Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1789/2022

ATA/52/2024 du 16.01.2024 sur JTAPI/964/2023 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : DROIT FISCAL;IMPÔT SUR LE REVENU;PRESTATION APPRÉCIABLE EN ARGENT;ACTIONNAIRE;PERSONNE PROCHE;PRÊT DE CONSOMMATION
Normes : LIFD.21.al1.letc; LIPP.22.al1.letc; LIPP.56
Résumé : Confirmation de la qualification de prêt simulé et des conséquences qui en découlent, soit la taxation du montant du prêt à titre de revenu et le refus de déduction du prêt de la fortune. Indices de prêts simulé présents et remboursement intervenu de manière abusive, en réaction à l'appréciation de prêt simulé de l'AFC-GE pour faire échec à cette appréciation. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1789/2022-ICCIFD ATA/52/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 janvier 2024

4ème section

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants
représentés par Me Thierry ULMANN, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 septembre 2023 (JTAPI/964/2023)


EN FAIT

A. a. C______ (ci-après : C______), inscrite au registre du commerce de Genève le 9 décembre 2005, a pour but tous services et conseils en matière de gestion d'entreprise et de patrimoine. B______ détient une part du capital social d'une valeur de CHF 1'000.- et en est associé gérant avec signature individuelle. La société D______, devenue E______ le 26 janvier 2022, puis E______, en liquidation (ci-après : E______) le 23 août 2023, détient le reste du capital social, soit CHF 19'000.-, et est associée.

b. E______ a son siège chez B______, qui en a été administrateur président avec signature individuelle jusqu'au 23 août 2023, date à laquelle il en est devenu administrateur président liquidateur, toujours avec signature individuelle. Son épouse, A______ était, jusqu'au 28 août 2021, administratrice secrétaire de E______. Elle a ensuite bénéficié d'une procuration individuelle jusqu'au 26 janvier 2022, date à laquelle elle est devenue administratrice avec signature individuelle.

c. F______ est domicilié à la même adresse que A______ et B______.

B. a. Le 22 décembre 2021, A______ et B______ ont transmis à l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) leur déclaration fiscale pour l'année 2019.

La fortune brute déclarée s'élevait à CHF 3'049'201.- et les dettes à CHF 6'816'368.‑, ce qui comprenait une dette de CHF 175'079.- d’B______ envers C______, désignée comme « prêt de sa propre société », contractée le 31 décembre 2015.

b. Le 4 novembre 2021, l'AFC-GE a demandé notamment les justificatifs des intérêts de dettes échus en 2019 et de l'état des dettes au 31 décembre 2019.

c. Le 17 novembre 2021, le contribuable a produit les justificatifs demandés, sans toutefois verser de document relatif au prêt de C______.

d. Par bordereaux du 8 décembre 2021, l'AFC-GE a fixé l'impôt fédéral direct (ci‑après : IFD) et l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) dus par les contribuables pour l'année 2019. Elle a retenu qu'une prestation appréciable en argent de CHF 157'079.- était imposable et l'a comptabilisée dans les revenus à hauteur de CHF 157'081.- comme revenu mobilier non soumis à l'impôt anticipé, tout en acceptant la déduction de CHF 157'079.- comme dette chirographaire.

C. a. Le 15 décembre 2021, B______ a demandé à l'AFC-GE de rectifier sa taxation 2019.

Le montant de CHF 157'081.- correspondait au solde de son compte privé actionnaire auprès de C______ et ne constituait pas un revenu. La plupart des montants figurant sur l'extrait de compte correspondait à ses salaires mensuels, qu'il ne s'était pas versés mais qui avaient été déclarés en tant que revenus. Les CHF 60'000.- en faveur de F______ correspondaient à un prêt et les CHF 55'000.- à une « avance sur ses salaires non versés ainsi que les prochains ».

Était annexé un extrait de compte « 11999 CHF C/c actionnaire » du 1er janvier au 31 décembre 2019 de C______, dont la rubrique des « mouvements totaux » pour le « solde devise CHF » se montait à CHF 157'079.31.

b. Par décisions sur réclamation du 28 avril 2022, l'AFC-GE a décidé de remettre un bordereau rectificatif et complété la taxation des contribuables s'agissant de l'ICC 2019 et a maintenu la taxation relative à l'IFD 2019.

Le prêt accordé par C______, qui ne remplissait pas les conditions normales d'octroi, était considéré comme un revenu imposable. Le prêt n'était pas justifié par le but statutaire de la société et ne faisait l'objet d'aucune mesure de remboursement formalisée par le biais d'une convention. Aucune garantie n'avait été fournie et la capacité de remboursement des contribuables était considérée comme manifestement insuffisante. Un tel prêt n'aurait pas été consenti à un tiers par un établissement bancaire dans des circonstances identiques.

Pour les mêmes raisons, la dette chirographaire envers C______ avait été supprimée pour la fixation de l'ICC 2019.

Dans le bordereau rectificatif du même jour, l'AFC-GE a maintenu la prise en compte d'un revenu mobilier non soumis à l'impôt anticipé à hauteur de CHF 157'081.- et n'a plus pris en considération la dette de CHF 157'079.- comme déduction sur la fortune.

D. a. Par acte du 30 mai 2022, les époux ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre ces décisions, concluant à leur annulation ainsi qu'à la suppression du montant de CHF 157'079.- des éléments de revenus et à l’admission de celui-ci au titre de dette chirographaire.

Le montant de CHF 157'079.31 correspondait au solde du compte actionnaire au 31 décembre 2019 et ne constituait pas un revenu. Il se composait de CHF 57'817.61 (correspondant au solde reporté du compte au 1er janvier 2019), d'un prêt de CHF 115'000.- à F______ (soit un prêt, non contraire au but de la société, à un tiers formalisé au travers d'une reconnaissance de dette et dans une convention prévoyant un plan de remboursement ainsi que les conséquences d'une inexécution) et d'une facture de l'actionnaire de CHF 1'620.65 payée par la société (imputée sur le compte actionnaire en fin d'année, correspondant non pas à un revenu mais à un montant compensé). Il avait pour le surplus déclaré un salaire brut annuel de CHF 22'000.- alors même que ce montant ne lui avait pas été versé. Les éléments composant la somme de CHF 157'079.- ne constituaient pas des revenus et n'étaient pas imposables à ce titre.

Ils ont notamment produit la reconnaissance de dette du 8 avril 2020 et un courrier de F______ concernant les contrats de crédits des 28 février et 8 avril 2020.

b. L'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Le contribuable aurait dû bénéficier de la réduction pour participations qualifiées. En conséquence, l'ICC 2019 s'élevait à CHF 19'126.05 sur la base d’un revenu imposable de CHF 117'979.- et d'une fortune imposable de CHF 0.-. Calculé sur un revenu imposable de CHF 166'500.-, l'IFD 2019 s'élevait à CHF 8'295.20.

B______ était insolvable au 31 décembre 2019, et le prêt était simulé. La reconnaissance de dette et le courrier du 8 avril 2020, postérieurs à l'emprunt survenu en 2019, avaient une force probante douteuse. Le plan de remboursement devait être fixé ou prévu au moment de l'octroi du prêt. Domicilié chez les contribuables, F______ était un proche. La comptabilisation d'un prêt de CHF 50'000.- et d'une avance de CHF 40'000.- en faveur de ce dernier dans le compte courant actionnaire était un indice en faveur d'un prêt de la société au contribuable. S’il avait été question d’un prêt de la société à F______, il aurait été comptabilisé dans le compte créanciers de la société. L'octroi du prêt litigieux n'était pas couvert par le but de la société. Il s'agissait d'un prêt simulé en faveur de l'associé-gérant. Les déclarations du contribuable étaient contradictoires.

c. Les époux ont répondu que B______ possédait un portefeuille de libre passage de CHF 3'699'736.24. Ils étaient propriétaires de deux immeubles valant CHF 2'146'467.- et CHF 862'050.- ainsi que d'une importante fortune mobilière. Ils n’étaient pas insolvables. L'acte juridique entre le mari et F______, qui n'habitait pas chez eux au moment du prêt et n'était pas un proche, était valable. C______ disposait d'actifs à hauteur de CHF 1'133’119.63 et avait réalisé un bénéfice de CHF 10'452.59. Le prêt de CHF 157'079.31 ne paraissait pas excessivement élevé par rapport à l'ensemble de ses biens, ni ne représentait un risque important pour elle.

Ils ont notamment produit les comptes 2019 de C______, dans lesquels figurait dans les actifs le poste « C/c actionnaire » d'un montant de CHF 157'079.31.

d. Dans sa duplique, l'AFC-GE a relevé que la capacité de remboursement du prêt ne pouvait pas reposer sur un avoir de libre passage auprès d'une fondation de prévoyance, cet avoir n’étant pas à la disposition du contribuable, ni n’ayant servi comme garantie du prêt. Celui-ci continuait d'augmenter, ce qui témoignait de l'absence de volonté de le rembourser. Les intéressés avaient d'importantes dettes.

La qualification de proche de F______ pouvait demeurer indécise, le prêt ayant été octroyé par C______ directement au contribuable, comme cela ressortait des déclarations fiscales du couple et de C______. Il avait été considéré comme simulé dans la taxation 2019 de C______. La bonne santé financière de cette dernière n'était pas pertinente, puisque la question était de savoir si l'octroi du prêt remplissait les conditions de pleine concurrence.

e. Par jugement du 4 septembre 2023, notifié le 11 septembre 2023, le TAPI a rejeté le recours.

La rectification envisagée par l'AFC-GE visant à n'imposer la prestation de CHF 157'079.- qu'à concurrence de 60% était erronée, la participation du contribuable dans C______ correspondant à 5% du capital-actions.

Les contribuables soutenaient que le prêt de CHF 157'079.- en faveur d’B______ était inexistant et que cette somme correspondait à un prêt de CHF 115'000.- de C______ à F______ en 2019 et à un report de CHF 57'817.- du compte actionnaire 2018 (sans précision de l'actionnaire concerné). L'addition de ces deux montants ne correspondait pas au montant du prêt litigieux. Dans leur déclaration fiscale 2019, ils avaient mentionné le montant de CHF 157'079.- au titre de dette envers C______ en le désignant comme « prêt de sa propre société ». Cette dernière avait comptabilisé cette somme dans ses actifs, sous le poste « C/c actionnaire ». F______ n'était pas actionnaire. Alors qu'ils alléguaient que ce dernier avait reconnu qu'il s'agissait d'un prêt en sa faveur, ils l'avaient ensuite déclaré comme un prêt au contribuable. La reconnaissance de dette et la convention du 8 avril 2020 ne comportaient aucun élément permettant de lier F______ au prêt litigieux. Les chiffres ne correspondaient pas au montant du prêt et étaient caviardés. Ces documents démontraient tout au plus l'existence d'une dette de F______ envers C______ mais aucunement l'absence du prêt litigieux au contribuable. Dans leur recours, les contribuables concluaient à la reconnaissance comme dette chirographaire. C______ avait consenti ce montant au contribuable.

Le prêt n'était pas couvert par le but de la société. En 2019, il avait été augmenté de CHF 57'817.61 à CHF 157'079.- malgré le surendettement des contribuables, leurs dettes dépassant de CHF 3'000'000.- leur fortune. Aucune garantie n'avait été prévue à l'origine, ni aucune obligation de remboursement, comme le confirmait l'absence de convention écrite. Il n'était pas démontré, ni allégué, que des intérêts avaient été versés. Le contribuable n'avait pas la volonté de rembourser ce prêt, puisqu'il le contestait après coup en tentant de l'attribuer à F______. L'AFC-GE avait à juste titre considéré le montant de CHF 157'079.- comme une prestation appréciable en argent.

E. a. Par acte du 10 octobre 2023, les époux G______ ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à celle des décisions du 28 avril 2022, à leur taxation avec suppression du montant de CHF 157'079.- parmi les revenus et à l’admission du même montant au titre de dette chirographaire.

Ils reconnaissaient que le montant de CHF 157'079.- était une dette envers C______. Toutefois, au 30 septembre 2023, le recourant avait remboursé une partie importante de cette dette d’actionnaire, par le biais de bonus attribués et portés en déduction du compte courant actionnaire. En 2022, il s'était vu attribuer un bonus de CHF 60'000.-, qu'il avait perçu par compensation avec sa dette à l'égard de la société pour un montant net de CHF 46'949.-. Un nouveau bonus de CHF 60'000.- avait été accordé en mars 2023, dont le montant net de CHF 46'248.40 était également venu en déduction de la dette actionnaire. Il devrait solder sa dette, qui ne s'élevait plus qu'à CHF 73'041.47, en 2024, intérêts compris. Ces bonus dus par la société constituaient une garantie solide au remboursement de la dette actionnaire. Le TAPI avait à tort constaté que les contribuables n'avaient pas remboursé le montant de CHF 157'079.‑ et qu'il s'agissait d'une prestation appréciable en argent.

Ils ont notamment produit le certificat de salaire 2022 du contribuable, ses fiches de salaire pour janvier à mars 2023, les comptes 2022 de C______ ainsi que le décompte de compte courant actionnaire pour l'année 2023.

b. L'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Les contribuables reconnaissaient désormais que le montant de CHF 157'079.- était une dette en faveur de C______. Le prêt était simulé. Son remboursement ultérieur n'était pas apte à exclure la simulation. En 2019, il était apparu que le contribuable n'avait pas la volonté de rembourser le prêt. En 2022, le remboursement avait débuté grâce à un bonus consenti au recourant. Ce remboursement ne pouvait être considéré comme un élément déterminant pour exclure la qualification de prêt simulé, alors que tous les autres critères du prêt simulé étaient réalisés.

c. Dans leur réplique, les contribuables ont persisté dans leurs conclusions.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc ‑ D 3 17 ; art. 145 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de la qualification de prêt simulé de la société au recourant et des conséquences qui en découlent, soit la taxation du montant du prêt à titre de revenu pour le calcul de l'ICC et l'IFD 2019 et le refus de déduction du même montant de la fortune en tant que dette chirographaire pour le calcul de l'ICC 2019.

3.             La question étant traitée de manière semblable en droit fédéral et en droit cantonal, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme cela est admis par la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_678/2020 du 16 novembre 2021 consid. 9 ; 2C_662/2014 du 25 avril 2015 consid. 1).

4.             Les recourants affirment que le contribuable aurait commencé à rembourser le prêt, ce qui démontrerait l'absence de simulation.

4.1 En vertu des art. 20 al. 1 let. c LIFD et 22 al. 1 let. c de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), les dividendes, les parts de bénéfice, les excédents de liquidation et tous autres avantages appréciables en argent provenant de participations de tout genre sont soumis à l'impôt sur le revenu dans le chef du détenteur des droits de participations au titre de rendement de la fortune mobilière. Font partie des avantages appréciables en argent au sens de ces dispositions les distributions dissimulées de bénéfice, soit des attributions de la société aux détenteurs de parts auxquelles ne correspond aucune contre-prestation ou une contre-prestation insuffisante et qui ne seraient pas effectuées ou dans une moindre mesure en faveur d'un tiers non participant (ATF 138 II 57 consid. 2.2 ; 119 Ib 116 consid. 2).

4.2 Sont déduites de la fortune brute les dettes chirographaires ou hypothécaires justifiées par titres, extraits de comptes, quittances d'intérêts ou déclaration du créancier (art. 56 al. 1 LIPP). Il ne peut être déduit que les dettes effectivement dues par le contribuable (art. 56 al. 2 1ère phr. LIPP).

4.3 De jurisprudence constante, il y a avantage appréciable en argent si 1) la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante ; 2) cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le ou la touchant de près ; 3) elle n'aurait pas été accordée à de telles conditions à un tiers ; 4) les organes de la société savaient ou auraient pu se rendre compte de l'avantage qu'ils accordaient (ATF 140 II 88 consid. 4.1 ; 138 II 57 consid. 2.2).

4.4 Une société de capitaux est libre d'accorder un prêt à son actionnaire, dans la mesure et aux conditions auxquelles un tiers pourrait accéder dans les mêmes circonstances. Le prêt représente toutefois une prestation appréciable en argent dans la mesure où l'opération s'écarte des conditions qui auraient été offertes à un tiers ou s'écarte des usages et des affaires habituelles conformes au marché (ATF 138 II 57 consid. 3.1). Tel est notamment le cas si le prêt n'est pas couvert par le but social ou qu'il s'avère inhabituel au regard de la structure du bilan (autrement dit, lorsque le prêt n'est pas couvert par les moyens existants de la société ou qu'il apparaît excessivement élevé par rapport aux autres actifs et qu'il génère ainsi un gros risque), en cas de doutes sérieux sur la solvabilité du débiteur ou lorsqu'aucune garantie n'est prévue et qu'il n'existe aucune obligation de remboursement, si les intérêts ne sont pas payés mais qu'ils sont portés en augmentation du compte d'emprunt et qu'il n'existe pas de convention écrite (ATF 138 II 57 consid. 3.2).

La prestation appréciable en argent peut consister soit dans la mise à disposition d'un montant sans que son remboursement soit envisagé, soit dans la renonciation par la société prêteuse à une contreprestation adaptée au risque encouru. Dans le premier cas, la prestation appréciable en argent correspond au montant remis à l'actionnaire, dans le second à la différence entre le taux d'intérêt appliqué et le taux d'intérêt qu'elle aurait exigé d'un tiers (ATF 138 II 57 consid. 3.2, 6.1, 6.2, 7.4.1 et 7.5; arrêt du Tribunal fédéral 2C_872/2021 du 2 mars 2021 consid. 3.2).

En ce qui concerne la dette de prêt elle-même, il n'y a pas de prestation appréciable en argent si l'actionnaire à qui la société a prêté est tenu, comme tout emprunteur tiers, au remboursement. Il en va différemment s'il n'y a pas lieu de compter avec le remboursement du prêt, parce que les parties ne l'ont pas envisagé ou pour d'autres raisons (ATF 138 II 57 consid. 5).

La jurisprudence parle, pour qualifier ces situations, de prêts « simulés » (ATF 138 II 57 consid. 5 et 5.1), mais il n'est pas nécessaire pour autant de prouver que les conditions strictes d'une simulation au sens du droit civil (art. 18 al. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse - CO, Code des obligations - RS 220 ; sur la notion, arrêts du Tribunal fédéral 4A_484/2018 du 10 décembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_42/2014 du 17 octobre 2014 consid. 3.3) soient remplies (arrêt du Tribunal fédéral 2C_678/2020 du 16 novembre 2021 consid. 7.2).

4.5 La manière dont le prêt est traité au plan comptable dans le bilan de la société prêteuse et celle dont le débiteur le fait figurer dans sa déclaration d'impôt sont des éléments pertinents pour juger si l'on est en présence d'un véritable prêt. En effet, le défaut de comptabilisation de la créance au bilan de la société créancière et l'absence de mention de la dette et de la déduction d'intérêts passifs dans la déclaration fiscale du débiteur sont des éléments qui peuvent signifier que les intéressés eux-mêmes considèrent que le prêt n'existe pas (ATF 138 II 57 consid. 5.1.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_872/2020 du 2 mars 2021 consid. 3.4.1).

Il y a un indice clair de simulation si une société accorde un prêt à son actionnaire alors que celui-ci se trouve dans une situation financière très difficile, de sorte qu'il n'est pas en mesure d'assumer les obligations résultant du prêt, à savoir le paiement d'intérêts et d'amortissements (ATF 138 II 57 consid. 5.1.3; arrêt du Tribunal fédéral 2C_872/2020 du 2 mars 2021 consid. 3.4.1). Le fait que le bénéficiaire du prêt utilise les fonds mis à disposition pour maintenir son train de vie ou rééchelonner des dettes privées est un indice de simulation (ATF 138 II 57 consid. 5.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_872/2020 du 2 mars 2021 consid. 3.4.1). D'autres indices plaident aussi en faveur d'un prêt simulé, même si, isolément, ils ne sont pas décisifs. À elle seule, l'absence d'une convention écrite ne s'avère ainsi que peu concluante, puisqu'elle peut reposer sur d'autres raisons qu'une intention de simulation (ATF 138 II 57 consid. 5.1.1). Le fait que le but statutaire de la prêteuse ne comprenne pas l'octroi de crédits ne permet pas non plus de conclure nécessairement à une simulation (ATF 138 II 57 consid. 5.1.2 et 7.4.2). Le fait que le prêt représente un montant inhabituel au regard de la structure du bilan, par exemple lorsque le prêt constitue le seul actif notable de la société ou qu'il dépasse les fonds propres, est aussi un indice de simulation possible (ATF 138 II 57 consid. 5.1.3), étant précisé que, pour évaluer la part que représente le prêt au bilan de la société prêteuse, les réserves latentes constatées sur les actifs doivent être prises en compte (arrêts du Tribunal fédéral 2C_481/2016 du 16 février 2017 consid. 7.1 ; 2C_927/2013 du 21 mai 2014 consid. 5.7.1).

Pour juger si un prêt a été d'emblée simulé (simulation originelle), ce sont les circonstances qui prévalent au moment de l'octroi du montant litigieux qui doivent être examinées. C'est cette idée qu'exprime la jurisprudence lorsqu'elle souligne que, pour juger si un prêt octroyé est (originellement) simulé, il ne faut tenir compte des développements ultérieurs que dans la mesure où ils étaient déjà connus ou du moins prévisibles (ATF 138 II 57 consid. 5.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_98/2019 du 23 septembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_927/2013 du 21 mai 2014 consid. 5.2 ; 2A.584/2000 du 16 mai 2001 consid. 3e). Le remboursement ultérieur du prêt exclut en principe l'admission d'une simulation originelle, à moins que ce remboursement ne soit intervenu de manière abusive, c'est-à-dire après que l'autorité fiscale a estimé que le prêt a été simulé et pour tenter de faire échec à cette appréciation (ATF 138 II 57 consid. 7.3.2).

Si aucune image claire de simulation ne ressort des circonstances qui prévalent au moment de l'octroi des montants examinés, il faut attendre. En effet, l'admission d'une simulation n'est possible que sur la base d'indices clairs, faute de quoi l'autorité doit attendre que les indices s'intensifient jusqu'à constituer une preuve indiscutable (ATF 138 II 57 consid. 5.2.2 et 7.4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_927/2013 du 21 mai 2014 consid. 5.3 in fine). Le constat que la dette n'a pas au moins partiellement diminué avec le temps est un indice de simulation ultérieure (ATF 138 II 57 consid. 5.2.2 et les références), de même que le constat selon lequel le prêt a considérablement augmenté, malgré la situation financière difficile du débiteur (ATF 138 II 57 consid. 5.2.2 et les références). Le fait que les intérêts passifs soient rajoutés à la dette principale et non pas payés est aussi un indice de simulation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_843/2012 du 20 décembre 2012 consid 3.2). Une simulation ultérieure peut être admise s'il ressort des circonstances que l'actionnaire a clairement la volonté de soustraire des moyens à la société. Tel peut être le cas si des mesures sont prises au niveau de la société, par exemple si la créance est amortie (ATF 138 II 57 consid. 5.2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_872/2020 du 2 mars 2021 consid. 3.5.2 ; 2C_461/2008 du 23 décembre 2008 consid. 2.2).

Si l'autorité fiscale constate qu'un prêt initialement convenu par les parties est devenu simulé ultérieurement, la reprise intervient pour la période fiscale pour laquelle le constat de simulation est opéré (arrêts du Tribunal fédéral 2C_872/2020 du 2 mars 2021 consid. 3.5.2 ; 2C_842/2012 du 20 décembre 2012 consid. 3.3 et 3.4 in RF 68/2013 p. 227 ; 2C_461/2008 du 23 décembre 2008 consid. 3.2 in RF 64/2009 p. 308, traduit in RDAF 2009 II 482 ; 2C_252/2014 du 12 février 2016 consid. 4.1, traduit in RDAF 2018 II 285, qui précise que l'admission d'une simulation ultérieure n'a pas d'effet "ex tunc").

4.6 En l'espèce, il convient préalablement de constater que la position des recourants a beaucoup évolué au cours de la procédure. Après avoir initialement déclaré un prêt de CHF 157'079.- accordé le 31 décembre 2015 par la société au contribuable dans leur déclaration fiscale, ils ont soutenu que la somme litigieuse correspondait à un prêt à un tiers, F______, à hauteur de CHF 60'000.- selon la réclamation et de CHF 115'000.- à teneur du recours auprès du TAPI. Ils reconnaissent désormais devant la chambre administrative que le montant litigieux correspond à une dette envers C______, dette qui figure d'ailleurs au bilan de cette dernière. Ils contestent cependant qu'il s'agisse d'un prêt simulé : la dette aurait été en partie remboursée en 2022 et 2023 et devrait être soldée en 2024, ce qui démontrerait l'absence de tout caractère fictif du prêt litigieux.

Or, le prêt a été accordé au recourant, soit à un actionnaire. Par ailleurs, si les contribuables indiquent que la dette devrait être soldée en 2024, intérêts compris, c'est la première fois au cours de la procédure qu'ils mentionnent des intérêts. Ils n'ont en particulier déclaré aucun intérêt dans leur déclaration fiscale et n'en ont pas mentionné durant la procédure devant l'autorité intimée ni devant le TAPI. Il doit dès lors être considéré que le prêt a été accordé sans intérêts.

En outre, les recourants ont indiqué dans leur déclaration fiscale que le prêt avait été accordé le 31 décembre 2015. Dans la même déclaration, ils ont déclaré un total de CHF 6'816'368.- de dettes chirographaires et hypothécaire – toutes constituées, sous réserve d'un crédit de consommation de CHF 3'473.-, avant le prêt litigieux –, ceci pour une fortune de CHF 3'049'201.-, dont CHF 1'805'110.- de fortune immobilière, soit deux immeubles occupés depuis 1995 et 2006. La situation financière transparaissant dans la déclaration fiscale conduit à concevoir des doutes sérieux sur la solvabilité du contribuable. Le prêt a donc été accordé, puis a augmenté, en dépit de la situation financière difficile des recourants, et sans que des garanties soient prévues. Finalement, ces derniers n'allèguent pas que le prêt aurait fait l'objet d'un contrat écrit et n'ont pas exposé qu'un plan de remboursement aurait été prévu. L'ensemble de ces éléments démontre que l'opération s'écarte des conditions qui auraient été offertes à un tiers dans des affaires habituelles conformes au marché. À cela s'ajoute que le but de la société est la fourniture de tous services et conseils en matière de gestion d'entreprise et de patrimoine, ce qui ne couvre a priori pas l'octroi de crédits.

Ces éléments devraient conduire à retenir qu'il ne pouvait pas être compté sur un remboursement et à qualifier le prêt de simulé, ce que confirme encore le fait que, durant la procédure de réclamation puis de recours devant l'instance précédente, les recourants ont adopté une argumentation niant l'existence même de ce prêt.

Ils indiquent avoir commencé à rembourser ledit prêt par compensation avec le montant net des bonus perçus en 2022 et 2023. Toutefois, ce remboursement a commencé en 2022, soit dans le contexte des décisions sur réclamation et du recours interjeté devant le TAPI, ceci alors même que le recourant niait devant ces autorités l'existence du prêt. Par ailleurs, le certificat de salaire 2022 produit pour démontrer l'existence du bonus 2022 indique certes un salaire de CHF 82'000.- mais aucune prestation non périodique ou en capital, rubriques sous lesquelles devrait figurer le bonus. Finalement, après avoir selon ses allégations déjà perçu un bonus de CHF 60'000.- en 2022, il a à nouveau bénéficié d'un bonus du même montant en mars 2023, les deux bonus ayant été perçus par compensation avec la dette résultant du prêt litigieux, soit sans réels mouvements d'argent.

Ces éléments conduisent à conclure que le remboursement est intervenu en réaction à l'appréciation par l’AFC-GE de prêt simulé, pour tenter de faire échec à cette appréciation. Il est donc intervenu de manière abusive au sens de la jurisprudence susmentionnée. Par conséquent, le remboursement allégué n'est pas de nature à remettre en cause la conclusion d'existence d'un prêt simulé.

C'est donc à juste titre que l'AFC-GE a retenu que le montant litigieux devait être considéré comme une prestation appréciable en argent faisant parti du revenu imposable pour l'ICC et l'IFD 2019 et qu'il ne pouvait être porté en déduction de la fortune comme dette chirographaire pour l'ICC 2019.

Dans ces circonstances, le recours, mal fondé, sera rejeté.

5.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

 

 


 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 octobre 2023 par A______ et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 septembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge solidaire de A______ et B______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Thierry ULMANN, avocat des recourants, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

 

la greffière-juriste :

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

E. McGREGOR

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

la greffière :