Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1608/2023

ATA/1300/2023 du 05.12.2023 ( EXPLOI ) , REJETE

Recours TF déposé le 26.01.2024, 2C_54/2024
Descripteurs : LOI COVID-19;CAS DE RIGUEUR;AIDE FINANCIÈRE;AUTORISATION D'EXPLOITER;CAFETIER-RESTAURATEUR;DANCING
Normes : LRDBHD.10; LRDBHD.19; LRDBHD.20; LRDBHD.23; RRDBHD.19; RRDBHD.39
Résumé : La société recourante sollicite une aide financière extraordinaire pour les pertes subies par deux établissements au premier trimestre 2022 en raison des mesures de lutte contre l’épidémie de Covid-19. La condition relative à l’exercice d’une activité commerciale en Suisse implique que l’entreprise qui requiert une indemnisation au titre des cas de rigueur doit être elle-même titulaire des autorisations idoines lorsque son activité est soumise à autorisation. La recourante ne peut prétendre à l’aide financière extraordinaire, puisqu’elle n’est pas la société désignée comme propriétaire dans l’autorisation d’exploiter les établissements concernés et qu’aucune mise en gérance de ces derniers n’a été annoncée aux autorités. Rejet du recours et confirmation de la décision litigieuse.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1608/2023-EXPLOI ATA/1300/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 décembre 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ SA recourante
représentée par Me Yama SANGIN, avocat

contre

DIRECTION GÉNÉRALE DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, DE LA RECHERCHE ET DE L’INNOVATION intimée
représentée par Me Gabriel AUBERT, avocat

 



EN FAIT

A. a. La société B______ SA, inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) le 21 avril 2008, a pour objectif l’exploitation de discothèques, cafés, restaurants et établissements publics, la prise de participation dans tous commerces ou sociétés poursuivant des buts analogues, et les activités liées à la communication et l’événementiel. Sont désignés en qualité d’administrateurs avec signature individuelle C______, D______ et E______.

b. La société A______ SA, inscrite au RC le 16 mai 2017, a pour but statutaire l’exploitation d’établissements publics tels que cafés, discothèques, restaurants, bars ou entreprises similaires. Elle est administrée par E______, président, et F______, vice-président, lesquels disposent d’une signature individuelle.

c. L’entreprise G______ SA, inscrite au RC le 17 mai 2017, poursuivait les mêmes buts que A______ SA et était également administrée par
E______ et F______. Elle a été radiée du RC le 5 juillet 2022 par suite de fusion, et ses actifs et passifs envers les tiers ont été repris par
A______ SA.

B. a. Le groupe « H______ » (ci-après : le groupe) comprend cinq établissements à Genève, dont le « I______ » (ci-après : le restaurant), situé rue du J______ ______, et le « K______ » (ci-après : le club), situé place de L______ ______.

b. C______ est titulaire d’une autorisation d’exploiter le restaurant délivrée par le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN).

c. D______ est au bénéfice d’une autorisation d’exploiter le club, délivrée par le PCTN.

C. a. Le 2 août 2022, A______ SA et l’État de Genève ont signé une convention d’octroi de contribution à fonds perdu pour la période de couverture du 1er janvier au 31 mars 2022, prévoyant les conditions que l’entreprise devrait respecter pour bénéficier de l’aide financière prévue dans le cas de la crise sanitaire de la
Covid-19.

b. Le 31 août 2022, A______ SA a déposé une demande pour cas de rigueur pour la période du 1er janvier au 31 mars 2022. Ses activités commerciales consistaient en l’exploitation d’un « restaurant festif ». Elle a répondu par l’affirmative à la question de savoir si elle était propriétaire ou exploitait les établissements soumis à la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22) et inscrits au registre du PCTN.

c. Le 31 août 2022, A______ SA a également sollicité, pour le compte de
G______ SA, une demande d’aide financière pour cas de rigueur pour le premier trimestre 2022 en lien avec ses activités commerciales relevant de l’exploitation d’une « discothèque ».

d. Par décision du 16 décembre 2022, le département de l’économie et de l’emploi (ci-après : le département) a informé A______ SA que sa demande d’aide financière extraordinaire (référence AEL-1______) ne satisfaisait pas aux conditions requises pour bénéficier de l’indemnisation. L’activité économique de la société dans le domaine de la restauration était soumise aux conditions et autorisation prévues par la LRDBHD et son règlement d’exécution. Après vérifications auprès du PCTN, il apparaissait que A______ SA n’était pas enregistrée en tant que société propriétaire ou bénéficiaire d’une mise en gérance d’un établissement public. Elle ne pouvait donc pas prétendre à une aide financière « cas de rigueur » pour une activité économique exercée sans autorisation.

e. Dans une seconde décision du 16 décembre 2022, le département a indiqué à G______ SA que sa demande d’aide financière extraordinaire (référence
AEL-2______) ne répondait pas aux exigences d’indemnisation, dès lors qu’elle avait été radiée du RC le 5 juillet 2022, soit plus d’un mois avant le dépôt de sa demande.

f. Le 18 janvier 2023, A______ SA a formé réclamation contre la décision (référence AEL-1______) et requis l’octroi de l’aide pour cas de rigueur pour la période du 1er janvier au 31 mars 2022.

B______ SA, G______ SA et A______ SA faisaient partie du groupe B______ SA, laquelle était titulaire des baux à loyer où étaient exploités le restaurant et le club, dont elle était propriétaire.

Un entretien avait eu lieu le 1er juin 2021 dans les bureaux du PCTN, en présence de D______, M______, directeur général du groupe,
N______, précédent avocat du groupe, et quatre collaborateurs du PCTN. Il avait alors été rappelé à ces derniers que, bien que B______ SA était titulaire du contrat de bail et propriétaire du restaurant, c’était C______ qui exploitait cet établissement et A______ SA qui en percevait les fruits. Il avait été décidé que ce système, qui avait été proposé par la juriste du PCTN, pourrait également s’appliquer au club. D______ et M______ avaient ainsi rempli la requête en autorisation d’exploiter le club, avec l’aide des représentants du PCTN, et mentionné B______ SA comme propriétaire de l’établissement, puisque cette société détenait le bail à loyer, mais c’était G______ SA qui percevait les fruits.

Le PCTN savait donc que le club était en réalité exploité par G______ SA par l’intermédiaire de son employé D______, et que le restaurant était en réalité exploité par A______ SA par l’intermédiaire de son employé
C______, et que les fruits de ces exploitations étaient perçus par les employeurs, soit A______ SA et G______ SA, étant précisé que ces sociétés avaient conclu un contrat de gérance tacite avec B______ SA.

Elle avait ainsi droit à l’aide prévue pour les cas de rigueur, tant pour le restaurant que pour le club, puisqu’elle avait repris le contrat de travail conclu entre
D______ et G______ SA suite à la fusion, et que l’aide sollicitée faisait partie des actifs de G______ SA qu’elle avait repris.

A______ SA a notamment produit :

-          le contrat de bail à loyer pour locaux commerciaux sis à la place de la Fusterie, conclu le 2 février 2016 entre le bailleur et B______ SA, représentée par
D______ et C______ ;

-          le contrat de bail à loyer portant sur les locaux commerciaux sis rue du J______, signé le 6 juillet 2016 entre le bailleur et le restaurant (« en constitution »), représenté par D______ et C______ ; le transfert de bail signé le 2 novembre 2016, au terme duquel B______ SA a repris la qualité de locataire du restaurant ;

-          un contrat de travail signé entre A______ SA et C______, valable dès le 1er janvier 2020, prévoyant que l’employé, au bénéfice d’une patente d’exploitation et titulaire d’une autorisation d’exploiter délivrée par le PCTN, mettait à disposition de l’employeur l’autorisation pour le restaurant ; la fonction exercée était celle de directeur-exploitant au taux de 50% ;

-          une décision du 19 mai 2017 du PCTN autorisant C______ à exploiter le restaurant, propriété de B______ SA ;

-          une décision délivrée par le PCTN le 18 août 2017 autorisant
C______ à exploiter avec effet au 19 mai 2017 un établissement de catégorie dancing à l’enseigne « O______ », propriété de B______ SA, situé rue du J______ ______ à Genève ;

-          un contrat de travail signé entre G______ SA et D______, valable dès le 1er janvier 2020, prévoyant que l’employé, au bénéfice d’une patente d’exploitation et titulaire d’une autorisation d’exploiter délivrée par le PCTN, mettait à disposition de l’employeur l’autorisation pour le club ; la fonction exercée était celle de directeur-exploitant au taux de 50% ;

-          la requête en autorisation d’exploiter un établissement soumis à la LRDBHD à l’enseigne du club, signée le 1er juin 2021 par D______ ; à la question 3.1 consistant à savoir s’il existait une mise en gérance de l’établissement ou un bail à ferme, la case « Non » a été cochée ; sous le chiffre 3.3 portant sur les informations relatives au propriétaire de l’établissement, il a été inscrit que la propriétaire était une personne morale, soit B______ SA, dont
C______ était le président et D______ l’administrateur ; au chapitre 4 concernant l’exploitation de l’établissement, D______ était désigné par la propriétaire comme l’exploitant, dont l’employeur était B______ SA depuis janvier 2017 à raison de 15 heures par semaines ; il était en outre employé en tant que directeur par P______ SA depuis le 1er janvier 2020 à hauteur de 20 heures par semaine ; la requête est signée par la propriétaire de l’établissement, soit D______ pour B______ SA, et par l’exploitant de l’établissement, soit D______ ;

-          un courriel du 2 juin 2021 envoyé par M______ à D______, C______ et N______ suite à la séance de la veille au PCTN, au cours de laquelle ils avaient rempli avec les représentants du PCTN le formulaire relatif à la création d’un établissement public ; la principale préoccupation du PCTN était de comprendre les motifs ayant justifié l’inscription de B______ SA, de D______ et de C______ en tant que propriétaires de l’établissement ; D______ avait expliqué qu’ils avaient retranscrit la formulation du contrat de bail dans la demande de mise en conformité ;

-          une décision du 4 juin 2021 du PCTN délivrant à D______ l’autorisation d’exploiter, avec effet au même jour, le club, propriété de
B______ SA.

g. Le 3 avril 2023, la Direction générale du développement économique, de la recherche et de l’innovation a confirmé la décision du 16 décembre 2022 au motif que A______ SA n’était pas autorisée à exploiter le restaurant et le club.

A______ SA n’était pas titulaire des autorisations indispensables à l’exploitation d’un « restaurant festif ». Elle n’était ni propriétaire des murs abritant le restaurant, ni propriétaire du fonds de commerce et encore moins exploitante. Le choix de C______ de faire bénéficier son employeur, A______ SA, des revenus de son activité d’exploitant du restaurant ne se confondait pas avec la titularité de l’autorisation d’exploiter. Admettre que l’encaissement des fruits de l’exploitation du restaurant emportait le transfert du droit d’exploitation reviendrait à contourner le principe selon lequel les autorisations prévues par la LRDBHD étaient délivrées à une personne physique pour une catégorie et des locaux précisément déterminés et étaient de ce fait intransmissibles. A______ SA n’était donc pas autorisée à exploiter le restaurant.

Elle n’était pas non plus autorisée à exploiter le club, puisqu’elle n’était ni propriétaire des murs abritant cette enseigne, ni propriétaire du fonds de commerce, ni exploitante. La décision du PCTN du 4 juin 2021 autorisait D______ à exploiter le club, propriété de B______ SA, et non de A______ SA. De même que pour l’exploitation du restaurant, le choix de D______ de faire bénéficier son employeur des revenus de son activité d’exploitant du club ne se confondait pas avec la titularité de l’autorisation d’exploiter. Un contrat de droit privé ne pouvait déroger à la LRDBHD qui poursuivait un intérêt public. Par surabondance et indépendamment de la fusion intervenue en juillet 2022, la demande du
31 août 2022 de G______ SA, qui avait été radiée du RC le
5 juillet 2022, avait été formulée par une société, même fusionnée, qui n’existait plus à cette date et ne pouvait donc pas déposer de demande.

Le courriel du 2 juin 2021 était un document interne au groupe et non pas un
procès-verbal de réunion dont le contenu aurait été communiqué aux collaborateurs du PCTN, respectivement validé par ces derniers. En outre, le prétendu blanc-seing octroyé par le PCTN au regard du système mis en place par le groupe était contredit par la requête en autorisation du club, qui indiquait que la propriétaire du fonds de commerce était B______ SA, représentée par son président et son administrateur, soit C______ et D______. Ce dernier était désigné en qualité d’exploitant du club, par la société B______ SA. Par ailleurs, celui-ci était occupé à la fois en tant que salarié à 15% de B______ SA, sous contrat de travail depuis janvier 2017 et de P______ SA à 20% depuis janvier 2020. Le formulaire ne mentionnait ni la société A______ SA, ni G______ SA, ni le statut de salarié de l’exploitant du club au sein de ces sociétés. Ce document avait été validé et signé par D______ en sa qualité de représentant de B______ SA et d’exploitant désigné par la propriétaire, le 1er juin 2021.

D. a. Par acte du 10 mai 2023, A______ SA a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée. Elle a conclu, préalablement, à ce que les dossiers du PCTN et de l’intimée concernant les sociétés G______ SA et B______ SA et elle-même soient produits, à l’audition de E______, C______, D______, M______, N______, ainsi que les collaborateurs du PCTN ayant participé à la réunion du 1er juin 2021. Principalement, elle a conclu à l’annulation de la décision litigieuse et à l’octroi d’une aide financière pour cas de rigueur pour le premier trimestre 2022, subsidiairement au renvoi de la cause à l’intimée pour nouvelle décision.

Son droit d’être entendue avait été violé, l’intimée n’ayant pas ordonné l’audition des témoins sollicitée alors que cette mesure était nécessaire, puisqu’elle ne disposait d’aucun document prouvant la légalité de la structure mise en place par le groupe.

L’intimée avait procédé à une constatation inexacte des faits résultant d’une application erronée de l’art. 9 LRDBHD. Le restaurant était exploité par son employé, C______, titulaire de l’autorisation délivrée par le PCTN, et elle percevait les fruits de l’exploitation de cet établissement. Elle était liée à B______ SA, titulaire du contrat de bail, par un contrat de gérance tacite. Ce système avait été mis en place avec l’approbation du PCTN en toute légalité, ce qui pourrait être prouvé par les témoins cités. Elle avait donc droit à l’aide financière réclamée.

Le système mis en place pour le restaurant était totalement légal et avait été proposé par la juriste du PCTN. Lors de la séance du 1er juin 2021, il avait été décidé que ce système pourrait s’appliquer au club, et le PCTN avait donné l’autorisation à
D______ d’exploiter ledit club sachant pertinemment que G______ SA en percevait les fruits, puisque cette société était liée à B______ SA par un contrat de gérance tacite. Compte tenu du blanc-seing donné par le PCTN, ses administrateurs et ceux des autres sociétés du groupe étaient légitimés à penser de bonne foi qu’elle avait le droit d’obtenir les aides sollicitées. Ce d’autant plus que G______ SA et elle avaient préalablement reçu de telles aides en 2020 et 2021. Ainsi, les comportements du PCTN et de l’intimée avaient créé la conviction qu’elle était en droit d’exploiter les établissements concernés et d’obtenir les aides pour le premier trimestre 2022. Le PCTN aurait dû informer les administrateurs du groupe qu’elle ne disposait pas de la titularité des droits en qualité d’exploitante et que la requête devait être déposée au nom de B______ SA, cas échéant de ses administrateurs.

L’intimée avait violé l’interdiction du formalisme excessif puisqu’elle n’avait pas tenu compte du contrat de gérance tacite. En outre, elle ne pouvait pas être titulaire de l’exploitation des établissements en question, puisque seule une personne physique pouvait être autorisée à exploiter un fonds de commerce. Par ailleurs, si les administrateurs du groupe avaient déposé la requête en vue de l’octroi des aides pour cas de rigueur au nom de B______ SA, la demande aurait été refusée au motif que cette société n’avait subi aucune perte de son chiffre d’affaires, puisqu’elle ne percevait pas les fruits de l’exploitation du restaurant et du club. Les administrateurs du groupe n’avaient donc pas d’autres choix que de déposer la demande d’aide aux noms de G______ SA et de A______ SA, seules entités à avoir été impactées par les mesures Covid. Enfin, si les administrateurs avaient inscrit G______ SA et A______ SA comme étant les gérantes des établissements concernés, les aides leur auraient été octroyées, puisque A______ SA aurait alors été considérée comme étant propriétaire desdits établissements.

La recourante a notamment produit :

-          une décision du 23 juin 2021 du département accordant à A______ SA le droit à une aide financière à hauteur de CHF 880'663.- compte tenu de son chiffre d’affaires réalisé en 2020 ;

-          une décision du 23 juin 2021 du département accédant à la demande de G______ SA et lui octroyant une aide financière de CHF 284'218.- compte tenu de son chiffre d’affaires de 2020 ;

-          une décision du 20 décembre 2021 du département allouant à G______ SA une aide financière complémentaire de CHF 322’981.70 pour la période du
1er janvier au 30 juin 2021 ;

-          une décision du 13 mai 2022 du département reconnaissant à A______ SA le droit à une aide financière de CHF 361'144.50 pour la période du 1er janvier au 30 juin 2021 et à une aide financière complémentaire à hauteur de
CHF 440'331.50 pour la période du 1er janvier 2020 au 30 juin 2021.

b. Dans sa réponse du 10 juillet 2023, l’intimée a conclu au rejet du recours.

La demande concernant A______ SA avait été rejetée au motif que cette société, active dans le domaine de la restauration et du divertissement, n’était au bénéfice d’aucune autorisation comme propriétaire ou comme gérante d’une entreprise soumise à la LRDBHD et au bénéfice des autorisations nécessaires.

Pour avoir droit à une aide, l’entreprise devait exercer une activité commerciale sur le territoire suisse. Cette exigence impliquait que l’activité soit licite, puisqu’aucune entreprise ne pouvait exercer illégalement une activité commerciale et s’en prévaloir pour obtenir des avantages de l’État. En outre, il serait contraire à l’intérêt public que l’administration alloue des aides financières à une entreprise pour une activité non conforme à la loi.

Après vérifications auprès du PCTN des éventuelles autorisations détenues par la recourante, il apparaissait que cette dernière n’était pas enregistrée en tant que société propriétaire ou bénéficiaire d’une mise en gérance d’un établissement public. Ce fait scellait le sort du litige, puisque la recourante n’exerçait pas légalement une activité commerciale dans le domaine de la restauration et du divertissement, domaine pour lequel elle réclamait les aides litigieuses.

L’échafaudage compliqué construit par la recourante pour faire croire qu’une autorisation n’était pas nécessaire n’était qu’une vaine apparence. Les pièces établissaient que B______ SA était la propriétaire des établissements et la requête en autorisation d’exploiter le club indiquait qu’il n’existait pas de mise en gérance ou de bail à ferme. B______ SA, la propriétaire, avait ainsi déclaré que le contrat de gérance tacite allégué par la recourante n’existait pas. De plus, cette requête, datant de plus d’une année, n’avait donné lieu à aucune autorisation, pour une raison que la recourante n’expliquait pas. De même, sous la rubrique « Honorabilité du propriétaire », la pièce 13 mentionnait une plainte pénale contre
D______ et C______, point sur lequel la recourante ne se prononçait pas. La prétendue gérance tacite n’avait jamais été annoncée, ni autorisée.

D______ et C______ étaient les exploitants des deux établissements, mais il ne résultait d’aucune pièce officielle qu’ils auraient été désignés à ce titre par B______ SA. Au contraire, la recourante soulignait qu’ils étaient ses employés et affectés par elle à l’exploitation des établissements.

Le courriel de M______ émanait d’un proche de la recourante et n’avait aucun lien avec l’administration cantonale. Cette communication interne n’établissait aucunement qu’elle aurait accepté le système dont se prévalait la recourante, ni que cette dernière aurait obtenu l’autorisation officielle exigée par la loi et qui était délivrée par écrit. De toute façon, la requête en autorisation d’exploiter le club n’avait abouti à aucune autorisation.

La recourante ne revêtait donc pas la qualité de propriétaire ou de bénéficiaire d’une mise en gérance. De plus, elle n’avait pas annoncé cette prétendue qualité selon les exigences légales. Dès lors, en l’absence d’autorisation, elle devait être considérée comme exerçant illégalement son activité commerciale, de sorte qu’elle ne remplissait pas les conditions pour avoir droit à l’aide sollicitée.

La demande du 31 août 2022 de G______ SA, formée par une société qui n’existait plus, devait être écartée. La recourante ne l’avait d’ailleurs pas mentionnée dans sa réclamation du 18 janvier 2023. Il était donc très douteux que la requête
AEL-2______ soit l’objet de la présente procédure. Cela étant,
G______ SA ne pouvait se prévaloir d’aucune autorisation légale d’exercer son activité commerciale, comme l’exigeait la LRDBHD. Sa demande devait être rejetée comme celle de la recourante, par identité de motifs.

La recourante faisait également valoir que C______ et
D______ avaient reçu des autorisations d’exploiter les établissements concernés, propriétés de B______ SA. Les demandes d’aide avaient toutefois été formulées par la recourante et G______ SA, soit des sociétés tierces, qui ne jouissaient pas des autorisations officielles et ne pouvaient pas être considérées comme exerçant légalement leurs activités dans le domaine de la restauration et du divertissement, et donc bénéficier des aides étatiques.

Il n’incombait pas à l’autorité de conseiller l’avocat de la recourante, ni cette dernière sur la nébuleuse qu’elle avait organisée. La requête de la recourante n’avait pas été acceptée, ce qui était tout le contraire d’un blanc-seing. La recourante se prévalait d’avoir reçu d’autres subsides Covid, de sorte qu’elle aurait été légitimée à penser qu’elle y avait droit. La société n’avait cependant pas attiré l’attention de l’intimée sur le fait qu’elle ne jouissait pas des autorisations requises. L’intimée n’avait jamais donné la moindre assurance à cet égard, ni fourni des informations fausses ou trompeuses, ce que la recourante ne prétendait d’ailleurs pas. Elle ne pouvait donc lui reprocher une quelconque mauvaise foi. Les pièces démontraient qu’elle était dûment informée du droit de l’administration d’effectuer des contrôles a posteriori et d’en tirer des conséquences.

Les spéculations de la recourante sur le point de savoir ce qui se serait passé si elle s’était présentée comme gérante à l’autorité étaient sans pertinence, car la décision était fondée sur la situation existante. Il incombait à la recourante de s’organiser elle-même et de déposer les requêtes voulues par la loi en respectant l’exigence de vérité.

c. Dans sa réplique du 16 août 2023, la recourante a contesté exercer illégalement son activité commerciale.

Le groupe s’acquittait de ses charges sociales et de ses obligations fiscales. Elle aurait évidemment été sanctionnée si elle avait exercé une quelconque activité illégale, étant rappelé que le PCTN exerçait des contrôles réguliers dans les établissements.

La chambre de céans avait déjà statué sur la question de l’exercice conforme à la LRDBDH du « H______ » (ATA/358/2020 du 23 mars 2021). Deux décisions du 1er décembre 2020 avaient confirmé que G______ SA et elle-même répondaient aux conditions légales pour une indemnisation extraordinaire de l’État.

Le courriel du 2 juin 2021 de Q______ prouvait que le PCTN avait autorisé la structure mise en place par le groupe. Bien que la requête de la recourante comportait un « Non » à la question de savoir s’il existait une mise en gérance ou un bail ferme, cette question avait été discutée le 1er juin 2021 avec le PCTN, qui était donc au courant.

L’intimée prétendait que C______ et D______ ne disposaient d’aucune pièce officielle les désignant comme exploitants par B______ SA, ce qui revenait à remettre en question les autorisations du PCTN des 19 mai et 4 juin 2021. Or, seul le ce service était habilité à remettre en cause les autorisations qu’il avait délivrées, qui prouvaient que C______ et D______ exploitaient en toute légitimé le restaurant et le club.

Les droits et obligations de G______ SA lui avaient été transmis de plein droits par la fusion, de sorte qu’il convenait de lui accorder les aides financières de G______ SA.

B______ SA, C______ et D______ ne pouvaient obtenir d’aides financières en l’absence de dommage direct suite à la fermeture du restaurant et du club, puisqu’ils ne percevaient pas directement les fruits de ces établissements. Les demandes d’aides financières ne pouvaient donc émaner que de A______ SA et G______ SA. Refuser de lui octroyer l’aide pour cas de rigueur revenait à exclure le restaurant et le club de toute possibilité de bénéficier d’une quelconque aide durant la crise du Covid-19. L’autorité intimée faisait preuve de formalisme excessif, puisque C______ et D______ étaient les ayant droits économiques de B______ SA.

Elle n’avait pas l’obligation de cocher la case « au bénéfice d’une autorisation LRBDH » dans les premiers formulaires de 2020 et 2021, et elle s’interrogeait donc sur les raisons pour lesquelles cette question était soudainement devenue une condition essentielle. L’autorisation d’exploiter concernant le club avait été délivrée le 4 juin 2021, soit trois jours avant l’entrevue avec des employés du PCTN, ce qui démontrait que C______ et D______ répondaient à l’ensemble des critères d’éligibilité et d’honorabilité. C’était à tout le moins l’avis de la seule autorité à pouvoir remettre en question les autorisations délivrées. L’intimée n’était donc pas légitimée à statuer sur le prétendu exercice illégitime des établissements.

La recourante a produit :

-          des décomptes de cotisations sociales pour les années 2022 et 2023 et des décomptes de l’administration fiscale cantonale ;

-          un rapport de l’office de contrôle de la Convention collective nationale de travail pour les hôtels, restaurants et cafés, du 7 février 2023 portant sur le restaurant ; ce document désigne A______ SA comme employeur,
C______ comme détenteur de la patente

-          une décision du 1er décembre 2020 du département, aux termes de laquelle l’État prenait en charge la somme de CHF 226'842.30 correspondant aux frais incompressibles admissibles de A______ SA pour la période du 31 juillet au
31 octobre 2020 ;

-          une décision du 1er décembre 2020 du département, aux termes de laquelle l’État prenait en charge la somme de CHF 103'788.85 correspondant aux frais incompressibles admissibles de G______ SA pour la période du 31 juillet au 31 octobre 2020 ;

-          des échanges de courriels entre Q______, gestionnaire au PCTN, et le groupe.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

e. Le 18 octobre 2023, la recourante a produit un courrier du PCTN du
10 octobre 2023 concernant le club, adressé à l’attention de « D______ – A______ SA », rappelant les obligations incombant à l’employeur. La recourante a relevé que B______ SA n’était pas du tout mentionnée dans ce courrier, ce qui démontrait que la structure mise en place par le groupe était non seulement connue, mais également approuvée par le PCTN.

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 -
LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             L’objet du litige porte sur la conformité au droit de la décision de l’intimée du
3 avril 2023, confirmant le refus prononcé le 16 décembre 2022 d’octroyer à la recourante l’aide financière pour cas de rigueur (référence AEL-1______) sollicitée le 31 août 2022.

La demande, déposée le même jour au nom de G______ SA (référence
AEL-2______) ne fait pas l’objet de la présente procédure, la recourante ayant clairement limité sa réclamation à la requête déposée pour son propre compte. Elle ne soutient d’ailleurs pas que G______ SA jouissait encore de sa propre personnalité juridique lors du dépôt de la demande, postérieure à la radiation de la société au RC.

3.             La recourante sollicite les auditions des administrateurs de B______ SA, du précédent conseil du groupe et de son directeur général, ainsi que de plusieurs collaborateurs du PCTN ayant participé à la réunion du 1er juin 2021, afin de démontrer que ce service était au courant du « système » qu’elle avait mis en place pour le restaurant et qu’elle voulait également appliquer au club.

De plus, dans un grief d’ordre formel, elle invoque une violation de son droit d’être entendue, l’autorité intimée ayant refusé de procéder à ces auditions.

3.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du
18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il y soit donné suite (ATF
132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n’implique pas le droit à une audition orale (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1), ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 134 I 140
consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

3.2 En l’espèce, la chambre de céans considère que les témoignages sollicités ne sont pas déterminants pour l’issue du litige. En effet, même à considérer que les collaborateurs du PCTN venaient à confirmer qu’ils avaient approuvé le système mis en place par la recourante et qu’ils avaient connaissance d’un contrat de gérance tacite, cela ne serait pas opposable à l’autorité intimée, seule compétente pour examiner les conditions légales du droit aux aides financières litigieuses et les accorder.

Il ne sera donc pas donné suite à la demande d’instruction complémentaire et l’intimée pouvait également renoncer à ces auditions. Le grief de violation du droit d’être entendue doit ainsi être écarté pour les mêmes motifs.

4.             Le 25 septembre 2020, l’Assemblée fédérale a adopté la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de
Covid-19 (loi Covid-19 - RS 818.102), entrée en vigueur le 26 septembre 2020. Celle-ci prévoit que la Confédération peut, à la demande d’un ou de plusieurs cantons, soutenir les mesures de ces cantons pour les cas de rigueur destinées aux entreprises (art. 12 al. 1).

Lors de sa séance du 2 février 2022, le Conseil fédéral a adopté l’ordonnance
Covid-19 cas de rigueur en 2022. Les cantons restent chargés de la mise en œuvre des ordonnances régissant les cas de rigueur et peuvent verser des contributions financières aux entreprises ayant subi d’importantes pertes de chiffre d’affaires en raison de la pandémie de Covid-19. La Confédération continue de participer au financement de ces contributions pour une part allant de 70 à 100%. Destinées à indemniser les coûts non couverts des entreprises se trouvant dans une situation financière difficile, ces aides sont limitées au premier semestre 2022 au maximum.

4.1 La République et canton de Genève a mis en place différentes aides financières en faveur des entreprises en lien avec l’épidémie de Covid-19 : certaines reprennent les conditions de l’Ordonnance Covid-19 et pour lesquelles le canton bénéfice d’une participation financière de la Confédération au sens de cette ordonnance ; d’autres, purement cantonales, ne bénéficient pas du soutien financier de la Confédération, faute pour les entreprises concernées de remplir les critères de l’Ordonnance Covid‑19.

La loi 13089 du 7 avril 2022 relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus, pour l’année 2022 (loi cas de rigueur 2022) a pour but de limiter les conséquences économiques de la lutte contre l’épidémie de coronavirus pour les entreprises sises dans le canton de Genève conformément à la loi Covid-19 et à l’ordonnance fédérale concernant les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises en lien avec l’épidémie de Covid-19 en 2022, du 2 février 2022 (art. 1 al. 1). Cette aide financière extraordinaire vise à atténuer les pertes subies par les entreprises dont les activités ont été réduites entre le 1er janvier et le 31 mars 2022 en raison des mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus (art. 1 al. 2). La loi a également pour but de soutenir, par des aides cantonales, certaines entreprises qui ne remplissent pas les critères de l’ordonnance précitée du 2 février 2022, en raison d’une perte de chiffre d’affaires insuffisante, et qui ne couvrent pas leurs coûts fixes, selon les modalités prévues aux art. 9 et 10 de la loi 13089 (indemnisation cantonale ; art. 1 al. 3).

L’art. 4 de la loi 13089 précise les conditions cumulatives devant être remplies pour bénéficier des aides prévues, notamment : l’entreprise exerce une activité commerciale sur le territoire suisse (let. a) ; l’entreprise a son siège dans le canton de Genève (let. b) ; l’entreprise n’a pas bénéficié d’un ou de plusieurs soutiens financiers dans le cadre des mesures prises par les autorités fédérales et cantonales pour lutter contre les effets de la pandémie dans les domaines de la culture, du sport, des transports publics ou des médias (let. c) ; l’entreprise ne figure pas sur la liste des entreprises en infraction aux art. 45 de la loi sur l’inspection et les relations du travail du 12 mars 2004, 9 de la loi fédérale sur les mesures d’accompagnement applicables aux travailleurs détachés et aux contrôles des salaires minimaux prévus par les contrats-types de travail du 8 octobre 1999, ou 13 de la loi fédérale concernant des mesures en matière de lutte contre le travail au noir du 17 juin 2005, et elle s’engage à respecter les usages en vigueur applicables dans son secteur d’activité dans le canton de Genève (let. d).

4.2 L’art. 1 al. 1 LRDBHD prévoit que cette loi a pour but de régler les conditions d’exploitation des entreprises vouées à la restauration et/ou au débit de boissons à consommer sur place, à l’hébergement, ou encore au divertissement public.

Selon l’art. 3 LRDBHD, on entend par exploitant : la ou les personnes physiques responsables de l’entreprise, qui exercent effectivement et à titre personnel toutes les tâches relevant de la gestion de celle-ci (let. n) ; propriétaire : la personne physique ou morale qui détient le fonds de commerce de l’entreprise, soit les installations, machines et autres équipements nécessaires à l’exercice de l’activité de celle-ci, et qui désigne l’exploitant (let. o).

En vertu de l’art. 8 LRDBHD, l’exploitation de toute entreprise vouée à la restauration, au débit de boissons et à l’hébergement est soumise à l’obtention préalable d’une autorisation d’exploiter délivrée par le département (al. 1). Cette autorisation doit être requise lors de chaque création, changement de catégorie ou de lieu, agrandissement et transformation, changement d’exploitant ou de propriétaire de l’entreprise, ou modification des conditions de l’autorisation antérieure (al. 2).

Selon l’art. 9 LRDBHD, l’autorisation d’exploiter une entreprise est délivrée à condition notamment que l’exploitant soit titulaire, sous réserve des art. 16 al. 2 et 17, du diplôme attestant de son aptitude à exploiter et gérer une entreprise soumise à la présente loi (let. c) ; soit désigné par le propriétaire de l’entreprise, s’il n’a pas lui-même cette qualité (let. f) ; produise l’accord du bailleur des locaux de l’entreprise, s’il n’en est pas lui-même propriétaire (let. g) ; produise un extrait du RC attestant qu’il est doté d’un pouvoir de signature (let. h).

L’art. 10 LRDBHD prévoit que l’autorisation d’exploiter l’entreprise est délivrée à condition que son propriétaire offre, par ses antécédents et son comportement, toute garantie que l’entreprise est exploitée conformément aux dispositions de la présente loi et aux prescriptions en matière de police des étrangers, de sécurité sociale et de droit du travail, ainsi qu’aux dispositions pénales prohibant les crimes ou délits dans la faillite et la poursuite pour dettes. S’il est l’employeur des personnes qui travaillent au sein de l’entreprise, le propriétaire doit en outre démontrer au moyen d’une attestation officielle ne pas avoir de retard dans le paiement des cotisations sociales. Lorsque le département est en possession d’indices factuels permettant de présumer le non-respect des conditions de travail en usage, le département demande au propriétaire employeur de signer auprès de l’office l’engagement de respecter les conditions de travail en usage à Genève et fait dépendre sa décision de la signature dudit engagement.

L’art. 19 LRDBHD prévoit que le propriétaire qui n’entend pas se charger lui-même de l’exploitation de son établissement est tenu d’annoncer au département la personne à laquelle il la confie et qui en assume la responsabilité à l’égard de ce dernier (al. 1). Les manquements de l’exploitant sont opposables au propriétaire
(al. 2).

Conformément à l’art. 20 LRDBHD, tout changement de propriétaire doit être annoncé au département à la fois par l’aliénateur et l’acquéreur.

Selon l’art. 22 al. 1 LRDBHD, l’exploitation de l’entreprise ne peut être assurée que par la personne qui est au bénéfice de l’autorisation y relative.

À teneur de l’art. 23 LRDBHD, le propriétaire qui n’entend pas se charger lui-même de l’exploitation de son entreprise est tenu d’annoncer au département la personne à laquelle il la confie (al. 1). Tout changement de propriétaire doit être annoncé sans délai et par écrit au département, tant par l’aliénateur que par l’acquéreur de l’entreprise, ainsi que par l’exploitant (al. 4).

4.3 L’art. 19 du règlement d’exécution de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 28 octobre 2015 (RRDBHD - I 2 22.01) prévoit que la requête en autorisation est valablement déposée, lorsqu’elle est faite au moyen de la formule officielle établie par le service dûment remplie par l’exploitant (let. a) ; signée par l’exploitant propriétaire. Si l’exploitant n’est pas propriétaire, le formulaire doit être contresigné par le propriétaire. En cas de gérance, le formulaire doit également comporter la signature du gérant au sens de l’art. 39 al. 2 (let. b).

Selon l’art. 39 RRDBHD, le propriétaire d’une entreprise vouée à la restauration, au débit de boissons ou à l’hébergement est la personne physique ou morale qui détient le fonds de commerce de l’entreprise, soit les installations, machines et autres équipements nécessaires à l’exercice de l’activité de celle-ci (al. 1). En cas de conclusion d’un contrat de gérance ou de bail à ferme, le propriétaire au sens de la loi est le gérant ou le fermier qui jouit des locaux et installations de l’établissement et en assume l’entière responsabilité (al. 2). Lorsque le propriétaire d’une entreprise soumise à la loi n’entend pas se charger lui-même de l’exploitation de l’établissement, il est tenu de désigner un exploitant (al. 3). La désignation de l’exploitant intervient par la contresignature de la formule officielle visée à l’art. 19 al. 1 let. b (al. 4). Tout changement de propriétaire doit être immédiatement communiqué par écrit au service. L’annonce doit être faite tant par le repreneur que par l’ancien propriétaire de l’établissement. Une formule d’annonce est disponible sur le site Internet du service ainsi qu’à ses guichets (al. 6). Le changement de propriétaire entraîne la nécessité de requérir une nouvelle autorisation d’exploiter (al. 7, 1ère phrase).

4.4 Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux
(ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 II 244 consid. 2.4.2).

4.5 Le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l’administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. L’administration doit ainsi s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4). Le principe de la bonne foi protège donc le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1 ; 131 II 627 consid. 6.1).

5.             En l’espèce, la recourante sollicite une aide financière extraordinaire pour les pertes subies par le restaurant et le club au premier trimestre 2022 en raison des mesures de lutte contre l’épidémie de Covid-19.

L’autorité intimée soutient que la condition relative à l’exercice d’une « activité commerciale » en Suisse implique que toute entreprise qui souhaite se prévaloir d’une indemnisation au titre des cas de rigueur doit être elle-même titulaire des autorisations idoines lorsque son activité est soumise à autorisation.

5.1 La chambre de céans adhère à ce point de vue. Le but de l’aide financière litigieuse est de soutenir les entreprises participant à la vie économique et qui ont été particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de Covid-19 pour l’année 2022. Ce soutien extraordinaire consiste en une aide financière à fonds perdu de l’État de Genève, destinée à atténuer le poids des coûts fixes non couverts de l’entreprise. Octroyer une telle aide extraordinaire, qui implique directement les deniers publics, à une entreprise qui déploierait son activité sans respecter les prescriptions légales auxquelles elle est soumise n’apparaît pas admissible.

D’ailleurs, l’art. 4 de la loi 13089 exclut le droit aux aides prévues si l’entreprise enfreint les conditions minimales de travail et de prestations sociales en usage ou les mesures en matière de lutte contre le travail au noir. De même, ne peut bénéficier de l’aide litigieuse que l’entreprise qui s’engage à respecter les usages en vigueur applicables dans son secteur d’activité.

Il convient donc de déterminer si les conditions d’octroi selon l’art. 4 de la loi 13089 sont réalisées, en particulier si la société recourante est titulaire de l’autorisation indispensable à l’exploitation du restaurant.

5.2 En l’occurrence, la recourante soutient avoir conclu un contrat de gérance tacite avec B______ SA et percevoir les fruits de cette exploitation, par l’intermédiaire de son employé C______.

Le locataire du bail commercial était intialement le restaurant, représenté par
C______ et D______, soit deux des trois administrateurs de B______ SA. Suite au transfert du bail en novembre 2016, cette société est devenue la nouvelle locataire des lieux. La décision du 19 mai 2017 du PCTN indique clairement que la propriétaire du restaurant est B______ SA et que cette dernière a désigné C______ comme étant l’exploitant de l’établissement. La raison sociale de la recourante n’apparait sur aucun de ces documents. La propriétaire du restaurant était donc B______ SA, qui avait la jouissance des locaux et assumait la responsabilité de l’établissement.

La propriétaire ne pouvait pas confier la gérance de son restaurant à la recourante sans l’annoncer préalablement au département et remplir le formulaire G « Changement de propriétaire », document qui aurait dû être signé par l’exploitant, la propriétaire et la gérante. Les informations relatives au propriétaire de l’établissement ou à la personne physique ou morale bénéficiant de la mise en gérance doivent impérativement être communiquées à l’autorité compétente chargée de vérifier que tous les responsables mentionnés répondent aux exigences requises. En l’absence d’une nouvelle autorisation remplaçant celle du 19 mai 2017 et désignant la recourante comme étant la gérante du restaurant, B______ SA demeure la seule propriétaire de cet établissement.

Que C______ ait signé un contrat de travail avec la recourante en qualité de dirigeant-exploitant du restaurant et d’un autre établissement du groupe (« O______ », club situé sous le restaurant) n’est pas déterminant. La loi définit les obligations spécifiques du propriétaire qui est notamment tenu de communiquer au département l’identité de la personne à laquelle il souhaite confier la gérance de son établissement et qui en sera donc responsable, répondant également des manquements de l’exploitant. Admettre que la recourante pouvait omettre de procéder à cette annonce obligatoire reviendrait à empêcher le département de procéder aux contrôles qui lui incombent, notamment de vérifier que les antécédents et le comportement du propriétaire garantissent une exploitation conforme au droit en matière de police des étrangers, de sécurité sociale, de droit du travail.

Ainsi, B______ SA est la seule société ayant été désignée comme propriétaire dans l’autorisation d’exploiter le restaurant. Elle en assume le risque financier et peut, si les conditions sont réalisées, prétendre à l’aide financière extraordinaire en lien avec le Covid-19. Il s’ensuit que la recourante échoue à démontrer être propriétaire exploitante ou bénéficiaire d’une mise en gérance en lien avec le restaurant.

5.3 S’agissant du club, il est rappelé que la recourante n’a pas contesté la décision du 16 décembre 2022 concernant la demande qu’elle a déposée au nom de G______ SA (référence EL-2______). Elle ne remet pas en cause que cette société n’avait plus d’existence juridique lors du dépôt de la demande, postérieure à sa radiation du RC.

Elle soutient en revanche que l’aide pour les cas de rigueur faisait partie des actifs de G______ SA, société qu’elle avait reprise par fusion, tout comme le contrat de travail conclu entre D______ et G______ SA.

Le formulaire A « Création d’un établissement public » à l’enseigne du club, signé le 1er juin 2021, mentionne à plusieurs reprises que la propriétaire est B______ SA (chiffres 3.3.1, 3.3.3.c, signature), représentée par D______, lequel est désigné comme l’exploitant du club (chiffre. 4.1, signature). Ce document ne fait aucune mention de G______ SA. Au contraire, il indique que l’exploitant occupe cette fonction à raison de 15 heures par semaine pour « l’employeur »
B______ SA et qu’il exerce une « autre activité professionnelle » pour « P______ » à hauteur de 20 heures par semaine depuis le 1er janvier 2020, sans la moindre référence à G______ SA. Le formulaire souligne au chapitre 3 qu’en cas de mise en gérance de l’établissement, le propriétaire de l’établissement an sens de la loi est le gérant à condition qu’il jouisse des locaux ainsi que des installations de l’établissement et qu’il en assume l’entière responsabilité, conformément à l’art. 39 al. 2 RRDBHD. Il précise également qu’un éventuel contrat de gérance doit obligatoirement avoir été conclu par écrit. À la question de savoir s’il existait une mise en gérance de l’établissement ou un bail à ferme, D______, titulaire du certificat de capacité de cafetier, de surcroît assisté par l’avocat du groupe au moment de remplir ce formulaire, a coché la case « Non ».

Conformément à ces renseignements, l’autorisation d’exploiter le club, délivrée par le PCTN le 4 juin 2021 à D______, indique que le club est la propriété de B______ SA. G______ SA, pas plus que la recourante, n’apparait pas du tout sur ce document. Elle ne figure pas davantage sur le contrat de bail des locaux servant à l’exploitation du club, également conclu par B______ SA, représentée à nouveau par C______ et D______.

Enfin, les mêmes constatations s’imposent concernant le contrat de travail signé entre D______ et G______ SA.

Dans ces conditions, la recourante n’a pas non plus le droit à une aide financière extraordinaire en lien avec l’activité du club.

5.4 La recourante ne saurait se prévaloir du principe de la bonne foi.

Contrairement à ce qu’elle soutient, le « système » qu’elle a mis en place ne respecte pas la règlementation en vigueur. On rappellera également que
C______ et D______ sont détenteurs du diplôme nécessaire à l’exploitation d’un restaurant et qu’ils ne pouvaient ignorer les démarches indispensables à effectuer en cas de mise en gérance d’un établissement. Les sociétés étaient en outre assistées d’un avocat.

De surcroît, la recourante a signé le 2 août 2022 une convention avec l’État, par laquelle elle a confirmé avoir présenté une image fidèle et transparente de sa situation, et qu’aucun fait ou information importants en relation avec la marche des affaires et sa situation financière n’avaient été omis ou inexactement déclarés. En se prévalant désormais d’un contrat « tacite » permettant d’occulter l’identité du gérant effectif des établissements pour lesquels elle requiert des aides extraordinaires, la recourante ne respecte pas le principe de la bonne foi auquel elle est aussi tenue.

Que la recourante et G______ SA ont pu précédemment obtenir d’importantes aides est sans pertinence. Aucun élément ne laisse supposer que l’intimée savait que ces entités ne bénéficiaient d’aucune autorisation, ni qu’elle leur aurait donné des garanties ou des informations inexactes.

Enfin, l’arrêt de la chambre de céans auquel se réfère la recourante concerne une autorisation de D______ d’exploiter le club. Il ne porte pas sur la qualité de propriétaire de B______ SA, A______ SA et G______ SA.

5.5 Le grief de formalisme excessif doit également être écarté. Il existe en effet un intérêt public manifeste au respect de la loi.

On rappellera encore que C______ et D______ ne sont pas habilités à représenter la recourante, ni à l’époque G______ SA, comme cela ressort des informations figurant au RC. Ils ne sont liés à ces entités que par des contrats de travail, qui ne prévoient par ailleurs pas que les revenus générés par l’exploitation du restaurant et du club seraient encaissés par les employeurs.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 mai 2023 par A______ SA contre la décision de la direction générale du développement économique, de la recherche et de l’innovation du 3 avril 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ SA ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yama SANGIN, avocat de la recourante, ainsi qu’à
Me Gabriel AUBERT, avocat de la direction générale du développement économique, de la recherche et de l’innovation.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Verena PEDRAZZINI RIZZI, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. WERFFELI BASTIANELLI

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :