Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/233/2023

ATA/47/2024 du 16.01.2024 sur JTAPI/819/2023 ( PE ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/233/2023-PE ATA/47/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 janvier 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Catarina MONTEIRO SANTOS, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 juillet 2023 (JTAPI/819/2023)


EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1985, est ressortissante de B______.

b. Selon ses déclarations, elle est arrivée en Suisse le 11 mai 2011 et réside à Genève depuis cette date, sans autorisation.

c. Le 22 mars 2022, elle a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) une demande de régularisation de ses conditions de séjour.

Elle a produit : un formulaire M, une copie de son passeport, une copie d’un certificat de compétence de nurse assistante obtenu le 28 juin 2008, une attestation de suivi de cours de français auprès de l’C______, une attestation d’absence d’aide financière de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) du 22 février 2022, une attestation d’absence de poursuites de l’office des poursuites du 28 février 2022 et une réquisition d’inscription au registre du commerce de Genève (ci-après : RC) de l’entreprise individuelle « D______ » du 14 mars 2022 ayant comme but de s’occuper d’enfants et de personnes ne pouvant se déplacer et effectuer toutes démarches y relatives, ayant son adresse au ______, quai E______, ______ F______.

Elle voulait régulariser sa situation dans un souci de transparence et en raison des bonnes relations qu’entretenaient la Suisse et la B______. Elle était arrivée en Suisse le 11 mai 2011 et avait débuté une activité lucrative en qualité de nurse chez G______ du 1er janvier 2013 au 29 janvier 2016, puis chez Monsieur H______, du 1er mai 2016 au 31 janvier 2022 via Chèque-Service. Suite au décès de ce dernier, elle avait décidé de s’installer comme indépendante. Elle avait alors pris ses dispositions pour être dûment inscrite au RC et comptait développer un service professionnel de nurse par l’engagement et la formation de personnes habilitées à obtenir ce titre. Par ailleurs, les dix dernières années passées au chevet de malades lui avaient permis d’apprendre le français et de s’initier aux us et coutumes helvétiques. Enfin, elle exerçait un métier peu développé en Suisse et ses qualifications personnelles et professionnelles faisaient d’elle une candidate à l’obtention d’un permis B.

d. Le 5 mai 2022, l’OCPM a indiqué à A______ que sa demande était lacunaire et lui a imparti un délai de 30 jours pour lui transmettre diverses pièces complémentaires, dont la copie intégrale de son passeport en cours de validité et celle de son passeport échu, des preuves de son séjour depuis son arrivée en Suisse, des justificatifs de ses moyens financiers et une attestation de connaissance de français de niveau Al au minimum à l'oral.

e. Le 19 mai 2022, A______ a transmis à l’OCPM divers documents dont un extrait de compte individuel de l’office cantonal des assurances sociales (ci-après : OCAS) pour les années 2016 à 2020 (mentionnant des revenus annuels d'environ CHF 4'766.- en 2016 et CHF 19'067.- de 2017 à 2020), une attestation d'abonnements des Transports publics genevois (ci-après : TPG) couvrant les mois de septembre 2012 à septembre 2019, une inscription pour un test de français en juin 2022 et une copie incomplète de ses passeports.

f. Le 30 mai 2022, l’OCPM l’a informée qu’elle n’avait répondu que partiellement à sa demande de pièces complémentaires et lui a réclamé la copie intégrale de son passeport, d'autres preuves de séjour, des justificatifs de ses moyens financiers actuels et si elle avait quitté la Suisse depuis son arrivée.

g. Le 20 juin 2022, elle a indiqué à l’OCPM qu’elle n’avait pas quitté la Suisse depuis le 12 mai 2011 tout en produisant une copie d'un billet de bus mentionnant une réservation de I______ à Genève à son nom le 12 mai 2011. Elle a en outre détaillé ses revenus jusqu’en janvier 2022, sans fournir de justificatifs de ses ressources financières actuelles. Elle a également transmis un formulaire K mentionnant qu’elle travaillait quarante heures par semaine « chez l’habitant » en qualité de nurse indépendante, sans justifications de revenus y relatifs. Enfin, elle a remis une copie de son passeport actuel et une partie (peu lisible) de celui échu.

h. Le 27 juin 2022, l’OCPM a appelé A______ par téléphone pour lui demander une nouvelle fois de produire des preuves de ses revenus actuels, le 15 août 2022 au plus tard.

i. Le 19 juillet 2022, A______ a transmis à l’OCPM une copie de son passeport de langue, mentionnant un niveau B1 à l'oral et A2 à l'écrit en français.

j. Le 6 septembre 2022, l’OCPM a fait part à A______ de son intention de ne pas donner une suite favorable à sa demande et de prononcer son renvoi de Suisse ainsi que de transmettre ses actes ultérieurement au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) afin que ce dernier juge de l’opportunité de prononcer une interdiction d’entrée en Suisse (ci-après : IES) à son encontre.

k. Le 4 octobre 2022, A______ a persisté dans sa demande.

Elle avait répondu le 20 juin 2022 de manière limpide au courrier de l’OCPM du 30 mai 2022. Concernant ses ressources actuelles, elle percevait depuis le 1er février 2022 un revenu mensuel net de CHF 4’000.- et ses comptes seraient « établis et arrêtés » au 31 décembre 2022.

Ses charges fixes mensuelles comprenaient son loyer (CHF 900.-), ses primes d’assurance maladie (CHF 527.-) et un abonnement TPG (CHF 840.- par an). Elle dépensait en outre CHF 2’667,70 par mois, ce qui lui laissait un montant de CHF  1’732.30 pour se sustenter et développer son activité de nurse indépendante.

Elle remplissait les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour, notamment au vu des dix ans qu’elle avait passés en Suisse sans poser le moindre problème, conformément au principe de la bonne intégration requis par la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). Enfin, elle rentrait dans la catégorie des gens ayant des qualifications professionnelles particulières et son activité de nurse indépendante connaissait une demande croissante. Son admission répondait ainsi de manière avérée à un besoin (au sens de l’art. 23 LEI). La position de l’OCPM était inadéquate et arbitraire, dans la mesure où elle avait collaboré au mieux pour lui transmettre les informations demandées.

Elle a produit une copie de sa police d’assurance maladie du 28 septembre 2022 et un avenant du 5 mai 2022 à son contrat de bail à loyer conclu le 26 septembre 2016. Aucun justificatif de ses revenus n’était produit.

l. Le 31 octobre 2022, suite à un entretien téléphonique avec elle, l’OCPM a fait parvenir à A______ un formulaire de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) à faire compléter par ses clients qui n’étaient pas disposés à remplir le formulaire K.

m. Le 15 novembre 2022, A______ a indiqué à l’OCPM qu’elle était indépendante depuis le 1er février 2022, et que, dans son courrier du 4 octobre 2022, elle avait « supputé » un revenu de CHF 4’000.- par mois car elle venait de débuter son activité et ne travaillait pas encore « à plein régime », tout en parvenant néanmoins à payer toutes ses charges. Par ailleurs, sa profession l’astreignait à un devoir de réserve à l’égard de sa clientèle et elle établirait début 2023 son premier bilan d’activité pour la période du 1er février au 31 décembre 2022.

n. Par décision du 6 décembre 2022, l’OCPM a refusé d’accéder à la requête de A______ et, de transmettre son dossier avec préavis positif au SEM. Il a prononcé son renvoi en application de l’art. 64 al. 1 let. c LEI, avec un délai au 6 février 2023 pour quitter la Suisse et l'ensemble des territoires des États membres de l'union européenne ainsi que des États associés à Schengen.

Les pièces produites et les observations faites dans le cadre de son droit d'être entendue n’étaient pas de nature à modifier sa position. Elle ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d'extrême gravité au sens des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Elle n’avait donné suite que partiellement à ses multiples demandes de renseignements et les informations en sa possession n’étaient pas suffisantes pour traiter sa demande. En particulier, la copie du passeport échu qu’elle lui avait remise était incomplète et de très mauvaise qualité, ce qui ne permettait pas de connaître son intégralité. Il était impossible d’évaluer objectivement ses revenus car elle avait produit des preuves de ses ressources uniquement pour les années passées mais aucun document attestant de ses ressources financières actuelles et ce malgré des demandes répétées en ce sens. Enfin, elle n’avait pas démontré qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place. Elle était également en possession d'un diplôme de nurse assistante qui pourrait faciliter sa réintégration professionnelle une fois de retour dans son pays.

B. a. Par acte du 23 janvier 2023, A______ a formé auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) un recours non motivé contre cette décision, sollicitant un délai d’au moins trente jours pour le compléter et y joindre des pièces utiles.

Dans le délai au 13 février 2023 accordé pour compléter son recours, elle a principalement conclu à l’annulation de la décision entreprise, à la délivrance d’un permis de séjour et à ce qu’il soit ordonné à l’autorité de préaviser positivement son dossier auprès du SEM. Subsidiairement, elle a conclu au renvoi de son dossier à l’OCPM pour nouvelle décision dans le sens des considérants et à ce qu’il soit ordonné à l’autorité de préaviser positivement son dossier auprès du SEM.

Elle a rappelé son parcours professionnel depuis son arrivée en Suisse. Suite au décès 2022 de M. H______, personne handicapée dont elle s’occupait à plein temps depuis six ans, elle avait décidé d’exercer son activité de manière indépendante dès le 1er février 2022. Grâce à cette activité, elle était financièrement autonome. Elle avait en outre entrepris toutes les démarches utiles afin d’inscrire son entreprise auprès du RC. Elle se sentait parfaitement intégrée en Suisse où elle avait construit sa vie d’adulte, pu évoluer professionnellement et se créer une réelle vie sociale et culturelle.

Son exercice comptable 2022 était terminé et il ressortait de la lecture de son bilan qu’elle avait réalisé un bénéfice annuel de CHF 25'939.- alors même que son loyer, son assurance-maladie ainsi que ses frais de transport avaient été intégrés dans les charges de sa société individuelle.

Contrairement à ce qu’avait retenu l’OCPM, elle avait collaboré de manière adéquate durant la procédure en répondant à chacune de ses demandes. Elle avait ainsi démontré à satisfaction de droit qu’elle résidait en Suisse depuis plus de dix ans, qu’elle était indépendante et subvenait à ses besoins. Elle n’avait pas pu fournir son bilan 2022 alors que l’année n’était pas terminée.

L’OCPM avait commis une erreur en se fondant sur l’art. 30 al. 1 LEI pour statuer sur sa demande alors que les art. 19, 23 et 24 LEI relatifs aux autorisations de séjour pour exercice d’une activité lucrative indépendante lui étaient applicables. À cet égard, son admission servirait les intérêts économiques de la Suisse car la demande dans le domaine d’activité qu’elle exerçait ne cessait de croître tandis que l’offre de soins à domicile restait très faible. En outre, elle pourrait servir les intérêts éducatifs du pays en prenant comme stagiaires de jeunes nurses débutant dans le métier. Elle remplissait manifestement les conditions financières et les exigences relatives à l’exploitation de son entreprise et avait effectué toutes les démarches nécessaires afin de l’inscrire au RC. Elle percevait un revenu mensuel d’environ CHF 4’000.- qui lui permettait de couvrir toutes ses charges. Par son métier, elle entrait dans la définition d’une personne qualifiée au sens de l’art. 23 al. 1 LEI. Locataire d’un appartement sis rue Jean-Amat 9, 1202 Genève, elle disposait d’un logement approprié au sens de l’art. 24 LEI. Par conséquent, contrairement à ce qu’avait retenu l’OCPM, elle devait être admise en vue d’exercer une activité lucrative indépendante en application des art. 19 et ss LEI.

Elle avait produit son bilan 2022 ainsi qu’une copie de son passeport échu mentionnant notamment la date de son visa Schengen le 5 mai 2011, période à laquelle elle s’était rendue à I______, le 7 mai 2011, pour se rendre en bus à Genève, le 11 mai 2011.

b. Le 22 mars 2022, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Le 18 avril 2023, A______ a persisté dans ses conclusions.

L’OCPM avait à nouveau fait fausse route dans ses observations en examinant son dossier sous l’angle du cas de rigueur et des dérogations aux conditions d’admission (art. 30 LEI) alors que les art. 19, 23 et 24 LEI étaient applicables à son cas. Elle s’exposerait en cas de retour dans son pays d’origine à des conditions socio‑économiques et sanitaires autrement plus difficiles que celles auxquelles étaient confrontés la plupart de ses compatriotes, ce d’autant qu’elle avait vécu durant près de douze ans en Suisse. Concernant la durée de son séjour, elle avait produit l’intégralité de son passeport dont il ressortait qu’elle n’avait pas quitté la Suisse depuis son arrivée en 2011. Elle avait donc démontré y séjourner depuis douze ans, ce qui représentait indéniablement un séjour de longue durée. Enfin, elle s’en rapportait à ses écritures précédentes en lien avec l’application des art. 19, 23 et 24 LEI et le fait que ceux-ci étaient réalisés en tous points.

d. Le 9 mai 2023, l’OCPM a persisté dans ses conclusions.

Le cas de rigueur au sens des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA était une mesure d'exception aux mesures de limitations des art. 18 ss LEI, lesquels constituaient les cas ordinaires d'admission. L'objet de la décision entreprise était l'exception aux mesures de limitation, mais aussi le cas de rigueur. Les art. 19, 23 et 24 LEI faisaient partie du corpus de règles afférent à l'admission d'un étranger ressortissant d’un État tiers dont le motif de séjour était l'exercice d'une activité lucrative contingentée suivant une procédure particulière d'examen par le service de la main d'œuvre étrangère de l'OCIRT, puis, le cas échéant, d'approbation par le SEM. Ces dispositions n’étaient pas applicables à A______ car sa demande n'avait pas été déposée sous cet angle. On peinait à suivre son raisonnement car elle réfutait l’application du cas de rigueur à sa situation tout en articulant l’essentiel de son argumentaire autour des éléments constitutifs du cas de rigueur.

e. Par jugement du 26 juillet 2023, le TAPI a renoncé à entendre A______ et a rejeté le recours.

Les arguments à l’appui de l’octroi d’une autorisation de séjour avec activité lucrative indépendante contingentée excédaient l’objet du présent litige. L’octroi d’une telle autorisation relevait en premier lieu de la compétence de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT).

Sa présence et la continuité de son séjour sur le territoire depuis 2011 n’avaient pas été valablement démontrées. Elle n’avait fourni, pour la période de septembre 2012 à 2015, qu’une attestation d’achat d’abonnements TPG. Même en retenant qu’elle serait arrivée en Suisse le 11 mai 2011, la durée de son séjour, bien que qualifiée de longue, devrait être fortement relativisée dès lors que celui-ci avait été effectué de manière illégale, de son arrivée jusqu’au dépôt de sa demande d’autorisation en mars 2022, puis à la faveur d’une simple tolérance. Elle ne pouvait déduire des droits résultant d’un état de fait créé en violation de la loi. La durée du séjour n’était qu’un élément parmi d’autres à prendre en compte, qui ne permettait pas à lui seul la reconnaissance d'un cas de rigueur, indépendamment des autres critères.

Il n'était pas nécessaire d'examiner en détail l'intégration socio-professionnelle. Quand bien même son intégration serait qualifiée de bonne sous l'angle professionnel, elle demeurait ordinaire et ne correspondait pas au caractère exceptionnel exigé. Elle faisait valoir qu’elle avait décidé de travailler comme nurse indépendante et entrepris des démarches en vue d’inscrire son entreprise individuelle au RC, mais ne produisait aucune pièce ou justificatifs du montant exact des revenus qu’elle percevait effectivement, ni aucun relevé bancaire pour étoffer ses déclarations. La seule pièce produite était un document de quatre pages intitulé « comptabilité 2022 », rédigé par ses soins, et qui n’était étayé par aucune pièce comptable ni aucune donnée sur le nombre de ses clients et les détails de leur facturation respective. Il ressortait au surplus du site du RC que son entreprise n’y était pas inscrite. Le fait qu’elle avait tissé des amitiés depuis son arrivée en Suisse ne suffisait pas à retenir une intégration sociale particulière. Sa réintégration en B______ était exigible.

C. a. Par acte remis à la poste le 14 septembre 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation, à ce qu’une autorisation de séjour avec activité lucrative lui soit délivrée et à ce que son dossier soit soumis au SEM avec un préavis positif. Subsidiairement, la cause devait être renvoyée à L’OCPM pour nouvelle décision. Préalablement, une admission provisoire devait lui être octroyée.

Sa demande d’inscription au RC avait été refusée le 14 mars 2022 car elle ne disposait pas d’un titre de séjour valable. Pour l’année 2023, le bénéfice net réalisé de janvier à août était de CHF 52'562.-, charges payées, soit plus du double de celui réalisé en 2022. Après paiement de toutes les charges, elle disposait d’un montant de CHF 2'890.15 par mois. Elle produisait son bilan intermédiaire de janvier à août 2023.

Elle avait déposé à l’OCPM une demande d’autorisation de séjour et de travail en qualité d’indépendante, en mentionnant l’art. 19 LEI.

Les faits avaient été constaté de manière inexacte et incomplète. Elle avait adressé à l’OCPM une « demande de naturalisation facilités avec activité lucrative en tant qu’indépendante », ce qui figurait dans l’intitulé de sa demande et avait également invoqué l’art. 19 LEI. L’OCPM devait transmettre sa demande à l’OCIRT pour décision préalable. Le TAPI avait arbitrairement ignoré la majeure partie de son raisonnement. Le TAPI avait arbitrairement retenu qu’elle n’avait pas démontré sa présence en Suisse depuis mai 2011, alors qu’elle avait produit un billet de bus et l’intégralité de son passeport démontrant qu’elle n’avait plus voyagé depuis son arrivée.

Les art. 19, 23, 24 et 30 LEI et 9 et 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) avaient été violés. Elle avait démontré son indépendance en tant qu’indépendante depuis février 2022 en produisait son « bilan de pertes et profits pour l’année 2022 », établi par son comptable, et il ne pouvait être exigé d’elle qu’elle indique le nombre de clients traités ni ne produise le détail de leur facturation. Elle ne pouvait ouvrir de compte en banque vu son statut et percevait ses revenus en espèces.

L’OCPM et le TAPI lui avaient appliqué à tort l’art. 30 LEI, qui ne lui était pas applicable. Elle remplissait les conditions des art. 19, 23 et 24 LEI. Son admission servirait les intérêts économiques de la Suisse. Son offre de soins à domicile répondait à une demande croissante et insatisfaite, et pallierait le besoin en structures de soins. Elle pourrait servir les intérêts éducatifs de la Suisse en prenant en stage de jeunes nurses débutant dans le métier. Elle était totalement indépendante, durablement intégrée et avait augmenté de 50% son revenu

b. Le 27 septembre 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

La conclusion en délivrance d’une admission provisoire n’était pas motivée. Les conditions n’étaient pas établies.

Les conclusions relatives à la délivrance d’un permis contingenté excédaient le cadre du litige. La recourante pouvait déposer une nouvelle demande sur cette base, qui serait examinée par l’OCIRT.

c. Le 17 novembre 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Sa récente condamnation pénale était postérieure à sa demande. Elle résultait de sa révélation spontanée de son séjour illégal et ne pouvait être retenue en sa défaveur.

d. Le 20 novembre 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La recourante reproche à l’OCPM de ne pas avoir examiné sa demande sous l’angle de l’art. 19 LEI.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend le droit d'obtenir une décision motivée (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 129 I 232 consid. 3.2). L'autorité n'est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 138 IV 81 consid. 2.2 ; 137 II 266 consid. 3.2). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée ; la motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 9C_701/2018 du 27 novembre 2018 consid. 5.2). En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 et les références citées).

2.2 La LEI et ses ordonnances, en particulier l’OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI ; ATA/467/2017 du 25 avril 2017 consid. 5), ce qui est le cas pour les ressortissants de B______.

Selon l'art. 11 al. 1 LEI, tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d'une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour ; il doit la solliciter auprès de l'autorité compétente du lieu de travail envisagé.

L'art. 18 LEI prévoit qu'un étranger peut être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative salariée aux conditions suivantes : son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a) ; son employeur a déposé une demande (let. b) ; les conditions fixées aux art. 20 à 25 LEI sont remplies (let. c). Lesdites conditions sont cumulatives (ATA/361/2020 du 16 avril 2020 consid. 4b et les arrêts cités). L'art. 19 LEI prévoit qu'un étranger peut être admis en vue d'exercer une activité lucrative indépendante aux conditions suivantes : son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a) ; les conditions financières et les exigences relatives à l'exploitation de l'entreprise sont remplies (let. b) ; il dispose d'une source de revenus suffisante et autonome (let. c) ; les conditions fixées aux art. 20 et 23 à 25 LEI sont remplies (let. d).

Les autorités compétentes bénéficient d'un large pouvoir d'appréciation. En raison de leur formulation potestative, les art. 18 et 19 LEI ne confèrent aucun droit à l'autorisation sollicitée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_30/2020 du 14 janvier 2020 consid. 3.1 ; ATA/361/2020 du 16 avril 2020 ; ATA/1660/2019 du 12 novembre 2019). De même, un employeur ne dispose d'aucun droit à engager un étranger en vue de l'exercice d'une activité lucrative en Suisse (arrêts du Tribunal fédéral 2D_57/2015 du 21 septembre 2015 consid. 3 ; 2D_4/2015 du 23 janvier 2015 consid. 3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 3).

2.3 Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29 LEI) notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

Dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2019, l’art. 31 al. 1 OASA prévoit que, pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration de la personne requérante sur la base des critères d'intégration définis à l'art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené une personne étrangère à séjourner illégalement en Suisse (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 – état au 1er septembre 2023, ch. 5.6.10 [ci-après : directives LEI] ; ATA/756/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.4).

2.4 En l’espèce, la recourante a clairement formulé le 22 mars 2022 une demande d’autorisation de séjour en application de l’art. 19 LEI. La référence se lit tant dans l’en-tête que dans le corps du texte et la recourante déploie des arguments à l’appui de la délivrance d’une autorisation contingentée.

Or, dans la décision querellée, du 6 décembre 2022, l’OCPM a traité la demande exclusivement comme une requête ordinaire d’autorisation de séjour visant la régularisation de la situation de la recourante, lui appliquant uniquement l’art. 30 al. 1 let. b LEI.

Ce faisant, l’OCPM ne s’est pas prononcé sur la requête et les arguments de la recourante et a violé son droit d’être entendue, étant observé qu’il lui appartenait au surplus de transmettre la demande à l’OCIRT.

Cette violation n’a pas été réparée par le TAPI et ne saurait être réparée par la chambre de céans, faute de connaître la détermination de l’OCIRT, et en toute hypothèse, cela reviendrait à priver la recourante de la garantie du double degré de juridiction.

Le recours sera admis, la décision attaquée annulée et la cause renvoyée à l’OCPM afin qu’il soumettre la requête à l’OCIRT en vue de nouvelle décision.

3.             Vu l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument. Une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l’État de Genève, sera allouée à la recourante (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2023 par A______contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 juillet 2023 ;

au fond :

l’admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 juillet 2023 et la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 6 décembre 2022 ;

renvoie la cause à l’office cantonal de la population et des migrations pour nouvelle décision dans le sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à A______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la charge de l’État de Genève (OCPM) ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Catarina MONTEIRO SANTOS, avocate de la recourante, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.