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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1818/2023

ATA/1216/2023 du 08.11.2023 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1818/2023-EXPLOI ATA/1216/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 novembre 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Marco CRISANTE, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimé

 



EN FAIT

A. a. A______ est titulaire depuis le 29 août 2019 d’une autorisation d’exploiter en qualité de propriétaire un café restaurant à l’enseigne « B______ » (ci‑après : l’établissement) rue de C______ ______, délivrée par le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN).

b. Par une première requête reçue le 22 novembre 2022, D______ a adressé au PCTN un formulaire G de changement de propriétaire de l’établissement en sa faveur. Incomplète, cette requête lui a été retournée le même jour.

c. Par une seconde requête reçue le 16 décembre 2022, D______ a à nouveau adressé au PCTN un formulaire G de changement de propriétaire de l’établissement en sa faveur. Incomplète, la requête lui a également été retournée le 22 décembre 2022.

d. Par une troisième requête reçue le 8 février 2023, D______ a adressé au PCTN un troisième formulaire G de changement de propriétaire de l’établissement en sa faveur. Toujours incomplète, la requête lui a été retournée le 17 février 2023.

e. Le 15 mars 2023, le PCTN a indiqué à A______ qu’il projetait de prononcer la caducité de son autorisation d’exploiter.

Le changement de propriétaire n’ayant été annoncé préalablement ni par lui, ni par D______, nouveau propriétaire, ni par E______, exploitant, une infraction avait été commise.

f. Le 22 mars 2023, A______ et E______ ont indiqué au PCTN qu’ils n’avaient pas changé de propriétaire, mais modifié l’enseigne, qui passait de « B______ » à « F______ », et omis de l’annoncer.

Concernant le gérant, le PCTN avait le courrier adressé à la régie au sujet de D______ et la réponse de celle-ci indiquant qu’elle était au courant et qu’A______ était pour elle le signataire du bail.

A______ se tenait à disposition s’il fallait compléter des documents pour le changement de nom. Le gérant D______ apporterait le certificat de bonne vie et mœurs.

g. Par décision du 26 avril 2023, le PCTN a constaté la caducité de l’autorisation délivrée le 29 août 2019 et ordonné la cessation de l’exploitation de l’établissement dès l’entrée en force de la décision, faute de quoi la fermeture serait ordonnée.

Il était établi que le propriétaire de l’établissement était D______ et non plus uniquement A______. Bien qu’un délai eût été octroyé pour régulariser le changement de propriétaire, aucune requête complète en changement de propriétaire n’avait été déposée. Les conditions au prononcé de la caducité étaient remplies.

B. a. Par acte remis au greffe le 26 mai 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu’il soit dit et constaté que son autorisation était toujours valable. Subsidiairement, sa comparution personnelle ainsi que l’audition de D______ devaient être ordonnées.

E______ avait été autorisé à exploiter l’établissement le 29 août 2019. A______ avait conclu un contrat de gérance avec D______ le 1er janvier 2022 pour une durée d’un an débutant le 1er juin 2022 et échéant le 30 juin 2023. À aucun moment, il ne lui avait vendu le fonds de commerce, ainsi qu’il ressortait du contrat. D______ avait indiqué non sans aplomb au PCTN qu’il avait acquis le fonds de commerce et avait également déposé à son insu plusieurs demandes de changement de propriétaire.

Il avait adressé au PCTN un courrier de la régie G______ attestant qu’il était toujours le titulaire du bail. Il avait repris l’enseigne initiale de « B______ ». Il produisait également un courrier « surprenant » daté du 2 mai 2023 et reçu de D______ confirmant qu’il s’était vu confier la gérance de l’établissement, et contenant pour le surplus des allégations « farfelues ».

Le courrier produit demande le remboursement de la garantie de gérance de CHF 34'800.- versée, ainsi que des indemnités de gérance versées et des loyers directement payés, pour un total de CHF 58'000.-.

Le PCTN avait constaté les faits de manière inexacte et violé la loi en retenant qu’un changement de propriétaire avait été effectué. Il allait reprendre l’exploitation de son établissement à l’échéance, proche, du contrat de gérance.

b. Le 3 juillet 2023, le PCTN a conclu au rejet du recours.

A______ avait remis la gérance à D______. Plusieurs articles du contrat, le changement d’enseigne et les demandes répétées de changement de propriétaire formées par D______ confirmaient le statut de propriétaire de ce dernier au sens de la loi.

c. Le 31 août 2023, A______ a persisté dans ses conclusions.

L’exploitant de l’établissement était resté E______. Le contrat de gérance avait pris fin le 29 mai 2023 d’entente entre les parties. L’enseigne originale « B______ » avait été remise en place. Les conditions prévalant au moment de la délivrance de l’autorisation étaient « toujours d’actualité ».

d. Le 1er septembre 2023, les parties ont été informées que la procédure était gardée à juger.

e. Il sera revenu en tant que de besoin dans la partie en droit sur les arguments et pièces produits par les parties.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant conclut à sa comparution personnelle et à l’audition d’un témoin.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En l’espèce, le recourant s’est vu offrir l’occasion d’exposer ses arguments et de produire toute pièce utile tant devant le PCTN que la chambre de céans. L’éventuelle démonstration, par le témoignage de E______, que celui‑ci serait resté l’exploitant de l’établissement ne changerait rien au fait, déterminant pour le sort du litige ainsi qu’il sera vu plus loin, que la gérance a été confiée par le recourant à D______.

Il ne sera ainsi pas donné suite à la demande d’acte d’instructions.

3.             Le recourant reproche au PCTN d’avoir établi les faits de manière incorrecte et d’avoir violé la loi. Il n’aurait pas transféré la propriété de son établissement, de sorte que la caducité de son autorisation aurait été prononcée à tort.

3.1 La loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22) a pour but de régler les conditions d'exploitation des entreprises vouées à la restauration et/ou au débit de boissons à consommer sur place, à l’hébergement, ou encore au divertissement public (art. 1 al. 1).

3.2 L'exploitation de toute entreprise vouée à la restauration, au débit de boissons et à l'hébergement est soumise à l'obtention préalable d'une autorisation d'exploiter délivrée par le département de l’économie et de l’emploi (ci-après : le département), soit pour lui l’intimé (art. 8 al. 1 LRDBHD ; art. 3 al. 1 et 2 ainsi que 18 al. 1 let. a du règlement d’exécution de la LRDBHD du 28 octobre 2015 - RRDBHD - I 2 22.01).

3.3 Selon l’art. 39 RRDBHD, le propriétaire d'une entreprise vouée à la restauration, au débit de boissons ou à l’hébergement est la personne physique ou morale qui détient le fonds de commerce de l'entreprise, soit les installations, machines et autres équipements nécessaires à l'exercice de l'activité de celle-ci (al. 1). En cas de conclusion d'un contrat de gérance ou de bail à ferme, le propriétaire au sens de la loi est le gérant ou le fermier qui jouit des locaux et installations de l'établissement et en assume l'entière responsabilité (al. 2). Lorsque le propriétaire d'une entreprise soumise à la loi n'entend pas se charger lui-même de l'exploitation de l’établissement, il est tenu de désigner un exploitant (al. 3). La désignation de l’exploitant intervient par la contresignature de la formule officielle visée à l’art. 19, al. 1, let. b, du présent règlement (al. 4). L’exploitant désigné doit être en mesure de gérer de manière personnelle et effective l’établissement au sens de l’art. 40 al. 3 RRDBHD et être en possession d’un diplôme, ou d’un diplôme partiel lorsque celui-ci est requis pour l’exploitation de l’établissement. Le propriétaire qui désigne un exploitant servant de prête-nom s’expose notamment aux mesures et sanctions prévues à l’art. 64 LRDBHD (al. 5).

3.4 Selon l’art. 40 RRDBHD, l’exploitant d'une entreprise vouée à la restauration, au débit de boissons ou à l’hébergement est la personne physique responsable de l’entreprise qui exerce effectivement et à titre personnel toutes les tâches relevant de la gestion de celle-ci au sens de l’al. 3 (al. 1). Il est tenu de gérer l’entreprise de façon personnelle et effective. Cette obligation est réalisée aux conditions cumulatives suivantes : (a) il assume la majorité des tâches administratives liées au personnel de l’établissement (engagement, gestion des salaires, des horaires, des remplacements, etc.) et à la bonne marche des affaires (commandes de marchandises, fixation des prix, composition des menus, contrôle de la caisse, inventaire, etc.) ; (b) il assure une présence de 15 heures hebdomadaires au moins au sein de l'établissement concerné, lesquelles doivent inclure les heures d’exploitation durant lesquelles les risques de survenance de troubles à l’ordre public sont accrus (al. 3). Il doit désigner une personne qui soit en mesure de le remplacer immédiatement, lors de toute absence de l’établissement, même fortuite (al. 6). Celui-ci doit être instruit et informé des obligations résultant de la loi et du présent règlement et être en mesure de renseigner les autorités de contrôle sur la situation de l'établissement; il doit notamment être en mesure de leur présenter toutes les autorisations en vigueur, conformément à l’art. 47 RRDBHD (al. 7).

3.5 Une autorisation doit être requise lors de chaque création, changement de catégorie ou de lieu, agrandissement et transformation, changement d'exploitant ou de propriétaire de l’entreprise, ou modification des conditions de l'autorisation antérieure (art. 8 al 2 LRDBHD).

3.6 Selon l’art. 39 RRDBHD, tout changement de propriétaire doit être immédiatement communiqué par écrit au PCTN. L’annonce doit être faite tant par le repreneur que par l’ancien propriétaire de l’établissement. Une formule d’annonce est disponible sur le site Internet du service ainsi qu'à ses guichets (al. 6). Le changement de propriétaire entraîne la nécessité de requérir une nouvelle autorisation d’exploiter, conformément à l’art. 18 al. 1 let. a 2e phrase RRDBHD. Lorsque la requête complète est déposée avant l’échéance du délai légal mentionné à l’art. 13 al. 4 LRDBHD, la continuité de l’exploitation peut être assurée aux conditions précisées à l’art. 37 al. 6 RRDBHD (al. 7).

3.7 Selon l’art. 14 LRDBHD, l'autorisation d'exploiter est révoquée par le département lorsque les conditions de sa délivrance ne sont plus remplies, ainsi qu'en cas de non‑paiement de la taxe annuelle prévue par la loi.

3.8 En l’espèce, le recourant ne conteste pas avoir remis la gérance de son établissement à D______, aux termes d’un contrat du 1er janvier 2022 qu’il a produit, et qui prévoit que D______ « va personnellement exploiter le tea‑room » et « sera assisté par un collaborateur au bénéfice d’un certificat de capacité de cafetier-restaurateur » (art. 1), qu’il doit une redevance mensuelle de CHF 5'800.- couvrant le loyer de l’arcade et le fermage et verse une garantie de six mois de fermage, soit CHF 34'800.-, le recourant ne conservant une clé que pour « des cas très graves » comme l’intervention des gendarmes ou un incendie (art. 2).

Il importe peu que E______ aurait pu, comme l’affirme le recourant, poursuivre l’exploitation. Outre que celui-ci est probablement la personne titulaire du certificat de capacité de cafetier-restaurateur évoquée par le contrat de gérance, c’est quoi qu’il en soit D______ qui a joui des locaux et assumé l’entière responsabilité de l’établissement, et notamment le risque financier, durant la période de la gérance, ce qui fait de lui le propriétaire selon l’art. 39 al. 2 RRDBHD.

Il appartenait donc au recourant d’annoncer ce changement à l’intimé, en application de l’art. 39 RRDBHD.

D______ ne s’y est d’ailleurs pas trompé, puisqu’il a de son côté annoncé au PCTN, quoique de manière inefficace, le changement de propriétaire à trois reprises entre novembre 2022 et février 2023.

C’est ainsi de manière conforme à la loi que le PCTN a établi que la propriété avait changé et, le recourant n’ayant pas dûment annoncé ce changement dans le délai fixé par la loi, a constaté la caducité de celle-ci.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 mai 2023 par A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 26 avril 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge d’A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marco CRISANTE, avocat du recourant, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. SPECKER

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :