Genève pour ces années. Il a conclu préalablement à ce que le TAPI ordonne l’apport par l’AFC-GE, par l’administration fédérale des contributions, division principale de la TVA (ci-après : AFC-CH), par la Caisse de compensation AVS FER-CIAM et par d’autres tiers, de divers renseignement et documents justificatifs, ainsi que l’audition de plusieurs témoins.

Il avait accepté en mai 2016, sur proposition de E______, lequel était un associé de l'étude C______, de rejoindre ce dernier comme avocat spécialisé en droit fiscal avec le titre d’associé. Toutefois, pour des « questions marketing » un certain nombre de collaborateurs de l'étude, dont lui-même, étaient également appelés associés, alors qu’ils n’étaient pas parties au contrat de société simple, mais salarié des associés respectifs. Au lieu de contrats de travail, E______ avait mis en place une double structure composée des sociétés de personnes SNC et SC, complétée par des conventions internes.

E______ avait investi une somme importante pour devenir associé de l’étude C______. Lui-même n’avait cependant versé aucun montant pour pouvoir y travailler et sa part de CHF 1'000.- dans la SNC avait été avancée par E______.

La double structure de sociétés de personnes mise en place était « totalement bancale » et ne servait qu’à éluder diverses dispositions impératives du contrat de travail, comme il l’exposait en détail.

b. Par lettre du 18 février 2022, l’AFC-VD a confirmé à l’AFC-GE qu’elle se ralliait à la position de cette dernière, selon laquelle la SNC n’était pas une société commerciale. Dès lors, il n’y avait pas lieu de procéder à une répartition du bénéfice et, partant, l’intégralité du revenu issu de l’activité d’avocat du recourant devait être imposée dans le canton de Genève. Par ailleurs, le statut d’indépendant du recourant ne pouvait plus être remis en cause, dans la mesure où ce dernier s’était toujours présenté comme tel, tant à l'égard des autorités fiscales que des assurances sociales. Par conséquent, l’AFC-VD allait corriger les taxations vaudoises 2017 à 2019 de l’intéressé en annulant la part du bénéfice de la SNC au lieu de son domicile.

Le 21 février 2022, l’AFC-VD a notifié au contribuable trois décisions concernant les périodes fiscales 2017, 2018 et 2019, attribuant entièrement au canton de Genève les revenus obtenus au travers de la SNC.

c. Le 29 mars 2022, le contribuable a recouru contre ces trois décisions directement auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois, concluant à ce que son revenu réalisé au service de E______ soit intégralement imposé dans le canton de Vaud.

d. Le 25 avril 2022, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours du 19 janvier 2022.

Compte tenu du courrier de l’AFC-VD du 18 février 2022, la problématique de la double imposition intercantonale était résolue.

En présence de déclarations contradictoires, la préférence devait être accordée à celles que l’intéressé avait données en premier lieu, alors qu’il en ignorait les conséquences juridiques.

e. Par réplique du 21 juin 2022, le recourant a persisté dans les conclusions de son recours.

f. Par lettre du 3 août 2022, l’AFC-GE a indiqué au TAPI qu’elle persistait intégralement dans les considérants et conclusions de sa réponse du 25 avril 2022.

Elle a joint un courrier du 9 juin 2022 de l’AFC-VD, auquel était annexé un arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois du 7 juin 2022 déclarant irrecevable le recours de A______du 29 mars 2022 et transmettant la cause à l’AFC-VD comme objet de sa compétence. L’AFC-VD avait indiqué dans ce courrier du 9 juin 2022 que, suite à cet arrêt, elle suspendait le traitement de la procédure de réclamation jusqu’à droit connu dans les procédures genevoises.

g. Par pli du 26 octobre 2022, le recourant a déposé de nouvelles observations concernant son offre de preuves tendant à établir l’existence d’un contrat de travail et, partant, l’absence de son assujettissement fiscal dans le canton de Genève.

h. Par jugement du 29 mars 2023, le TAPI a déclaré le recours irrecevable.

Le contribuable n’était plus admis à contester son assujettissement limité aux impôts genevois pour les années 2017 et 2018. Il n’avait jamais contesté son assujettissement avant le 14 septembre 2021 et avait remis ses déclarations fiscales genevoises 2017 et 2018, faisant clairement savoir qu’il admettait son assujettissement limité dans le canton. Sa réclamation du 3 août 2020 ne mentionnait pas ce grief et la lettre du 14 septembre 2021, formulée en dehors du délai de réclamation, ne pouvait remettre en question son assujettissement limité.

D. a. Par acte du 4 mai 2023, le contribuable a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI du 29 mars 2023, concluant à sa réformation dans le sens que son recours du 19 janvier 2022 à l’encontre des décisions sur réclamation rendues par l’AFC le 20 décembre 2021 était recevable et que le dossier était renvoyé au TAPI pour examen du fond du recours.

En complément des faits retenus, il précisait qu’il était inscrit au registre cantonal genevois des avocats pour les périodes concernées.

La SNC était une société sans substance et sans activité. Les états financiers ne montraient aucun chiffre d’affaires, aucuns frais généraux usuels, comme des loyers, des charges de personnel, de téléphone, etc. Les pseudo-états financiers étaient établis par un comptable payé par E______, comme il l’avait attesté dans un courriel du 4 juin 2020 qui figurait au dossier. Sa rémunération était un salaire, comme l’avait attesté E______ dans un message WhatsApp du 7 avril 2020, figurant également dans les pièces jointes à la réclamation. La convention interne prévoyait une rémunération d’un pourcentage minimal de 25% du chiffre d’affaires personnel facturé aux clients par E______. Seul E______ était enregistré comme contribuable TVA. Il n’avait pas d’assurance responsabilité civile d’avocat, il était englobé dans celle de E______, comme l’était F______. La SC n’existait pas pendant les périodes litigieuses, étant inscrite depuis le 8 juillet 2021.

Il avait déclaré son revenu 2017 et 2018 comme associé d’une société de personnes. La part employé de la cotisation LPP ne pouvant être déduite du revenu d’activité, il l’avait déduite sous la rubrique cotisation des indépendants comme le permettait le programme de saisie.

Après le complément du 14 septembre 2021, motivé par la double imposition intercantonale effective et prohibée, l’AFC-GE n’avait pas rendu de décision préjudicielle relative à la question de l’assujettissement limité mais avait rendu une décision de taxation au fond. Il avait informé toutes les autorités concernées, dont l’AFC-GE que son activité était une activité lucrative dépendante, les pièces se trouvaient toutes dans le dossier qui avait été à disposition du TAPI.

Il requérait la production, outre des dossiers complets par l’AFC-GE et le TAPI, de documents de la division principale de la TVA, notamment des dossiers fiscaux de G______, F______, E______, des autres associés de l’étude C______ pour les périodes 2017 et 2018 et de tous les avocats associés de l’étude selon le site Internet de l’étude. D’autres pièces étaient encore requises auprès de la caisse de compensation AVS FER-CIAM à Genève, de E______, H______, D______, de l’étude C______ ainsi que l’audition de F______, G______ et I______de l’étude C______.

La contestation du jugement était fondée sur le fait qu’il avait découvert durant la procédure de taxation, en raison d’un double assujettissement effectif intercantonal prohibé, après analyse de tous les indices de son activité au jour le jour dont il disposait, que les revenus perçus de l’activité déployée à Genève provenaient en réalité d’une activité lucrative dépendante.

Il développait ensuite encore les griefs au fond concernant sa taxation.

b. Le 20 juin 2023, l’AFC-GE a répondu au recours renvoyant à son argumentation développée devant le TAPI et concluant au rejet du recours.

c. Le 12 janvier 2023, le recourant a répliqué.

Dans un arrêt du 17 août 2023, le Tribunal fédéral avait changé sa jurisprudence et abandonné la pratique de la perte du droit de recourir si le recourant ne soulevait pas la question de la double imposition intercantonale ou de l’assujettissement à temps. Désormais, c’était le principe de la bonne foi qui prévalait dans le domaine. Or, il était de bonne foi car il avait découvert qu’en réalité, alors qu’il pensait être associé, il était dans une relation de travail subordonnée et il avait immédiatement annoncé le cas aux autorités fiscales vaudoises. Prochainement, une procédure civile serait initiée, qui conclurait notamment à l’émission par l’ancien employeur de certificats de salaires.

d. Les parties ont ensuite été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant sollicite des mesures d’instructions et la production de nombreuses pièces.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour la personne intéressée de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Il n'empêche toutefois pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2022 du 20 avril 2023 consid. 3.1 et les références citées).

2.2 En l’espèce, compte tenu de la question litigieuse, comme cela sera vu ci‑dessous, il ne se justifie pas de procéder à des mesures d’instruction, le dossier étant en état d’être jugé.

3.             Devant la chambre de céans, le litige porte uniquement sur la question de la recevabilité du recours devant le TAPI (mutatis mutandis, arrêt du Tribunal fédéral 2C_690/2022 du 7 décembre 2022 consid. 4). Tout autre grief du recourant, portant notamment sur les éléments retenus dans sa taxation, doit ainsi être déclaré irrecevable.

3.1 L’irrecevabilité du recours a été prononcée par le TAPI au motif de la tardiveté de la contestation de son assujettissement limité à Genève faite par le recourant.

3.1.1 Selon l’art. 3 al. 1 let. a et b loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), les personnes physiques qui, au regard du droit fiscal, ne sont ni domiciliées ni en séjour dans le canton sont assujetties à l’impôt à raison du rattachement économique lorsqu’elles sont propriétaires ou usufruitières d’une entreprise dans le canton ou y sont intéressées comme associées (let. a) ou lorsqu’elles exploitent un établissement stable dans le canton (let. b).

L’assujettissement fondé sur un rattachement économique est limité aux parties du revenu et de la fortune, ainsi qu’aux gains immobiliers qui sont imposables dans le canton (art. 5 al. 1 LIPP).

3.1.2 L’art. 35 al. 1 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17) prévoit que toute personne qui, ayant reçu une formule de déclaration, estime ne pas être soumise à l’impôt dans le canton, comme ne remplissant pas les conditions prévues par la législation fiscale, doit la retourner au département, en exposant les motifs pour lesquels elle estime ne pas être astreinte à l’impôt. Le département statue sur la demande (art. 35 al. 2 LPFisc).

3.2 Selon le TAPI, en application de l’art. 35 LPFisc et de la jurisprudence du Tribunal fédéral, la question de l’assujettissement devait être tranchée par une décision préjudicielle, laquelle devait être entrée en force avant que la procédure de taxation ne puisse être poursuivie. Cela fait, la question du domicile fiscal tranchée ne pouvait plus être contestée au cours de la procédure de taxation ultérieure portant sur la même période fiscale.

Le recourant n’ayant pas contesté son assujettissement limité à Genève avant le 14 septembre 2021, date d’une écriture complémentaire à sa réclamation et déposée en dehors du délai de réclamation, l’assujettissement ne pouvait plus être contesté.

Cette solution était corroborée par le même principe qui prévalait en matière d’impôt à la source en vigueur durant les années 2017 et 2018 concernées prévoyant qu’un contribuable ne pouvait plus remettre en cause le principe de son assujettissement fiscal après l’échéance du délai de réclamation fixé au 31 mars de l’année qui suivait la période fiscale concernée.

4.             Le raisonnement fait par le TAPI ne peut être suivi pour les motifs qui suivent.

4.1 Les décisions sur réclamation, objets du recours initial devant le TAPI, portaient en premier lieu sur la question de l’assujettissement du recourant, qu’il avait contesté dans une écriture complémentaire. À la lecture de ces décisions de l’AFC‑GE, il appert qu’elle a examiné les pièces du dossier relatives à la SNC, notamment le contrat et la convention interne, d’où il ressortait, selon elle, que le recourant était associé et percevait une part du bénéfice de la société. L’AFC-GE a tiré la conséquence de ces faits, retenant que le recourant demeurait assujetti aux impôts genevois, en raison de son rattachement économique lié à son activité lucrative indépendante.

En conséquence, l’objet du litige, délimité par l’objet de la décision attaquée, incluait, devant le TAPI, la question de l’assujettissement du recourant, à laquelle l’AFC-GE a répondu positivement, ce qu’a contesté le recourant auprès du TAPI.

Certes, le recourant a admis dans un premier temps, jusqu’à la procédure de réclamation, être assujetti aux impôts genevois, contestant cependant certains éléments de la taxation. Ce n’est que dans un deuxième temps, faisant suite, selon ses dires, à une nouvelle réflexion concernant la qualification juridique à donner à sa collaboration avec l’étude d’avocats genevoise en lien avec la SNC et la SC, qu’il estime avoir déployé une activité salariée et non en qualité d’indépendant. De ce fait, il ne devait pas être assujetti aux impôts genevois, vu son domicile vaudois.

Ceci explique pourquoi l’AFC-GE n’a pas rendu une première décision portant uniquement sur l’assujettissement du recourant, au sens de l’art. 35 LPFisc, celui‑ci lui ayant transmis des déclarations d’impôts, s’estimant, à l’époque, assujetti de façon limitée en raison de son activité d’avocat associé.

Le TAPI estime ainsi que la question de l’assujettissement limité ayant été tranchée, celui-ci ne peut plus être contesté au cours de la procédure de taxation ultérieure portant sur la même période fiscale. Il fonde son raisonnement sur la jurisprudence du Tribunal fédéral, exposée notamment dans un ouvrage de Daniel DE VRIES REILINGH (La double imposition intercantonale, 2013, p. 96 n. 288). Il est précisé dans cet extrait que la décision préalable portant sur la question de l’assujettissement doit être non seulement prise mais entrée en force avant que la procédure de taxation ne puisse être poursuivie dans le canton concerné. Selon le Tribunal fédéral, il y a une reconnaissance sans réserve lorsque le contribuable se soumet expressément ou implicitement à la taxation (remise sans réserve d’une déclaration fiscale), paie sans réserve les montants d’impôt exigés et s’abstient de faire opposition ou d’introduire d’autres voies de droit (ATF 147 I 325 consid. 4.2.1 = RDAF 2021 II p. 471).

Cette pratique d’une péremption du droit de recourir contre son assujettissement, développée dans le cadre de la double imposition intercantonale, a toutefois été nettement restreinte par le Tribunal fédéral dans un arrêt du 20 août 2020 (ATF 147 I 325 = RDAF 2021 II p. 460). Ainsi, en dehors de la reconnaissance sans réserve de la créance fiscale, une péremption du droit de recours ne peut être admise qu’avec retenue, conformément au caractère de droit constitutionnel de l’interdiction de la double imposition, à savoir lorsque le comportement du contribuable se révèle véritablement abusif ou contraire à la bonne foi (ATF 147 I 325 consid. 4.2.1 = RDAF 2021 II p. 472)

Dans un arrêt plus récent, le Tribunal fédéral, après avoir rappelé les origines et l’évolution de la pratique en matière de péremption du droit de recours, a retenu que celle-ci ne s’avérait plus être une mesure proportionnée pour contrer le comportement contraire à la bonne foi d’un contribuable dans les relations intercantonales. Cette péremption visait en premier lieu à protéger le canton qui avait procédé à la première taxation. Cet intérêt ne justifiait toutefois pas de laisser ce canton conserver, en admettant la péremption du droit de recours, des impôts perçus qu’il n’était pas autorisé à prélever en vertu du droit cantonal harmonisé ou du droit de la double imposition. Il était également possible de tenir compte de cet intérêt en obligeant exceptionnellement le contribuable, dans le cadre de la procédure devant le Tribunal fédéral, à indemniser le canton qui avait procédé à la première taxation pour les frais de procédure occasionnés. L’élimination d’une double imposition intercantonale ne pouvait être refusée dans certaines circonstances, lorsque le comportement d’une personne doublement imposée s’avérait être un abus qualifié et que le canton concerné avait en même temps, à titre exceptionnel, un intérêt légitime à retenir des impôts perçus, bien qu’il n’ait pas de droit à l’impôt (arrêt du Tribunal fédéral 9C_710/2022 du 17 août 2023 consid. 2.5.1 ; Ladina NICK, Nouvel arrêt de principe du Tribunal fédéral relatif à la double imposition intercantonale : Changement de pratique et ses conséquences pour les entreprises intercantonales, in TREX 2023, p. 337).

En l’espèce, le TAPI n’a pas tenu compte de cette jurisprudence, appliquant l’ancienne pratique pour dénier au recourant le droit de contester son assujettissement puisqu’il avait remis des déclarations fiscales pour les années concernées. La question de savoir si, en contestant ensuite les taxations, et notamment son assujettissement en cours de procédure de réclamation, on pouvait considérer, comme l’a fait le TAPI, qu’il avait reconnu sans réserve son assujettissement, au sens de l’ancienne pratique, peut rester indécise puisqu’en application de la nouvelle jurisprudence, cette question ne se pose plus.

En outre, l’analogie faite par le TAPI avec la règle prévalant en matière d’impôt à la source tombe à faux, dans la mesure où le recourant a précisement élevé réclamation contre son imposition dans le délai, même si ce n’était pas dans un premier temps pour contester l’assujettissement lui-même.

Il appert ainsi que l’objet du litige devant le TAPI incluait la question de l’assujettissement du recourant et que la contestation de cet assujettissement ne peut être qualifiée de tardive.

En conséquence, le recours doit être admis et la cause renvoyée au TAPI pour qu’il examine les autres conditions de recevabilité et le cas échéant le fond du recours.

5.             Vu l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée au recourant, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 mai 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 mars 2023 ;

au fond :

l’admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 mars 2023 ;

renvoie la cause au Tribunal administratif de première instance au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1’000.- à A______, à la charge de l’État de Genève (administration fiscale cantonale) ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian CHILLA, avocat du recourant, à l'administration fiscale cantonale, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :