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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/64/2022

ATA/1088/2023 du 03.10.2023 sur JTAPI/1293/2022 ( ICCIFD ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DROIT FISCAL;IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT;SÛRETÉS EN MATIÈRE D'IMPÔTS;AMENDE;PRESCRIPTION;DÉBAT DU TRIBUNAL;PUBLICITÉ DE LA PROCÉDURE;COMPOSITION DE L'AUTORITÉ;RÉCUSATION
Normes : CEDH.6; Cst.30.al1; LPA.15a; LIFD.120; LIFD.151.al1; LIFD.152; LIFD.169.al1; LIFD.184; LIFD.185; LHID.53; LHID.58; LHID.78; LPFisc.61; LPGIP.38.al1; LCP.371a
Résumé : Confirmation de demandes de sûretés concernant des rappels d’impôts et des amendes. Les garanties issues de l’art. 6 CEDH ne s’appliquent pas en matière de sûretés fiscales. La recourante aurait dû demander la récusation du juge assesseur siégeant au TAPI dès le dépôt de son recours. En outre, rien ne permet de considérer que ledit juge n’aurait pas tranché la cause en toute objectivité. Les trois conditions pour demander des sûretés sont remplies : premièrement, la société recourante n’est pas inscrite au registre du commerce en Suisse, n’y a pas de domicile ni d’actif immobilisé, de sorte que les droits du fisc sont objectivement menacés ; deuxièmement, la vraisemblance de la créance est prima facie établie, la recourante n’ayant pas déclaré les bénéfices provenant de son activité commerciale exercée en Suisse selon le rapport d’enquête spéciale de la Division des affaires pénales et enquêtes de l’AFC-CH ; troisièmement, les garanties exigées par l’AFC-GE ne paraissent pas disproportionnées, puisqu’elles ont été déterminées sur la base des bénéfices imposables non déclarés selon le rapport d’enquête précité. Le montant des sûretés est diminué en raison de la prescription des créances fiscales pour 2007. Recours partiellement admis pour ce motif.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/64/2022-ICCIFD ATA/1088/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 octobre 2023

4ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Charles PONCET et Me Stéphane GRODECKI, avocats

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 novembre 2022 (JTAPI/1293/2022)


EN FAIT

A. a. Le litige porte sur deux demandes de sûretés datées du 8 décembre 2021 et notifiées à la société A______ (ci-après : la contribuable) par l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE), en garantie de l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et de l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) des années 2007 à 2014, ainsi que des amendes y relatives, la prescription de la période fiscale 2006 ayant été admise devant l’instance précédente.

b. Par lettre du 15 juin 2015, la cheffe du département fédéral des finances
(ci-après : DFF) a autorisé l'administration fédérale des contributions (ci‑après : AFC-CH) à ouvrir une enquête sur la base des art. 190 ss de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) à l’encontre notamment de la contribuable. Cette autorisation était motivée comme suit : « [la contribuable], constituée aux B______ est soupçonnée d’exercer son activité commerciale depuis Genève et d’être assujettie à l’impôt suisse en raison d’un rattachement économique. Cette société qui dispose d’un bureau de représentation à l’adresse professionnelle genevoise de
Monsieur C______, gère des fonds de placement dont M. C______ est le manager. [La contribuable] ne s’est jamais annoncée aux autorités fiscales cantonales. Pour les années 2005 à 2013, la soustraction d’impôts sur le bénéfice serait de CHF 1'400'000.- ».

L’autorisation concernait également l’ouverture d’une enquête à l’encontre de C______ et de la société H______SA, dont celui-ci est l’un des directeurs.

c. Sur la base de cette autorisation, le Chef de la Division affaires pénales et enquêtes de l’AFC-CH (ci-après : la DAPE) a ouvert, en date du 17 juin 2015, une enquête spéciale au sens des art. 190 ss de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) à l’encontre de la contribuable et des deux autres personnes précitées. « [La contribuable] est soupçonnée de disposer depuis de très nombreuses années d’un établissement stable à Genève d’où elle administre cinq fonds de placement. M. C______ est general manager de
ceux-ci. Un faisceau d’indices tend à démontrer que [la contribuable] conduit les opérations d’investissement de ces fonds dans des locaux se trouvant à la
Rue D______ à Genève. Compte tenu que ces activités commerciales ont été conduites à l’insu de l’autorité fiscale, les résultats n’ont jamais été soumis à l’impôt sur le bénéfice. Le résultat présumé semble conséquent compte tenu que les
cinq fonds de placement présentaient une fortune globale de USD 155'000'000.- au 31 décembre 2012 ».

d. Par lettre recommandée du 26 novembre 2015 l’AFC-GE a informé la contribuable de l’ouverture de procédures en rappel et soustraction d’impôt pour les années 2005 à 2009, ainsi que pour tentative de soustraction pour les années 2010 à 2014. Sur la base des informations en possession des autorités fiscales, la contribuable aurait exercé tout ou partie de son activité commerciale depuis la Suisse, et plus précisément le canton de Genève, créant ainsi un rattachement fiscal dans le canton, sans en informer l’AFC-GE.

e. Par courriers recommandés des 1er décembre 2016, 8 décembre 2017 et
20 novembre 2018, l’AFC-GE a écrit à la contribuable que le processus de taxation suivait son cours pour les années fiscales 2011, 2012 et 2013, et qu’elle procéderait à la fixation de ses prétentions fiscales pour ces années dès qu’elle serait en mesure de les concrétiser. Lesdits courriers devaient être considérés, par conséquent, comme constituant formellement des actes interruptifs de la prescription du droit de taxer.

f. Le 14 décembre 2018, l’AFC-GE a informé la contribuable que la procédure en rappel d’impôt concernant les années 2004 à 2008, ainsi que la procédure pour soustraction d’impôt relative aux années 2005 à 2008, étaient terminées. Elle lui a remis les bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD 2005 à 2008 et le bordereau d’amende ICC et IFD 2008.

Pour 2007, le rappel d’impôt et les intérêts sur rappel s’élevaient en ICC respectivement à CHF 2'987'651.05 et CHF 800'225.75, et en IFD respectivement à CHF 1'065'781.- et CHF 371'720.75.

Pour 2008, le rappel d’impôt et les intérêts sur rappel s’élevaient en ICC respectivement à CHF 980'229.55 et CHF 231'181.70, et en IFD respectivement à CHF 350'166.- et CHF 108'162.40. La quotité de l’amende était fixée à 1.5 et s’élevait à CHF 1'470'344.- pour l’ICC et CHF 525'249.- pour l’IFD.

Il sera revenu ci-après sur la réclamation formée contre ces bordereaux.

g. Par courriers recommandés des 6 décembre 2019, 11 novembre 2020 et
16 décembre 2021, l’AFC-GE a informé la contribuable que le processus de taxation suivait son cours pour les années fiscales 2014, 2015 et 2016, et qu’elle fixerait ses prétentions fiscales pour ces années dès qu’elle pourrait les concrétiser. Lesdits courriers devaient donc être considérés comme constituant formellement des actes interruptifs de la prescription du droit de taxer.

h. Sur plainte déposée le 29 novembre 2021 contre le refus de l’enquêteur de lever partiellement les séquestres de l’AFC-CH, la direction de cette dernière a admis, par décision du 3 décembre 2021, de libérer à hauteur de CHF 3'100'000.- les avoirs de la contribuable sur le compte n. 1______ auprès d’une banque de la place (actuellement dénommée E______).

i. Par plis recommandés postés le 8 décembre 2021 et distribués le
13 décembre 2021, l’AFC-GE a adressé à la contribuable deux demandes de sûretés en garantie du paiement des impôts, rappels d’impôt, amendes, frais et intérêts, pour l’ICC et l’IFD relatifs aux années fiscales 2006 à 2014. Les demandes de sûretés s’élevaient à CHF 5'006'264.- pour l’ICC plus intérêts à 2.51% sur CHF 2'451'159.- dès le 8 décembre 2021, et à CHF 2'358'655.- pour l’IFD plus intérêts à 3% sur CHF 1'041'742.- dès le 8 décembre 2021. Elles étaient motivées comme suit : « Les droits du fisc sont menacés, notamment : la société est une structure offshore qui n’a pas déclaré ses revenus et sa fortune durant plusieurs années et ne s’est jamais annoncée aux autorités fiscales. Elle n’a pas d’actif immobilisé en Suisse. Seule la fortune mobilière facilement déplaçable à l’étranger se trouve en Suisse encore actuellement ».

j. Le 8 décembre 2021 également, l’AFC-GE a adressé à l’office des poursuites de Genève deux ordonnances de séquestre fiscal concernant la contribuable à hauteur des montants précités, fondées sur les mêmes motifs que ceux mentionnés dans les demandes de sûretés.

La liste des valeurs patrimoniales à séquestrer était la même pour les deux impôts, à savoir : « Tous biens, avoirs, pièces, valeurs, titres, droits, créances, notamment comptes courants, dépôt, coffres forts, sous nom propre, désignation conventionnelle, pseudonyme ou numéro, dont est titulaire [la contribuable] ou dont la société est ayant droit économique, en particulier les comptes n° 2______, 3______, 4______, 5______ et 6______ et les sous-comptes en mains de E______, chemin F______, ainsi que les rendements de ceux‑ci ».

k. Le 9 décembre 2021, l’office cantonal des poursuites a procédé à l’exécution des ordonnances de séquestre.

l. Le 15 décembre 2021, la DAPE a remis son rapport d’enquête spéciale selon les art. 190 ss LIFD à l’encontre de la contribuable.

m. Par courrier du 20 décembre 2021, l’AFC-GE a informé la contribuable que les procédures en rappel et soustraction d’impôt concernant l’année 2009, ainsi que les procédures de taxation et tentative de soustraction d’impôt portant sur les années 2010 à 2014, étaient terminées. Elle lui a remis les bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD 2009, les bordereaux de taxation ICC et IFD 2010 à 2014, et les bordereaux d’amende ICC et IFD 2010 à 2014. La quotité des amendes étaient fixées à 1.5 fois les montants soustraits. L’AFC-GE a utilisé les constatations ressortant du rapport d’enquête de la DAPE du 15 décembre 2021 pour le calcul des rappels d’impôt.

Il sera revenu ci-après sur la réclamation élevée contre ces bordereaux.

B. a. Par deux actes du 10 janvier 2022, la contribuable a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les demandes de sûretés du 8 décembre 2021 concernant l’ICC et l’IFD pour les années fiscales 2006 à 2014, concluant, sous suite de frais et de dépens, à leur annulation. Ces recours ont été enregistrés sous le même numéro de procédure A/64/2022.

Suite aux soupçons rapportés par la DAPE, en juin 2015, l’AFC-CH, par l’entremise de son enquêteur chargé du dossier, avait prononcé de nombreux séquestres auprès de divers établissements bancaires, notamment à son encontre, ainsi que sur la propriété de C______ à G______. Les personnes visées par l’enquête de la DAPE s’étaient plaintes à de nombreuses reprises que les investigations recherchaient uniquement des éléments à charge et qu’elles n’avaient pas été effectuées avec toute la célérité nécessaire. En parallèle, l’AFC-GE avait notifié des bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD 2005 à 2008 et d’amende pour l’année 2008 sans tenir compte des explications relatives à son absence d’assujettissement en Suisse. Sur plainte de sa part notamment concernant la lenteur de la procédure de séquestre dirigée par l’enquêteur de l’AFC-CH, cette dernière avait finalement procédé à une libération partielle d’un montant de CHF 3'100'000.- sur le compte bancaire n. 1______ ouvert à son nom, désavouant ainsi son enquêteur.

L’AFC-GE avait violé son droit d’être entendue dans la mesure où elle n’avait pas apporté le moindre élément permettant de s’écarter des explications circonstanciées qu’elle avait fournies concernant l’absence de toute gestion opérationnelle depuis Genève et l’absence d’établissement stable en Suisse la concernant.

Subsidiairement, elle a fait valoir une violation du principe de la bonne foi et de l’interdiction des comportements contradictoires. Il ne faisait aucun doute que, fâché d’avoir été désavoué par sa hiérarchie par la libération partielle du séquestre le 3 décembre 2021, l’enquêteur fédéral s’était adressé à l’AFC-GE afin que cette dernière procède aux demandes de sûretés du 8 décembre 2021.

Plus subsidiairement, elle a invoqué une violation du principe de la proportionnalité, dans la mesure où les montants des sûretés étaient deux fois supérieurs à la levée du séquestre prononcée par l’AFC-CH le 3 décembre 2021, alors que l’AFC-GE n’avait jamais estimé nécessaire d’adresser des demandes de sûretés durant les sept années précédentes.

b. Dans sa réponse au TAPI du 11 avril 2022, l’AFC-GE a conclu à ce qu’il lui soit donné acte de son engagement à réduire de CHF 904'014.- le montant des sûretés, en les fixant à CHF 4'102'250.- plus intérêts à 2.51% sur CHF 2'093'672.-, en garantie du paiement des impôts, rappels d’impôt, amendes, frais et intérêts pour l’ICC 2007 à 2014, ainsi que de son engagement à réduire de CHF 463'970.- le montant des sûretés, en les fixant à CHF 1'894'685.- plus intérêts à 3% sur
CHF 889'810.-, en garantie du paiement des impôts, rappels d’impôt, amendes, frais et intérêts pour l’IFD 2007 à 2014. Pour le surplus, elle a conclu au rejet du recours.

Dans le cadre de son enquête, la DAPE avait procédé à des perquisitions en différents lieux et séquestré de nombreux documents au titre de moyens de preuve. Et diverses valeurs pouvant constituer un avantage patrimonial acquis illégalement. Son rapport d’enquête du 15 décembre 2021 parvenait en substance à la conclusion que la recourante avait bien exercé des activités financières, sous la direction de C______, qui étaient imposables en Suisse. Sur la base des bénéfices estimés par ce rapport, l’AFC-GE avait déterminé les montants des sûretés de la manière suivante :

Années fiscales

Bénéfice imposable

Rappel d'impôt ICC estimé

Intérêts estimés sur rappel ICC

Amendes ICC estimées

Total annuel

2006

CHF 1'787'436.-

CHF 357'487.-

-

-

CHF 357'487.-

2007

CHF 1'018'423.-

CHF 203'685.-

-

-

CHF 203'685.-

2008

CHF 859'420.-

CHF 171'884.-

CHF 71'504.-

CHF 257'826.-

CHF 501'214.-

2009

CHF 1'821'758.-

CHF 364'352.-

CHF 65'583.-

CHF 546'527.-

CHF 976'462.-

2010

CHF 1'360'978.-

CHF 272'196.-

CHF 44'912.-

CHF 272'196.-

CHF 589'304.-

2011

CHF 905'826.-

CHF 181'165.-

CHF 27'175.-

CHF 181'165.-

CHF 389'505.-

2012

CHF 1'818'316.-

CHF 363'663.-

CHF 65'459.-

CHF 363'663.-

CHF 792'785.-

2013

CHF 1'609'053.-

CHF 321'811.-

CHF 77'235.-

CHF 321'811.-

CHF 720'857.-

2014

CHF 1'074'583.-

CHF 214'917.-

CHF 45'132.-

CHF 214'917.-

CHF 474'966.-

Total

CHF 12'255'793.-

CHF 2'451'160.-

CHF 397'000.-

CHF 2'158'105.-

CHF 5'006'265.-

 

Années fiscales

Bénéfice imposable

Rappel d'impôt IFD estimé

Intérêts estimés sur rappel IFD

Amendes IFD estimées

Total annuel

2006

CHF 1'787'436.-

CHF 151'932.-

CHF 79'764.-

-

CHF 231'696.-

2007

CHF 1'018'423.-

CHF 86'566.-

CHF 42'417.-

-

CHF 128'983.-

2008

CHF 859'420.-

CHF 73'051.-

CHF 37'986.-

CHF 109'576.-

CHF 220'613.-

2009

CHF 1'821'758.-

CHF 154'849.-

CHF 74'328.-

CHF 232'274.-

CHF 461'451.-

2010

CHF 1'360'978.-

CHF 115'683.-

CHF 44'538.-

CHF 115'683.-

CHF 275'904.-

2011

CHF 905'826.-

CHF 76'995.-

CHF 26'948.-

CHF 76'995.-

CHF 180'938.-

2012

CHF 1'818'316.-

CHF 154'557.-

CHF 41'730.-

CHF 154'557.-

CHF 350'844.-

2013

CHF 1'609'053.-

CHF 136'770.-

CHF 32'825.-

CHF 136'770.-

CHF 306'365.-

2014

CHF 1'074'583.-

CHF 91'340.-

CHF 19'181.-

CHF 91'340.-

CHF 201'861.-

Total

CHF 12'255'793.-

CHF 1'041'743.-

CHF 399'717.-

CHF 917'195.-

CHF 2'358'655.-

Compte tenu de la prescription absolue de quinze ans pour procéder au rappel d’impôt (art. 152 al. 3 LIFD ; 61 al. 3 de la loi genevoise de procédure fiscale du
4 octobre 2002 - LPFisc - D 3 17), la période fiscale 2006 était prescrite. Il en allait de même concernant les amendes ICC et IFD 2009. Pour ce motif, elle avait conclu à la réduction des montants des demandes de sûretés.

c. Par réplique du 7 juin 2022, la recourante a fait valoir que le rapport d’enquête de la DAPE avait été rendu le 15 décembre 2021, soit postérieurement aux demandes de sûretés du 8 décembre 2021, de sorte que l’AFC-GE ne pouvait pas se prévaloir de ce document pour tenter de démontrer a posteriori le bien-fondé des décisions entreprises. Elle concluait ainsi à ce que ledit rapport et toute référence à celui-ci dans la réponse de l’AFC-GE du 11 avril 2022 soient déclarés irrecevables.

d. Dans sa duplique du 30 juin 2022, l’AFC-GE a relevé que le rapport de la DAPE n’était que le résumé de faits et d’éléments qui s’étaient produits antérieurement et dont elle avait déjà connaissance. La conclusion de la recourante quant à l’irrecevabilité du rapport et références y relatives devait être donc être rejetée.

L’AFC-GE a produit la décision du 2 mai 2022 rendue par la direction de
l’AFC-CH, déclarant irrecevable la plainte au sens de l’art 25a de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021), déposée le
8 avril 2022 par la recourante, C______ et H______SA à l’encontre des trois rapports de la DAPE concernant chacun d’eux.

e. Par jugement du 28 novembre 2022, le TAPI a partiellement admis le recours et donné acte à l’AFC-GE de ce qu’elle s’engageait à réduire de CHF 904'014.- le montant des sûretés, en les fixant à CHF 4'102'250.- plus intérêts à 2.51% sur CHF 2'093'672.-, en garantie du paiement des impôts, rappels d’impôt, amendes, frais et intérêts pour l’ICC 2007 à 2014, et de ce qu’elle s’engageait à réduire de CHF 463'970.- le montant des sûretés, en les fixant à CHF 1'894'685.- plus intérêts à 3% sur CHF 889'810.-, en garantie du paiement des impôts, rappels d’impôts, amendes, frais et intérêts pour l’IFD 2007 à 2014.

L’AFC-GE connaissait tous les éléments retenus à l’encontre de la recourante, y compris les créances fiscales, puisqu’elle avait collaboré tout au long de l’enquête de la DAPE qui avait duré plusieurs années. Ledit rapport ne faisait que consigner par écrit les éléments connus par les parties concernées et aucun élément ne permettait d’affirmer que des moyens de preuve auraient été obtenus illégalement, ce que la recourante n’alléguait d’ailleurs pas. Il n’y avait ainsi pas lieu d’écarter le rapport de la DAPE.

La demande de sûretés en matière d’impôt constituant une mesure provisionnelle de droit public permettant de garantir provisoirement le paiement de l’impôt, elle ne préjugeait pas l’existence de la créance fiscale sur le fond. L’AFC-GE n’avait ainsi pas à se prononcer à ce stade sur la question de l’assujettissement de la recourante. Les trois conditions au prononcé au séquestre fiscal, à savoir la réalisation d’un cas de séquestre de l’art. 169 LIFD, le caractère vraisemblable de la créance et le montant de la garantie qui ne devait pas être manifestement exagéré, étaient remplies, selon un examen prima facie.

Il n’apparaissait pas critiquable que l’AFC-GE ait été informée de la levée partielle des séquestres de valeurs de la part de la DAPE, laquelle menait son enquête spéciale sur les infractions graves en collaboration avec les autorités cantonales concernées. Il n’était pas non plus choquant que le fisc cantonal ait alors procédé de son côté à des demandes de sûretés et séquestres fiscaux afin de garantir ses prétentions fiscales.

C’était au terme de la procédure d’enquête menée par la DAPE que l’AFC-GE avait procédé aux deux demandes de sûretés le 8 décembre 2021, dont les montants
avaient été fixés sur la base du rapport d’enquêtes du 15 décembre 2021.

f. Par décisions du 15 novembre 2022, notifiées le 17 novembre 2022, l’AFC-GE a partiellement admis les réclamations, en tant que les bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD 2005 et 2006 étaient totalement dégrevés. Ceux relatifs à l’ICC et l’IFD 2007 et 2008 étaient corrigés, de même que les bordereaux d’amende ICC et IFD 2008 selon la correction des bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD 2008. En revanche, les bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD 2009, les bordereaux de taxation ICC et IFD 2010 à 2014, et les bordereaux d’amende ICC et IFD 2010 à 2014 étaient maintenus.

Pour 2007, le rappel d’impôt et les intérêts sur rappel s’élevaient en ICC respectivement à CHF 184'855.55 et CHF 64'327.70, et en IFD respectivement à CHF 65'790.- et CHF 29'632.90.

Pour 2008, le rappel d’impôt et les intérêts sur rappel s’élevaient en ICC à
CHF 155'074.35, respectivement CHF 49'001.75, et en IFD à CHF 55'513.50 respectivement CHF 22'789’85. La quotité de l’amende était fixée à 1.5 et s’élevait à CHF 232'611.- pour l’ICC et CHF 83’270.- pour l’IFD.

C. a. Par acte expédié le 30 décembre 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), la contribuable a recouru contre ce jugement. Elle a conclu, préalablement, à la tenue d’une audition de plaidoiries et, principalement, à la récusation de I______, juge assesseur auprès du TAPI, et à l’annulation des décisions de sûretés. Subsidiairement, elle a requis la suspension de la présente procédure jusqu’à droit jugé dans la procédure pénale fédérale SV7______, puis l’annulation du jugement du TAPI et des décisions précitées.

I______ avait été directeur des affaires fiscales de l’AFC-GE de 1991 à 2004, puis directeur général de celle-ci de 2005 à 2007. Les faits litigieux remontaient à une période où celui-ci était en fonction. Il ne pouvait ainsi être juge et partie.

Le jugement se fondait sur le rapport de la DAPE du 15 décembre 2021. Celui-ci faisait cependant l’objet d’une plainte pendante devant le Tribunal pénal fédéral
(ci-après : le TPF). En effet, C______ avait déposé une plainte pénale contre les signataires des rapports du 15 décembre 2021 pour faux dans les titres commis dans l’exercice de fonctions publiques. Le 23 novembre 2022, le Ministère public de la Confédération (ci-après : MPC) avait rendu une ordonnance de
non-entrée en matière, contre laquelle un recours avait été interjeté le
5 décembre 2022.

Ainsi, aucune décision sur les sûretés ne pouvait être prise sur la base de ce rapport, dont le fondement pourrait relever d’une infraction pénale. Il convenait d’attendre l’issue de cette procédure, et donc de suspendre la présente procédure.

L’AFC-GE n’avait toujours pas rendu de décision de taxation, alors que l’enquête fiscale avait débuté en juin 2015. La procédure fiscale s’éternisait et ne faisait plus l’objet d’avancées notables. Elle se heurtait ainsi au principe de la proportionnalité, de sorte que la levée des sûretés devait être prononcée.

b. Dans sa réponse du 24 février 2023, l’autorité intimée a conclu à ce qu’il lui soit donné acte de son engagement à réduire le montant des sûretés et à les fixer à
CHF 3'898'566.- plus intérêts à 2.51% sur CHF 1'889'988.- dès le 8 décembre 2021 pour l’ICC 2008 à 2014, et de son engagement à réduire le montant des sûretés et à les fixer à CHF 1'765'702.- plus intérêts à 3% sur CHF 803'245.- dès le
8 décembre 2021 pour l’IFD 2008 à 2014. Pour le surplus, elle a conclu au rejet du recours.

Le 17 novembre 2022, des décisions sur réclamation avaient été rendues. Les bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD 2005 et 2006 avaient été totalement dégrevés. Ceux relatifs à l’ICC et l’IFD 2007 et 2008 avaient été corrigés, de même que les bordereaux d’amende ICC et IFD 2008. Les bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD 2009, les bordereaux de taxation ICC et IFD 2010 à 2014, et les bordereaux d’amende ICC et IFD 2010 à 2014 avaient été maintenus. Des recours avaient été interjetés contre ces décisions.

Il n’y avait pas lieu de procéder à une audience de plaidoiries, l’art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) ne trouvant pas application pour la demande de sûretés. Aucun élément ne permettait de remettre en cause l’impartialité du juge assesseur en question. Les procédures de rappel d’impôt avaient été ouvertes bien après que celui-ci ait quitté l’AFC-GE. La procédure pénale en cours demeurait sans incidence sur la présente procédure, de sorte qu’il n’y avait pas lieu à suspension de celle-ci dans l’attente de celle-là.

Le principe de célérité avait été respecté, la demande de sûretés ne datant que de décembre 2021 et les décisions de taxation ayant été rendues en décembre 2018 et décembre 2021, puis sur réclamation le 17 novembre 2022.

La prescription de l’année fiscale 2007 justifiait de réduire les sûretés du montant estimé pour 2007 de CHF 203'685.- pour l’ICC et de CHF 128'983.-
(CHF 86'566.- + CHF 42'417.-) pour l’IFD.

c. Le 9 mars 2023, le TPF a rejeté le recours introduit par C______ contre l’ordonnance de non-entrée en matière rendue dans la procédure pénale SV7______.

d. Dans sa réplique, la recourante a fait valoir que les sûretés présentaient des composantes tant civiles que pénales. Elle maintenait sa demande d’audience publique. Les procédures de taxation avaient été conduites alors que le juge assesseur exerçait des fonctions auprès de l’AFC-GE. Le rapport de la DAPE ne contenait que des affirmations des enquêteurs, qui devaient encore être analysées, vérifiées et discutées. Il ne pouvait donc servir de base à la fixation de sûretés.

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La recourante sollicite la tenue d’une audience publique au sens de l’art. 6 CEDH.

Or, de jurisprudence constante, les garanties issues de l’art. 6 CEDH ne s’appliquent pas en matière de sûretés fiscales. Il s’agit de mesures provisoires auxquelles cet article n’est pas applicable (ATF 129 I 103 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A_373/2003 consid. 2).  L'art. 6 CEDH ne s'applique pas non plus aux dettes d'impôt, car les obligations patrimoniales à l'égard de l'État relèvent exclusivement du droit public et ne représentent pas des « droits et obligations à caractère civil » au sens de l'art. 6 § 1 CEDH (ACEDH Ferrazzini c. Italie du 12 juillet 2001, req. n° 44759/98, Rec. 2001-VII ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.34/2004 du 17 février 2005 consid. 4.3).

Il ne sera donc pas fait droit à la demande de tenir une audience publique.

3.             Le TPF ayant statué sur le recours formé contre la décision de non-entrée en matière du MPC, la demande de suspension de la présente procédure dans l’attente de l’issue de la procédure pénale est devenue sans objet.

La recourante n’en a d’ailleurs plus fait mention dans ses dernières écritures.

4.             La contribuable fait valoir que le juge assesseur I______ aurait dû se récuser, dès lors qu’il avait été directeur des affaires fiscales de l’AFC-GE de 1991 à 2004, puis directeur général de celle-ci de 2005 à 2007.

4.1 La garantie minimale d’un tribunal indépendant et impartial, telle qu’elle résulte des art. 30 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du
18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 6 § 1 CEDH lesquels ont, de ce point de vue, la même portée permet, indépendamment du droit de procédure, de demander la récusation d’un juge dont la situation ou le comportement est de nature à susciter des doutes quant à son impartialité. Elle n’impose pas la récusation seulement lorsqu’une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l’apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles de l’une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 140 III 221 consid. 4.1).

4.2 En droit administratif genevois, l’art. 15A LPA prévoit que les juges doivent, notamment, se récuser s’ils ont agi dans la même cause à un autre titre, notamment comme membre d’une autorité, comme conseil juridique d’une partie, comme expert, comme témoin ou comme médiateur (al. 1 let. b) ou s’ils pourraient être prévenus de toute autre manière, notamment en raison d’un rapport d’amitié ou d’inimitié avec une partie ou son représentant (al. 1 let. f). Les juges, les membres des juridictions et les membres du personnel des juridictions qui se trouvent dans un cas de récusation sont tenus d’en informer sans délai le président de leur juridiction (art. 15A al. 3 LPA). La demande de récusation doit en outre être présentée sans délai et par écrit à la juridiction compétente (art. 15A al. 4 LPA).

4.3 Selon un principe général, la partie qui a connaissance d’un motif de récusation doit l’invoquer aussitôt, sous peine d’être déchue du droit de s’en prévaloir ultérieurement, dès lors qu’il serait contraire aux règles de la bonne foi de garder en réserve le moyen tiré de la composition irrégulière de l’autorité pour ne l’invoquer qu’en cas d’issue défavorable de la procédure (ATF 140 I 271
consid. 8.4.3 ; ATA/185/2020 du 18 février 2020 consid. 4d et les références citées). Cela ne signifie toutefois pas que la composition concrète de l’autorité judiciaire amenée à statuer doive nécessairement être communiquée de manière expresse au justiciable. Il suffit que l’information ressorte d’une publication générale facilement accessible, en particulier sur Internet, par exemple l’annuaire officiel. Selon la jurisprudence, la partie assistée d’un avocat est en tout cas présumée connaître la composition régulière du tribunal (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1058/2017 du
5 février 2019 consid. 5.2 et les références citées).

4.4 En l’espèce, assistée d’un mandataire professionnellement qualifié, la recourante ne pouvait ignorer la composition du TAPI statuant dans un litige de nature fiscale, dans le cadre duquel il siège dans la composition d’un juge qui le préside et de deux juges assesseurs spécialisés dans les affaires fiscales (art. 115
al. 2 LOJ ; art. 44 LPFisc), ces derniers étant au nombre de douze (art. 1 let. a
du règlement fixant le nombre de juges assesseurs à élire au TAPI du 8 février 2018 - RNTAPI - E 2 05.07) et mentionnés nominativement sur le site Internet du Pouvoir judiciaire, sur la page dédiée à cette juridiction. Il lui appartenait ainsi de se manifester dès le dépôt de son recours pour demander la récusation du juge assesseur en question et ne pouvait attendre qu’un jugement soit rendu pour soulever ce point pour la première fois devant la chambre de céans. Le grief doit ainsi être écarté déjà pour ce motif.

En outre, la procédure de rappel d’impôt a été ouverte contre la recourante le
26 novembre 2015, soit plusieurs années après le départ de l’AFC-GE dudit juge assesseur. Rien ne permet ainsi d’admettre que ce dernier n’aurait pas tranché la cause en toute objectivité. Le grief sera donc écarté également pour ce motif.

5.             Se pose la question de savoir si les créances fiscales fondant les séquestres sont prescrites.

5.1 La prescription ou la péremption sont des questions de droit matériel que la chambre administrative, à l'instar du Tribunal fédéral, examine d'office lorsqu'elles jouent en faveur du contribuable (ATF 138 II 169 consid. 3.2 ; ATA/976/2021 du 21 septembre 2021 consid. 2a) tant pour l'IFD que les ICC, lorsque celles-ci se fondent sur le droit fédéral (ATF 138 II 169 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 4). Ces questions doivent également être examinées dans le cadre d'une demande de sûretés. Lorsqu'une créance fiscale est prescrite, elle n'est plus exigible, de sorte que des sûretés ne peuvent plus être requises pour la garantir (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1059/2020 du 17 août 2021 consid. 3.1 ; 2C_85/2020 du 6 octobre 2020 consid. 5.6.4).

5.2 Conformément à l’art. 120 LIFD, le droit de procéder à la taxation se prescrit par cinq ans à compter de la fin de la période fiscale. Les art. 152 et 184 sont réservés (al. 1). La prescription ne court pas ou est suspendue (al. 2) : pendant les procédures de réclamation, de recours ou de révision (let. a) ; aussi longtemps que la créance d’impôt est garantie par des sûretés ou que le recouvrement est ajourné (let. b) ; aussi longtemps que le contribuable ou une personne solidairement responsable avec lui du paiement de l’impôt n’a pas de domicile en Suisse ou n’y est pas en séjour (let. c). Un nouveau délai de prescription commence à courir
(al. 3) : lorsque l’autorité prend une mesure tendant à fixer ou faire valoir la créance d’impôt et en informe le contribuable ou une personne solidairement responsable avec lui du paiement de l’impôt (let. a) ; lorsque le contribuable ou une personne solidairement responsable avec lui reconnaît expressément la dette d’impôt (let. b); lorsqu’une demande en remise d’impôt est déposée (let. c) ; lorsqu’une poursuite pénale est introduite ensuite de soustraction d’impôt consommée ou de délit fiscal (let. d). La prescription du droit de procéder à la taxation est acquise dans tous les cas quinze ans après la fin de la période fiscale (al. 4).

En vertu de l’art. 151 al. 1 LIFD, lorsque des moyens de preuve ou des faits
jusque-là inconnus de l’autorité fiscale lui permettent d’établir qu’une taxation n’a pas été effectuée, alors qu’elle aurait dû l’être, ou qu’une taxation entrée en force est incomplète ou qu’une taxation non effectuée ou incomplète est due à un crime ou à un délit commis contre l’autorité fiscale, cette dernière procède au rappel de l’impôt qui n’a pas été perçu, y compris les intérêts.

Aux termes de l’art. 152 LIFD, le droit d’introduire une procédure de rappel d’impôt s’éteint dix ans après la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n’a pas été effectuée, alors qu’elle aurait dû l’être, ou pour laquelle la taxation entrée en force était incomplète (al. 1). L’introduction d’une procédure de poursuite pénale ensuite de soustraction d’impôt ou de délit fiscal entraîne également l’ouverture de la procédure de rappel d’impôt (al. 2). Le droit de procéder au rappel de l’impôt s’éteint 15 ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapporte (al. 3).

5.3 À teneur de l’art. 53 de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), le droit d’introduire une procédure de rappel d’impôt s’éteint dix ans après la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n’a pas été effectuée alors qu’elle aurait dû l’être ou pour laquelle la taxation entrée en force était incomplète (al. 2). Le droit de procéder au rappel de l’impôt s’éteint quinze ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapporte (al. 3).

5.4 En matière d'ICC, l’art. 61 LPFisc prévoit que le droit d’introduire une procédure de rappel d’impôt s’éteint dix ans après la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n’a pas été effectuée, alors qu’elle aurait dû l’être, ou pour laquelle la taxation entrée en force était incomplète (al. 1). L’introduction d’une procédure de poursuite pénale ensuite de soustraction d’impôt ou de délit fiscal entraîne également l’ouverture de la procédure de rappel d’impôt (al. 2). Le droit de procéder au rappel de l’impôt s’éteint quinze ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapporte (al. 3).

5.5 Selon la jurisprudence, toutes les mesures des autorités tendant à la fixation de la prétention fiscale et portées à la connaissance du contribuable, de mêmes que de simples lettres ou injonctions, interrompent le délai de prescription. La notion d'acte tendant au recouvrement de la créance peut même comprendre des communications officielles qui n'annoncent qu'une taxation ultérieure et dont le but se limite précisément à interrompre le cours de la prescription (ATF 139 I 64 consid. 3.3 ; 137 I 273 consid. 3.4.3 ; 126 II 1 consid. 2c ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_810/2017 du 16 août 2018 consid. 4.1 et 4.2).

5.6 En l'occurrence, les créances fiscales relatives à l’année 2007 sont prescrites, comme admis par l’intimée. La recourante ne fait à juste titre pas valoir que le droit de procéder au rappel d'impôt et de taxer les années fiscales 2008 à 2014 serait éteint, dès lors qu’un avis d'ouverture des procédures de rappel d'impôt et de taxation lui a été notifié le 26 novembre 2015, et que la prescription a par la suite été régulièrement interrompue. Le délai de péremption de dix ans a ainsi été respecté. Le délai de prescription absolu de quinze ans pour procéder au rappel d'impôt n'est pas non plus échu pour les années 2008 à 2014.  

5.7 Avant le 1er janvier 2017, la poursuite pénale de la soustraction consommée se prescrivait dans tous les cas par quinze ans à compter de la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'avait pas été effectuée ou l'avait été de façon incomplète, ce délai ne pouvant être prolongé (ancien art. 184 al. 1 let. b LIFD et art. 333 al. 6 let. b du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 [CP - RS 311.0]) ;
ATF 134 IV 328). La prescription était en outre interrompue par tout acte de procédure tendant à la poursuite du contribuable (ancien art. 184 al. 2 LIFD). Pour sa part, la poursuite de la tentative de soustraction se prescrivait par six ans à compter de la clôture définitive de la procédure au cours de laquelle la tentative de soustraction avait été commise (ancien art. 184 al. 1 let. a et al. 2 LIFD).

Depuis le 1er janvier 2017, la poursuite pénale se prescrit, en cas de soustraction d'impôt consommée, au plus tôt, par dix ans à compter de la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'a pas été effectuée ou l'a été de façon incomplète
(art. 184 al. 1 let. b ch. 1 LIFD). S'agissant de la tentative de soustraction, la poursuite pénale se prescrit toujours par six ans à compter de la clôture définitive de la procédure au cours de laquelle la tentative de soustraction a été commise
(art. 184 al. 1 let. a LIFD). Selon l'art. 184 al. 2 LIFD actuellement en vigueur, la prescription ne court plus si une décision a été rendue par l'autorité cantonale compétente (art. 182 al. 1 LIFD) avant l'échéance du délai de prescription.

En vertu des art. 205f LIFD et 78f LHID, le nouveau droit est applicable au jugement des infractions commises au cours des périodes fiscales précédant le
1er janvier 2017 s'il est plus favorable que le droit en vigueur au cours de ces périodes fiscales. Dans la mesure où il empêche la prescription de courir, en particulier durant la procédure devant le Tribunal fédéral, le nouveau droit se révèle être en principe moins favorable aux contribuables que l'ancien droit. Il est en revanche plus favorable si aucune décision n'a été rendue dans les dix ans à compter de la fin de la période fiscale (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du
24 juin 2020 consid. 4.3 ; 2C_444/2018 du 31 mai 2019 consid. 4.3 et les références citées).

5.8 L'art. 58 al. 1, al. 2 let. a et al. 3 LHID, en vigueur depuis le 1er janvier 2017, a un contenu identique à celui de l'art. 184 LIFD ; il est directement applicable si les cantons n'ont pas adapté leur législation au 1er janvier 2017 (art. 72s LHID ;
cf. art. 77 LPFisc dont l'al. 2 diffère de l'art. 58 al. 3 LHID). La poursuite pénale pour tentative de soustraction d'impôt se prescrit par quatre ans à compter de la clôture définitive de la procédure au cours de laquelle la tentative a été commise (art. 77 al. 1 let. a LPFisc).

5.9 En l'espèce, il ressort du courrier de l’intimée du 26 novembre 2015 et du rapport de la DAPE que des procédures pour soustraction d’impôt ont été ouvertes concernant les années 2005 à 2009 et pour tentative de soustraction pour les années 2010 à 2014. L’intimée a notifié à la recourante un bordereau d’amende ICC et IFD le 14 décembre 2018 pour 2008, respectant ainsi le délai de prescription de dix ans pour cette année fiscale. S’agissant de 2009, elle s’est engagée, dans le cadre de la procédure devant le TAPI, à déduire du montant les amendes ICC et IFD, cette année étant atteinte par la prescription. Quant à la poursuite pénale pour l'infraction de tentative de soustraction d'impôt reprochée à la recourante pour les périodes fiscales 2010 à 2014, le délai de prescription n'a pas encore commencé à courir, dès lors que les bordereaux relatifs à ces années ne sont pas encore entrés en force.

6.             Il convient ensuite d’examiner le bien-fondé des demandes de sûretés.

6.1 Les sûretés destinées à garantir l'impôt fédéral direct sont régies par
l'art. 169 LIFD. Si le contribuable n'a pas de domicile en Suisse ou que les droits du fisc paraissent menacés, l'administration cantonale de l'impôt fédéral direct peut exiger des sûretés en tout temps et même avant que le montant d'impôt ne soit fixé par une décision entrée en force. La demande de sûretés indique le montant à garantir ; elle est immédiatement exécutoire. Dans la procédure de poursuite, elle produit les mêmes effets qu'un jugement exécutoire (art. 169 al. 1 LIFD).

6.2 L'art. 78 LHID prévoit que les cantons peuvent disposer que les décisions de sûretés des autorités fiscales cantonales compétentes sont assimilées à des ordonnances de séquestre au sens de l'art. 274 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP - RS 281.1). La LHID ne prévoit donc pas de règle d'harmonisation contraignante pour les cantons en matière de sûretés (arrêt du Tribunal fédéral 2C_85/2020 précité consid. 6).

Toutefois, tant l'art. 38 al. 1 de la loi relative à la perception et aux garanties des impôts des personnes physiques et des personnes morales du 26 juin 2008
(LPGIP - D 3 18), en vigueur depuis le 1er janvier 2009 (et donc applicable aux sûretés litigieuses des périodes fiscales 2009 à 2015) que l'art. 371A de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 (LCP - D 3 05 ; applicable aux sûretés litigieuses pour la période fiscale 2008) reprennent les termes de l'art. 169 al. 1 LIFD. Les principes exposés en matière d'IFD ont ainsi également vocation à s'appliquer à l'ICC (ATF 145 III 30 consid. 7.3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1057/2020 du 17 août 2021 consid. 7.1 ; 2C_85/2020 précité
consid. 6.1).

6.3 L'autorité fiscale est chargée d'encaisser les impôts dus. En cas de besoin, elle peut exiger des garanties de la part du contribuable, sous la forme notamment d'une demande de sûretés, assimilable à une ordonnance de séquestre ; vu sa nature, la demande de sûretés en matière d'impôt constitue une mesure provisionnelle de droit public, qui peut régler une situation de façon temporaire en attente d'une décision principale ultérieure ou intervenir une fois la décision de taxation entrée en force (ATF 134 II 349 consid. 1). Les sûretés au sens de l'art. 169 LIFD ne constituant qu'une mesure provisionnelle, elles n'ont pas d'influence sur l'existence ni sur le montant de la créance fiscale et ne préjugent en rien de celle-ci (arrêts du Tribunal fédéral 2C_689/2019 du 15 août 2019 consid. 2.2.7 ; 2C_669/2016 du
8 décembre 2016 consid. 2.3.2).

Selon la jurisprudence, pour qu'une demande de sûretés au sens de l'art. 169
al. 1 LIFD soit valable, il est nécessaire : 1) que l'un des cas de séquestre mentionnés dans cette disposition soit réalisé, à savoir l'absence de domicile en Suisse ou le fait que les droits du fisc paraissent menacés, 2) que l'existence de la créance fiscale paraisse vraisemblable et 3) que le montant de la garantie exigée ne se révèle pas manifestement exagéré (arrêt du Tribunal fédéral 2C_85/2020 précité consid. 5.1 et références).

6.3.1 L'art. 169 al. 1 LIFD prévoit deux hypothèses pouvant donner lieu à des sûretés. L'hypothèse générale est celle dans laquelle le paiement de la créance fiscale apparaît menacé. Dans le cadre de l'hypothèse spéciale, la loi admet également la constitution de sûretés dans les cas où le contribuable n'a pas de domicile en Suisse, ce qui se justifie dans la mesure où une créance de droit public de la Confédération, d'un canton ou d'une commune ne peut donner lieu à une exécution forcée hors de Suisse (arrêts du Tribunal fédéral 2C_543/2018 du
30 octobre 2018 consid. 2 ; 2C_669/2016 précité consid. 2.1).

Dans l'hypothèse générale, il suffit que le recouvrement de la créance fiscale paraisse objectivement « menacé » au regard de l'ensemble des circonstances pour que l'une des conditions posées à l'exigence de sûretés par le fisc soit réunie (arrêts du Tribunal fédéral 2C_115/2017 du 30 mai 2017 consid. 6.2 ; 2A.611/2006 du
18 avril 2007 consid. 4.1).

La seule déclaration incomplète du revenu ou de la fortune imposable, de même que la seule soustraction fiscale ne suffisent pas, en tant que telles, à retenir la mise en danger des droits du fisc. En revanche, la dissimulation systématique par le contribuable de sa situation de revenu et de fortune, en particulier la mise de côté d'argent liquide pour un montant de plusieurs centaines de milliers de francs permet de conclure à une mise en danger objective des droits du fisc. Parle aussi en faveur d'une telle conclusion le fait que le patrimoine du contribuable soit facilement réalisable ou transférable à l'étranger. Si le fait de posséder une nationalité étrangère ne permet pas à lui seul de retenir une mise en danger des droits du fisc, il convient de considérer à cet égard le maintien par le contribuable de relations de famille et d'affaires avec son (autre) pays d'origine (arrêt du Tribunal fédéral 2A.746/2004 du 16 juin 2005 consid. 3.1 et les arrêts cités).

L'art. 169 LIFD n'exige pas que le contribuable ait adopté un comportement ou une manière d'agir spéciale ; il suffit que le paiement de la créance fiscale apparaisse objectivement menacé, sur la base de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce. C'est le cas notamment lorsque l'activité soumise à l'impôt permet au contribuable de se soustraire le cas échéant à l'exécution forcée de sa créance par le dessaisissement ou le transfert à l'étranger de valeurs patrimoniales, ou lorsque le contribuable travestit systématiquement sa situation patrimoniale aux autorités de taxation. Pour juger du danger que le contribuable se soustraie à ses obligations fiscales, la facilité de vente et la mobilité des actifs existant revêtent une grande importance. Le comportement passé du contribuable peut aussi constituer un indice de la mise en danger de la créance fiscale, en particulier le dépôt de requêtes dilatoires, la remise de comptes incomplets ou l'absence de transmission des documents requis (arrêt du Tribunal fédéral 2A.237/2006 du 9 janvier 2007
consid. 2.2 et les arrêts cités).

6.3.2 Le niveau de preuve exigé concernant l'existence de la créance fiscale est celui de la simple vraisemblance. L'existence de celle-ci se détermine sur la base d'un examen préjudiciel et prima facie de la situation. L'art. 169 al. 1 LIFD n'exige pas que les montants réclamés soient fixés définitivement (« même avant que le montant d'impôt ne soit fixé par une décision entrée en force »). Lorsque la créance n'est pas définitive, le montant présumé de l'impôt fait l'objet d'un examen sommaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_85/2020 précité consid. 5.1 et références).

La loi prévoit expressément qu'il n'y a pas lieu d'attendre une décision entrée en force pour exiger des sûretés ; dès lors, en cas de rappel d'impôt, il convient d'examiner si les reprises effectuées par le fisc et éventuellement contestées par le contribuable doivent être tenues pour plausibles (arrêt du Tribunal fédéral 2A.446/2006 du 9 mars 2007 consid. 5.1 ; ATA/1851/2019 du 20 décembre 2019 consid. 4c), étant précisé qu'elles ne doivent pas être manifestement exagérées (Peter LOCHER, Kommentar zum Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, vol. III, 2015, n. 37 ad art. 169 LIFD).

Lorsqu'ils doivent statuer sur un recours portant sur une demande de sûretés, le Tribunal fédéral, tout comme la chambre de céans, limitent leur examen à un contrôle prima facie de la situation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1057/2020 précité consid. 5.2 ; 2C_85/2020 précité consid. 6.1).

6.3.3 L’art. 185 al. 1 LIFD prévoit que les amendes et les frais résultant de la procédure pénale sont perçus selon les art. 160 et 163 à 172 LIFD. Dès lors que cette disposition renvoie notamment à l'art. 169 LIFD, les sûretés prévues par cette disposition peuvent aussi porter sur des créances d'amende, y compris celles qui n'ont pas encore été prononcées dont le montant est alors estimé (ATF 145 III 30 consid. 7.3.1 et 7.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1059/2020 précité
consid. 6.2.1 ; Pierre CURCHOD, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], commentaire romand, IFD, 2e éd. 2017, n. 3 ad art. 169 LIFD).

Les demandes de sûretés servent à garantir le paiement des amendes envisagées, mais ne préjugent en rien de la culpabilité du contribuable, de sorte que la présomption d'innocence n'est ainsi pas violée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1059/2020 précité consid. 6.2.2).

6.4 La garantie de la propriété est ancrée à l'art. 26 al. 1 Cst. Elle n'est toutefois pas absolue. Comme tout droit fondamental, elle peut être restreinte aux conditions fixées à l'art. 36 Cst. La restriction doit ainsi reposer sur une base légale (al. 1), être justifiée par un intérêt public (al. 2) et respecter le principe de la proportionnalité (al. 3). Ce principe exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude), que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins contraignante (règle de la nécessité) et qu'il existe un rapport raisonnable entre le but visé et les intérêts publics ou privés compromis (règle de la proportionnalité au sens étroit) (ATF 141 I 20 consid. 6.2.1 ; 140 I 168
consid. 4.2.1 ; 135 I 233 consid. 3.1).

La garantie de la propriété n'empêche en principe pas le prononcé de restrictions provisoires (séquestre civil, pénal ou administratif) destinées à assurer l'exécution de décisions finales ultérieures (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1059/2020 précité consid. 6.2.3 ; 1C_6/2016 du 27 mai 2016 consid. 3.8). L'exécution de la demande de sûreté ou du séquestre conduit à une restriction du droit de propriété. La réalisation anticipée d'un bien séquestré ou dans le cadre d'une poursuite en prestation de sûretés constitue une atteinte grave à la garantie de la propriété, de sorte qu’il convient d'examiner si les conditions de l'art. 36 al. 1 Cst. sont remplies (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1059/2020 précité consid. 6.2.4 ; 1B_461/2017 du
8 janvier 2018 consid. 2.1).

7.             En l’espèce, il n’est pas contesté que la recourante a son siège aux B______, qu’elle n’est pas inscrite au registre du commerce en Suisse et qu’elle n’y a pas de domicile ni d’actif immobilisé. Étant donné qu’elle ne dispose que d’une fortune mobilière pouvant facilement être transférable à l’étranger, il convient de considérer que les droits du fisc son objectivement menacés.

7.1 Le cas de séquestre étant réalisé, il convient d’examiner les autres conditions de validité de la demande de sûretés, à savoir la vraisemblance des créances fiscales en cause et l’adéquation du montant de la garantie exigée.

7.2 Les éléments de faits retenus dans le jugement du TAPI permettent, prima facie, de constater la vraisemblance de la créance.

Il ressort en effet du rapport détaillé de la DAPE, établi à l’issue d’une enquête approfondie, que la recourante devait être assujettie en Suisse. En effet, bien que constituée et ayant son siège social aux B______, elle disposait d’un bureau de représentation à Genève, dans les locaux professionnels de son actionnaire, C______. L’activité principale de la recourante, qui consistait à diriger et gérer plusieurs fonds de placement, avait été exercée à Genève par C______ au nom et pour le compte de la recourante. Les activités d’apporteur d’affaires auprès d’une banque dépositaire des fonds de placement relevaient du rôle de l’actionnaire précité, en tant que gérant de fortune indépendant en charge des relations bancaires des clients listés dans les contrats conclus entre la banque dépositaire et la recourante. Ces activités avaient été exercées à Genève par C______, qui avait cédé à la recourante les produits de son activité d’apporteur d’affaires. Les opérations fiduciaires avaient été mises en place et administrées à Genève. Les contrats étaient signés par C______ au nom et pour le compte de la recourante, qui avait perçu des commissions fiduciaires. Les bureaux de la recourante à Genève abritaient des documents signés pour la plupart par C______, ce qui permettait de conclure qu’ils avaient été conservés à cet endroit depuis leur édition. Ainsi, les diverses activités de la recourante avaient été menées par ses organes, principalement par les membres de son conseil d’administration, qui étaient aussi ses actionnaires. Concernant les activités exercées en Suisse, c’était C______ qui en avait été le principal animateur. Il était le seul des actionnaires qui habitait effectivement en Suisse et avait siégé à tous les conseils d’administration de la recourante, avec un autre de ses membres. Compte tenu de l’existence d’un établissement stable en Suisse, la recourante devait être assujettie aux impôts en Suisse et imposée sur les résultats des activités qu’elle y avait menées. En ne déclarant pas les bénéfices provenant de son activité commerciale exercée en Suisse, elle avait commis des tentatives de soustraction d’impôt pour les périodes fiscales 2010 à 2014.

Compte tenu de ces éléments, l’existence d’une créance fiscale apparaît vraisemblable.

7.3 S’agissant des montants des sûretés, les garanties exigées par l’intimée ont été précisément déterminées sur la base des bénéfices imposables non déclarés estimés par la DAPE dans son rapport du 15 décembre 2021 pour les années déterminantes.

À toutes fins utiles, il sera rappelé que la DAPE a expliqué s’être écartée de la comptabilité de la recourante, qui n’était pas probante, et avoir considéré que la société aurait réalisé un bénéfice imposable en Suisse au moins égal aux montants des prestations qui avaient été accordées à C______, en sa qualité d’actionnaire. Celui-ci a été entendu à maintes reprises et a été invité à produire des pièces justificatives.

Les montants ainsi déterminés sur la base des bénéfices imposables retenus par la DAPE ne paraissent donc pas disproportionnés.

En ce qui concerne les amendes, arrêtées à 1.5 fois les montants soustraits, elles paraissent conformes aux dispositions légales y relatives qui prévoient que leur quotité est, en général, fixée au montant de l'impôt soustrait, mais peut, si la faute est grave, être triplée (art. 175 al. 2 LIFD, 56 al. 2 LHID et 69 al. 2 LPFisc). L’intimée a notamment tenu compte du fait que la recourante était une structure offshore qui avait pour but de servir d’écran afin de dissimuler les véritables acteurs et bénéficiaires des prestations appréciables en argent versées par celle-ci. Elle avait été constituée et avait son siège social dans une juridiction très connue pour son absence de fiscalité. En tant qu’administrateur de la recourante, C______ avait fait en sorte que des montants importants d’impôt soient soustraits durant de très nombreuses années. De par sa formation et son expérience professionnelles, il ne faisait aucun doute que cet homme d’affaires expérimenté savait que les activités exercées en Suisse entraînaient des obligations fiscales. Il avait donc sciemment omis d’annoncer la société et de déclarer les résultats et la situation patrimoniale de celle-ci auprès des autorités fiscales. Il ne pouvait qu’avoir agi intentionnellement en ne déclarant pas des revenus et éléments de fortune importants. En outre, il avait fait preuve d’une attitude persistante consistant à ne pas reconnaître ses fautes et les conséquences de ses actes. Il n’avait manifesté aucun regret ni repentir, et n’avait pas hésité à présenter des déclarations contradictoires tout au long de la procédure de la DAPE. Aucune circonstance atténuante n’avait été retenue. Enfin, la situation financière de la recourante était très bonne.

Partant, les amendes telles que fixées par l’intimée, puis confirmées sur réclamation, n’apparaissent ainsi, prima facie, pas excessives.

7.4 En outre, la restriction à la garantie de la propriété repose sur une base légale suffisante (art. 169 LIFD, en lien avec les art. 38 al. 1, 67, 69 et 88 ss LP). Les mesures de sûretés en cause visent à garantir le paiement d’éventuelles créances d’impôt et d'amendes pour soustraction et tentatives de soustraction fiscale et relèvent donc d’un intérêt public. Enfin, les demandes de sûretés ont un caractère provisoire. La recourante reste propriétaire des montants séquestrés et biens séquestrés et peut éviter la réalisation des biens saisis en fournissant d'autres sûretés.

Il est encore observé à cet égard que la recourante n’a pas proposé de mesures de substitution, telles que la fourniture de cautions ou de garanties bancaires, permettant la levée du séquestre.

Compte tenu de la prescription des créances fiscales relatives à l’année 2007, d’un montant total de CHF 203'685.- pour l’ICC et de CHF 128'983.- (CHF 86'566.- + CHF 42'417.-) pour l’IFD, il convient de déduire ces montants des demandes de sûretés, comme l’intimée s’est d’ailleurs proposée de le faire.

Il lui en sera ainsi donné acte.

8.             La recourante succombe tant sur le principe des sûretés que sur l’essentiel de leur quotité, qui est réduite uniquement en raison de la prescription d’une partie des créances en cause. Elle doit ainsi supporter un émolument de CHF 2'000.- (art. 87 al. 1 LPA) et ne se verra allouer aucune indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 décembre 2022 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 novembre 2022 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

donne acte à l’administration fiscale cantonale de ce que la demande de sûretés s’élève, pour l’ICC 2008 à 2014, à CHF 3'898'566.- plus intérêts à 2.51% sur CHF 1'889'988.- dès le 8 décembre 2021 et, pour l’IFD 2008 à 2014, à CHF 1'765'702.- plus intérêts à 3% sur CHF 803'245.- dès le 8 décembre 2021;

annule le jugement attaqué dans cette mesure ;

le confirme pour le surplus ;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Charles PONCET et Stéphane GRODECKI, avocats de la recourante, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale de contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le  la greffière :