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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3771/2022

ATA/1142/2023 du 17.10.2023 ( LOGMT ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3771/2022-LOGMT ATA/1142/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 octobre 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

OFFICE CANTONAL DU LOGEMENT ET DE LA PLANIFICATION FONCIÈRE intimé

 



EN FAIT

A. a. À compter du 15 février 2013, A______ a pris en location un appartement de deux pièces sis dans un immeuble soumis à la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05) pour un loyer annuel de CHF 3'528.-, frais de chauffage et d’eau chaude non compris.

b. Entre 2013 et 2016, l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) a transmis à A______ plusieurs avis de situation concernant son revenu annuel brut, le rendant attentif sur son devoir d’information, l’invitant à se manifester sans délai en cas d’inexactitude portant notamment sur son revenu actuel et futur et l’avertissant du risque de verser des surtaxes rétroactives en cas de données inexactes ou incomplètes.

c. Les 25 novembre et 11 décembre 2014, 19 mars 2015, 17 mars et 13 juillet 2016, 3 et 4 avril et 28 août 2017, l’OCLPF a rendu à l’endroit de A______ des décisions de surtaxe, qui lui rappelaient notamment son devoir de l’informer sans délai de toute modification de revenus.

B. a.a. Par décision du 8 janvier 2018, l’OCLPF a astreint A______ au paiement d’une surtaxe mensuelle de CHF 753.55 pour la période d’application du 1er avril 2017 au 31 mars 2018, avec effet au 1er février 2018, eu égard notamment à l’application d’un taux d’effort de 29% correspondant au dépassement du barème de sortie et d’un revenu déterminant unifié (ci-après : RDU) annuel de CHF 53'967.-. Son devoir de l’informer sans délai de toute modification de ses revenus lui était rappelé.

a.b. Par décision du 16 mars 2018, l’OCLPF a astreint A______ au paiement d’une surtaxe mensuelle de CHF 753.55 pour la période d’application du 1er avril 2018 au 31 mars 2019, avec effet au 1er avril 2018, eu égard notamment à l’application d’un taux d’effort de 29% correspondant au dépassement du barème de sortie et d’un RDU annuel de CHF 53'967.-. Son devoir de l’informer sans délai de toute modification de ses revenus lui était rappelé.

a.c. N’ayant pas été contestées, ces deux décisions sont entrées en force.

b. Par décision du 14 mars 2019, l’OCLPF a astreint A______ au paiement d’une surtaxe mensuelle de CHF 753.55 pour la période du 1er avril 2019 au 31 mars 2020.

c. Le 30 mars 2019, A______ a annoncé à l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) son départ du canton.

d. Par courrier du 14 mai 2019, dont le contenu a été publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 30 juin 2019, l’OCLPF, après avoir invité A______ à se déterminer à la suite de son départ du canton, dont il avait été informé en consultant le registre de l’OCPM, a, par décision du 22 mai 2019, requis la résiliation du bail de son appartement pour non-occupation des locaux, qui a pris effet au 30 septembre 2019.

e. Le 31 mai 2019, l’OCLPF a transmis à A______ à sa nouvelle adresse une sommation pour le paiement d’un montant de CHF 6'392.90 correspondant aux surtaxes d’octobre 2017 à janvier 2018.

f. Par courrier du 10 mars 2022, l’OCLPF a mis A______ en demeure pour le paiement d’un montant de CHF 6'058.40 correspondant à un arriéré de surtaxe pour la période d’août 2018 à mars 2019 selon les décisions des 16 mars 2018 et 14 mars 2019.

g. Par courriel du 22 mars 2022, réitéré par courrier signé et daté du 19 avril 2022, A______ a sollicité de l’OCLPF la reconsidération de la « mise en demeure pour la surtaxe du 3 mars 2018 au 3 mars 2019 », le priant de la recalculer au motif que les revenus retenus ne correspondaient pas à ceux réalisés. Il n’avait pas été en mesure de recourir à la suite de son départ du canton, n’ayant alors plus reçu de courrier.

Il a produit des décomptes de salaire pour les mois de décembre 2018 d’un montant de CHF 90.- et de janvier 2019 d’un montant de CHF 2'245.-, un bordereau de taxation d’office établi le 18 novembre 2019 pour les impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC) 2018 de CHF 324.10, sur la base d’un revenu de CHF 18'000.- et d’une fortune de CHF 0.-, et un bordereau de taxation d’office établi le 18 novembre 2019 pour l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) de CHF 26.95, sur la base d’un revenu de CHF 18'000.-.

h. Par décision du 14 octobre 2022, l’OCLPF a rejeté (recte : refusé d'entrer en matière sur) la demande de reconsidération d’A______.

Les décisions des 8 janvier et 16 mars 2018, dûment notifiées à son adresse à Genève, n’ayant pas été contestées, elles étaient entrées en force et étaient devenues exécutoires. Il n’existait aucun motif de reconsidération emportant leur réexamen obligatoire au sens de l’art. 48 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). En particulier, il se limitait à se prévaloir d’éléments factuels qu’il devait signaler sans délai en vue de la mise à jour de son dossier, conformément à son devoir d’informations, ce qu’il n’avait pas fait.

C. a. Par acte posté le 14 novembre 2022, A______ a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours contre « la décision de la reconsidération de la surtaxe d’août 2018 à mars 2019 », concluant à « la révocation de la décision de 2018-2019 ».

Comme ses décisions de taxation le montraient, il n’avait pas dépassé le barème pour être surtaxé en 2018-2019, période particulièrement difficile pour lui tant d’un point de vue financier que personnel. En raison des lourdeurs administratives que cela impliquait, il n’avait pas fait opposition aux décisions des 16 mars 2018 et 14 mars 2019. Il admettait devoir à l’OCLPF un montant de CHF 6'392.90 pour les mois d’octobre 2017 à janvier 2018, qu’il demandait à pouvoir rembourser de manière échelonnée, ce qui devait conduire à l’annulation de la mise en demeure du 10 mars 2022.

b. Le 26 janvier 2023, l’OCLPF a conclu au rejet du recours.

La décision litigieuse concernait le refus d’entrer en matière sur la demande de reconsidération des décisions des 8 janvier et 16 mars 2018 pour la période remise en cause par A______, soit du 1er février 2018 au 31 mars 2019, étant précisé que la décision du 14 mars 2019 liée à la période du 1er avril 2019 au 31 mars 2020 était devenue caduque à la suite de son départ du canton le 30 mars 2019.

Les décisions précitées, prises en application de la LGL, étaient en force, de sorte qu’A______ ne pouvait se prévaloir de données inexactes ou incomplètes. Elles lui avaient en outre été valablement notifiées et l’intéressé n’avait pas recouru à leur encontre, ce qu’il ne contestait pas, tout comme il ne se prévalait d’aucun vice de forme ni d’aucun cas de force majeure.

Seule la reconsidération des décisions des 8 janvier et 16 mars 2018 pouvait entrer en considération, dont les conditions n’étaient toutefois pas réalisées. Les documents fiscaux qu’A______ avait produits, outre le fait qu’ils n’étaient pas pertinents pour établir les revenus réalisés en 2019, avaient trait à une taxation d’office, basée sur une extrapolation de ses revenus fondée sur les éléments dont l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) avait connaissance, et ne pouvaient ainsi servir à établir sa capacité contributive en 2018. Conformément à son devoir d’information, il lui appartenait de se manifester auprès de l'OCLPF pour lui signifier toute erreur et lui remettre les pièces utiles à cette fin, ce qu’il n’avait pas fait. Il lui était également loisible de produire les décomptes de salaire dès leur réception, sans attendre de le faire à l’appui de son courriel du 22 mars 2022.

c. Le 7 février 2023, le juge délégué a accordé aux parties un délai au 17 mars 2023 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 15 février 2023, l’OCLPF a indiqué ne pas avoir de requête ni d’observations complémentaires à formuler.

e. A______ ne s’est pas manifesté à l’issue du délai imparti.

f. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) 2.1 Est litigieux le refus de l'intimé de reconsidérer ses décisions des 8 janvier et 16 mars 2018 imposant au recourant une surtaxe mensuelle de CHF 753.55 sur la base d’un RDU annuel de CHF 53'967.-, respectivement pour les périodes d’application du 1er avril 2017 au 31 mars 2018, avec effet au 1er février 2018, et du 1er avril 2018 au 31 mars 2019, avec effet au 1er avril 2018, conformément à la demande du recourant des 22 mars et 19 avril 2022, étant précisé qu’aucune surtaxe ne lui est réclamée après son départ du canton le 30 mars 2019 comme l’a indiqué l’intimé.

2.2 Par ailleurs, la décision litigieuse, bien qu’indiquant rejeter la demande de reconsidération formée par le recourant, constitue un refus d’entrer en matière sur ladite demande, l’intimé ayant considéré que les conditions n’en étaient pas réalisées, sans entrer en matière sur le fond. Ainsi, le contrôle juridictionnel effectué par la chambre de céans portera uniquement sur la question de savoir si l’autorité intimée a estimé à juste titre que les conditions de l’art. 48 LPA n’étaient pas réalisées (ATA/1027/2023 du 19 septembre 2023 consid. 2.4).

3) 3.1 L’autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n’est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l’art. 48 al. 1 LPA. Une telle obligation existe lorsque la décision dont la reconsidération est demandée a été prise sous l’influence d’un crime ou d’un délit (art. 80 let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA ; faits nouveaux « anciens » ; ATA/1027/2023 précité consid. 2.1).

Une telle obligation existe également lorsque la situation du destinataire de la décision s’est notablement modifiée depuis la première décision (art. 48 al. 1 let. b LPA). Il faut entendre par là des faits « nouveaux » (nova proprement dits), c’est‑à‑dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l’état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l’autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/757/2023 du 11 juillet 2023 consid. 3.1). Pour qu’une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l’état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l’autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/1027/2023 précité consid. 2.1).

Une demande de reconsidération ne doit pas permettre de remettre continuellement en cause des décisions entrées en force et d’éluder les dispositions légales sur les délais de recours (ATF 136 II 177 consid. 2.1). C’est pourquoi, en principe, l’administré n’a aucun droit à ce que l’autorité entre en matière sur sa demande de reconsidération, sauf si une telle obligation de l’autorité est prévue par la loi ou si les conditions particulières posées par la jurisprudence sont réalisées (ATF 120 Ib 42 consid. 2b). La procédure de reconsidération ne constitue pas un moyen de réparer une erreur de droit ou une omission dans une précédente procédure (ATF 111 Ib 211 consid. 2 ; ATA/995/2023 du 12 septembre 2023 consid. 3.2).

3.2 En l’espèce, il n’est pas contesté que les décisions des 8 janvier et 16 mars 2018 sont entrées en force de chose décidée, le recourant ayant reconnu ne pas les avoir contestées. Rien n’indique du reste qu’il ne les aurait pas reçues, puisqu’elles lui ont été notifiées près d’un an avant son départ du canton, qu’il a quitté le 30 mars 2019 selon le registre de l’OCPM.

Le recourant ne fait pas valoir que les décisions dont il demande la reconsidération auraient été prises sous l’influence d’un crime ou d’un délit. Il se prévaut toutefois, à titre de fait nouveau, de plusieurs documents démontrant, selon lui, que les revenus retenus pour fonder la surtaxe ne correspondaient pas à ceux réalisés.

Il a ainsi produit des bordereaux de taxation d’office pour l’ICC et l’IFD 2018, établis le 18 novembre 2019, qui se basent sur un revenu de CHF 18'000.-, soit un montant inférieur au revenu retenu par l’intimé. Comme l’a, à juste titre, relevé ce dernier, outre le fait que lesdits bordereaux ne concernent que l’année 2018, ils ne sont pas déterminants pour établir la situation financière du recourant entre le 1er février et le 31 décembre 2018, dès lors que le revenu qui y est mentionné résulte d’une taxation d’office, établie par l’AFC-GE sur la base d’indices dont elle avait alors connaissance (art. 37 al. 1 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17), et non pas sur la base de la situation financière réelle du contribuable. Le simple fait que les bordereaux en cause aient été établis après l’année écoulée ne constitue pas un fait nouveau au sens de l’art. 48 al. 1 LPA et n’atteste pas d’une situation de revenu que le recourant ne pouvait pas connaître.

Si le recourant estimait que le RDU retenu dans les décisions litigieuses était erroné, il lui appartenait de les contester et, si des modifications dans ses revenus étaient survenues, il devait les signaler immédiatement à l’intimé, comme le rappellent non seulement les avis de situation concernant son revenu annuel brut mais également les décisions de surtaxe qui lui ont été régulièrement notifiées à compter de la prise à bail de l’appartement soumis à la LGL (art. 9 al. 2 du règlement d’exécution de la LGL du 24 août 1992 - RGL - I 4 05.01). Il en va de même des décomptes de salaire pour les mois de décembre 2018 et janvier 2019 produits par le recourant seulement à l’appui de sa demande de reconsidération.

Les conditions d’une reconsidération n’étant pas remplies, c’est à bon droit que l’intimé n’est pas entrée en matière sur la demande du recourant. Mal fondé, le recours sera par conséquent rejeté.

4) Compte tenu de la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera en outre allouée, dès lors que le recourant succombe (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 novembre 2022 par A______ contre la décision de l’office cantonal du logement et de la planification foncière du 14 octobre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu’à l’office cantonal du logement et de la planification foncière.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Nathalie RAPP, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :